Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Estrie

Sherbrooke, le 23 janvier 2003

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

188962-05-0208

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Me François Ranger

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

118239649

AUDIENCE PRÉVUE LE :

15 janvier 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Sherbrooke

 

 

 

 

 

 

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PAUL VALLÉE INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 12 août 2002, Paul Vallée inc. (l'employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l'encontre d'une décision rendue le 19 juillet 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d'une révision administrative.

[2]               Par celle-ci, la CSST confirme sa décision initiale du 9 avril 2002 en déclarant qu'elle est fondée de refuser d'accorder le partage du coût des prestations que l'employeur a sollicité dans le cadre de l'indemnisation de la lésion professionnelle du 11 juillet 2001 de monsieur André Blouin (le travailleur).

[3]               Avec l'assentiment de l'employeur, sa requête est examinée en fonction de la preuve documentaire et de l'argumentation de sa représentante (pièce E-1).

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[4]               L'employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu'il ne doit pas être imputé des prestations que la CSST a versées au travailleur entre les 16 octobre et 13 novembre 2001.

LES FAITS

[5]               Le 27 avril 2000, à la suite d'une chute, monsieur Blouin est victime d'une lésion professionnelle.  En effet, il est rapporté qu’il subit alors une contusion au thorax et une épicondylite interne droite.  Quelques semaines plus tard, il réintègre l'emploi de journalier qu'il occupe pour le compte de l'employeur.

[6]               Le 11 juillet 2001, à la suite d'une détérioration de son état, le travailleur est reconnu victime d’une rechute de sa lésion du 27 avril 2000.  Le lendemain, il doit subir une désinsertion des épicondyliens internes droits.

[7]               Au début du mois de septembre 2001, avec l'accord du médecin qui en a charge, l'employeur commence à assigner temporairement monsieur Blouin à de nouvelles occupations professionnelles.  Par contre, le 15 octobre 2001, il est mis fin à cette mesure de réadaptation.  En effet, le travailleur doit subir un pontage pour traiter une pathologie qui est étrangère à sa lésion professionnelle.  Sans cette intervention, il est acquis que monsieur Blouin aurait continué à assumer les tâches qu'il exerçait temporairement.  Compte tenu de ces développements, la CSST décide de recommencer à lui verser une indemnité de remplacement du revenu.

[8]               Le 13 novembre 2001, la dernière lésion professionnelle de monsieur Blouin est consolidée en l'absence d'atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles.  Par conséquent, la CSST déclare que le droit du travailleur de recevoir une indemnité de remplacement du revenu s'est éteint.

[9]               Le 23 novembre 2001, l'employeur demande à la CSST de ne pas lui imputer le coût de l'indemnité de remplacement du revenu qu'a reçue le travailleur après le 16 octobre 2001.  À cette fin, il lui rappelle que monsieur Blouin a dû cesser d'exercer toutes ses activités professionnelles en raison de sa chirurgie cardiaque.

[10]           Le 9 avril 2002, la CSST refuse cette demande.  Pour ce faire, elle expose que la maladie intercurrente du travailleur n'a pas eu pour effet de perturber l'évolution de sa lésion professionnelle du 11 juillet 2001.  En conséquence, l’organisme avise l’employeur que « la décision de vous imputer la totalité du coût des prestations demeure inchangée ».

[11]           Le 19 juillet 2002, à la suite d'une révision administrative, la CSST confirme sa position, d'où le dépôt de la requête de l'employeur.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[12]           Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le coût de l'indemnité de remplacement du revenu qui a été accordée à monsieur Blouin entre les 16 octobre et 13 novembre 2001 doit demeuré imputé à l'employeur.

[13]           Pour les fins de cet exercice, il faut retenir qu'il est démontré que le travailleur n'aurait pas touché les prestations en cause si son état de santé n'avait pas nécessité un pontage pour traiter une maladie intercurrente.  En effet, sans cette chirurgie cardiaque, il est prouvé qu'il aurait continué à être assigné temporairement à de nouvelles tâches jusqu'au jour où il aurait été jugé en mesure de réintégrer son emploi de journalier.  Il n'est pas inutile de signaler que cette assignation s'est inscrite dans le cadre de l'exercice d'un droit de l'employeur.  En effet, l'article 179 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (LATMP ) se lit comme suit :

179. L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que :

 

1   le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;

2   ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et

3   ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.

 

[...]

________

1985, c. 6, a. 179.

 

 

[14]           Dans ces circonstances, l'employeur plaide qu'il a droit au partage qu'il a revendiqué.  En effet, si cet avantage lui est nié, il soumet qu'il sera injustement obéré au sens de l'article 326 de la LATMP.  Cette disposition édicte ceci :

326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.

________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

 

 

[15]           À cet égard, on note que la Commission des lésions professionnelles reconnaît qu'un employeur peut bénéficier de l'une des exceptions qu'édicte cet article s'il prouve qu'il lui a été impossible de procéder à une assignation temporaire en raison d'une maladie intercurrente.  Par exemple, dans une décision de l’été dernier, elle a écrit ceci :

[...]

 

[ 29]     Selon la jurisprudence récente de la Commission des lésions professionnelles, l'expression « obérer injustement » retrouvée au deuxième alinéa de l'article 326 de la loi doit être interprétée dans le sens d'un fardeau financier indûment ou injustement onéreux compte tenu des circonstances en cause3.

 

[30]      Par ailleurs, en définissant ainsi cette notion, la jurisprudence reconnaît en effet qu'un employeur est obéré injustement lorsqu'il doit supporter les coûts afférents à l'indemnité de remplacement du revenu qui est versée à un travailleur alors qu'il ne peut faire le travail qui lui est assigné temporairement en raison d'une maladie intercurrente, soit une affection qui survient en cours d'évolution de la lésion professionnelle et qui est étrangère à celle - ci4.

 

[31]      Cependant, en pareilles circonstances, il ne suffit pas pour l'employeur d'alléguer que le travailleur aurait pu, à une époque donnée, bénéficier d'une assignation temporaire n'eût été d'une maladie intercurrente.

 

[32]      La preuve doit démontrer, de manière prépondérante, qu'une assignation temporaire était, dans les faits, disponible pour le travailleur, qu'elle a été offerte à ce dernier dans le respect des exigences imposées par l'article 179 de la loi et, le cas échéant, que le travailleur a été empêché d'exercer le travail auquel il aurait pu être assigné en raison d'une maladie intercurrente dont le caractère incapacitant est établi médicalement.

 

[...][2]

____________

3 Voir notamment : Joseph et C.A.E. Électronique et CSST, C.L.P. 103214-73-9807, 6 janvier 2000, C. Racine.

 

4 Voir notamment : Provigo Distribution (Div. Maxi), C.L.P. 156025-63-0102, 25 février 2002, J.M. Charrette; CHUM (Pavillon Hôtel-Dieu) de Montréal, C.L.P. 165080-63-0107, 25 mars 2002, J.M. Charette; Centre Hospitalier Pierre-Boucher, C.L.P. 148791-62-0010, 29 mars 2001, L. Vallières; Papiers Scott ltée et Charron, C.L.P. 138650-07-0005, 14 mars 2001, N. Lacroix; Métapro (9045‑9132 Québec inc.), C.L.P. 148108-62B-0010, 2 mai 2001, Alain Vaillancourt; Commission Scolaire Pierre Neveu, C.L.P. 155141-64-0102, 14 août 2001, M. Montplaisir; Protection Incendie Viking ltée, C.L.P. 161975-64-0105, 23 octobre 2001, G. Perreault; Les portes Lambton enr. et CSST, C.L.P. 159108-03B-0104, 12 novembre 2001, R. Jolicoeur; Ville de Montréal, C.L.P. 159989-71‑0104, 23 novembre 2001, C. Racine; Centre Hospitalier Pierre‑Boucher et CSST, C.L.P. 118148‑62B-9906, 21 août 2000, R. Jolicoeur; Hôtel-Dieu-Du-Sacré-Cœur De Jésus et Derosby et CSST, C.L.P. 136797-03B-0004 et 136803-03B-0004, 16 octobre 2000, R. Jolicoeur; Urgences Santé et CSST, C.L.P. 127763-63-9912, 30 novembre 2000, F. Dion-Drapeau; Le Groupe Canam Manac inc. et CSST, C.L.P. 119565-03B-9907, 9 décembre 1999, R. Jolicoeur; Corporation d'urgences santé de la région de Montréal Métropolitain et CSST, [1998] C.L.P. 824 .

[16]           En l'espèce, il faut reconnaître que l'employeur s'est acquitté du fardeau qui est exigé en cette matière.

[17]           D’autre part, même si l’article 326 de la LATMP réfère à la notion d’accident du travail alors que la demande qui nous intéresse s’inscrit à la suite d’une rechute, il n’y a pas lieu de priver l’employeur de l’avantage qu’il réclame.  En effet, il faut garder à l’esprit que c’est l’accident du travail du 27 avril 2000 qui est à l’origine de toute l’affaire.

[18]           Enfin, il est vrai que la demande de partage de l’employeur est logée bien après l’expiration du délai d’une année qu’édicte l’article 326 de la LATMP.  Par contre, on constate que sa recevabilité peut être analysée en regard des dispositions qu’édicte le Règlement sur la nouvelle détermination de la classification, de la cotisation d’un employeur et de l’imputation des coûts [3].  En effet, dans des circonstances semblables, il a été décidé ceci :

[...]

 

[65]  Ce règlement prévoit dans quels circonstances et délais et à quelles conditions la CSST peut déterminer de nouveau, entre autres, l’imputation du coût des prestations.

 

[66]  L’article 2 de ce règlement édicte que la CSST peut, de sa propre initiative et pour corriger toute erreur, déterminer de nouveau l’imputation des coûts dans les six mois de sa décision.

 

[67]  L’article 3 de ce même règlement précise que la CSST peut également, de sa propre initiative ou à la demande d’un employeur, déterminer de nouveau cette imputation si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel. La demande de l’employeur doit alors parvenir à la CSST dans les six mois de la connaissance par ce dernier d’un tel fait essentiel.

 

[68]  Cependant, selon l’article 2 du règlement, la nouvelle détermination de l’imputation doit s’effectuer au plus tard le 31 décembre de la cinquième année qui suit celle pendant laquelle l’accident est survenu [...].

 

[69]  Il peut sembler difficile de concilier les délais prévus à ce règlement et ceux proposés aux articles 326 (un an de la lésion professionnelle) et 329 (trois ans de l’année de la lésion professionnelle) de la loi.

 

[70]  La Commission des lésions professionnelles estime que la seule façon de donner un sens à ces différents délais est de conclure que, lorsque les délais prévus à la loi sont écoulés, la CSST ou l’employeur peuvent toujours initier une modification de l’imputation aux conditions et délais prévus au règlement.

 

[...][4]

[19]           Ainsi, si on applique les principes qu’énonce cette décision, il appert que la demande de partage du 23 novembre 2001 de l’employeur a été formée en temps utile.  En effet, moins de six mois se sont écoulés entre son dépôt et la connaissance du fait essentiel que constitue l’incapacité du travailleur à assumer les tâches qui lui étaient assignées temporairement en raison d’une chirurgie cardiaque.  De même, à l’époque pertinente, il est manifeste que la période de cinq ans que prévoit le règlement en cause n’était pas écoulée.  D’ailleurs, elle ne l’est toujours pas.

[20]           Compte tenu de ces éléments, il convient de faire droit à la requête de l’employeur.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de l’employeur, Paul Vallée inc.;

INFIRME la décision rendue le 19 juillet 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le coût de l’indemnité de remplacement du revenu qui a été versée à monsieur André Blouin entre les 16 octobre et 13 novembre 2001 doit être imputé aux employeurs de toutes les unités.

 

 

 

 

Me François Ranger

 

Commissaire

 

 

 

MUTUELLE DE PRÉVENTION (ASSIFQ)

(Me Marie-Claude Lavoie)

 

Représentante de la partie requérante

 



[1]  L.R.Q., c. A-3.001.

[2]          Au Dragon forgé inc., C.L.P. 176924-61-0201, 27 juin 2002, G. Godin.

[3]          1998, G.O.Q., 6435.

[4]          Le Salon Ford 1982 ltée, [2001] C.L.P. 323 , 331.

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