Décision

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St-Hilaire et Mondelez Canada inc.

2023 QCTAT 2529

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL

(Division de la santé et de la sécurité du travail)

 

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

1255804-71-2112

Dossier CNESST :

500404512

 

 

Montréal,

le 6 juin 2023

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE :

Danielle Tremblay

______________________________________________________________________

 

 

 

Patrick St-Hilaire

 

Partie demanderesse

 

 

 

et

 

 

 

Mondelez Canada inc.

 

Partie mise en cause

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

L’APERÇU

[1]                La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail reconnaît à titre de lésion professionnelle la déchirure du fascia du biceps droit que se fait le travailleur le ou vers le 18 février 2015, ainsi que le syndrome douloureux régional complexe du membre supérieur droit et le trouble d’adaptation avec humeur mixte sur douleur chronique[1] que l’on diagnostique ensuite.

[2]                Plusieurs traitements sont tentés afin d’aider à soulager la douleur chronique du travailleur, comme des blocs stellaires, des blocs veineux, de la médicamentation diverse, incluant de puissants narcotiques, sans que ces méthodes se révèlent efficaces.

[3]                L’on consolide la lésion professionnelle physique le 5 avril 2018 avec une atteinte permanente de 10 % et des limitations fonctionnelles qui rendent le travailleur incapable d’occuper un emploi. La lésion professionnelle psychologique est, pour sa part, consolidée le 4 avril 2019 avec un déficit anatomo-physiologique de 15 % sans limitations fonctionnelles additionnelles[2].

[4]                S’appuyant sur l’avis du professionnel de la santé qu’elle a désigné, la Commission refuse toutefois, le 5 novembre 2021, de rembourser au travailleur le coût du cannabis médical qu’on lui prescrit depuis le 11 avril 2019 afin de soulager sa douleur chronique. Le travailleur est en désaccord avec cette décision[3] et la conteste devant le Tribunal.

[5]                Le travailleur soulève une question préliminaire et soutient que la Commission était liée par l’avis du professionnel de la santé qui a charge plutôt que par l’opinion du professionnel de la santé qu’elle avait désigné. Cette façon de faire rend, selon lui, la procédure d’évaluation médicale irrégulière. Il considère de toute façon, sur le fond, avoir le droit au remboursement des cannabinoïdes qu’on lui prescrit, puisqu’il s’agit, à l’heure actuelle, du seul traitement capable de le soulager à tout le moins d’une partie de sa douleur chronique.

[6]                L’employeur, qui se représente seul à l’audience, ne formule pas de commentaire particulier à l’égard de la régularité de la procédure d’évaluation médicale. Il attire l’attention du Tribunal sur le fait que les traitements lui semblent être prescrits davantage en raison des effets des conditions personnelles du travailleur que de la lésion professionnelle. Il ajoute, comme l’affirme le professionnel de la santé désigné de la Commission, que la consommation de cannabis est contre-indiquée dans la situation du travailleur.

[7]                Le Tribunal constate que la procédure d’évaluation médicale est irrégulière, mais pour des motifs qui se distinguent de ceux qu’évoque le travailleur. Le Tribunal est en effet d’avis que la véritable irrégularité réside dans l’incapacité du Bureau d’évaluation médicale à désigner un membre dans un délai raisonnable. Le Tribunal demeure par ailleurs valablement saisi du litige médical relatif au traitement qu’on recommande au travailleur. Il conclut que le travailleur a le droit de se faire rembourser le coût du cannabis médical à compter du 11 avril 2019.

L’ANALYSE

[8]                Précisons d’abord certains faits, afin de cadrer le litige.

[9]                Le travailleur demande le remboursement du cannabis médical qu’on lui prescrit depuis le 11 avril 2019 en raison de ses douleurs chroniques.

[10]           Le 31 octobre 2019, le médecin-conseil de la Commission analyse les informations médicales colligées et indique qu’il est nécessaire d’obtenir une seconde opinion :

Réception de [l’information médicale complémentaire] par Dre Dequoy.

Dossier conforme pour faire demande [d’expertise médicale] selon l’article 204 sur le point 3 en lien avec l’usage de cannabis.

[11]           C’est ainsi que le docteur Giroux, orthopédiste et professionnel de la santé désigné de la Commission, se prononce sur la pertinence du traitement, qu’il ne recommande pas[4]. La docteure Dequoy, la professionnelle de la santé qui a charge du travailleur est en désaccord avec son opinion[5]. 

[12]           Après la levée du confinement relié à la pandémie de COVID-19, la Commission présente, le 17 août 2020, une demande au Bureau d’évaluation médicale afin qu’il désigne un membre capable de trancher le litige médical qui existe entre elle et le travailleur relativement à la question du traitement de cannabis.

[13]           Le Bureau d’évaluation médicale tarde toutefois à désigner un membre. La Commission effectue des suivis réguliers auprès du Bureau d’évaluation médicale, afin de déterminer quand il leur sera possible de le faire.

[14]           Lors de chacune de ces occasions, le Bureau d’évaluation médicale répond qu’il ne sera pas réaliste de l’envisager dans un avenir rapproché, à tout le moins, pas dans une perspective d’au moins six mois.

[15]           À la suite de cette dernière annonce, le 28 juillet 2021, la Commission se désiste de la demande du Bureau d’évaluation médicale et refuse le remboursement du cannabis médical en s’appuyant non pas sur l’avis de la docteure Dequoy, mais plutôt sur celui du docteur Giroux, leur médecin désigné :

Suite à la réponse du BEM, à l’effet qu’ils ne peuvent assigner un membre avant 6 mois, nous appliquons l’article 224.1 et retenons les conclusions de l’expertise 204.

Désistement faxé au BEM.

La procédure d’évaluation médicale est-elle irrégulière ?

[16]           Lutilisation du pouvoir qu’octroie le deuxième alinéa de l’article 224.1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[6], la Loi, à la Commission, constitue l’élément déclencheur de l’actuelle contestation.

[17]           Rappelons que cet alinéa autorise la Commission, lorsque le membre du Bureau d’évaluation médicale, une fois désigné, ne rend pas son avis dans le délai prévu (de 30 jours), à se rabattre sur l’avis de son professionnel de la santé désigné plutôt que sur celui qui a charge du travailleur.

[18]           Toutefois, dans le cas qui nous occupe, la Commission emprunte cette avenue non pas, comme l’autorise explicitement le deuxième alinéa de l’article 224.1 de la Loi, une fois la désignation faite, après que le délai de 30 jours est dépassé, mais plutôt parce que le Bureau d’évaluation médicale tarde à désigner un membre capable de trancher le litige médical.

[19]           La jurisprudence du Tribunal est partagée quant à la possibilité d’appliquer le deuxième alinéa de l’article 224.1 de la Loi à ces circonstances factuelles, puisqu’il ne s’agit pas de celles que prévoit explicitement cette disposition.

[20]           Pour les tenants du premier courant jurisprudentiel, cette manière de faire rend la procédure d’évaluation médicale irrégulière, alors que ceux du second considèrent que la Commission peut, au contraire, procéder de la sorte.

[21]           Le travailleur, à l’audience, s’appuie sur le premier des deux courants jurisprudentiels. Il invite le Tribunal à appliquer la solution que ces décideurs préconisent et à déclarer que la Commission était plutôt liée par les conclusions du professionnel de la santé qui a charge.

[22]           L’employeur, qui se représente seul, ne formule pas de commentaire particulier à l’égard de cet élément. La Commission n’est pas intervenue dans le dossier.

[23]           Le Tribunal, de son côté, constate lui aussi que la procédure d’évaluation médicale est irrégulière, mais pour des motifs qui se distinguent de ceux du travailleur ainsi que du courant jurisprudentiel sur lequel il s’appuie.

[24]           Par ailleurs, bien que le Tribunal soit en accord avec les motifs du deuxième courant jurisprudentiel, il nuance de manière importante la solution que ces décideurs retiennent.

[25]           En effet, le Tribunal est d’avis que l’incapacité du Bureau d’évaluation médicale à accomplir sa fonction dans un délai raisonnable rend la procédure d’évaluation médicale irrégulière. L’usage que fait la Commission du deuxième alinéa de l’article 224.1 de la Loi, en réaction à l’impasse dans laquelle elle se trouve, n’en est que la conséquence.

[26]           Bien qu’imparfaite, la démarche de la Commission n’est ni plus ni moins qu’une façon de faire aboutir la procédure d’évaluation médicale. Il s’agit d’un résultat conforme à l’intention qu’avait le législateur en adoptant les dispositions du chapitre VI de la Loi.

[27]           Par ailleurs, malgré l’irrégularité de la procédure d’évaluation médicale, le Tribunal s’estime tout de même valablement saisi du litige médical relatif au traitement que l’on prescrit au travailleur, puisqu’il s’agit de l’avenue la plus appropriée eu égard à l’ensemble de toutes ces circonstances.

Le principe d’interprétation moderne des lois

[28]           Avant toute chose, le Tribunal rappelle que la Loi instituant le Tribunal administratif du travail[7], la LITAT, lui confère le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l’exercice de sa compétence[8].

[29]           Afin de le faire, le Tribunal n’est pas lié par les prétentions des parties ou leur qualification du litige, comme celle du travailleur, qui considère que l’irrégularité réside dans l’application que fait la Commission du deuxième alinéa de l’article 224.1 de la Loi.

[30]           Par ailleurs, afin de rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu[9] et cerner l’intention du législateur, le Tribunal doit nécessairement se pencher sur les dispositions du chapitre VI, traitant de la procédure d’évaluation médicale, particulièrement du deuxième alinéa de l’article 224.1 de la Loi.

[31]           Notons à ce sujet, bien qu’on ne souhaite pas la controverse jurisprudentielle, que la Cour suprême reconnaît que les textes de loi font «parfois l’objet de plusieurs interprétations raisonnables, car le législateur ne s’exprime pas toujours de manière limpide et les moyens d’interprétation législative ne garantissent pas toujours l’obtention d’une seule solution précise»[10].

[32]           Pour répondre à la question dont on le saisit, le Tribunal s’appuie ainsi sur la méthode moderne d’interprétation que préconisent désormais les cours supérieures.

[33]           En effet, la Cour suprême du Canada rappelle dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd [11], l’arrêt Rizzo, que le législateur ne désire pas de conséquences absurdes.

[34]           Elle insiste également sur le fait que «l’interprétation législative ne peut pas [se fonder] sur le seul libellé de la loi» et qu’il faut plutôt «lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur».

[35]           Soulignons que tenant compte de ce principe, la Cour suprême, dans l’arrêt Rizzo, interprète le libellé de la Loi sur les normes d’emploi ontarienne de manière large, en assimilant, bien que les deux notions ne soient pas équivalentes, la cessation d’emploi résultant de la faillite de l’employeur à celle du licenciement.

[36]           L’on retrouve plus près de nous, en matière de santé et sécurité du travail, un exemple jurisprudentiel du même acabit.

[37]           En effet, les Cours supérieures, à deux reprises, ont invité spécifiquement le Tribunal, en dépit du silence de la Loi, à exercer pleinement sa compétence, de manière à interpréter largement la notion de contrat de travail, afin de s’assurer que l’objet de la Loi sur la santé et la sécurité du travail se réalise[12].

[38]           Ces principes d’interprétation sont d’ailleurs repris par le législateur québécois dans plusieurs lois.

[39]           C’est en effet ce qu’indique le législateur dans la Loi d’interprétation[13] québécoise, lorsqu’il énonce à l’article 41.2 que les décideurs ne peuvent pas «refuser de juger sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi».

[40]           Pour le Tribunal, c’est aussi ce que veut dire le quatrième alinéa de l’article 9 de la LITAT, lorsqu’il l’enjoint à rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu.

[41]           Comment procède-t-on précisément ?

[42]           Il faut d’abord, comme l’indique la Loi d’interprétation[14], interpréter les dispositions «les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l’ensemble et qui lui donne effet».

[43]           Ainsi, l’on ne doit pas seulement interpréter le libellé du deuxième alinéa de l’article 224.1 de la Loi, mais aussi le faire en tenant compte des autres dispositions qui l’entourent.

[44]           Et suivant le principe d’interprétation moderne des lois[15], l’on effectue cet exercice en appliquant plusieurs méthodes, qui possèdent chacune autant de valeur l’une que l’autre.

[45]           Il faut finalement pondérer les résultats obtenus et retenir l’interprétation qui se concilie le mieux avec l’ensemble.

[46]           Il s’agit plus spécifiquement des méthodes suivantes :

-          la méthode grammaticale, qui apprécie le sens ordinaire qui se dégage des mots utilisés par le législateur ;

-          la méthode historique, qui permet de cerner l’intention qu’avait le législateur, en adoptant lesdites dispositions ;

-          la méthode téléologique, qui vise la recherche d’une solution compatible avec l’esprit et l’objectif de la Loi ;

-          la méthode systématique et logique, laquelle vérifie si la solution a du sens et n’est pas absurde ;

-          la méthode pragmatique, laquelle privilégie la résolution efficace de la problématique, en tenant compte du contexte applicable ;

-         les différents arguments d’autorité.

Les dispositions de la procédure d’évaluation médicale

[47]           Notons que la procédure d’évaluation médicale, décrite au chapitre VI de la Loi, comporte plusieurs étapes.

[48]           Le législateur confie d’abord la responsabilité au professionnel de la santé qui prend charge du travailleur de se prononcer sur les cinq sujets de l’article 212 de la Loi et qui sont les suivants :

-          le ou les diagnostics de la lésion professionnelle ;

-          la date ou la période prévisible de consolidation de celle-ci ;

-          la nature, nécessité, suffisance ou durée des traitements que l’on recommande afin de soigner la lésion professionnelle ;

-          l’existence et le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité psychique ou physique du travailleur ;

-          l’existence et l’évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

[49]           Lorsque la Commission doit rendre une décision en vertu de la Loi sur l’un ou plusieurs de ces cinq sujets, elle est liée par l’avis du professionnel de la santé qui prend charge du travailleur, sous réserve des situations qu’énonce l’article 224.1 de la Loi.

[50]           La procédure d’évaluation médicale prévoit en effet la possibilité pour la Commission et l’employeur d’obtenir d’un professionnel de la santé désigné une seconde opinion[16].

[51]           Lorsque cette opinion infirme celle du professionnel de la santé qui a charge du travailleur et que ce dernier, après en avoir pris connaissance, demeure en désaccord, la Commission ou l’employeur peuvent alors choisir de contester son avis.

[52]           Soulignons que ces deux conditions, soit :

-          l’existence d’un litige médical sur l’un des cinq sujets de l’article 212 de la Loi et

-          l’intention de contester l’avis du professionnel de la santé qui a charge

sont celles qui permettent de s’adresser au Bureau d’évaluation médicale afin qu’il tranche la mésentente.

[53]           Et dans le cas qui nous occupe, ces exigences sont toutes les deux respectées.

[54]           Ensuite, lorsque le Bureau d’évaluation médicale se prononce, conformément au premier alinéa de l’article 224.1 de la Loi, la Commission devient désormais liée par l’avis de ce dernier, plutôt que par celui du professionnel de la santé qui a charge du travailleur, comme c’était auparavant le cas.

[55]           Plusieurs principes se dégagent de la lecture de tous ces articles, dont le Tribunal tiendra compte dans la suite de l’analyse.

Deux fondements d’égale importance

[56]           Se positionnent :

-          d’un côté, la grande valeur accordée à l’avis du professionnel de la santé qui prend charge du travailleur et

-          de l’autre, la possibilité pour la Commission et l’employeur de contester son opinion, en demandant l’intervention du Bureau d’évaluation médicale.

[57]           Tous les articles que contient le chapitre VI s’articulent autour de ces deux principes et ont pour principal objectif d’en préciser les conditions d’exercice.

[58]           Soulignons que l’historique législatif confirme également leur importance respective.

[59]           Voici ce qu’on en dit dans cet ouvrage[17] :

En adoptant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en 1985, le législateur désirait, d’une part, accorder une priorité au médecin du travailleur et, d’autre part, retirer à [la Commission] le pouvoir ou la discrétion de déterminer les questions de nature médicale.

 

Aux fins d’atteindre ces objectifs, le législateur adopte un processus unique aux travailleurs victimes d’une lésion professionnelle : la procédure d’évaluation médicale.

 

[…]

 

La Loi prévoit le droit du travailleur au professionnel de la santé de son choix et le fait que l’opinion de ce dernier soit, pour le travailleur, l’employeur et la [Commission], liante […].

 

La Loi prévoit également une procédure de contestation permettant à la [Commission] ou à l’employeur du travailleur de contester les conclusions médicales du professionnel de la santé qui prend charge […]. Cette procédure pourra mener à un avis d’un membre du Bureau d’évaluation médicale [..], un organisme indépendant de la [Commission] […].

 

L’essence de la procédure trouve ainsi assise dans l’importance accordée au professionnel de la santé qui a charge ainsi que dans la possibilité pour l’employeur ou la [Commission] d’enclencher une procédure d’exception en vue de se soustraire du caractère liant de l’opinion de ce professionnel.

 

 [Nos soulignements]

[60]           L’article 224.1 de la Loi, pour sa part, est ajouté dans la Loi sept ans plus tard, en 1992.

[61]           C’est qu’à cette époque, le législateur constate que la sécurité financière du régime d’indemnisation est en péril, en raison de l’énorme déficit qu’accumule la Commission et qui augmente avec les années.

[62]           La critique que font les différents intervenants, lors du débat parlementaire, de la gestion de la Commission, est sévère.

[63]           Tous conviennent, en raison de ces circonstances, que des modifications du système sont nécessaires :

Les causes du malaise, M. le président, dont souffre le régime québécois de santé et de sécurité du travail, ont été identifiées par le gouvernement, les employeurs et les représentants des travailleurs et des travailleuses. Ces causes sont d’abord de nature structurelle et conjoncturelle. Le gros du déficit de la CSST est imputable à sa structure et à son mode de fonctionnement. Il provient d’une hausse des dépenses, notamment au chapitre du remplacement du revenu, et est dû, en grande partie, à l’allongement exceptionnel de la durée d’indemnisation. Cette durée d’indemnisation, alors qu’elle était, en 1989, de 47.1 jours, s’établit maintenant à plus de 76.3 jours.

 

[…] Cependant, en 1991, plus de 8000 demandes d’arbitrage médical ont été faites, et les délais pour obtenir l’avis de cet arbitre ont atteint jusqu’à 7 mois.

 

[…] Le premier et le plus important des objectifs poursuivis par le projet de loi. M. le Président, c’est rien de moins que la sauvegarde du régime de santé et de sécurité du travail qui est actuellement en péril en faisant face à des difficultés financières qui sont plus que sérieuses et qui menacent sa survie même .

 

[...]

 

Certaines personnes comparent la Commission de la santé et de la sécurité du travail à un grand navire en détresse. Force est de constater qu’ils n’ont pas tout à fait tort, lorsqu’on considère les déficits qui s’y accumulent de manière catastrophique […].

 

[…] Les amendements proposés ont pour objectif de réduire les délais d’indemnisation et les coûts associés à la réparation des accidents et maladies professionnelles.

 

[Nos soulignements]

[64]           L’on souhaite ainsi, par l’adoption du projet de Loi 35 de 1992, s’assurer que le régime soit géré de manière responsable et efficace, tout en préservant les garanties et protections offertes au travailleur, de manière à ce qu’il reçoive sans délai les soins de qualité, auxquels il a droit.

[65]           Le paritarisme est l’un des principaux moyens sur lequel on mise afin de concilier ces deux pôles. On le répète à plusieurs reprises lors des débats parlementaires.

M. le Président, il ne faut pas oublier que notre régime, basé sur le paritarisme, est unique au monde et ce caractère distinctif demeure intact. Nulle part au Canada, le paritarisme n’est aussi ancré dans chaque étape du régime. La législation en matière de santé et de sécurité du travail est jeune, mais il est maintenant temps d’adapter ces mécanismes afin d’assurer une meilleure gestion du régime et protéger les bénéfices auxquels ont droit les bénéficiaires.

[66]           Par ailleurs, si l’on tient compte du contenu du chapitre VI traitant de la procédure d’évaluation médicale, il serait plus exact de parler de pluralisme plutôt que de paritarisme, puisqu’il est indéniable que la Commission a elle aussi son rôle à jouer à l’égard de la saine gestion du régime d’indemnisation.

[67]           Le législateur lui confère d’ailleurs, comme à l’employeur, le pouvoir d’obtenir une seconde opinion et de contester elle aussi l’avis du professionnel de la santé qui a charge du travailleur[18].

[68]           Tenant compte de tout ce qui précède, l’on doit également conclure que ce qu’on appelle parfois dans la jurisprudence la «primauté» de l’avis du professionnel de la santé qui a charge du travailleur dépend surtout de l’état et de l’avancée de la procédure d’évaluation médicale. Elle n’est pas absolue.

[69]           Lorsqu’il n’existe pas de litige médical valablement formé et que la demande au Bureau d’évaluation médicale est, pour cette raison, irrégulière, l’avis du professionnel de la santé qui a charge du travailleur, sans conteste, prime sur tous les autres.

[70]           Toutefois, l’existence d’une demande au Bureau d’évaluation médicale, valide, fondée sur un litige médical lui aussi valablement formé, est le point de bascule qui annonce, si la procédure est suivie jusqu’au bout, la fin inévitable du caractère liant de l’avis du professionnel de la santé qui a charge.

[71]           En effet, à moins que la Commission ou l’employeur ne décident de renoncer à leur contestation, suivant le chapitre VI de la Loi, le Bureau d’évaluation médicale se prononcera nécessairement sur le litige médical et la Commission deviendra alors liée par cette opinion, plutôt que par l’avis du professionnel de la santé qui a charge du travailleur.

[72]           Ajoutons que cette procédure d’évaluation médicale, une fois arrivée à cette étape, est censée aboutir dans un délai raisonnable. Ce n’est plus qu’une question de temps, que le législateur, comme on le verra, souhaite le plus court possible.

Le souci d’efficacité et de célérité du législateur

[73]           Le grand souci d’efficacité et de célérité du législateur transparaît des articles de la procédure d’évaluation médicale.

[74]           Ce dernier compense la relative lourdeur du processus en imposant, pour chacune des étapes, de courts délais, cela pour l’ensemble des intervenants que la procédure interpelle.

[75]           À titre d’exemple :

-          l’article 199 de la Loi énonce que le professionnel de la santé qui prend charge du travailleur doit remettre sans délai l’attestation médicale, sur laquelle doit notamment figurer le diagnostic de la lésion professionnelle ;

-          ensuite, lorsque la lésion est consolidée, le professionnel de la santé qui a charge du travailleur doit immédiatement expédier le rapport final à la Commission[19] ;

-          par ailleurs, lorsque l’employeur désire contester l’opinion du professionnel de la santé qui a charge du travailleur, il doit le faire dans les 30 jours de la date de réception du rapport[20] ;

-          de son côté, le professionnel de la santé qui a charge, une fois informé de son contenu, dispose lui aussi d’un délai 30 jours pour étayer ses conclusions sur un rapport complémentaire[21] ;

-          la Commission doit ensuite transmettre sans délai au Bureau d’évaluation médicale les contestations que prévoit la procédure d’évaluation médicale[22].

[76]           Soulignons que cette préoccupation de célérité est aussi cohérente avec l’objet de la Loi qui est celui de réparer la lésion professionnelle et les conséquences qu’elle entraîne pour le travailleur[23]. On la retrouve d’ailleurs formulée à plusieurs reprises dans les débats parlementaires.

[77]           Il est évident que la régularité du suivi médical est la condition qui permet au travailleur d’obtenir en temps opportun des soins de qualité.

[78]           Cette information, ensuite promptement transmise à la Commission, permet de rendre rapidement les décisions, afin que le travailleur obtienne tout aussi rapidement les traitements que requiert son état.

[79]           L’on peut également dire qu’en limitant les délais administratifs, la Commission gère de manière efficiente les fonds publics, de manière « à s’assurer, en matière de réparation, que les travailleurs obtiennent ce à quoi ils ont droit, ni plus ni moins[24]».

[80]           Ce souci du législateur s’applique tout autant à la résolution des litiges médicaux.

[81]           En effet, la Loi exige qu’une fois le membre du Bureau d’évaluation médicale désigné, il doit lui aussi rendre son avis à l’intérieur d’un délai de 30 jours[25].

[82]           Et tenant compte de la sanction qu’il recommande, le législateur n’entendait certainement pas tolérer de retard à cet égard, puisque le membre du Bureau d’évaluation médicale n’est pas rémunéré s’il ne respecte pas le délai prescrit par la Loi[26].

L’effet imprévisible et pervers de cette disposition

[83]           Le lecteur informé peut dès lors anticiper l’effet indésirable, mais imprévisible généré par ces dernières dispositions, que le législateur, en 1985, n’était pas en mesure d’anticiper et qu’il ne voulait certainement pas.

[84]           En effet, afin de s’assurer que le membre puisse être rémunéré, le Bureau d’évaluation médicale ne le désignera que s’il est réaliste qu’il puisse rendre un avis dans le délai prescrit.

[85]           Lorsque le Bureau d’évaluation médicale dispose de suffisamment de ressources dans les diverses spécialités qui le composent pour répondre à la demande, cela ne crée pas de problème.

[86]           Mais, cela le devient dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, comme celui qui assiège actuellement le milieu de la santé, ainsi que celui de l’accroissement du volume des demandes et des litiges.

[87]           Mentionnons qu’actuellement, et bien qu’il soit sensé offrir ces services, la liste des membres du Bureau d’évaluation médicale ne compte[27] :

-          aucun anesthésiologiste ;

-          qu’un seul membre dans le domaine de la chirurgie générale ;

-          aucun dermatologue ;

-          que deux médecins spécialistes en médecine interne ;

-          que deux médecins spécialistes en médecine physique et de réadaptation ;

-          un seul neurologue ;

-          aucun omnipraticien ;

-          deux oto-rhino-laryngologistes ;

-          aucun pneumologue ;

-          aucun rhumatologue et

-          aucun urologue.

[88]           Ajoutons, toujours selon cette liste, que les bureaux de Québec ou de Montréal ne disposent pas de membres capables d’offrir efficacement des services dans toutes les spécialités.

[89]           Par exemple, on ne dénombre qu’un seul psychiatre à Montréal, alors qu’à Québec, on ne dispose que d’un seul ophtalmologue et d’aucun professionnel en médecine interne.

[90]           Même si la Loi ne propose pas de solution à cette problématique, le Tribunal est d’avis qu’il ne s’agissait assurément pas d’une conséquence que désirait le législateur.

[91]           À titre d’illustrations, l’on rapporte, dans les décisions qui seront discutées plus loin, l’incapacité de Bureau d’évaluation médicale à désigner un membre, même après un délai d’attente de :

-          19 mois[28] ;

-          34 mois[29] ;

-          53 mois[30].

[92]           Le législateur n’envisageait certainement pas en 1985 que le délai administratif attribuable au Bureau d’évaluation médicale pourrait devenir interminable au point qu’on se retrouve virtuellement dans l’incapacité de désigner un membre capable de trancher le litige médical et de faire aboutir la procédure d’évaluation médicale, comme c’est le cas dans le présent dossier.

[93]           Au contraire, si l’on se fie aux débats parlementaires, les modifications qu’on souhaite apporter à la Loi ont justement pour objectifs de les réduire. L’on dénonce déjà, à cette époque, des délais administratifs, à obtenir un avis ou une décision, longs de sept mois :

Pour votre information et vous savez comme moi qu’en 1991, plus de 8000 demandes étaient acheminées en arbitrage médical et le délai moyen pour obtenir l’avis de l’arbitre, malgré le fait qu’il était prévu dans la loi un délai d’environ 30 jours, était de sept mois. Donc, je pense que la démonstration est faite des longs délais et des coûts qui sont associés à ces longs délais.

 

[…]

 

Avez-vous peur qu’on vienne vous dire que c’est trop judiciarisé cette histoire-là et qu’on doit en débarquer des paliers d’intervention pour que le travailleur puisse trouver une solution à son problème dans les quelques semaines ou, tout au moins, les quelques mois qui suivent? Avez-vous peur que la CSST vienne vous dire que ça n’a pas […] de bon sens qu’un individu soit six ou sept mois en attente d’une décision et qu’il se ramasse devant la Commission des affaires sociales en bout de course puis que ça prend trois ans, puis que c’est inhumain comme structure de fonctionnement ?

 

Les deux courants jurisprudentiels

[94]           Certains décideurs sont d’avis que la Commission ne peut faire aboutir la procédure d’évaluation médicale en utilisant le mécanisme prévu au deuxième alinéa de l’article 224.1 de la Loi, puisque les conditions que le législateur y énonce ne sont pas respectées[31].

[95]           En effet, selon eux, le libellé du deuxième alinéa de l’article 224.1 de la Loi s’oppose à ce résultat[32].

Ainsi, pour invoquer le second alinéa de l’article 224.1 de la loi, le législateur est très spécifique et très clair. Il doit y avoir un membre qui ait été désigné et que ce dernier soit en retard pour rendre son avis, selon le délai prévu à la Loi.

[96]           S’appuyant sur la jurisprudence, les tenants de ce premier courant jurisprudentiel rappellent que le délai de 30 jours prévu au second alinéa de l’article 224.1 de la Loi ne se calcule pas à partir de l’envoi de la demande au Bureau d’évaluation médicale, mais plutôt à compter du moment où ce dernier désigne spécifiquement un membre capable de trancher le litige médical.

[97]           Étant donné qu’aucun membre du Bureau d’évaluation médicale n’est encore désigné, les tenants de ce premier courant jurisprudentiel sont d’avis que le délai que prévoit le deuxième alinéa de l’article 224.1 de la Loi n’est pas dépassé.

[98]           Selon eux, dans une telle circonstance, l’on doit plutôt se référer à l’avis du professionnel de la santé qui a charge du travailleur afin de rendre la décision, conformément à ce qu’énonce l’article 224 de la Loi. Ils considèrent qu’en se rabattant sur l’avis du professionnel de la santé qu’elle a choisi, la Commission rend la procédure d’évaluation médicale irrégulière.

[99]           Ces décideurs sont en effet d’avis que l’article 224 de la Loi est l’avenue qui permet de résoudre l’impasse administrative, puisqu’en l’absence d’un avis du Bureau d’évaluation médicale, la Commission demeure liée par l’avis du professionnel de la santé qui a charge du travailleur lorsqu’elle doit rendre une décision.

[100]      Étant donné l’importance qu’accorde le législateur à l’avis du professionnel de la santé qui a charge du travailleur, une telle interprétation est, pour ces décideurs, celle la plus cohérente avec l’esprit de la Loi[33] :

Ainsi, appelés à «trouver» une solution à cette situation non prévue, la [Commission] et le [Tribunal] doivent rechercher l’application du principe général mue par la loi, c’est-à-dire la prédominance de l’opinion du médecin qui a charge sur l’un des points prévus à l’article 212 de la loi.

[101]      Les tenants du second courant jurisprudentiel interprètent autrement les articles de la procédure d’évaluation médicale.

[102]      En effet, lorsque les délais du Bureau d’évaluation médicale sont anormalement longs, ils sont d’avis qu’en raison du silence de la Loi, la Commission peut, par analogie, appliquer la solution que prévoit le deuxième alinéa de l’article 224.1 de la Loi afin de faire aboutir la procédure d’évaluation médicale[34].

[103]      Ils soulignent que cette façon de faire, bien qu’imparfaite, est celle la plus cohérente avec l’objectif de célérité du législateur, puisqu’elle permet d’éviter ce cul-de-sac ainsi que de limiter les délais administratifs[35] :

La solution n’est pas d’attendre que le Bureau d’évaluation médicale désigne un membre pour rendre un avis, ce qui aurait eu pour effet, ici de mettre en veilleuse, pour une durée indéterminée, le traitement de la contestation médicale initiée par l’employeur, ce qui ne respecterait pas l’esprit de la loi qui impose de procéder avec célérité dans les contestations de nature médicale.

 

[…] Aucune des parties n’aurait avantage à ce que rien ne soit fait après que la [Commission] ait été informée du fait qu’aucun membre ne serait désigné pour rendre un avis.

[104]      Cette solution est également, selon eux, celle qui respecte le mieux les droits qu’accorde le législateur à toutes les parties, puisque la Commission rendra une décision qui pourra ensuite être contestée devant le Tribunal.

L’adhésion du Tribunal aux motifs deuxième courant jurisprudentiel

[105]      Si l’on tient compte de l’ensemble des considérations discutées précédemment, c’est-à-dire :

-          de l’objectif de la Loi, soit celui de réparer la lésion professionnelle ainsi que ses conséquences, «ni plus ni moins»[36] ;

-          du libellé du chapitre VI de la Loi, qui reconnaît :

  • à l’avis du professionnel de la santé qui a charge du travailleur une grande importance
  • tout en accordant aussi à la Commission ainsi qu’à l’employeur le droit de le contester ;

-          de la nécessité que la procédure d’évaluation médicale s’effectue rapidement, avec célérité et efficacité, non seulement afin que le travailleur obtienne des soins de qualité, en temps opportun, mais également, afin de garantir la survie du régime d’indemnisation ;

-          du contexte de l’embourbement du Bureau d’évaluation médicale, qui n’est pas en mesure de désigner un membre dans un délai raisonnable ;

l’on constate que le silence de la Loi ainsi que son application littérale crée un résultat absurde, puisqu’il empêche la procédure d’évaluation médicale d’aboutir.

[106]      Il s’agit d’un résultat, que de manière évidente, le législateur n’a pas voulu.

[107]      Et conformément aux pouvoirs attribués au Tribunal par la LITAT, de l’article 41.2 de la Loi d’interprétation et des enseignements des Cours supérieures, le Tribunal doit interpréter la Loi afin de trouver une solution à cette problématique et faire en sorte que son objectif se réalise.

[108]      Comme l’indiquent les tenants du deuxième courant jurisprudentiel, le Tribunal est d’avis que cette solution, en l’occurrence, doit tenir compte du point de bascule atteint au cours de la procédure d’évaluation médicale.

[109]      La Commission a en effet valablement manifesté le souhait de contester l’avis du professionnel de la santé qui a charge du travailleur. Elle désire se soustraire du caractère liant de son opinion, raison pour laquelle elle demande au Bureau d’évaluation médicale de trancher le litige médical.

[110]      En dépit de la lenteur que met le Bureau d’évaluation médicale à le faire, le Tribunal est d’avis que la résolution de cette contestation demeure essentielle, puisqu’elle est ce qui permet à l’objet de la Loi de se réaliser.

[111]      Au contraire, en retenant l’avis du professionnel de la santé, comme le préconisent les décideurs du premier courant jurisprudentiel, on ne peut pas garantir la réalisation de l’objectif premier de la Loi, celui de s’assurer « que les travailleurs reçoivent ce à quoi ils ont droit, ni plus ni moins», puisque le législateur entendait y arriver, en 1992, au moyen du paritarisme, sinon du pluralisme, en faisant trancher le désaccord médical.

[112]      C’est à tout le moins ce qu’on peut en lire dans les débats parlementaires afférents :

M. le Président, j’aimerais également rappeler à cette Chambre que, basé sur le paritarisme, notre régime est unique en Amérique du Nord, et ce caractère distinctif demeure intact. Nulle part au Canada le paritarisme n’est aussi ancré à chaque étape du régime. Je me dois également de rappeler que notre législation en matière de santé et de sécurité est jeune. Il faut maintenant adapter les mécanismes qui y sont prévus, et ce, afin d’assurer une meilleure gestion du régime.

 

Les modifications présentées visent, comme je le disais, à favoriser une meilleure gestion des programmes d’indemnisation, […] le projet de loi 35 propose un réaménagement du processus d’évaluation médicale par l’implantation d’un bureau d’évaluation médicale, en remplacement de l’arbitrage médical, […] afin de permettre au Bureau d’évaluation médicale de donner un avis sur la question qu’il juge approprié, et ce – c’est très important – dans un délai imparti […].

[113]      De plus, retenir l’interprétation selon laquelle la Commission est liée par l’avis du professionnel de la santé qui a charge du travailleur ne donne pas plein effet aux droits de la Commission et de l’employeur d’en contester le bien-fondé.

[114]      Pire encore, une telle solution empêche ensuite ce dernier d’exercer ses recours devant le Tribunal[37] :

Impossibilité de contester l’opinion du professionnel de la santé qui a charge – Sous réserve de la procédure d’évaluation médicale offerte à l’employeur et à la CNESST suivant les articles 204 et suivants L.A.T.M.P., personne, y compris le travailleur, ne peut demander la révision d’une question médicale sur laquelle la CNESST est liée. Ainsi, le tribunal devra aussi considérer comme avérées les conclusions médicales retenues par le professionnel de la santé qui a charge et non contestées par la procédure d’évaluation médicale. Article 224 et 358 al.2 LATMP

 

[Nos soulignements]

[115]      Par ailleurs, bien que le Tribunal adhère au raisonnement ainsi qu’aux motifs des tenants du deuxième courant jurisprudentiel, il est toutefois d’avis que la solution que ces décideurs préconisent demeure perfectible.

[116]      Leur solution résout en effet la problématique de la Commission, mais pas celle de l’employeur ou encore du travailleur, pourtant eux aussi susceptibles d’être confrontés à la même impasse administrative, lorsque le Bureau d’évaluation médicale tarde à désigner un membre.

[117]      En effet, le deuxième alinéa de l’article 224.1 de la Loi ne vise que la Commission.

[118]      Il n’est pas évident, lorsqu’on le lit, que l’employeur ou le travailleur pourrait en revendiquer l’effet, puisque cette disposition ne les concerne pas.

[119]      C’est la raison pour laquelle,

-          bien que le Tribunal endosse totalement les motifs qu’évoquent les tenants du deuxième courant jurisprudentiel ainsi que l’orientation qu’ils prennent,

-          et même si au final, le résultat demeure le même,

la soussignée articule la solution retenue autrement que ne le fait le deuxième courant jurisprudentiel.

La solution

[120]      Rappelons qu’en raison des longs délais que met le Bureau d’évaluation médicale à désigner un membre, les tenants du deuxième courant jurisprudentiel considèrent que la Commission peut utiliser l’avenue que prévoit le deuxième alinéa de l’article 224.1 de la Loi, même si toutes les exigences qu’on y indique ne sont pas respectées.

[121]      Ils sont d’avis que cette manière de faire ne rend pas la procédure irrégulière.

[122]      En raison de ce qui précède, ces décideurs se considèrent ainsi comme valablement saisis du litige médical et le tranchent.

[123]      Par ailleurs, comme mentionné précédemment, même si la soussignée en arrive au même résultat, elle est d’avis qu’il est préférable de conceptualiser la solution d’une autre façon, pour les raisons suivantes.

[124]      En effet, déclarer que la procédure d’évaluation médicale est régulière occulte de l’analyse l’impact et l’importance de la tardivité du Bureau d’évaluation médicale, alors qu’il s’agit pourtant, du fondement du problème.

[125]      En effet, l’impasse administrative, celle que cause le Bureau d’évaluation médicale en ne désignant pas de membre dans un délai raisonnable, constitue ici le véritable accroc à la procédure d’évaluation médicale.

[126]      L’action que pose ensuite la Commission, en se déclarant liée par l’avis de son professionnel de la santé désigné, n’est effectuée que pour y échapper.

[127]      Et c’est à la cause du problème que le Tribunal doit pallier afin que l’objet de la Loi se réalise.

[128]      Ajoutons que la solution que préconisent les tenants du deuxième courant jurisprudentiel infère que passer par le deuxième alinéa de l’article 224.1 de la Loi est la «bonne» façon de faire aboutir le processus.

[129]      Toutefois, les délais déraisonnables que met le Bureau d’évaluation médicale à trancher les litiges médicaux n’affectent pas que la Commission.

[130]      Ces délais engendrent des conséquences pour toutes les parties impliquées et créent aussi des résultats absurdes pour l’employeur et le travailleur.

[131]      Or, la Loi ne leur offre aucun mécanisme leur permettant de faire aboutir la procédure d’évaluation médicale de leur propre initiative, comme peut le faire la Commission, au moyen du deuxième alinéa de l’article 224.1 de la Loi.

[132]      Ainsi, bien que le Tribunal soit en accord avec le résultat que recommandent les tenants du deuxième courant jurisprudentiel, celui de se saisir du litige médical et de le trancher, le Tribunal considère préférable d’y parvenir en constatant l’irrégularité que cause la tardivité du Bureau d’évaluation médicale à désigner un membre.

[133]      La solution juridique doit permettre à toutes les parties de dénoncer cette irrégularité afin d’obtenir, si elles le souhaitent, l’aboutissement du processus ainsi qu’une résolution rapide du litige médical.

[134]      Ce résultat pourrait alors s’obtenir au moyen de toute solution créative à laquelle les parties penseront, que ce soit en passant par le deuxième alinéa de l’article 224.1 de la Loi ou encore au moyen de n’importe quelle autre avenue juridique raisonnable.

[135]      En effet, lorsque le Bureau d’évaluation médicale n’est pas en mesure de trancher le litige médical dans un délai raisonnable, comme le souhaite le législateur, on peut demander au Tribunal de le faire[38] :

La LATMP est une loi remédiatrice ; elle pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires (article 1 LATMP).

 

La LATMP répond à l’objectif poursuivi par le législateur de mettre en place un régime d’indemnisation sans faute financé par les employeurs et comportant un processus décisionnel devant se terminer devant [le Tribunal].

 

[Le Tribunal] doit s’assurer, en matière de réparation, que les travailleurs obtiennent ce à quoi ils ont droit, ni plus ni moins.

 

Cette mission, de même que le caractère d’ordre public et la nature remédiatrice de la LATMP, imposent [au Tribunal] lorsque les circonstances l’exigent, un rôle actif dans la recherche de la vérité […]

 

[…] il doit voir à ce que le salarié qui y a droit soit correctement indemnisé par ce fonds public et à ce que, par ailleurs, soit exclue toute réparation à celui qui ne rencontre pas les critères établis par le législateur.

[136]      Le Tribunal est habileté à interpréter la Loi de manière à se considérer comme valablement saisi du litige, en dépit de l’absence d’avis du Bureau d’évaluation médicale, lorsque ce dernier est incapable d’accomplir sa fonction comme il le devrait.

[137]      Cette interprétation de la Loi permet de donner plein effet aux droits qu’accorde le chapitre VI à l’ensemble des intervenants, sans les restreindre ou les en priver, conformément à l’esprit de la Loi, l’historique législatif, ainsi qu’avec les articles 41 et 41.1 de la Loi d’interprétation du Québec.

[138]      Cette interprétation est également celle qui encourage la Commission, l’employeur et le travailleur à dénoncer de manière proactive, diligente et opportune l’irrégularité, lorsque le délai d’attente est déraisonnable ou anormal, dans le respect des droits que le législateur confère à chacun, conformément à l’esprit et l’objet de la Loi.

[139]      C’est celle que retient le Tribunal aussi pour la suite du dossier.

[140]      Et lorsqu’on applique cette logique aux faits du dossier, on ne peut manquer de constater l’incapacité du Bureau d’évaluation médicale à désigner un membre dans un délai acceptable.

[141]      Il s’agit d’une situation déplorable qui engendre des conséquences pour toutes les parties impliquées dans le dossier.

[142]      Rappelons que la Commission présente sa contestation de l’avis du professionnel de la santé qui a charge du travailleur au Bureau d’évaluation médicale le 17 août 2020.

[143]      Durant l’année qui s’écoule, le Bureau d’évaluation médicale ne peut préciser d’échéances claires à l’intérieur desquelles il sera en mesure de désigner un membre, en dépit des suivis que fait la Commission auprès de lui, pour le savoir.

[144]      Après près d’un an d’expectative, pour la deuxième fois, l’organisme informe la Commission qu’il n’est pas réaliste d’envisager ce résultat dans les six prochains mois.

[145]      Le Tribunal est d’avis qu’imposer aux parties un délai d’attente de 18 mois, au bas mot, afin de recevoir un avis du Bureau d’évaluation médicale, est une situation déraisonnable.

[146]      L’incapacité du Bureau d’évaluation médicale à désigner un membre dans un délai acceptable rend la procédure d’évaluation médicale irrégulière.

[147]      Dans ces circonstances, tenant compte de l’impasse administrative dans laquelle elle se trouvait, la Commission pouvait faire aboutir la procédure d’évaluation médicale, en se rabattant sur l’avis de son médecin désigné.

[148]      Le Tribunal considère que cette solution est celle la plus conforme à l’intention et l’esprit du législateur, le contexte de la Loi ainsi qu’avec l’ensemble des dispositions qui y sont consignées.

[149]      Par ailleurs, puisque le travailleur est insatisfait de la décision qu’a rendue la Commission, le Tribunal s’estime valablement saisi du litige médical, raison pour laquelle il le tranche dans la section suivante.

Le travailleur a-t-il le droit au remboursement du coût du cannabis médical ?

[150]      Le travailleur critique la valeur probante l’opinion du docteur Giroux, le médecin désigné de la Commission et soutient que le traitement qu’on lui prescrit est le seul qui lui permet d’être fonctionnel dans son quotidien, parce qu’il est aussi le seul qui soulage, à tout le moins partiellement, sa douleur chronique.

[151]      L’employeur est en désaccord avec le travailleur puisque selon lui, l’on prescrit le traitement davantage en raison de conditions personnelles étrangères à la lésion professionnelle. Il est également d’avis, comme l’indique le docteur Giroux, que le traitement est contre-indiqué dans la situation du travailleur, en raison de ses antécédents psychologiques et parce qu’il n’incitera pas ce dernier à reprendre une vie active.

[152]      Le Tribunal conclut pour sa part que le travailleur a droit au remboursement du coût du cannabis médical qu’on lui prescrit à compter du 11 avril 2019.

[153]      Précisons que le cannabis médical est considéré par la jurisprudence comme un médicament au sens des articles 188 et 189 de la Loi[39].

[154]      Ajoutons également que le travailleur conserve le droit à l’assistance médicale ou encore celui de recevoir les soins et les traitements que requiert sa condition médicale même après la consolidation de la lésion professionnelle, lorsque ceux-ci, par exemple, visent le soulagement de la douleur chronique[40].

[155]      Rappelons finalement que la Commission, conformément à l’article 217 de la Loi, a présenté sa contestation au Bureau d’évaluation médicale, afin qu’il tranche le litige médical relatif au traitement par cannabinoïdes prescrit au travailleur[41] et qu’il se prononce à l’égard de sa nécessité.

[156]      Toutefois, tenant compte du fait que le Bureau d’évaluation médicale est dans l’incapacité de le faire dans un délai raisonnable, c’est maintenant au Tribunal de le déterminer.

[157]      Mentionnons d’abord que la première condition que posent l’article 189 de la Loi et la jurisprudence est respectée, puisque le cannabis médical est prescrit le 11 avril 2019 par un médecin de la Clinique Santé Cannabis, après que la docteure Dequoy, la professionnelle de la santé qui a charge, y dirige spécifiquement le travailleur afin qu’il obtienne leur avis sur l’opportunité de ce traitement ainsi que leurs recommandations au sujet du dosage[42].

[158]      La docteure Dequoy invite d’ailleurs la Commission, dans l’information médicale complémentaire écrite, à se référer à la recommandation de la Clinique Santé Cannabis, afin d’obtenir plus de précisions sur le dosage.

[159]      Le désaccord qui existe entre l’employeur et le travailleur porte surtout sur l’existence d’un lien entre l’état de santé du travailleur, celui résultant de la lésion professionnelle, et le traitement.

[160]      Le Tribunal constate toutefois que l’affirmation de l’employeur selon laquelle l’on prescrit du cannabis médical au travailleur principalement en raison de conditions étrangères à la lésion professionnelle n’est pas appuyée par une preuve médicale ou factuelle prépondérante.

[161]      Soulignons que l’employeur ne dépose pas de document médical additionnel permettant d’étayer cette inférence.

[162]      Au contraire, la docteure Dequoy précise sur l’information médicale complémentaire écrite du 30 septembre 2019, qu’elle recommande ce traitement en raison du syndrome douloureux régional complexe du membre supérieur droit du travailleur, lequel est l’un des diagnostics de la lésion professionnelle, ainsi qu’en raison de la douleur chronique qui en résulte.

[163]      Précisons également que l’employeur ne peut pas s’appuyer sur l’avis du docteur Giroux pour soutenir sa position, puisque cette opinion médicale n’est pas probante.

[164]      En effet, le contenu du rapport d’évaluation du docteur Giroux du 16 janvier 2020 révèle qu’il est en désaccord avec les décisions rendues dans le dossier du travailleur :

On note que celui-ci est actuellement très passif dans son approche par rapport à la problématique. Il serait de loin préférable qu’il reprenne progressivement des activités plutôt que de demeurer inactif comme il le fait actuellement. Nous ne croyons pas qu’il est invalide. Des limitations fonctionnelles importantes lui ont été recommandées, mais nous considérons qu’il devrait reprendre un niveau minimal d’activités. L’utilisation de cannabis ne favorisera pas une telle reprise des activités normales de la vie.

 

[..] De plus, notre évaluation n’a pas révélé de symptômes ou signes compatibles avec un syndrome douloureux régional complexe. […] Si cette pathologie existe, elle s’est grandement résorbée. Ce sont uniquement les phénomènes de douleurs chroniques qui persistent.

[165]      Les décisions qu’il critique sont cependant devenues finales et irrévocables et le docteur Giroux se devait d’en tenir compte.  

[166]      Ajoutons, comme l’indique le travailleur, que la préoccupation du docteur Giroux à l’égard du risque sur l’état psychologique de ce dernier, se situe hors de son champ d’expertise, l’orthopédie.

[167]      La preuve factuelle prépondérante contredit de toute façon son appréhension, puisque le travailleur consomme le cannabis médical qu’on lui prescrit depuis 2018-2019 sans que cette circonstance affecte son état psychologique. Selon son témoignage, ce traitement est également celui qui lui permet d’être plus actif et fonctionnel dans sa vie quotidienne.

[168]      Cette crainte du docteur Giroux ne s’appuie pas sur la preuve prépondérante du dossier et n’est pas probante.

[169]      Toutes ces failles affectent la valeur probante de l’ensemble de son opinion, raisons pour lesquelles le Tribunal l’écarte des suites de l’analyse, puisqu’il ne peut s’y fier avec assurance.

[170]      Le Tribunal constate au contraire que le cannabis médical est bel et bien prescrit en raison de l’état de santé du travailleur, celui qui résulte de la lésion professionnelle et conclut également que ce traitement est nécessaire à l’amélioration de son état.

[171]      Notons que le travailleur bénéficie d’un suivi médical régulier avec la docteure Dequoy, la professionnelle de la santé qui a charge, tout au long du suivi de la lésion professionnelle, de même que par la suite.

[172]      La docteure Dequoy tente de multiples manières de soulager la douleur chronique du travailleur, celle qui résulte de la déchirure du fascia du biceps droit du travailleur, qui a dû être réparée chirurgicalement, ainsi que du syndrome douloureux régional complexe du membre supérieur droit qui s’est ensuite développé.

[173]      Elle mentionne sur la demande de consultation à la Clinique Santé Cannabis ainsi que sur l’information médicale complémentaire écrite, l’inefficacité de tous les traitements tentés jusqu’à présent afin de soulager la douleur chronique qui résulte de la lésion professionnelle.

[174]      Il s’agit notamment des suivants :

-          Lyrica ;

-          Neurontin ;

-          Lidocaïne ;

-          Kétamine ;

-          Fentanyl ;

-          Méthadone ;

-          Tramacet ;

-          Infiltrations diverses, y compris de blocs stellaires ;

-          Thérapie miroir lors du suivi en clinique de la douleur.

[175]      Le travailleur à l’audience confirme lui aussi l’échec de tous ces traitements, qui sont non seulement inefficaces, mais qui lui occasionnent également de multiples effets secondaires, comme celui de le rendre «zombie» et incapable de fonctionner dans son quotidien.

[176]      Il affirme, tout comme l’indique la docteure Dequoy dans l’information complémentaire médicale écrite, que le cannabis médical qu’on lui prescrit depuis le 11 avril 2019 est le seul traitement qui l’aide à, partiellement, soulager la douleur chronique, en réduisant les pics de douleur, à s’endormir ainsi qu’à dormir quelques heures par nuit.

[177]      La docteure Dequoy ajoute qu’elle ne constate aucun effet délétère secondaire depuis que le travailleur en consomme.

[178]      Le Tribunal est d’avis que l’ensemble de cette preuve est prépondérante et démontre que le traitement qu’on recommande au travailleur est nécessaire afin de pallier les conséquences de la lésion professionnelle.

[179]      Le travailleur a ainsi le droit de se faire rembourser le coût du cannabis médical qu’on lui prescrit depuis le 11 avril 2019.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :

ACCUEILLE la question préliminaire soulevée par le travailleur, monsieur Patrick St-Hilaire ;

DÉCLARE que la procédure d’évaluation médicale est irrégulière ;

DÉCLARE que le Tribunal est valablement saisi du litige médical;

ACCUEILLE la contestation du 1er décembre 2021 du travailleur, monsieur Patrick St-Hilaire ;

INFIRME la décision rendue le 5 novembre 2021 par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative ;

 

 

 

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement du cannabis médical à compter du 11 avril 2019.

 

 

 

 

__________________________________

 

Danielle Tremblay

 

 

 

 

Me Manuel Johnson

OUELLET, NADON ET ASSOCIÉS

Pour la partie demanderesse

 

Mme Ingrid Anisits et M. Jonathan Ekubor

Pour la partie mise en cause

 

Date de la mise en délibéré : 3 avril 2023

 

 


[1]  Cette décision du 31 mars 2017 est devenue finale et irrévocable.

[2]  Les décisions du 18 janvier 2019, du 16 mai 2019 et du 11 juillet 2019 sont devenues finales et irrévocables.

[3]  Rendue le 5 novembre 2021 à la suite d’une révision administrative.

[4]  Rapport d’évaluation du 16 janvier 2020.

[5]  Rapport complémentaire du 30 mars 2020.

[6]  RLRQ, c. A-3.001.

[7]  RLRQ, c. T-15.1.

[8]  Article 9.

[9]  Article 9(4).

[10]  McLean c. Colombie-Britannique (Securities Commission), 2013 CSC 67.

[11]  Rizzo & Rizzo Shoes Ltd, [1998] 1 R.C.S. 27.

[12]  Dionne c. Commission scolaire des patriotes, [2014] 1. R.C.S. 765 ; Perron c. Tribunal administratif du travail, 2019 QCCS 1265 – situation des travailleuses enceintes à statut précaire possédant par ailleurs une expectative raisonnable d’embauche.

[13]  Loi d'interprétation, RLRQ, c. I-16.

[14]  Article 41.

[15]  Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), précitée, note 11; Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. University of Calgary, 2016 CSC 53.

[16]  Articles 204 et 209 de la Loi.

[17]  Dominic DORVAL, Marie-Anne LECAVALIER et Jean-Sébastien NOISEUX, fasc. 9 : « Procédure d’évaluation médicale », dans Katherine LIPPEL et Guylaine VALLÉE (dir.), Santé et sécurité du travail,coll. « JurisClasseur Québec. Collection Droit du travail », Montréal, LexisNexis, 2010- [à jour au 20 février 2019].

[18]  Article 204 de la Loi.

[19]  Article 203 de la Loi : «utilisation des vocables «expédie, dès que la lésion professionnelle […] est consolidée».

[20]  Article 212 de la Loi.

[21]  Articles 205.1 et 212.1 de la Loi.

[22]  Article 217 de la Loi.

[23]  Article 1 de la Loi.

[24]  Rivest c. Bombardier inc. [2007] C.L.P. 345 (C.A.).

[25]  Article 222 de la Loi.

[26]  Article 225 de la Loi.

[28]  L.T. et Ministère A, 2020 QCTAT 283 (requête en révision rejetée).

[29]  Baldoceda et Dubord & Rainville, 2021 QCTAT 5061.

[30]  Desaulniers et Services d’entretien Distinction inc., 2022 QCTAT 2532.

[31]  M.V. et Arrondissement A, 2014 QCCLP 5240 ; L. T. et Ministère A, précitée note 28 ; Badoceda et Dubord & Rainville inc., précitée note 29 ; Croteau et Services d’entretien Bérubé inc., 2021 QCTAT 1699 ; Pellerin et 2531-6670 Québec inc. (IGA 117) (F), 2022 QCTAT 2163 ; Desloges et Société canadienne des postes, 2022 QCTAT 1938 ; Desaulniers et Services d’entretien Distinction inc., précitée note 30; Bernard et Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, 2022 QCTAT 4975 ; Fredette et Équipement M.C.F. inc. 2022 QCTAT 5032.

[32]  M.V. et Arrondissement A, précitée note 31.

[33]  Id.

[34]  Gagnon et Entreprises Sachetti inc., C.L.P. 353641-62C-0807, 2 mars 2009, R. Hudon ; Moreau et Centre Canin de Montréal inc., 2021 QCTAT 5207 ; Scrimgeour et Agence de services frontaliers du Canada, 2023 QCTAT 1650.

[35]  Gagnon et Entreprises Sachetti inc., précitée, note 34.

[36]  Rivest c. Bombardier inc., précitée, note 24.

[37]  Dominic DORVAL, Marie-Anne LECAVALIER et Jean-Sébastien NOISEUX, fasc. 9 : « Procédure d’évaluation médicale », dans Katherine LIPPEL et Guylaine VALLÉE (dir.), p-9-14, précitée, note 17.

[38]  Rivest c. Bombardier inc., précitée, note 24. Voir également : Les Parquets Dubeau ltée c. Commission des lésions professionnelles et Beaulieu, 2009 QCCS 5716.

[39]  Article 189 de la Loi. Voir également : Jenner et Hélicoptères Canadiens ltée, 2019 QCTAT 4485 ; Corbeil et Wilfrid Nadeau inc., [2002] C.L.P. 789, révision rejetée, C.L.P. 183805-03B-0205, 20 février 2004. C. Bérubé, Requête en révision judiciaire rejetée, [2004] C.L.P. 1251 (C.S.), Requête pour permission d'appeler rejetée, C.A. Québec, 200-09-005022-048, 21 décembre 2004, J. Rousseau-Houle ; Semper et Industries Lynx inc., 2018 QCTAT 375.

[40]  Quenneville et Truscon Steel Works, [2002] C.L.P. 307 ; Desaulniers et Services d’entretien  Distinction inc., précitée, note 30.

[41]  Article 212 (3) de la Loi.

[42]  Semper et Industries Lynx, précitée, note 39. 

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