Dumais et Société des alcools du Québec |
2009 QCCLP 2770 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Saguenay : |
Le 16 avril 2009 |
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Région : |
Saguenay-Lac-Saint-Jean |
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Dossier CSST : |
133206441 |
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Commissaire : |
Jean-Marc Hamel, juge administratif |
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Membres : |
Jacques G. Gauthier, associations d’employeurs |
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Gilles Ouellet, associations syndicales |
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Partie requérante |
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et |
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Société des alcools du Québec |
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Partie intéressée |
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[1] Après examen et audition et après avoir reçu l’avis des membres, la Commission des lésions professionnelles rend la décision suivante.
[2] ATTENDU que le 4 février 2009, madame Isabelle Dumais (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision d’un conciliateur décideur de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 29 janvier 2009 à la suite d’une révision administrative;
[3] ATTENDU que, par cette décision, la CSST rejette la plainte de la travailleuse, puisque cette dernière n’a pas démontré avoir subi de lésion professionnelle en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi);
[4] ATTENDU que l’audience s’est tenue le 30 mars 2009 à Saguenay, en présence de la travailleuse et de son représentant, cependant que la Société des alcools du Québec (l’employeur) n’était pas représentée, et ce, bien que dûment convoquée;
[5] ATTENDU que le délibéré n’a été entrepris que ce jour, soit après que des documents manquants aient été acheminés au greffe du tribunal et que le soussigné en ait pris connaissance;
[6] ATTENDU que la travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles d’accueillir sa plainte et de déclarer qu’elle a droit à l’application de l’article 59 de la loi, le 17 avril 2008, soit le jour de sa lésion professionnelle alléguée et à l’application de l’article 60 de la loi, à compter du 18 avril 2008, soit à la date alléguée où elle devient incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion;
[7] ATTENDU que la travailleuse est âgée de 46 ans et a travaillé comme cuisinière pour l’employeur;
[8] ATTENDU qu’elle prétend avoir subi un accident du travail le 17 avril 2008, et ce, suite à ce que des clients de la cafétéria où elle travaille lui auraient fait part d’insatisfactions de façon incorrecte à l’égard de biens ou des services dispensés;
[9] ATTENDU que la travailleuse consulte son médecin le 21 avril 2008 qui pose le diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur mixte relié au travail, inscrit la date de l’événement comme étant le 17 avril 2008 et l’a met en arrêt de travail;
[10] ATTENDU que la CSST refuse cette réclamation et que cette décision a été confirmée par la CSST à la suite d’une révision administrative, cependant que le présent tribunal n’est pas saisi de ce litige à ce jour;
[11] ATTENDU qu’entre-temps l’employeur a versé à la travailleuse l’indemnité de remplacement du revenu pour ses 14 premiers jours d’arrêt de travail, et ce, à compter du 21 avril 2008, cependant que la CSST l’a toutefois remboursé à compter du 18 avril 2008 et la travailleuse a par après déposé sa plainte selon l’article 32 de la loi à la CSST qui a été rejetée, d’où le présent litige;
[12] ATTENDU qu’à l’audience, la travailleuse précise que le 17 avril 2008, alors qu’elle est au travail, un client émet des commentaires disgracieux à l’égard de la machine à café et que par après un autre client lui mentionne de façon incorrecte qu’il ne veut pas payer sa confiture, de sorte que, ne pouvant se contenir et n’étant plus en mesure d’exécuter convenablement ses tâches, elle en avise sa supérieure immédiate, et part de son travail le 17 avril 2008 en avant-midi;
[13] ATTENDU qu’elle précise avoir été payée en assurance-salaire les 17 et 18 avril 2008, cependant que l’employeur ne lui a payé ses 14 premiers jours d’arrêt de travail qu’à compter du 21 avril 2008, soit la date où elle a consulté son médecin.
[14] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis d’accueillir la requête de la travailleuse. Ils sont d’avis que la travailleuse a démontré, par une preuve jugée prépondérante, que sa demande est bien fondée.
[15] CONSIDÉRANT que la Commission des lésions professionnelles doit décider si la plainte de la travailleuse est bien fondée;
[16] CONSIDÉRANT que l’article 32 de la loi prévoit ce qui suit :
32. L'employeur ne peut congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice d'un droit que lui confère la présente loi.
Le travailleur qui croit avoir été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans le premier alinéa peut, à son choix, recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou soumettre une plainte à la Commission conformément à l'article 253 .
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1985, c. 6, a. 32.
[17] CONSIDÉRANT qu’à cet égard, l’article 255 précise ce qui suit :
255. S'il est établi à la satisfaction de la Commission que le travailleur a été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans l'article 32 dans les six mois de la date où il a été victime d'une lésion professionnelle ou de la date où il a exercé un droit que lui confère la présente loi, il y a présomption en faveur du travailleur que la sanction lui a été imposée ou que la mesure a été prise contre lui parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice de ce droit.
Dans ce cas, il incombe à l'employeur de prouver qu'il a pris cette sanction ou cette mesure à l'égard du travailleur pour une autre cause juste et suffisante.
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1985, c. 6, a. 255.
(nos soulignements)
[18] CONSIDÉRANT qu’en l’espèce, le tribunal est d’avis que le véhicule procédural prévu à l’article 32 de la loi est ici approprié au présent cas[2] et que, conséquemment, la présomption prévue à l’article 255 de la loi s’applique en faveur de la travailleuse;
[19] CONSIDÉRANT que l’employeur doit donc faire la preuve qu’il a pris cette sanction ou cette mesure pour une autre cause juste et suffisante et que le tribunal est d’avis que l’employeur n’a pas fait cette démonstration;
[20] CONSIDÉRANT que, suivant l’article 59 de la loi, l'employeur au service duquel se trouve le travailleur lorsqu'il est victime d'une lésion professionnelle doit lui verser son salaire net pour la partie de la journée de travail au cours de laquelle ce travailleur devient incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, lorsque celui-ci aurait normalement travaillé pendant cette partie de journée, et ce, n'eût été de son incapacité;
[21] CONSIDÉRANT qu’en l’espèce, la travailleuse a quitté son travail le 17 avril 2008 en avant-midi, et ce, en raison de son incapacité d’exercer son emploi en raison de sa lésion, de sorte que le tribunal conclut que cette dernière a droit à l’application de cette disposition;
[22] CONSIDÉRANT que l’article 60 de la loi quant à lui spécifie « que l’employeur au service duquel se trouve le travailleur lorsqu'il est victime d'une lésion professionnelle lui verse, si celui-ci devient incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, 90 % de son salaire net pour chaque jour ou partie de jour où ce travailleur aurait normalement travaillé, n'eût été de son incapacité (, et ce,) pendant les 14 jours complets suivants le début de cette incapacité »;
[23] CONSIDÉRANT que, selon cette dernière disposition, la travailleuse à l’obligation de fournir une attestation médicale prévue à l’article 199 de la loi et doit démontrer que son incapacité est causée par sa lésion professionnelle;
[24] CONSIDÉRANT qu’en l’espèce, la travailleuse a ici démontré avoir consulté un médecin le plus rapidement possible et a établi avoir ici été incapable d'exercer son emploi le 17 avril 2008, et ce, en raison de sa lésion;
[25] CONSIDÉRANT que, sur cet aspect, le tribunal juge plausible le témoignage de la travailleuse, de sorte qu’il conclut que cette dernière a démontré, par une preuve jugée prépondérante, que sa demande est bien fondée;
[26] CONSIDÉRANT que le tribunal rappelle que la notion d’invalidité, même si elle est habituellement constatée par le médecin traitant, peut être démontrée par tout autre moyen de preuve[3] comme cela l’a été en l’espèce;
[27] CONSIDÉRANT que la travailleuse a ici démontré, et ce, par une preuve jugée prépondérante, que sa demande est ici bien fondée[4].
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de madame Isabelle Dumais, la travailleuse;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 29 janvier 2009;
DÉCLARE que la Société des alcools du Québec, l’employeur, doit verser à la travailleuse l’indemnité de remplacement du revenu pour la journée du 17 avril 2008 et, à compter du 18 avril 2008, l’indemnité pour les 14 premiers jours d’arrêt de travail prévu à l’article 60 de la loi.
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Jean-Marc Hamel |
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Commissaire |
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M. Louis Bergeron |
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SCFP |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] L.R.Q., chapitre A-3.001
[2] Voir notamment sur cette question : Gagné et Roy inc. et Maltais, C.L.P. 167575-72-0108, 9 juillet 2002, C.A. Ducharme, requête rejetée.
[3] Voir : Duval et Hôpital du Haut-Richelieu, C.L.P. 277245-62A-0511, 3 juillet 2006, D. Rivard
[4] Il va de soi que le tribunal saisi de fond du litige aura toute la latitude afin de déterminer, selon la preuve qui lui sera administrée, une date de début de capacité différente de celle retenue ici, si cela lui apparaît nécessaire à l’exercice de sa compétence juridictionnelle.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.