Hardy |
2014 QCCLP 2812 |
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[1] Le 28 juin 2013, madame Annette Hardy (la travailleuse) dépose auprès de la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 23 mai 2013 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 26 avril 2013 et déclare que la travailleuse n’a pas droit au remboursement des frais engendrés pour un service effectué par Mobilis Élévateur inc., le fournisseur, le 4 février 2013.
[3] Une audience est tenue à Lévis le 4 mars 2014. La travailleuse est présente et représentée. Le dossier a été mis en délibéré à cette date.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue par la CSST le 23 mai 2013 à la suite d’une révision administrative et déclarer qu’elle a droit au remboursement des frais de service effectué par le fournisseur le 4 février 2013 pour un montant de 599,25 $.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Conformément aux dispositions de l’article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), le soussigné a obtenu l’avis des membres qui ont siégé auprès de lui sur la question faisant l’objet de la présente contestation.
[6] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que le tribunal devrait accueillir la requête de la travailleuse. À leur avis, un appel de service pour l’entretien d’un équipement payé par la CSST doit être précédé d’une autorisation préalable de la CSST. Toutefois, dans l’affaire à l’étude, la travailleuse a fait des appels de service à quelques reprises dans le passé et, à chaque fois, la CSST a remboursé les frais. La travailleuse devait donc s’attendre qu’il en soit de même le 4 février 2013. Par ailleurs, l’appel de service auprès du fournisseur était justifié, car l’équipement ne fonctionnait plus, selon la preuve. La CSST est donc tenue de rembourser le fournisseur pour les frais de service effectué chez la travailleuse le 4 février 2013.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la décision de la CSST est bien fondée.
[8] De l’ensemble de la preuve, le tribunal retient les éléments suivants.
[9] Le 14 août 1986, la travailleuse subit une lésion professionnelle à la suite de laquelle elle est suivie pour une bursite sous-rotulienne droite. La travailleuse retourne à son emploi habituel le 1er septembre 1986.
[10] Par la suite, la travailleuse subit quelques récidives, rechutes ou aggravations impliquant ses deux genoux.
[11] L’ensemble de ces lésions ayant entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles, la travailleuse est donc admise en réadaptation comme le prévoit l’article 145 de la loi qui se lit comme suit :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
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1985, c. 6, a. 145.
[12] En 2010, la travailleuse bénéficie d’une adaptation de son domicile, soit l’installation d’un ascenseur. La CSST ayant déterminé que cette adaptation était nécessaire pour permettre à la travailleuse d’entrer et sortir de son domicile de façon autonome et d’avoir accès aux biens et commodités de son domicile comme le prévoit l’alinéa 2 de l’article 153 de la loi :
153. L'adaptation du domicile d'un travailleur peut être faite si :
1° le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique;
2° cette adaptation est nécessaire et constitue la solution appropriée pour permettre au travailleur d'entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d'avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de son domicile; et
3° le travailleur s'engage à y demeurer au moins trois ans.
Lorsque le travailleur est locataire, il doit fournir à la Commission copie d'un bail d'une durée minimale de trois ans.
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1985, c. 6, a. 153.
[13] Le 4 février 2013, le fournisseur se présente chez la travailleuse à la suite d’un appel de celle-ci pour un bris de l’ascenseur.
[14] Le 26 février 2013, le fournisseur transmet une facture pour le service effectué le 4 février 2013, celle-ci est adressée à la travailleuse et à la CSST. Il indique sur ce document qu’il a fait les vérifications d’usage et que tout allait bien. Pour les frais de service, un montant de 599,25 $ est facturé, incluant le temps de déplacement et des frais de kilométrage.
[15] Les notes évolutives au dossier, datées du 23 avril 2013, font état d’une conversation téléphonique entre l’agent de la CSST au dossier et le fournisseur. Il est mentionné que la travailleuse fait fréquemment des appels de service et que c’est très loin pour le fournisseur. Il n’offrira plus le service chez la travailleuse tant que la CSST ou la travailleuse n’aura pas payé sa facture.
[16] Le 26 avril 2013, la CSST refuse de rembourser le compte du fournisseur pour le service effectué le 4 février 2013 au motif qu’aucune réparation n’a été effectuée. Cette décision est maintenue en révision administrative le 23 mai 2013 et un motif additionnel est retenu, soit l’absence d’autorisation préalable. Il s’agit de la décision à l’étude par le tribunal.
[17] À l’audience, la travailleuse a témoigné. Elle a relaté les circonstances entourant son appel au fournisseur pour le service du 4 février 2013. Elle a pris l’ascenseur le samedi précédent (2 février 2013) et elle est restée prise dedans. Elle a appelé son conjoint avec son cellulaire. Celui-ci est venu et il a actionné un câble d’urgence permettant de faire descendre l’ascenseur, ouvrir la porte et permettre à la travailleuse de quitter la cabine. La travailleuse est demeurée chez elle les jours suivants.
[18] La travailleuse a fait un appel au fournisseur et celui-ci s’est présenté le 4 février 2013. Il lui a dit qu’il n’a rien trouvé de défectueux et que le problème pouvait être intermittent.
[19] La travailleuse affirme que le fournisseur est venu à 3 ou 4 reprises dans le passé en raison d’une panne de l’ascenseur, surtout l’hiver. À chaque fois, des pièces ont été remplacées. Elle n’a jamais demandé d’autorisation à la CSST avant de faire un appel de service au fournisseur. Elle transmettait les factures à la CSST et celle-ci les acquittait.
[20] Quelques semaines après le 4 février 2013, l’ascenseur a été en panne à une reprise. Quelque temps auparavant, un proche a dit à la travailleuse d’actionner le bouton « reset » en cas de panne, ce qu’elle a fait et l’ascenseur s’est réactivé. En raison du refus de la CSST d’acquitter la facture du fournisseur pour le service du 4 février 2013, la travailleuse craint que ce dernier refuse de se présenter en cas de panne.
[21] Le tribunal a aussi entendu le témoignage de monsieur Dial Parent. Il est le conjoint de la travailleuse et habite dans le logement juste à côté. La travailleuse l’a appelé lors de la panne du 2 février 2013. Il a actionné un câble d’urgence pour faire descendre l’ascenseur et faire sortir la travailleuse de la cabine. Par la suite, il a appuyé sur différents boutons, mais l’ascenseur ne fonctionnait pas.
[22] L’article 157 de la loi prévoit que la CSST assume les coûts d’adaptation du domicile ainsi que le coût d’entretien qu’entraîne cette adaptation. L’article 157 de la loi se lit comme suit :
157. Lorsque la Commission assume le coût des travaux d'adaptation du domicile ou du véhicule principal d'un travailleur, elle assume aussi le coût additionnel d'assurance et d'entretien du domicile ou du véhicule qu'entraîne cette adaptation.
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1985, c. 6, a. 157.
[23] Ainsi, la CSST est tenue d’assumer le coût pour entretenir et réparer l’ascenseur qu’elle a fait installer chez la travailleuse.
[24] Aucune disposition de la loi prévoit qu’un entretien ou une réparation d’une adaptation au domicile doit être précédé d’une autorisation préalable de la CSST. Selon la preuve, la CSST a assumé à 3 ou 4 reprises dans le passé les frais du fournisseur à la suite d’un appel de service logé par la travailleuse, celle-ci n’ayant demandé aucune autorisation préalable.
[25] Le 2 février 2013, la travailleuse prend l’ascenseur, celui-ci ne fonctionne pas et elle ne peut en sortir. Elle doit appeler son conjoint avec son cellulaire pour que celui-ci la libère de sa position en actionnant un câble d’urgence. Ce dernier a affirmé, lors de l’audience, qu’il a tenté d’activer l’ascenseur en appuyant sur tous les boutons, mais en vain. De l’avis du soussigné, il ne fait aucun doute qu’une panne est survenue le 2 février 2013. Sur cette question, le tribunal s’en remet aux témoignages crédibles et non contredits de la travailleuse et de son conjoint.
[26] Le tribunal est d’avis que ce n’est pas parce que le fournisseur n’a pas identifié une défectuosité quelconque lors du service du 4 février 2013 qu’il faut en conclure que l’ascenseur n’a présenté aucune panne deux jours plus tôt. Lors de sa visite chez la travailleuse, le fournisseur a mentionné que le problème pouvait être intermittent.
[27] Dans ce contexte, une vérification du fournisseur était nécessaire pour la sécurité de la travailleuse et pour lui éviter un autre épisode comme celui survenu le 2 février 2013.
[28] Dans les circonstances, l’appel de service auprès du fournisseur était justifié. La travailleuse ne pouvait prendre le risque d’utiliser à nouveau l’ascenseur avant qu’une vérification de l’équipement soit faite par un technicien qualifié du fournisseur, celle-ci faisant partie de l’entretien de l’adaptation apportée au domicile de la travailleuse. La CSST doit donc en assumer le coût.
[29] La requête de la travailleuse est donc accueillie.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de madame Annette Hardy, la travailleuse;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 23 mai 2013 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse a droit au remboursement des frais de service effectué par Mobilis Élévateur inc. le 4 février 2013 pour un montant de 599,25 $
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Paul Champagne |
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Me Annie Noël |
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MÉNARD, MILLIARD, CAUX |
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Représentante de la partie requérante |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.