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[1] Le 4 janvier 2004, M. Gerry Leguë (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 4 décembre 2003 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 6 mars 2003 et déclare que le travailleur est capable d’exercer son emploi convenable de caissier de billetterie prédéterminé le 19 décembre 1992 à compter du 6 mars 2003 et qu’il n’a plus droit à l’indemnité de remplacement du revenu.
[3] Une audience est tenue à Trois-Rivières le 10 juin 2004 en présence du travailleur et de son représentant. L’employeur a avisé le tribunal de son absence. La procureure de la CSST a quant à elle adressé des commentaires écrits au tribunal.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la décision initiale de la CSST du 6 mars 2003 est prématurée.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent le même avis. Le premier avis complémentaire émis par le docteur Jean-François Roy est attribuable à une erreur manifeste et déterminante. C’est donc son deuxième rapport complémentaire qui est liant au sens de l’article 224 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la Loi). En conséquence, des limitations fonctionnelles supplémentaires sont attribuées et la CSST n’en a pas tenu compte dans sa décision qui était en quelque sorte prématurée puisque rendue avant l’établissement des limitations fonctionnelles réelles. La CSST devra donc réévaluer le dossier au vu des nouvelles limitations fonctionnelles, le travailleur gardant le droit à l’indemnité de remplacement du revenu pendant ce temps.
[6] Les membres tiennent à souligner que le fait pour le docteur Roy de changer les limitations fonctionnelles sans revoir le travailleur peut paraître étrange.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] Pour rendre sa décision, la Commission des lésions professionnelles a pris connaissance de l’ensemble de la documentation au dossier, des témoignages rendus à l’audience, de l’argumentation des parties et tenu compte de l’avis des membres. Elle rend en conséquence la décision suivante.
[8] Le 23 avril 1991, le travailleur subit une lésion professionnelle alors qu’il occupe un emploi de manœuvre dans la construction. Suite à cette lésion, il a dû subir une discoïdectomie au niveau L3-L4 le 25 juin 1991. Un déficit anatomo-physiologique de 15 % est alloué par le médecin traitant qui émet les limitations fonctionnelles suivantes :
· éviter le travail en position courbée;
· éviter de manipuler des poids supérieurs à 30 livres;
· éviter les mouvements répétitifs de la colonne lombaire.
[9] Compte tenu de ces limitations fonctionnelles, l’emploi convenable de commis à la billetterie est déterminé le 18 décembre 1992.
[10] Le 26 mai 1999, le travailleur subit un nouvel accident du travail en transportant des panneaux de formes alors qu’il travaille toujours dans la construction malgré les limitations fonctionnelles émises en 1992.
[11] Le 31 août 1999, une imagerie par résonance magnétique ne démontre aucune évidence de récidive de hernie discale.
[12] Le 30 novembre 1999, le docteur Patrice Drouin, neurologue, procède à la préparation du rapport d’évaluation médicale pour la lombalgie et la sciatalgie gauches observées chez le travailleur. Son examen objectif révèle des anomalies, notamment un lasègue à 70o. Il estime que l’état du travailleur n’est pas consolidé.
[13] Le 15 février 2000, un électromyogramme pratiqué par le docteur Stéphane Charest, neurologue, démontre la présence d’une radiculopathie L5 gauche.
[14] Le 21 juin 2000, la docteure Nathalie Gauvin émet un rapport final consolidant la lésion au 21 juin 2000 avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.
[15] Le 17 août 2000, le docteur Marc Antoniades, chirurgien-orthopédiste, procède à la préparation du rapport d’évaluation médicale définitif. Son examen objectif révèle des limitations de mouvements au niveau lombaire. Une légère faiblesse du quadriceps gauche évaluée à 4/5 est notée. Il émet les limitations fonctionnelles suivantes :
· éviter de lever des poids de 30 livres et surtout de façon répétitive;
· éviter les mouvements répétés de torsion et de flexion lombaire;
· éviter de travailler en position courbée.
[16] Ces limitations sont permanentes. Il évalue les séquelles actuelles à 12 %.
[17] Le 27 mai 2002, le travailleur subit une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion du 26 mai 1999 acceptée par une décision du 31 juillet 2002. Il venait alors de débuter un nouveau travail de ramoneur, ce qui a eu pour effet d’augmenter les engourdissements au niveau des membres inférieurs. Comme il le mentionne à sa réclamation, il descendait d’une échelle et affirme ne pas avoir ressenti le sol sous son pied et être tombé à la renverse. Son dos a barré par la suite.
[18] Le 14 juin 2002, le travailleur rencontre le docteur Jean-François Roy, chirurgien-orthopédiste. À l’examen objectif, il note des limitations de mouvements et une diminution des réflexes rotuliens et achilléens gauches. Il estime que le travailleur souffre d’une incompétence discale L3-L4 post-discoïdectomie entraînant une lombalgie mécanique avec recrudescence des symptômes lorsque les charges au niveau du rachis excèdent les compétences de ce disque. Il mentionne que des limitations fonctionnelles sont à prévoir, lesquelles seront de classe III.
[19] Le 30 août 2002, une nouvelle imagerie par résonance magnétique démontre une hernie discale centro-latérale gauche à L4-L5 et un status post-discoïdectomie à L3-L4 gauche sans évidence de récidive ou d’arachnoïdite.
[20] Le 28 octobre 2002, le docteur Jean-François Roy mentionne le diagnostic de hernie discale L4-L5 gauche avec séquelles de discoïdectomie L3-L4. Des limitations fonctionnelles de classe IV sont alors émises.
[21] Le 29 novembre 2002, le travailleur rencontre le docteur Jacques Garneau, chirurgien-orthopédiste, à la demande de la CSST. Son examen objectif démontre des anomalies et notamment une absence du réflexe ostéotendineux achilléen gauche. Il estime que la hernie discale L4-L5 est une condition personnelle qui devrait être traitée de façon conservatrice. Il n’apparaît aucunement utile à ce médecin de considérer une intervention chirurgicale à condition que le travailleur respecte ses limitations fonctionnelles. Il n’estime pas devoir modifier les limitations fonctionnelles déjà émises. Il termine en mentionnant que le travailleur ne peut reprendre un travail en force tel son travail antérieur dans la construction ou celui de ramoneur. Une réorientation professionnelle est recommandée par le docteur Garneau.
[22] Le 15 janvier 2003, le docteur Serge Baril de la CSST adresse au docteur Jean-François Roy un rapport complémentaire.
[23] Le 18 février 2003, l’agente d’indemnisation du travailleur a une conversation avec M. Lafontaine, éducateur physique responsable du travailleur chez Tonix. Il fait remarquer que la condition du travailleur s’est améliorée. La douleur serait plus importante lorsque le travailleur joue aux quilles ou fait de la motoneige.
[24] Le 19 février 2003, aucun rapport n’ayant été transmis par le docteur Roy, la CSST prépare un formulaire de référence au Bureau d’évaluation médicale opposant le rapport du docteur Roy du 28 octobre 2002 et celui du docteur Garneau du 12 décembre 2002.
[25] Le 21 février 2003, l’agente d’indemnisation indique aux notes évolutives qu’elle n’a pas reçu le rapport complémentaire du docteur Roy et qu’elle demandera donc une référence au Bureau d’évaluation médicale.
[26] Le 25 février 2003, la CSST reçoit le rapport complémentaire du docteur Jean-François Roy sur lequel il mentionne « D’accord sur tout [sic] les points ». Ce rapport a été signé par le docteur Roy le 11 février 2003. Le 31 mars 2003, le docteur Roy corrige son rapport complémentaire signé le 11 février 2003 à même le formulaire original :
Après verification du dossier.
erratum : limitations fonctionnelles classe III au lieu de classe II IRSST.
Tel que documents dans mon rapport daté du 14 juin 2002
[27] Le 4 mars 2003, une note évolutive de l’agente d’indemnisation indique qu’elle a finalement reçu le rapport complémentaire du docteur Roy et qu’elle annule le rendez-vous du travailleur au Bureau d’évaluation médicale.
[28] Le 17 avril 2003, une note évolutive indique que la CSST ne peut reconsidérer sa décision du 6 mars 2003 puisque le rapport complémentaire amendé du docteur Roy a été reçu après qu’elle ait été rendue. Cependant, la CSST ne peut ignorer le rapport complémentaire qui mentionne une augmentation des limitations et il y a donc lieu, selon la conseillère en réadaptation, de se prononcer à savoir s’il y a récidive, rechute ou aggravation.
[29] Le 16 juin 2003, le docteur Roy mentionne la présence d’une sciatalgie gauche détériorée chez le travailleur. La CSST reconnaît en conséquence une récidive, rechute ou aggravation à cette date par décision du 11 août 2003, laquelle n’a pas été contestée.
[30] Le 25 juin 2003, la CSST réfère le dossier au Bureau d’évaluation médicale en opposant le rapport du docteur Jean-François Roy du 6 juin 2003 et le rapport du docteur Jacques Garneau du 29 novembre 2002.
[31] Le 18 juillet 2003, une tomodensitométrie révèle une sténose spinale à L4-L5 avec fibrose post-chirurgicale dans le canal rachidien. Le 23 juillet 2003, le docteur André Girard, orthopédiste, rencontre le travailleur à titre de membre du Bureau d’évaluation médicale. Il inscrit que cet examen est fait en relation avec la récidive, rechute ou aggravation du 29 novembre 2002. Or, le dossier ne révèle aucune lésion acceptée à cette date. Son examen objectif révèle notamment des limitations de mouvements. Le réflexe rotulien gauche est diminué de même que l’achilléen gauche avec « straight leg raising » positif. Il retient le diagnostic de sciatalgie gauche, laquelle n’est pas consolidée et nécessite toujours des soins et une investigation. Il considère qu’il est trop tôt pour se prononcer sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles éventuelles.
[32] Le 1er juin 2004, le docteur Jean-François Roy indique que le travailleur est en attente de chirurgie depuis octobre 2002 et est inapte à tout travail jusqu’à cette chirurgie.
[33] Le travailleur témoigne à l’audience. Lorsqu’il a rencontré le docteur Roy le 14 juin 2002, il sentait qu’il se détériorait. Il avait mal à la jambe gauche, n’était pas fonctionnel et ses mouvements étaient limités. La question d’une intervention chirurgicale a été abordée mais il avait peur d’être réopéré.
[34] En octobre 2002, le docteur Roy lui a alors recommandé fortement une nouvelle chirurgie.
[35] Avant sa lésion de 1991, il jouait au golf et à la balle donnée. Par la suite, il a pu continuer à jouer aux quilles mais seulement une fois par semaine plutôt que trois comme auparavant. Avant la lésion de 2002, il faisait partie d’une ligue de quilles et il s’agissait de la seule activité qui ne lui était pas interdite par le docteur Roy. Il s’agissait d’une ligue non compétitive et il jouait de façon à ne pas solliciter son dos de façon importante.
[36] Lorsqu’il a mentionné à son éducateur physique que sa condition s’était améliorée de 40 %, il référait surtout au haut du corps et à son état général. Quant à son dos, c’est plutôt une baisse d’environ 10 % qu’il a notée.
[37] Lors des rapports complémentaires préparés par le docteur Roy, ce dernier ne l’avait pas revu depuis octobre 2002.
[38] Quant à la motoneige, il n’en fait plus sauf parfois autour de la maison avec ses enfants. Il a cessé cette activité vers l’an 2000.
[39] Lorsqu’il a pris connaissance du premier rapport complémentaire du docteur Roy, il l’a appelé pour savoir qu’est-ce qui entraînait ce changement dans son opinion. Il lui avait recommandé une chirurgie et avait mentionné qu’il était incapable de travailler alors qu’il disait maintenant le contraire. Il a mentionné qu’il réviserait son dossier.
[40] Lorsqu’on lui a coupé ses indemnités en mars 2003, la CSST lui a suggéré de déposer une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation qui a été acceptée à compter de juin 2003. Son indemnité de remplacement du revenu a donc repris en juin 2003 et elle avait cessé en mars 2003. C’est essentiellement cette période d’indemnité de remplacement du revenu que vise son présent recours.
[41] Sa rechute de juin 2003 est toujours indemnisée et il a rencontré la semaine précédant l’audience le docteur Lamoureux de Sherbrooke à la demande de la CSST.
[42] Il a subi une autre chirurgie le 29 octobre 2003 et le docteur Roy a produit un rapport d’évaluation médicale en août 2004.
[43] Il estime qu’il ne va pas mieux et moralement il trouve tout cela difficile. Le docteur Roy lui a suggéré de voir un psychologue. Entre-temps, il rencontre une intervenante sociale.
[44] Le 1991 à 2000, il possédait un commerce, soit un dépanneur dont il assurait la gestion et la gérance. Il est quand même retourné dans la construction en 1995 et en 2000.
[45] La Commission des lésions professionnelles doit donc décider du bien-fondé des décisions rendues par la CSST les 6 mars 2003 et 4 décembre 2003. Plus particulièrement, le présent tribunal doit décider de la capacité de travail du travailleur et de son droit à l’indemnité de remplacement du revenu en mars 2003.
[46] La décision du 6 mars 2003 est basée sur la prémisse de l’absence d’augmentation de limitations fonctionnelles ou d’atteinte permanente. Cette prémisse vient du fait que le docteur Jean-François Roy a émis un rapport complémentaire par lequel il se dit d’accord sur tous les points de l’expertise du docteur Jacques Garneau.
[47] Cependant, ce rapport complémentaire a été remplacé par un deuxième où le docteur Roy prévoit des limitations fonctionnelles de classe III alors que le docteur Garneau prévoyait le maintien des limitations de classe II.
[48] Le tribunal concède qu’un médecin ne peut pas, de façon générale, revenir sur un rapport produit pour le modifier à l’avantage du travailleur. Cependant, le tribunal en l’espèce est convaincu que le premier rapport complémentaire émis par le docteur Roy l’a été à la suite d’une erreur. En effet, en se disant d’accord sur tous les points retenus par le docteur Garneau, il se trouve à contredire ce qu’il avait avancé jusque là quant à la nécessité d’une chirurgie, quant à des limitations fonctionnelles de classe III ou IV etc.
[49] Comment expliquer que le docteur Roy ait fait un virage à 180o dans l’opinion qu’il a de la condition du travailleur sans qu’il ne l’ait revu entre octobre 2002 et la confection de ces rapports complémentaires. Le tribunal estime que, en toute probabilité, le docteur Roy a erronément émis le premier rapport complémentaire. Il le dit d’ailleurs dans son deuxième rapport en utilisant l’expression « erratum ». Il mentionne également que les nouvelles conclusions du deuxième rapport sont faites « après vérification du dossier ».
[50] Le tribunal estime donc que, lors du premier rapport, ou bien le docteur Roy s’est mépris sur le travailleur dont il était question ou bien il ne se souvenait plus du contenu du dossier et n’y a pas référé. De toute façon, et même dans d’autres hypothèses possibles, il s’agit d’une erreur du médecin qui ne doit pas pénaliser le travailleur.
[51] Le meilleur exemple de l’erreur du docteur Roy est la recommandation qu’il a faite depuis le début d’une chirurgie, chirurgie qui a effectivement été pratiquée en 2003. Si on prenait le premier rapport complémentaire à la lettre, on devrait comprendre que le docteur Roy n’était pas d’accord avec la chirurgie, ce qui n’est manifestement pas le cas comme les faits l’ont démontré.
[52] Encore une fois, le tribunal ne peut expliquer le revirement drastique d’opinion contenu dans le premier rapport complémentaire que par une erreur puisque, comme la narration des faits le démontre, le docteur Roy avait toujours maintenu la nécessité d’une chirurgie et de l’augmentation des limitations fonctionnelles à une classe III ou IV avant le premier rapport complémentaire. Il indique d’ailleurs sur le document T-1 que le travailleur était en attente de chirurgie en octobre 2002. Comment expliquer qu’en mars 2003 il change subitement d’idée sans avoir revu le travailleur ni même lui avoir reparlé? Même la CSST était au courant depuis le 11 novembre 2002 que le travailleur était en attente d’une chirurgie au printemps. Elle aurait dû entretenir un doute lorsqu’elle a reçu le premier rapport complémentaire du docteur Roy qui, en donnant un accord apparent à l’opinion du docteur Garneau, contredisait la nécessité de la chirurgie qu’il avait lui-même suggérée.
[53] La jurisprudence a déjà reconnu qu’un rapport émis par erreur ne devait pas être retenu en autant que l’erreur soit dûment prouvée et qu’il ne s’agisse pas d’une façon indirecte pour un travailleur de contester un rapport de son médecin.
[54] Dans l’affaire Maltais et Radiateurs J.P. Segnoni inc.[2], la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel), à l’étude du dossier, remarque que le médecin du travailleur a indiqué à plusieurs reprises que celui-ci conserverait une atteinte permanente. Le rapport final qu’il émet n’indique que la présence de limitations fonctionnelles sans atteinte permanente. Le commissaire décide alors qu’il est probable qu’il y a ait eu erreur et en vient à la conclusion qu’il y a existence d’une atteinte permanente. Ces faits s’appliquent très bien au dossier sous étude.
[55] Dans Hôpital de l’Enfant-Jésus et Desmeules[3], la Commission d’appel mentionne qu’il peut se produire des circonstances qui justifient le médecin qui a charge du travailleur de compléter un rapport modifiant un rapport final. Le tribunal ne voit pas pourquoi il en irait autrement quant à un rapport complémentaire produit à la demande de la CSST, l’erreur manifeste étant une circonstance justifiant une telle modification.
[56] Dans l’affaire Lab Chrysotile inc. et Dupont[4], la Commission d’appel rappelle qu’un rapport final ne peut être modifié que pour corriger une erreur matérielle manifeste ou en raison d’une situation inattendue. Encore une fois, il n’y a aucune raison pour qu’il en soit autrement quant à un rapport complémentaire et le tribunal estime en l’espèce être en présence d’une erreur matérielle manifeste venant du médecin du travailleur, laquelle ne doit pas pénaliser ce dernier.
[57] Dans Couture et Ferme Jacmi CENC[5], la Commission des lésions professionnelles mentionne que l’admission implicite par le médecin qui a charge d’une erreur faisait en sorte que la CSST devait plutôt retenir le rapport corrigé puisque le travailleur ne devait pas avoir à supporter une telle faute et les conséquences importantes qui en découlent quant à l’évaluation des séquelles qu’il conserve.
[58] Dans Teinturerie Perfection Canada inc. et Mbokila[6], la Commission des lésions professionnelles réitère qu’un médecin peut corriger une erreur commise dans un premier rapport et que son rapport ainsi corrigé lie la CSST. D’autres décisions vont d’ailleurs dans le même sens[7].
[59] La Cour supérieure du Québec a même mentionné dans l’affaire Desruisseaux c. C.L.P.[8] qu’il était manifestement déraisonnable pour la Commission des lésions professionnelles de ne pas écarter un rapport final du médecin du travailleur alors que ce médecin avait témoigné à l’audience en admettant s’être trompé et avoir été influencé par l’opinion d’un tiers. En l’espèce, le docteur Roy lui-même admet son erreur et aucune preuve ne vient contredire cette erreur.
[60] Conséquemment, la CSST aurait dû écarter le premier rapport complémentaire pour ne retenir que le deuxième.
[61] Si elle n’était pas d’accord avec le deuxième rapport complémentaire, elle aurait pu demander une référence au Bureau d’évaluation médicale, ce qu’elle n’a pas fait. Le seul avis d’un membre du Bureau d’évaluation médicale au dossier est celui du 23 juillet 2003 émis par le docteur André Girard qui vise manifestement la rechute du 16 juin 2003 et non pas la lésion du 27 mai 2002.
[62] Or, le deuxième avis complémentaire du docteur Roy indique une augmentation des limitations fonctionnelles de classe II qu’elles étaient à une classe III. À la lumière de ces nouvelles limitations fonctionnelles, la décision du 6 mars 2003 ne tient plus la route puisqu’elle est basée sur de fausses prémisses.
[63] La décision du 6 mars 2003 et celle qui l’a suivie le 4 décembre 2003 doivent donc être annulées et le dossier retourné à la CSST afin qu’elle se prononce sur la capacité de travail du travailleur et son droit à l’indemnité de remplacement du revenu en tenant compte du deuxième avis complémentaire du docteur Jean-François Roy. Entre-temps, il va sans dire que le travailleur conserve le droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’au 16 juin 2003, date à laquelle il a subi une nouvelle lésion professionnelle pour laquelle il a été dûment indemnisé jusqu’à ce jour.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de M. Gerry Leguë, le travailleur;
INFIRME la décision rendue par la CSST le 4 décembre 2003 à la suite d’une révision administrative;
RETOURNE le dossier à la CSST afin que la capacité de travail du travailleur et son droit à l’indemnité de remplacement du revenu soient évalués en tenant compte du deuxième rapport complémentaire du docteur Jean-François Roy;
ET
DÉCLARE que le travailleur a droit à la poursuite de l’indemnité de remplacement du revenu après le 6 mars 2003 et tant que sa capacité de travail ne sera pas déterminée, sous réserve des indemnités reçues dans d’autres dossiers.
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Me Jean-François Clément |
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Commissaire |
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M. Dominique Le Sage |
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S.A.T.A. |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Mireille Cholette |
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PANNETON LESSARD |
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Représentante de la partie intervenante |
[1] L.R.Q. c. A-3.001.
[2] C.A.L.P. 06064-62-8801, 22 novembre 1990, G. Perreault.
[3] [1992] C.A.L.P. 848 , requête en révision judiciaire rejetée, [1992] C.A.L.P. 1411 (C.S.)
[4] [1996] C.A.L.P. 132 .
[5] C.L.P. 162026-03B-0105, 16 novembre 2001, G. Marquis.
[6] C.L.P. 167421-72-0108, 23 mai 2002, D. Lévesque.
[7] Soucy et Outils Fuller ltée, C.A.L.P. 60914-60-9407, 5 mars 1996, J.-Y. Desjardins; Lamontagne et CLSC Samuel de Champlain, C.A.L.P. 87804-62-9704, 25 février 1998, B. Lemay; FATA et Pavage CCA inc., [1997] C.A.L.P. 1102 , révision rejetée, C.A.L.P. 84456-71-9612, 25 février 1998, T. Giroux; Larocque c. C.L.P., Cour supérieure de Hull, 550-05-011759-027, 25 juin 2002, juge Isabelle; Lanciault et Tricots Maxime inc., C.L.P. 170601-63-0110, 13 juin 2002, F. Juteau, révision rejetée, 25 juillet 2003, G. Godin; Bouchard et Nettoyage Docknet inc., C.L.P. 201487-04-0303, 4 décembre 2003, J.-F. Clément.
[8] [2000] C.L.P. 556 .
AVIS :
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