Décision

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Vermette c

Vermette c. General Motors of Canada Ltd.

2010 QCCS 266

JP1504

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-06-000261-046

 

 

 

DATE :

 2 FÉVRIER 2010

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

HÉLÈNE POULIN, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

STÉPHANE VERMETTE

-et-

ASSOCIATION POUR LA

PROTECTION AUTOMOBILE

Requérants

c.

GENERAL MOTORS OF CANADA

LIMITED

-et-

GENERAL MOTORS CORPORATION

Intimées

 

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JUGEMENT

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1.                  MISE EN SITUATION

[1]                Autorisés par la Cour d'appel du Québec[1] à intenter un recours collectif en responsabilité, en dommages-intérêts, en dommages exemplaires et en remboursement de sommes payées ou à encourir, le 19 décembre 2008, Stéphane Vermette (« Vermette »)[2] et l'Association pour la protection automobile (« APA ») font signifier à General Motors du Canada Limitée (« GMCL ») et à General Motors Corporation (« GMC ») une requête introductive d'instance.

[2]                Par leur réclamation, ces derniers de même que les membres du groupe représentés en l'espèce visent principalement à se faire indemniser pour les troubles et inconvénients qu'ils auraient subis en raison des problèmes de corrosion ou d'écaillement de peinture dont leur voiture, louée ou achetée, aurait été l'objet, alléguant par ailleurs que plusieurs d'entre eux auraient, pour ce motif, dû absorber une perte lors de la revente de leur véhicule.

[3]                Ils prient en outre le Tribunal d'accorder à APA une compensation de 250 000 $ « pour dommages matériels et exemplaires » afin qu'elle couvre ses coûts dans le cadre de la présente affaire et qu'elle puisse continuer à remplir sa mission de protection des automobilistes.

[4]                Qualifiant d'illégales, de non pertinentes et de superflues certaines des affirmations qui y sont contenues, GMCL et GMC présentent une requête en radiation d'allégations, demande que Vermette et APA contestent.

2.         QUESTION EN LITIGE [3] ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

[5]                Soutenant que la réclamation de 250 000 $ relative à la mission remplie par APA n'est aucunement fondée en droit, GMCL et GMC demandent en l'instance au Tribunal de rayer l'allégation et la conclusion qui y réfèrent.  Voici en quels termes les paragraphes concernés de la requête en radiation sont rédigés :

« 6.3 De plus, la Demanderesse/Représentante APA est en droit d'obtenir une compensation pour dommages matériels et exemplaires de la part des Défenderesses au montant de 250 000 $ pour couvrir ses coûts dans la présente affaire et lui permettre de continuer à remplir encore davantage sa mission de protection des automobilistes.

[…]

CONDAMNER solidairement les Défenderesses à payer à la Demanderesse/Représentante Association pour la protection automobile une somme de 250 000 $ à titre de dommages-intérêts et dommages exemplaires, avec intérêt au taux légal et l'indemnité additionnelle à compter de l'institution du présent recours. »

[6]                Plus précisément, elles reprochent à Vermette et à APA de vouloir obtenir une compensation monétaire alors qu'elle n'est pas membre du groupe.  Son recours serait sans contredit voué à l'échec, le Tribunal n'ayant pas le pouvoir de lui octroyer une telle indemnité, plaident-elles.  Non pertinente, superflue et inutile, la demande concernant APA devrait en conséquence être radiée.

[7]                Vermette et APA voient les choses différemment.

[8]                Après avoir porté à l'attention du Tribunal que la Cour d'appel, en autorisant le recours collectif, avait nommément conservé « la demande de compensation de 250 000 $ en faveur de la requérante Association pour la protection automobile »[4] afin qu'elle soit traitée au fond, Vermette et APA proposent qu'il serait dans les circonstances à tout le moins inapproprié de biffer ce qui se rapporte à cette question.

[9]                Le Tribunal partage l'avis de ces derniers.

[10]            Quand il étudie si les critères d'autorisation sont respectés, le Tribunal vérifie si :

«  a) les recours des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes;

 

 b) les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;

 

 c) la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l'application des articles 59 ou 67; et que

 

 d) le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d'assurer une représentation adéquate des membres. »[5]

[11]            Le jugement qui fait par ailleurs droit à la requête en autorisation :

«  a) décrit le groupe dont les membres seront liés par tout jugement;

 

b) identifie les principales questions qui seront traitées collectivement et les     conclusions recherchées qui s'y rattachent;

 

 c) ordonne la publication d'un avis aux membres. »[6]

[12]            Il appert de ce qui précède que l'exercice du recours collectif obéit à certaines règles précises, les principales questions en litige et les conclusions recherchées devant notamment se retrouver dans le jugement d'autorisation[7].

[13]            En l'espèce, GMCL et GMC ne se plaignent ni du fait que Vermette et APA aient créé un nouveau recours en incluant à la requête introductive le paragraphe 6.3 et la conclusion qui y réfère, ni qu'ils aient ajouté un nouveau débat à l'instance ou quelque élément qui soit étranger au cadre tel qu'initialement défini, ni qu'ils se soient écartés du litige tel que campé ou qu'ils lui aient donné une nouvelle tournure.  Elles soutiennent plutôt que parce qu'ils n'ont aucun fondement légal et que, par conséquent, ils n'ont aucune chance d'être retenus au mérite, ces éléments devraient, dès à présent, être exclus du dossier.

[14]            Chaque cas est un cas d'espèce.

[15]            Dans le cadre de la présente affaire, l'allégation et la conclusion que GMCL et GMC souhaiteraient bannir du débat font partie intégrante de l'arrêt qui a disposé de l'autorisation du recours.  Plus que d'être de très près liées à celles que la Cour d'appel a permis d'inclure à la requête introductive d'instance, elles en sont une copie conforme.  Qui plus est, GMCL et GMC ne pourraient certes pas prétendre qu'il s'agit là d'un oubli de la part de la Cour d'appel puisque cette dernière a identifié le cadre de l'exercice du recours après avoir spécifiquement précisé que GMCL et GMC avaient « concédé que les faits allégués paraissaient justifier les conclusions recherchées »[8].

[16]            La Cour d'appel, qui n'était pas tenue aux demandes formulées par Vermette et APA et à qui il était loisible de modifier les sujets que ces derniers entendaient aborder, ne l'a pas fait.

[17]            Le Tribunal est en conséquence d'avis qu'elle a alors permis que ces questions soient intégrées à la requête introductive d'instance, le législateur ayant octroyé une très large discrétion à cette étape, sous réserve, il va sans dire, que « la preuve et le droit applicable à cette preuve […] permettront au juge du procès de déterminer si de tels dommages peuvent être accordés ou non »[9].

[18]            Mais il y a plus.

[19]            Confirmée à cet égard par la Cour d'appel[10], la juge Michèle Monast, rejetant la réclamation de l'association représentante, écrit, dans l'affaire Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec[11], que « l'allocation d'un montant forfaitaire [ne paraissait pas] être exclusivement dans l'intérêt des membres qu'elle a eu l'autorisation de représenter » [12].

[20]            La demande que logent Vermette et APA en l'instance est-elle de même nature que celle discutée dans l'affaire plus haut citée ?  Les « dommages-intérêts et exemplaires » auxquels APA prétend avoir droit ont-ils le même fondement juridique que l'allocation qui y est réclamée ?  Il est actuellement trop tôt pour en décider.

[21]            Aussi le Tribunal est-il d'avis que cette question, prématurée à ce stade-ci des procédures, devra plutôt être tranchée au mérite de l'affaire.

[22]            POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[23]            REJETTE la partie de la requête en radiation d'allégations qui concerne les paragraphes 27 à 34 et les deux dernières conclusions et REPORTE, à une date qui sera ultérieurement fixée, l'audience relative à la première question qui y est abordée, tel que convenu le 26 janvier 2010;

[24]            FRAIS À SUIVRE.

 

 

 

__________________________________

HÉLÈNE POULIN, J.C.S.

 

Me Guy Paquette

Me Karine St-Louis

PAQUETTE GADLER INC.

Procureurs des demandeurs

 

Me Laurent Nahmiash

Me Pascale Dionne-Bourassa

FRASER MILNER CASGRAIN

Procureurs des défenderesses

 

Date d’audience :

26 JANVIER 2010

 



[1]     Voici la chronologie des procédures judiciaires :

-          le 15 novembre 2004, Vermette fait signifier à GMCL et à GMC une requête en autorisation d'exercer un recours collectif;

-          le 29 septembre 2009, Vermette amende sa procédure après en avoir obtenu la permission à la suite d'une audition tenue le 24 août 2006.  APA est entre autres alors incluse comme co-requérante;

-          le 6 mars 2007, le juge Roger E. Baker, j.c.s., refuse d'autoriser le recours, décision que Vermette et APA portent en appel le 4 avril 2007;

-          le 26 septembre 2008, la Cour d'appel infirme le jugement prononcé par le juge Baker et autorise le recours, arrêt dont GMCL et GMC demandent à la Cour suprême du Canada la permission d'appeler le 6 novembre 2008;

-          le 19 décembre 2008, Vermette et APA font signifier à GMCL et à GMC la requête introductive d'instance objet du présent litige;

-          le 11 juin 2009, la Cour suprême du Canada refuse à GMCL et à GMC la permission d'en appeler de la décision de la Cour d'appel.

[2]     L'emploi du nom dans le jugement vise à alléger le texte et non à faire preuve de familiarité ou de prétention.

[3]     La requête en radiation d'allégations que GMCL et GMC ont ait signifier à Vermette et APA est composée de deux volets, l'un portant sur le paragraphe 4.5 de la requête introductive d'instance dans le cadre du recours collectif et l'autre, sur le paragraphe 6.3 et sur la huitième conclusion.  Seul cependant le dernier volet sera discuté dans le cadre du présent jugement, le recours ayant, de l'accord des parties, été scindé afin de permettre à Vermette et à APA de déposer une requête en amendement dont le fondement serait intimement lié au premier thème abordé dans la requête en radiation entendue en l'instance.

[4]     Précité, note 1, arrêt de la Cour d'appel, par. 7.

[5]     Article 1103 C.p.c.

[6]     Article 1005 C.p.c.

[7]     Billette c. Toyota, QCCA 847, par. 8.

[8]     Précité, note 1, arrêt de la Cour d'appel, par. 67.

[9]     Association pour l'accès à l'avortement c. Québec (Procureur général), 2007 QCCS 1796 , par. 30.

[10]    Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec (APEIQ) c. Ontario Public Service Employees' Union Pension Plan Trust Fund, [2008] R.J.Q. 1540 (C.A.).

[11]    Association de protection des épargnants et investisseurs du Québec (APEIQ) c. Corporation Nortel Networks, 2007 QSSC 266.

[12]    Précité, note 10, par. 24 et 143.

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