Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
_

Nadeau et Recyclage Trans-Pneu inc.

2008 QCCLP 2256

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

15 avril 2008

 

Région :

Québec

 

Dossier :

312650-31-0703

 

Dossier CSST :

122384605

 

Commissaire :

Me Carole Lessard

 

Membres :

Claude Jacques, associations d’employeurs

 

Pierrette Giroux, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Joseph Nadeau

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Recyclage Trans-Pneu inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 14 mars 2007, monsieur Joseph Nadeau (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par le biais de laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 27 février 2007, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST déclare irrecevable la demande de révision déposée le 11 décembre 2006. Or, par le biais de la décision rendue le 18 décembre 2007, la Commission des lésions professionnelles déclare que le travailleur avait valablement contesté les décisions rendues par la CSST, les 20 avril et 1er mai 2006 et ce, par le biais d’une lettre datée du 15 mai 2006.

 

[3]                Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles reconvoque les parties afin de pouvoir statuer sur les questions en litige, à savoir la suspension du versement des indemnités de remplacement du revenu ainsi que la fin du programme individualisé de réadaptation.

[4]                En effet, par le biais d’une première décision rendue le 20 avril 2006, la CSST suspend l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 20 avril 2006 et ce, en application de l’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[5]                De plus, par le biais de la décision rendue le 1er mai 2006, la CSST met fin au plan de réadaptation et ce, en application de l’article 183 de la loi.

[6]                Il s’agit donc des questions soumises en litige devant la présente Commission des lésions professionnelles.

[7]                L’audience s’est tenue à Québec, le 10 avril 2008, en présence du travailleur et de son représentant. Quant à Recyclage Trans-Pneu inc. (l’employeur), il est absent, bien que dûment convoqué. Les témoignages du travailleur et de son père, monsieur Claude Nadeau, sont entendus.

[8]                L’affaire est prise en délibéré le 10 avril 2008.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[9]                Le travailleur conteste le fait que la CSST ait mis fin au programme de réadaptation, en plus de suspendre le versement des indemnités de remplacement du revenu, le tout en application des articles 142 et 183 de la loi.

[10]           Il prétend que la CSST a pris ces décisions sans motif valable.

L’AVIS DES MEMBRES

[11]           La membre issue des associations de travailleurs et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que la Commission des lésions professionnelles devrait rejeter la requête du travailleur et déclarer que le travailleur a omis ou enfin, refuser, sans raison valable, de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation.

 

LES FAITS ET LES MOTIFS

[12]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la CSST était bien fondée, en date du 20 avril 2006, de suspendre les indemnités de remplacement du revenu du travailleur, à compter du même jour, et ce, en application de l’article 142 de la loi.

[13]           Elle doit, également, déterminer si la CSST était bien fondée, en date du 1er mai 2006, de mettre fin à son plan de réadaptation et ce, en application de l’article 183 de la loi.

[14]           Pour les fins de disposer de ces questions, la Commission des lésions professionnelles rappelle qu’elle détient sa compétence en vertu d’une décision préalablement rendue par la Commission des lésions professionnelles[2]. En effet, la commissaire a reconvoqué les parties pour disposer du fond du litige et ce, au motif que le travailleur avait valablement contesté les décisions rendues les 20 avril et 1er mai 2006, par le biais d’une lettre datée du 15 mai 2006, lettre préalablement expédiée à la demande de révision produite le 11 décembre 2006.

[15]           Donc, contrairement à la décision rendue par la CSST, le 27 février 2007 concluant que la demande révision du 11 décembre 2006 était irrecevable, la Commission des lésions professionnelles conclut que la demande préalablement produite le 15 mai 2006 le fut dans les délais prévus à la loi et ce, compte tenu qu’elle avait pour effet de contester les décisions rendues.

[16]           Aux fins d’apprécier les questions soumises en litige, la Commission des lésions professionnelles retient de l’ensemble de la preuve documentaire et testimoniale les éléments pertinents suivants.

[17]           Le 11 avril 2002, le travailleur subit une lésion professionnelle alors qu’il est âgé de 18 ans. L’accident en cause présente un caractère de gravité important puisque sa main gauche a alors été happée dans un convoyeur.

[18]           Aussi, le suivi médical initié à compter de cette même date révèle que le travailleur dut subir une amputation au tiers proximal de l’avant-bras gauche. Les notes de consultation complétées en date du 15 avril 2002 réfèrent également à un trouble situationnel dans un contexte voulant qu’il y ait eu perte significative sur le plan physique.

[19]           Par contre, le médecin note une adaptation relativement satisfaisante, à ce moment-là, puisqu’il n’y a pas de réaction catastrophique et que le travailleur n’entretient pas d’idées suicidaires.

[20]           Aussi, bien qu’il ait eu certaines idées suicidaires initialement, il mentionne qu’elles sont disparues rapidement ensuite et qu’il ne manifeste plus de désespoir. Le médecin rapporte également les propos du travailleur voulant qu’il voit déjà des moyens de se réadapter à la vie puisqu’il est droitier alors que sa lésion a été subie au bras gauche. Enfin, le médecin apporte le commentaire suivant, soit que le travailleur s’adonne, occasionnellement, à l’usage de certaines drogues, tel que le cannabis.

[21]           Le 25 avril 2002, le travailleur a débuté un programme de réadaptation au Programme des personnes amputées de l’Institut de réadaptation en déficience physique de Québec.

[22]           Selon le rapport d’évaluation psychosociale, complété par la travailleuse sociale, madame Julie Bouchard, le 11 octobre 2002, le travailleur a retrouvé rapidement un bon moral conséquemment à son accident et ce, compte tenu du soutien de tous ses proches.

[23]           Aussi, y rapporte-t-elle que le travailleur a amorcé de nouvelles passions, qu’il a de beaux projets d’avenir et qu’il fait preuve d’une volonté de prise en charge. Aussi, le processus de deuil est ainsi amorcé. Toutefois, madame Bouchard note que le travailleur demeure vulnérable à consommer de façon abusive si le deuil de sa nouvelle situation de vie se complique.

[24]           Elle mentionne, de plus, que le travailleur dut vivre une période de réorganisation personnelle importante, laquelle a justifié l’arrêt des traitements du 5 juin 2002 au 20 septembre 2002. Elle note, par la même occasion, que le travailleur a augmenté, au cours de cette même période, sa consommation d’alcool.

[25]           Selon les constats ci-haut rapportés et ce, tant par le médecin traitant que par cette travailleuse sociale, la Commission des lésions professionnelles note, au présent stade de son analyse, que le travailleur avait déjà des penchants pour consommer de l’alcool ou du cannabis et ce, antérieurement à la survenance de sa lésion professionnelle.

[26]           Le 2 juin 2003, un rapport final est complété par le docteur Lessard. Ce dernier prévoit l’octroi d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.

[27]           Selon le rapport d’évaluation médicale complété par ce même médecin, le 24 septembre 2003, les limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle subie le 11 avril 2002 sont ainsi énumérées :


« (…)

 

Il est certain qu’actuellement le patient ne pourra faire de travail de force nécessitant une utilisation de ses deux membres supérieurs de façon conjointe. Il ne pourra faire non plus de travail de manutention fine avec la main gauche, le patient ayant besoin d’une prothèse. Il devra se concentrer surtout sur les travaux de pince, de manipulation plus grossière.

 

(…) »

 

 

[28]           Aussi, en référence à son bilan des séquelles, la CSST reconnaît une atteinte permanente à l’intégrité physique de 106,7 %.

[29]           Selon le rapport final d’orientation professionnelle complété par les intervenants de l’Institut de réadaptation en déficience physique de Québec, il y a lieu de constater que le travailleur s’est lui-même orienté rapidement vers les métiers et professions qui lui permettaient de faire du dessin de conception ou de création. Aussi, s’est-il dès lors montré très affirmatif sur le choix d’aller en dessin d’animation 2D, 3D, puisqu’il pourrait y mettre son côté créateur à profit.

[30]           En conclusion, les intervenants indiquent qu’ils ne doutent pas de la motivation du travailleur et de ses capacités d’apprentissage qu’ils jugent suffisantes pour réussir son projet d’étude. Leurs seuls doutes sont à l’égard des réactions du travailleur lorsqu’il est en situation de tension, de frustration. En effet, il pourrait avoir tendance à opérer sur un mode impulsif d’évitement (retrait) et ce, afin de pouvoir prendre le large quelque temps.

[31]           Selon les notes évolutives complétées par la conseillère en réadaptation, le 30 avril 2003, celle-ci considère le travailleur capable d’effectuer une formation au niveau secondaire V, pour ensuite se diriger vers un « DEP » un « AEC ».

[32]           Aussi, conclut-elle, pour sa part, que le travailleur est très encouragé et motivé pour un retour aux études.

[33]           Aux notes complétées en date du 28 août 2003, la conseillère réfère à l’évaluation psychométrique permettant de conclure que le travailleur aurait un profil réaliste et artistique; aussi, ses intérêts pour des métiers et professions qui lui permettraient de faire du dessin de conception ou de création sont ainsi confirmés. Aussi, indique-t-elle que « L’AEC » en dessin d’animation apparaît être le premier choix à envisager pour le travailleur.

[34]           Donc, compte tenu que l’évaluation psychométrique est très favorable pour un retour aux études, le travailleur est autorisé, dans le cadre d’un plan individualisé de réadaptation, à suivre des cours et obtenir une équivalence d’un secondaire V.

[35]           En date du 29 octobre 2003, la CSST rend la décision à l’effet de reconnaître l’octroi d’une atteinte permanente à l’intégrité physique de 106,70 %; aussi, confirme-t-elle que le travailleur est en droit de recevoir une indemnité pour dommages corporels de 82 574,33 $.

[36]           Selon les notes complétées, en date du 7 novembre 2003, le travailleur affirme, à sa conseillère, qu’il pense s’organiser aux fins de planifier cette somme importante d’argent. Toutefois, le travailleur confie, à cette dernière, qu’il ne va pas très bien et que l’élément déclencheur voulant qu’il ne soit plus capable de se concentrer a trait au fait qu’il sera père dans quelques mois.

[37]           Aussi, le plan de formation, tel que prévu, est alors mis en suspens et ce, compte tenu que le travailleur vit une période difficile qui fait en sorte qu’il ne peut être suffisamment concentré pour suivre ses cours. Le plan de formation a donc été modifié et ce, de manière à ce que le travailleur puisse bénéficier d’aide psychologique.

[38]           En référence aux notes évolutives complétées en date du 23 février 2004, la conseillère indique qu’elle a expliqué au travailleur sa possibilité de mettre en place certaines mesures mais ce, à la condition qu’elle puisse connaître ses véritables besoins et qu’il se rende disponible à recevoir des mesures d’aide.

[39]           Le travailleur rétorque qu’il a toujours, comme objectif, de terminer ses cours aux adultes et ce, afin de pouvoir aller chercher son « AEC » en dessin 3D. La conseillère lui explique, alors, le contrat qu’elle a avec lui et qui consiste à réparer, le plus possible, les conséquences de sa lésion. Toutefois, aucune aide ne peut lui être offerte s’il ne montre pas de disponibilité et d’ouverture. Elle lui explique, dès lors, la possibilité de suspendre le plan de réadaptation si elle n’obtient pas sa collaboration.

[40]           Dans le cadre de ce même échange, le travailleur lui confie alors que le montant reçu, à titre d’indemnités pour dommages corporels, est dépensé, sans compter, depuis quelques temps, puisqu’il est parti sur la « galère » dès les premières semaines de sa réception. Il est alors conscient que cela peut lui être facile de tout flamber et ce, très rapidement.

[41]           La conseillère lui explique alors que s’il consulte un médecin et que ce dernier considère qu’il devrait avoir un suivi psychologique, une médication ou autre plan de traitement, qu’il lui appartient de faire suivre une telle recommandation médicale et ce, par le biais d’un billet médical. À partir de telles informations, il lui serait alors loisible de mettre en place des mesures de réadaptation appropriées. Or, aucune suite ne fut alors donnée à cet effet par le travailleur.

[42]           Les notes évolutives rapportent, ensuite, que le travailleur lui précise que c’est sa décision de ne pas avoir poursuivi sa formation aux adultes. La conseillère s’empresse alors de vérifier s’il serait prêt à consulter une personne ressource spécialisée au niveau des stress post-traumatiques. Or, encore là, aucune suite n’est donnée par le travailleur.

[43]           La Commission des lésions professionnelles constate au présent stade de son analyse que la collaboration alors offerte par le travailleur demeure mitigée.

[44]           En date du 4 juin 2004, il confirme qu’il a décidé de s’inscrire à l’école aux adultes, pour la fin du mois d’août et ce, dans l’intention de reprendre ses cours, en septembre 2004.

[45]           En date du 8 septembre 2004, une nouvelle rencontre a lieu avec la conseillère et le travailleur lui exprime le sentiment voulant qu’il n’en peut plus. Il lui explique qu’il ne se sent pas vraiment bien à l’intérieur des murs de l’école et qu’il veut s’en sortir afin de se trouver quand même un emploi, un jour, qui lui conviendrait.

[46]           Il affirme, par la même occasion, qu’il entretient certaines idées sombres. La conseillère s’empresse alors de lui proposer de l’aide afin qu’il puisse ventiler et trouver des solutions appropriées. Le travailleur ne se montre pas alors vraiment ouvert. Encore là, sa collaboration au plan proposé demeure questionnable.

[47]           La rencontre suivante, qui eut lieu en date du 23 septembre 2004, révèle que le travailleur va alors beaucoup mieux et ce, après qu’il dut être hospitalisé pendant une période d’une semaine à l’Hôpital de Lévis, pour un suivi en psychiatrie. Le travailleur convient alors qu’il doit continuer à consulter pour être guidé dans son cheminement; aussi, accepte-t-il de voir, une fois par semaine, une travailleuse sociale du CSLC. Le travailleur se dit alors encore intéressé à obtenir son équivalence de secondaire V.

[48]           En date du 22 novembre 2004, le travailleur informe sa conseillère qu’il a enfin complété, avec succès, tous ses examens et ce, aux fins d’obtenir son équivalence de secondaire V.

[49]           En janvier 2005, elle vérifie avec le travailleur s’il rencontre encore l’intervenante du CSLC. Le travailleur affirme alors qu’il a cessé les rencontres puisqu’il n’en éprouvait plus le besoin. Il indique, par la même occasion, qu’il entend poursuivre des études, à l’automne, même s’il n’aime pas vraiment l’école. La conseillère lui explique qu’elle peut envisager une formation de courte durée, sur mesure, et ce, aux fins de poursuivre le processus de réadaptation voulant qu’il y ait détermination d’un emploi convenable, décision d’une capacité à occuper un tel emploi, le tout suivi d’une année de recherche d’emploi.

[50]           Lors de la rencontre qui eut lieu en juillet 2005, le travailleur concentre ses intérêts sur deux choix : ébénisterie et soudure. En réponse à ces suggestions, la conseillère en réadaptation rappelle au travailleur certaines alternatives et voulant qu’il puisse présenter un choix plus réaliste ou qu’il puisse se trouver un milieu de stage et ainsi démontrer qu’il est capable d’être ébéniste après y avoir travaillé quelques semaines; sinon, il y aurait alors lieu de déterminer un emploi convenable sur mesure.

[51]           Aussi, afin de respecter ce premier choix du travailleur, la conseillère en réadaptation convient avec ce dernier qu’il peut faire une tentative au sein de l’employeur L’atelier Nouveau concept. Un stage d’une durée minimum de deux à trois semaines est alors prévu.

[52]           La conseillère en réadaptation avise le travailleur, toutefois, que ce poste ou enfin, les tâches qui doivent y être accomplies, doivent faire l’objet d’une évaluation par une ergothérapeute. Une telle visite du poste occupé par le travailleur est effectuée en date du 6 septembre 2005.

[53]           Conséquemment à cette visite, l’ergothérapeute conclut que l’emploi ne peut être convenable puisque les limitations fonctionnelles énoncées par le docteur Lessard ne sont pas respectées et ce, du seul fait qu’il y ait nécessité d’utiliser, de manière conjointe, les deux membres supérieurs. De plus, il y a des risques en raison de l’usage d’outils tranchants. La conseillère en réadaptation retient donc que cet emploi d’ébéniste ne respecte pas les limitations fonctionnelles et qu’il ne peut donc constituer, pour ce seul motif, un emploi convenable au sens prévu par le législateur.

[54]           Toutefois, l’employeur, L’atelier Nouveau concept, avise la conseillère en réadaptation qu’il a un poste de journalier qui est disponible et qui pourrait être offert au travailleur.

[55]           Le 27 septembre 2005, une décision est rendue à l’effet de déterminer que cet emploi de journalier constitue un emploi convenable, lequel est actuellement disponible chez Atelier Nouveau concept. Aussi, s’agit-il d’un emploi dans le domaine du meuble (finition et sablage).

[56]           Le 15 décembre 2005, une rencontre a lieu avec la conseillère, le travailleur et son père. Cette rencontre porte sur le fait que le poste offert et qui est celui de journalier ne peut constituer un emploi convenable car les tâches comportent, finalement, de nombreux mouvements répétitifs amenant le travailleur à surutiliser son membre supérieur gauche.

[57]           Les explications offertes par le travailleur amènent la conseillère en réadaptation à reconsidérer la décision du 27 septembre 2005. Aussi, par le biais d’une seconde décision rendue le 21 décembre 2005 et ce, en application de l’article 365, alinéa 2 de la loi, la CSST conclut que le travailleur est incapable d’occuper l’emploi de journalier, dans le domaine du meuble.

[58]           Suit la décision rendue le 30 mars 2006 par le biais de laquelle la conseillère en réadaptation détermine l’emploi de dessinateur assisté par ordinateur à titre d’emploi convenable. Aussi, afin d’être capable d’exercer cet emploi, le travailleur peut bénéficier d’une mesure de réadaptation, à savoir l’obtention d’une attestation d’études collégiales en dessin assisté par ordinateur et ce, après une formation au Cégep Lévis-Lauzon, d’une durée de 26 semaines, incluant un stage en milieu de travail qui doit débuter le 31 juillet 2006. La formation en cause doit débuter le 20 février 2006 et la décision ainsi rendue le 30 mars 2006 est considérée effective à compter de cette même date.

[59]           Le travailleur ne conteste nullement cette décision. D’ailleurs, il avait préalablement confirmé son accord avec le fait qu’un tel emploi puisse constituer un emploi convenable.

[60]           Selon les notes évolutives complétées en date du 1er février 2006, la conseillère en réadaptation note avoir perçu un véritable intérêt du travailleur pour ce domaine, lequel intérêt lui a permis d’envisager un tel emploi, comme emploi convenable.

[61]           En date du 22 février 2006, la conseillère en réadaptation rencontre le travailleur et celui-ci se déclare alors très encouragé et ce, après sa troisième journée de formation. Il déclare, toutefois, qu’il requiert une aide qui pourrait lui être offerte en dehors des cours. Aussi, la conseillère lui indique-t-elle de faire part d’un tel besoin à monsieur Roberge, lequel devra avoir un professeur disponible en dehors des heures de cours. Il ne déclare alors aucune autre difficulté qui pourrait justifier ses difficultés d’apprentissage.

[62]           Le 5 avril 2006, la conseillère en réadaptation complète les notes évolutives en faisant référence à un appel téléphonique logé par monsieur Michel Roberge. Celui-ci informe alors la conseillère que le travailleur est absent, à ses cours, depuis lundi et qu’il n’a donné aucune nouvelle. La conseillère en réadaptation note, pour sa part, qu’elle n’a reçu aucun appel du travailleur tout en notant qu’elle a référé monsieur Roberge au père du travailleur afin qu’il puisse rejoindre ce dernier.

[63]           Le 19 avril 2006, la conseillère en réadaptation adresse une lettre au travailleur l’informant qu’elle avait su, par monsieur Roberge, qu’il s’était absenté de sa formation sur une période de trois jours consécutive et ce, sans qu’il ait avisé qui que ce soit, et sans qu’il ait fourni de preuve permettant de justifier le motif de son absence. Madame Poulin avise alors le travailleur que si une telle situation se reproduit d’ici la fin de sa formation, qu’elle appliquerait alors l’article 142 de la loi, dont le libellé se lit comme suit :

 

 

« (…)

 

La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d’une indemnité si le travailleur, sans raison valable, omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation.

 

(…) »

 

[64]           Une seconde lettre est également expédiée en date du 19 avril 2006, par le biais de laquelle la conseillère en réadaptation indique au travailleur qu’elle a omis de lui préciser, dans la première lettre, que s’il s’absentait à nouveau de sa formation, sans motif valable, qu’elle pourrait non seulement suspendre ses indemnités mais également mettre fin à son plan de réadaptation. Référence est alors faite à l’article 183 de la loi qui se lit comme suit :

183.  La Commission peut suspendre ou mettre fin à un plan individualisé de réadaptation, en tout ou en partie, si le travailleur omet ou refuse de se prévaloir d'une mesure de réadaptation prévue dans son plan.

 

À cette fin, la Commission doit donner au travailleur un avis de cinq jours francs l'informant qu'à défaut par lui de se prévaloir d'une mesure de réadaptation, elle appliquera une sanction prévue par le premier alinéa.

__________

1985, c. 6, a. 183.

 

 

[65]           Le 20 avril 2006, la CSST rend la décision suivante :

« (…)

 

Au cours des dernières semaines, nous avions convenu de mettre en place la mesure de réadaptation suivante : une formation en dessin assisté par ordinateur au cégep Lévis-Lauzon visant à vous rendre capable d’exercer l’emploi convenable choisi par vous. Or, vous refusez, sans raison valable, de vous prévaloir de cette mesure. En conséquence, nous vous avisons que nous appliquons l’article 142 de la loi et nous suspendons votre indemnité de remplacement du revenu à compter de ce jour (20 avril 2006).

 

(…) »

 

 

[66]           Le 21 avril 2006, la CSST avise le travailleur de ce qui suit :

« (…)

 

Au cours des dernières semaines, nous avions convenu de mettre en place la mesure de réadaptation suivante : une formation en dessin assistés par ordinateur au cégep Lévis-Lauzon visant à vous rendre capable d’exercer l’emploi convenable choisi par vous. Or, vous refusez, sans raison valable, de vous prévaloir de cette mesure. En conséquence, nous vous avisons que nous mettrons fin à votre plan de réadaptation si, dans les cinq prochains jours, vous ne reprenez pas vos cours. Pour vous appuyer dans votre démarche de réadaptation, la CSST doit pouvoir compter sur votre pleine participation. Nous appliquerons donc l’article 183 de la loi.

 

(…) »

 

[67]           Le 1er mai 2006, la CSST rend donc la décision suivante :

« (…)

 

Nous vous avions que nous mettons fin à votre plan de réadaptation, car vous n’avez pas répondu de façon satisfaisante aux demandes que nous avons formulées dans notre lettre du 21 avril 2006. Nous avons communiqué avec M. Michel Roberge, coordonnateur de la formation à Accès-Compétence et il n’a eu aucune réponse à ses messages. De plus, vous ne vous êtes pas présenté à vos cours depuis plus d’une semaine sans aviser qui que ce soit.

 

Nous vous rappelons également que votre indemnité de remplacement du revenu est suspendue depuis le 20 avril 2006.

 

(…) »

 

[68]           Les décisions ci-haut citées et rendues respectivement en date des 20 avril et 1er mai 2006, sont les décisions portées en contestation et qui font l’objet des litiges soumis à la Commission des lésions professionnelles.

[69]           Le 15 mai 2006, le travailleur adresse la lettre suivante, à la CSST :

« Aujourd’hui je tiens à vous écrire ce que je ressens et le pourquoi j’ai quitté mon école c’est sur que pour vous j’ai tous les torts et je ne suis pas digne de rester avec une paye car pour vous je ne rentre pas dans les critères de la csst.

 

Moi je pense différent, avant d’avoir mon accident je navais pas fini mon secondaire j’etais très heureux de travailler à chaque matin je ne manquais jamais une journée de travail et je faisais du temps supplémentaire car j’avais choisi mon travail et j’avais beaucoup d’ambition.

 

Maintenant je me suis perdu, handicapé mentalement, et un bras qui a été complètement arraché cet accident a complètement changé ma vie. La seule fois que j’ai vue mes yeux avoir de l’éclat S’étais que je me voyais comme ébéniste travailler de ma main et de redevenir moi-même, mais vous m’avez enlevez cet emploi pour la raison que je n’étais pas capable de faire le travail d’une seule main, maintenant c’est moi de mon coté de ne sui pas capable de faire le travail, je ne me vois pas travailler 40 hrs sur un écran alors j’ai décidé part moi-même de quitter l’école au lieu d’attendre à la fin du cours pour vous dire que j’aime pas cela ça pas été facile pour moi de prendre cette décision, car mes parents me pensait caser comme vous mais je ne peut pas me jouer la comédie.

 

Je ne sais pas pour aujourd’hui ce que je vais faire de moi, et vous… mais je sais que je ne puis pas garder mon appartement que j’ai depuis 5 ans car sans salaire je ne pourrai pas payer. Je ne sais pas si je suis le seul dans un cas semblable mais s’y en a d’autres je m’inquiète pour eux. »

[sic]

[70]           Et, en date du 11 décembre 2006, le travailleur fait parvenir une autre lettre qui expose ce qui suit :

« (…)

 

Suite de la décision rendue le 19 Avril 2006

 

Je conteste cette lettre et je demande une révision du dossier

 

Voici le pourquoi

 

Quant j’ai quitté mon école vous m’avez couper mes prestations sans vous poser de la moindre question a mon égard car vous m’avez déjà dit que vous une compagnie assurance.

 

Moi je peux vous dire que je n’étais pas dans un état mental pour poursuive mes études que si je n’avais pas eu mes parents aujourd’hui je ne serais plus de ce monde.présentement j’ai pas toute la force nécessaire pour me batte mais je suis quand même près à rencontré le ou la personne responsable du dossier. votre comité, et même plus

 

J’attends une rencontre pour étudier mon dossier »

 

 

[sic]

 

 

[71]           Lors d’une première audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles, le 18 décembre 2007, le travailleur, lors de son témoignage, a déclaré qu’il ne se sentait pas capable de suivre la formation proposée aux fins d’occuper l’emploi déterminé. Il a affirmé de plus, qu’il avait hésité longtemps avant d’accepter sachant que cette solution faisait le bonheur de son entourage. Il a alors rappelé qu’il était issu d’un milieu où le travail était une valeur importante.

[72]           Or, lors de son témoignage livré à l’audience tenue le 10 avril 2008, le travailleur explique qu’il a décidé d’interrompre le suivi de ses cours au motif que l’emploi de dessinateur ne lui convenait pas et qu’il préférait et ce, tel que mentionné à sa conseillère en réadaptation, occuper un emploi d’ébéniste.

[73]           Il affirme, par la même occasion, que le suivi de la formation faisait en sorte qu’il ne sentait pas à sa place et qu’il était mal dans sa peau.

[74]           Lorsque interrogé à savoir s’il avait préalablement prévenu sa conseillère en réadaptation, il répond par la négative. Il explique qu’il s’est alors adressé au directeur de l’école, soit monsieur Roberge et ce, afin de lui signifier ses difficultés à suivre ces cours. Aussi, a-t-il pris pour acquis que monsieur Roberge allait lui-même faire les démarches nécessaires auprès de sa conseillère en réadaptation.

[75]           Lorsque interrogé sur les raisons qui ont fait en sorte qu’il n’ait pas contesté la décision du 30 mars 2006 à l’effet de déterminer l’emploi de dessinateur assisté par ordinateur, comme un étant un emploi convenable, il indique qu’il était, en fait, d’accord avec cette décision et ce, compte tenu de la pression vécue par les membres de sa famille.

[76]           Lorsque également interrogé sur les démarches qu’il a décidé d’entreprendre après la réception des lettres des 19 avril, 20 avril, 21 avril et 1er mai 2006, il convient n’en avoir effectué aucune.

[77]           Il affirme, alors, qu’il n’était pas vraiment là puisqu’il n’avait plus aucune motivation. Or, le travailleur finit par admettre qu’il avait des problèmes de consommation de drogues et notamment, de drogues dures comme la cocaïne et ce, depuis qu’il avait reçu, en octobre 2003, son indemnité pour dommages corporels.

[78]           Il admet, par la même occasion, que ce problème de consommation fit en sorte qu’il avait peine à suivre la formation prévue dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.

[79]           Lors du témoignage de son père, monsieur Claude Nadeau, fut corroborée l’affirmation du travailleur voulant que s’il avait accepté d’essayer de suivre une formation et ce, afin d’occuper l’emploi de dessinateur assisté par ordinateur, c’était en raison de la pression exercée par les membres de sa famille.

[80]           Monsieur Claude Nadeau affirme qu’il a lui-même exercé une certaine pression sur son fils et ce, afin qu’il accepte l’emploi proposé. Monsieur Nadeau affirme, ensuite, qu’il ignorait la procédure prévue à la loi et notamment, la possibilité de contester cette décision du 30 mars 2006, à l’effet de déterminer l’emploi convenable de dessinateur assisté par ordinateur. Aussi, s’il avait été dûment informé, il aurait valablement contesté cette décision, en temps opportun.

[81]           Enfin, il invoque les difficultés d’acceptation de son fils, eu égard aux conséquences de sa lésion, lesquelles difficultés ont fait en sorte qu’il a décidé de fuir avec l’aide de la drogue. Il convient que son fils a commis de graves erreurs mais que celles-ci ont été provoquées par son insécurité face à l’avenir.

[82]           L’article 142 de la loi énonce qui suit :

142.  La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :

 

1° si le bénéficiaire :

 

a)  fournit des renseignements inexacts;

 

b)  refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;

 

2° si le travailleur, sans raison valable :

 

a)  entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;

 

b)  pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;

 

c)  omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;

 

d)  omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;

 

e)  omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180 ;

 

f)  omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274 .

__________

1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.

 

 

[83]           Aussi, selon le deuxième alinéa, paragraphe d) de l’article 142 ci-haut, la CSST peut réduire ou suspendre le paiement d’une indemnité lorsqu’un travailleur omet ou refuse, sans raison valable, de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation.

[84]           Quant à l’article 183, il énonce ce qui suit :

183.  La Commission peut suspendre ou mettre fin à un plan individualisé de réadaptation, en tout ou en partie, si le travailleur omet ou refuse de se prévaloir d'une mesure de réadaptation prévue dans son plan.

 

À cette fin, la Commission doit donner au travailleur un avis de cinq jours francs l'informant qu'à défaut par lui de se prévaloir d'une mesure de réadaptation, elle appliquera une sanction prévue par le premier alinéa.

__________

1985, c. 6, a. 183.

 

 

[85]           Le travailleur a donc le fardeau de démontrer, de manière probante, qu’il avait un motif valable pour omettre ou refuser de suivre ses cours et de se prévaloir, par la même occasion, des mesures de réadaptation qui avaient été décidées dans le cadre du plan individualisé de réadaptation.

[86]           Ces dispositions se veulent en accord avec l’esprit de la loi qui, au chapitre de la réadaptation, prévoit la mise en place d’un plan de réadaptation avec la collaboration du travailleur.

[87]           L’article 146 de la loi l’édicte clairement en ces termes :

146.  Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.

 

Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.

__________

1985, c. 6, a. 146.

 

 

[88]           Eu égard à l’un des motifs invoqués et qui veut que le travailleur n’était pas d’accord avec la décision déterminant l’emploi convenable de dessinateur assisté par ordinateur et ce, parce que son premier rêve était celui voulant qu’il puisse occuper un emploi d’ébéniste, la Commission des lésions professionnelles rappelle que la décision rendue le 30 mars 2006 et par le biais de laquelle la CSST détermine cet emploi convenable est demeurée non contestée, par le travailleur.

[89]           Or, le travailleur ne peut pas faire indirectement ce que la loi a prévu qu’il puisse faire directement. Aussi, faute d’avoir contesté dans les délais légaux la décision rendue le 30 mars 2006, le travailleur ne peut remettre en cause, dans le cadre du présent litige, la détermination de l’emploi convenable de dessinateur assisté par ordinateur.

[90]           D’ailleurs, tel qu’il appert plus amplement des notes évolutives préalablement exposées, le travailleur fit un essai aux fins d’accomplir les tâches d’ébéniste, dans le cadre d’un stage offert chez Atelier Nouveau concept. Or, la visite de ce poste de travail, par une ergothérapeute, a mis en relief des facteurs de risques puisque plusieurs des tâches effectuées contrevenaient aux limitations fonctionnelles énoncées par le docteur Lessard.

[91]           Manifestement, la CSST ne pouvait retenir un tel emploi comme emploi convenable et ce, au sens défini par le législateur, par le biais de l’article 2 de la loi.

[92]           De plus, il apparaît étonnant que le travailleur invoque, aujourd’hui, son absence d’intérêt pour l’emploi convenable déterminé puisque tel qu’il appert des notes évolutives complétées en 2003 et 2006, celui-ci se disait très intéressé à ce qu’on l’oriente vers des métiers et professions où il pourrait faire du dessin de conception et de création.

[93]           En effet, il affirmait alors que la formation en dessin d’animation était son premier choix. Aussi, sur le plan des aptitudes, l’évaluation psychométrique effectuée, à l’époque, s’avérait très favorable en regard d’un retour du travailleur aux études et ce, compte tenu de sa réelle motivation et de ses capacités d’apprentissage qui ne pouvaient être alors mises en doute.

[94]           Or, la Commission des lésions professionnelles ne peut toutefois ignorer l’un des commentaires apparaissant au rapport final d’orientation professionnelle et qui est à l’effet que le travailleur a une tendance à être impulsif et adopter un comportement d’évitement ou de retrait lorsqu’il est mis en situation de tension ou de frustration. En bref, le travailleur peut prendre le large quelque temps et ce, sans aucune raison apparente.

[95]           Enfin, la Commission des lésions professionnelles réfère à la décision rendue par la CSST le 29 octobre 2003 et à l’effet de reconnaître au travailleur une atteinte permanente à l’intégrité physique de 106,7 %, décision par le biais de laquelle le travailleur put recevoir la somme de 82 574,32 $.

[96]           Aussi, est-ce postérieurement à la réception de cette somme que le travailleur connaît, dès lors, des difficultés à suivre ses cours et à se concentrer. Le motif alors invoqué à la conseillère en réadaptation et tel qu’il appert des notes évolutives du 19 novembre 2003, est à l’effet qu’il vient d’apprendre qu’il va être père et que cela génère chez-lui une perte de concentration.

[97]           La conseillère en réadaptation convient alors de mettre en suspens le plan de formation qui consistait à permettre au travailleur d’obtenir une équivalence de secondaire V. Aussi, offre-t-elle au travailleur des mesures lui permettant de bénéficier d’aide psychologique. Aussi, en considération des difficultés qu’il fait part quant à son acceptation de son handicap, elle lui rappelle que des mesures peuvent lui être offertes mais à la condition de connaître ses véritables besoins et qu’il demeure ouvert à suivre les mesures envisagées.

[98]           En février 2004, le travailleur confie à la conseillère en réadaptation que la somme substantielle reçue, en octobre 2003, a fait en sorte qu’il est parti sur la galère. La conseillère en réadaptation demeure toujours à l’écoute de ses besoins mais en lui rappelant qu’il devait demeurer disponible et ouverte car sinon, il s’avérait possible de suspendre ou de mettre fin à son plan individualisé de réadaptation. Ainsi, lui rappelle-t-elle que sa collaboration devait demeurer en tout temps. Le travailleur ne fait alors nullement état de ses problèmes de drogue.

[99]           Lors de son témoignage livré devant la Commission des lésions professionnelles, le travailleur dut admettre que la somme reçue, en octobre 2003, lui avait permis de consommer de la drogue dure et plus coûteuse, telle que la cocaïne. Aussi, bien qu’il prétende vivre mal son handicap, il dut admettre qu’il avait préféré s’adonner à une telle consommation plutôt que de consulter un médecin et ce, aux fins d’obtenir une aide psychologique.

[100]       Or, le travailleur n’était pas sans ignorer qu’une telle démarche s’avérait nécessaire pour lui procurer l’aide requise. En effet, tel qu’il appert des notes évolutives complétées, en février 2004, la conseillère en réadaptation l’informait alors que s’il désirait consulter un médecin ou psychologue, qu’il se devait de produire un billet médical et ce, de manière à permettre la mise en place de mesures appropriées et ce, afin de lui fournir toute l’aide nécessaire.

[101]       Or, le travailleur n’a aucunement entrepris une telle démarche. Le résultat et ce, tel que relaté au sein des notes évolutives de septembre 2004, fut à l’effet qu’il dut être hospitalisé pendant une semaine, au département de psychiatrie, du Centre hospitalier de Lévis. Aussi, l’aide ultérieurement proposée par la conseillère en réadaptation fut qu’il puisse bénéficier d’un suivi par une travailleuse sociale du CSLC.

[102]       Aussi, en février 2005, le travailleur déclare alors à la conseillère en réadaptation qu’il n’éprouve plus le besoin de voir la travailleuse sociale du CSLC. Il cesse donc de bénéficier d’une telle aide. La Commission des lésions professionnelles doit donc retenir que le travailleur convenait alors qu’il acceptait enfin son handicap.

[103]       La Commission des lésions professionnelles constate donc que le travailleur a été invité, à plusieurs reprises, à manifester ses difficultés afin qu’on lui offre toute l’aide nécessaire et qu’on initie toutes les mesures de réadaptation essentielles afin de lui permettre de compléter ses études et d’occuper, le moment venu, un emploi convenable.

[104]       Aussi, lorsque le travailleur affirme qu’il n’était pas dans un état mental favorable et qu’il ne se sentait pas à sa place ou bien dans sa peau, afin de poursuivre ses cours au cégep, en mars et avril 2006, il ne fait nullement part de ses difficultés à sa conseillère en réadaptation et il décide de cesser lui-même le suivi de ses cours et ce, de façon définitive, le tout sans aucun préavis et ce, que ce soit auprès de monsieur Roberge ou de sa conseillère en réadaptation.

[105]       Or, son expérience vécue antérieurement et ce, depuis le suivi effectué par ses conseillères en réadaptation, est à l’effet que s’il ressentait des difficultés quelconques pour parfaire la formation proposée, il pouvait faire part de celles-ci à la personne responsable du suivi de son dossier. Or, il n’en a rien fait.

[106]       D’ailleurs, selon les admissions effectuées par ce dernier, lors de son témoignage, ses prétendues difficultés d’apprentissage s’avèrent, en définitive, un prétexte. En effet, si le travailleur ne bénéficiait pas de toute la concentration nécessaire pour suivre ses cours, c’était en raison de sa consommation de drogue, consommation facilitée, en fait, par la réception, en octobre 2003, de l’importante somme de 82 000 $.

[107]       La Commission des lésions professionnelles comprend la réticence du travailleur à dénoncer cette situation, en avril 2006, à sa conseillère en réadaptation. Cela explique, par la même occasion, qu’il n’ait fourni aucun motif valable permettant de justifier son absence ou son refus de présenter à ses cours.

[108]       Aussi, la Commission des lésions professionnelles retient-elle que le travailleur a délibérément choisi le monde de la drogue plutôt qu’une aide médicale et ce, non pas pour faire le deuil de son handicap mais plutôt pour « partir sur la galère », selon l’usage de sa propre expression. Le travailleur a donc délibérément cessé d’offrir sa collaboration et sa participation, eu égard au plan de réadaptation offert par la CSST. Il s’agit de son libre choix exercé en pleine connaissance des conséquences qui devaient s’ensuivre.

[109]       Aussi, les prétentions soumises par son père et voulant que le travailleur ait des difficultés de fonctionnement en raison de sa non-acceptation des conséquences de sa lésion et d’un sentiment d’insécurité face à son avenir, peuvent difficilement être retenues.

[110]       La Commission des lésions professionnelles conclut, en l’espèce, qu’il s’agit davantage d’un prétexte que du motif réel en cause.

[111]       D’ailleurs, dès le suivi médical initié en avril 2002, les médecins notaient que le travailleur s’adaptait relativement facilement et qu’il n’entretenait aucune idée suicidaire puisqu’étant supporté par les membres de sa famille.

[112]       De plus, lorsque le travailleur eut à connaître des difficultés d’un autre ordre, la CSST a accepté de lui venir en aide et de suspendre, par la même occasion, le plan de formation qui était alors en cours aux fins qu’il obtienne l’équivalence d’un secondaire V.

[113]       Le travailleur a ensuite affirmé qu’il n’avait plus besoin de cette aide et qu’il pouvait être fonctionnel. Donc, s’il avait, à un certain moment, éprouvé à nouveau des problèmes d’acceptation des conséquences de sa lésion et ce, au point tel que ces mêmes problèmes le rendent disfonctionnel, il savait qu’il pouvait s’adresser à la CSST pour en faire part. Or, tel n’est pas le cas.

[114]       La Commission des lésions professionnelles rappelle à nouveau les informations offertes par la conseillère en réadaptation à l’effet qu’il devait consulter un médecin et ce, aux fins d’obtenir la recommandation d’un suivi psychologique, auquel cas la CSST aurait accepté de mettre en place les mesures de réadaptation nécessaires. Or, en mars 2006, le travailleur n’en a rien fait. La non-acceptation de son handicap invoquée lors de son témoignage s’avère, en définitive, un pur prétexte.

[115]       Compte tenu de l’ensemble de la preuve documentaire et des affirmations livrées par le travailleur, à l’audience, la Commission des lésions professionnelles doit conclure que le travailleur n’a pas démontré, de manière probante, qu’il a cessé de suivre ses cours pour une raison valable. Aussi, a-t-il cessé, de son propre choix, d’offrir sa collaboration pour la poursuite du plan individualisé de réadaptation mis en œuvre aux fins qu’il puisse occuper l’emploi convenable déterminé.

[116]       Par conséquent, la CSST était bien fondée de suspendre ses indemnités, à compter du 20 avril 2006. De plus, elle était également bien fondée, en date du 1er mai 2006, de mettre fin au plan de réadaptation.

[117]       Aussi, ces décisions ont-elles été rendues après que le travailleur ait été préalablement avisé des mesures qui pouvaient être prises. Or, malgré ces préavis, le travailleur ne s’est jamais adressé à sa conseillère en réadaptation et ce, afin de faire valoir, en temps opportun, un motif valable justifiant son omission ou son refus de se présenter à ses cours.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur Joseph Nadeau, le travailleur;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 27 février 2007, à la suite d’une révision administrative, mais ce, pour d’autres motifs;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était bien fondée, en date du 20 avril 2006, de suspendre les indemnités de remplacement du revenu, à compter de cette même date;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était bien fondée, en date du 1er mai 2006, de mettre fin au plan de réadaptation.

 

 

__________________________________

 

CAROLE LESSARD

 

Commissaire

 

M. Claude Nadeau

Représentant de la partie requérante

 



[1]           L.R.Q., c, A-3.001.

[2]           312650-31-0703, 18 décembre 2007, M. Beaudoin.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.