Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Modèle de décision CLP - juillet 2015

Plante et Tafisa Canada inc.

2017 QCTAT 4877

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL

(Division de la santé et de la sécurité du travail)

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossier :

610125-03B-1606

 

Dossier CNESST :

133527911

 

 

Québec,

le 26 octobre 2017

______________________________________________________________________

 

DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE :

Sophie Sénéchal

______________________________________________________________________

 

 

 

Ghislain Plante

 

Partie demanderesse

 

 

 

et

 

 

 

Tafisa Canada inc.

 

Partie mise en cause

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATIO N

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 17 février 2017, monsieur Ghislain Plante (le travailleur) dépose une requête en révision à l’encontre d’une décision du Tribunal administratif du travail du 31 janvier 2017.

[2]           Par cette décision, le premier juge administratif rejette une contestation soumise par le travailleur le 23 juin 2016, confirme, pour d’autres motifs, une décision de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) rendue le 20 juin 2016, à la suite d’une révision administrative et déclare que le travailleur n’a pas droit aux bénéfices de l’article 116 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[3]           À l’audience tenue le 19 octobre 2017 à Lévis, le travailleur est présent et représenté. Tafisa Canada inc. (l’employeur) est absent.

[4]           Le dossier est mis en délibéré à compter du 19 octobre 2017.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[5]           Le travailleur demande la révision de la décision du premier juge administratif, rendue le 31 janvier 2017. Cette décision serait entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]           Le Tribunal doit déterminer s’il y a lieu de réviser la décision du 31 janvier 2017, rendue par le premier juge administratif.

[7]           Comme l’indique l’article 51 de la Loi instituant le Tribunal administratif du travail[2] (la LITAT), une décision rendue par le Tribunal administratif du travail est sans appel :

51. La décision du Tribunal est sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

 

Elle est exécutoire suivant les conditions et modalités qui y sont indiquées pourvu que les parties en aient reçu copie ou en aient autrement été avisées.

 

L'exécution forcée d'une telle décision se fait par le dépôt de celle-ci au greffe de la Cour supérieure du district où l'affaire a été introduite et selon les règles prévues au Code de procédure civile (chapitre C-25).

 

Si cette décision contient une ordonnance de faire ou de ne pas faire, toute personne nommée ou désignée dans cette décision qui la transgresse ou refuse d'y obéir, de même que toute personne non désignée qui y contrevient sciemment, se rend coupable d'outrage au tribunal et peut être condamnée par le tribunal compétent, selon la procédure prévue aux articles 53 à 54 du Code de procédure civile, à une amende n'excédant pas 50 000 $ avec ou sans emprisonnement pour une durée d'au plus un an. Ces pénalités peuvent être infligées de nouveau jusqu'à ce que le contrevenant se soit conformé à la décision. La règle particulière prévue au présent alinéa ne s'applique pas à une affaire relevant de la division de la santé et de la sécurité du travail.

__________

2015, c. 15, a. 51.

 

 

[8]           Le législateur a toutefois prévu l’exercice d’un recours en révision ou révocation à l’encontre d’une telle décision.

[9]           Ce recours, qualifié d’exceptionnel, peut s’exercer en présence de motifs précis. Ces motifs sont énumérés à l’article 49 de la LITAT, lequel se lit comme suit :

49. Le Tribunal peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'il a rendu:

 

1° lorsque est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie intéressée n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, présenter ses observations ou se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à l'invalider.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3° du premier alinéa, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le membre qui l'a rendu.

__________

2015, c. 15, a. 49.

 

 

[10]        Dans le présent dossier, le travailleur demande la révision de la décision du 31 janvier 2017, puisque celle-ci serait entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider, selon sa prétention. Il soumet que le premier juge administratif aurait dû d’une part considérer une date de lésion professionnelle antérieure au 1er septembre 2010 et d’autre part, retenir certains principes d’une jurisprudence soumise à son attention.

[11]        Rappelons que dans l’affaire Produits Forestiers Donohue inc. et Villeneuve[3], la Commission des lésions professionnelles indiquait que le vice de fond devait être assimilé à l’erreur manifeste de droit ou de fait ayant un effet déterminant sur l’issue de la contestation.

[12]       Dans sa décision CSST c. Fontaine[4], la Cour d’appel du Québec s’est penchée notamment sur cette notion de vice de fond de nature à invalider une décision. La Cour d’appel ne remet pas en question le motif de vice de fond, tel qu’interprété par la Commission des lésions professionnelles. Elle invite plutôt à la prudence dans son application.

[13]       La Cour d’appel insiste également sur le fait que le recours en révision, pour vice de fond de nature à invalider une décision, ne doit pas être l’occasion de procéder à une nouvelle appréciation de la preuve afin de substituer son opinion à celle du premier juge administratif.

[14]        En effet, au stade de la révision, le Tribunal doit faire preuve d’une très grande retenue à l’égard de la décision faisant l’objet de la requête. Par conséquent, il n’a pas à déterminer s’il y aurait lieu d’apprécier différemment la preuve, mais bien de déterminer s’il y a vice de fond. Ce principe est d’ailleurs rappelé avec justesse dans la décision du Tribunal, rendue dans l’affaire Ganotec inc.[5]

[15]       Seule une erreur manifeste (évidente) et déterminante sur l’issue de la contestation peut amener une intervention à l’égard de la décision rendue[6].

[16]       Dans sa décision Moreau c. Régie de l’assurance maladie du Québec[7], la Cour d’appel du Québec vient également rappeler que le recours en révision ou révocation ne s’applique que de façon exceptionnelle et que le vice de fond de nature à invalider une décision doit s’avérer une erreur fatale qui entache l’essence même de la décision, voire sa validité.

[17]        Enfin, rappelons que le recours en révision ne peut être non plus l’occasion de compléter ou bonifier la preuve ni d’ajouter de nouveaux arguments[8].

[18]       C’est en ayant à l’esprit ces principes de droit que le présent Tribunal entend procéder à l’analyse des motifs mis de l’avant par le travailleur pour demander la révision de la décision du 31 janvier 2017.

[19]        Il convient de revenir sur certains faits pour une meilleure compréhension du dossier. Cet exercice ne vise pas à reprendre l’ensemble de la preuve mais bien de revoir certains faits, permettant de comprendre le contexte dans lequel est produite la requête en révision du travailleur du 17 février 2017 et de juger des motifs à son soutien.

[20]        Pour ce faire, le Tribunal estime approprié de s’en remettre au résumé fait par le premier juge administratif, aux paragraphes [5] à [15] de sa décision. Ce résumé n’est d’ailleurs pas remis en cause :

[5]        Le travailleur est mécanicien. Il est embauché par l’employeur en juin 1992.

 

[6]        Le 6 mai 2008, il subit un accident du travail. Alors qu’il effectue des travaux sur une pièce d’équipement très lourde, celle-ci tombe en lui écrasant l’épaule droite. La lésion professionnelle (une contusion sévère et une capsulite à l’épaule droite) est consolidée le 5 août 2009, avec un déficit anatomophysiologique de 7 % et des limitations fonctionnelles, soit :

 

- ne peut faire un travail nécessitant d’accomplir de façon fréquente, répétitive ou soutenue un travail nécessitant l’utilisation du bras droit à plus de 60 degrés d’élévation ou d’abduction;

 

- ne peut manipuler des charges de plus de 5 kilos à plus de 30 degrés d’élévation ou d’abduction.

 

 

[7]        Des démarches effectuées auprès de l’employeur afin de trouver un emploi convenable au travailleur se terminent par un échec. Le travailleur est admis en réadaptation le 14 décembre 2009.

 

[8]        Le 1er septembre 2010, il est victime d’une récidive, rechute ou aggravation dont le diagnostic est une dépression majeure. Un second diagnostic à caractère psychologique est reconnu, 13 janvier 2012, soit un syndrome de stress post-traumatique.

 

[9]        Ces lésions sont consolidées le 19 septembre 2012 avec un déficit anatomophysiologique de 15 % (névrose du groupe modéré) et les limitations fonctionnelles suivantes :

 

- éviter de se trouver seul, dans des endroits sombres, inconnus et d’où il ne pourrait sortir facilement en cas de besoins;

 

- éviter d’être exposé à une machinerie lourde et dans des contextes incertains ou des imprévus pourraient être fréquents lui rappelant ainsi son contexte de travail (explosion, incendie, etc.) toujours anxiogènes.

 

 

[10]      Le travailleur est admis en réadaptation le 26 octobre 2012.

 

[11]      Dans une décision rendue le 5 juin 2013, la Commission arrive toutefois à la conclusion qu’elle est dans l’impossibilité de déterminer un emploi convenable que le travailleur serait capable d’exercer à temps plein. En conséquence, elle reconnaît au travailleur le droit de recevoir une indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’il soit âgé de 68 ans.

 

[12]      Le 24 avril 2014, le travailleur adresse à la Commission une demande pour bénéficier des dispositions de l’article 116 de la loi.

 

[13]      Dans une décision rendue le 18 septembre 2014, la Commission reconnaît que le travailleur présente une invalidité grave et qu’il peut continuer de participer au régime de retraite offert dans l’établissement où il travaillait au moment de la lésion professionnelle.

 

[14]      Le travailleur informe alors la Commission qu’il ne contribue plus au régime de retraite de l’employeur depuis plusieurs années puisque le lien d’emploi a été rompu. Il demande à la Commission de verser la contribution de l’employeur prévue à l’article 116 de la loi dans un compte de retraite personnel.

 

[15]      Le 5 mai 2016, le représentant du travailleur demande la révision de la décision du 18 septembre 2014. Dans sa décision rendue le 20 juin 2016, la révision administrative considère que cette demande est irrecevable en raison d’un hors délai.

 

[nos soulignements]

 

 

[21]        Le premier juge administratif analyse d’abord la question du délai pour demander la révision de la décision initiale du 18 septembre 2014. Ce faisant, il en vient à la conclusion que le travailleur a un motif raisonnable pour justifier le hors délai. Le premier juge administratif procède donc à l’analyse de la question de fond, soit de déclarer que la Commission doive ou non verser l’équivalent de la contribution de l’employeur prévue à l’article 116 de la loi, dans un compte de retraite personnel.

[22]        Aux paragraphes [22] à [24] de sa décision, le premier juge administratif rappelle les dispositions pertinentes lorsqu’il s’agit du versement de cotisations à un régime de retraite. Il réfère ainsi aux articles 235 et 116 de la loi :

[23]      En premier lieu, l’article 235 de la loi stipule que le travailleur continue de participer au régime de retraite offert dans l’établissement où il travaille, pourvu qu’il paie sa part des cotisations exigibles, auquel cas son employeur assume la sienne. Ce droit est limité dans le temps puisqu’il s’applique au travailleur jusqu’à la date d’expiration de son droit au retour au travail :

 

235. Le travailleur qui s’absente de son travail en raison de sa lésion professionnelle:

 

1°  continue d’accumuler de l’ancienneté au sens de la convention collective qui lui est applicable et du service continu au sens de cette convention et au sens de la Loi sur les normes du travail (chapitre N1.1);

 

2°  continue de participer aux régimes de retraite et d’assurances offerts dans l’établissement, pourvu qu’il paie sa part des cotisations exigibles, s’il y a lieu, auquel cas son employeur assume la sienne.

 

Le présent article s’applique au travailleur jusqu’à l’expiration du délai prévu par le paragraphe 1° ou 2°, selon le cas, du premier alinéa de l’article 240.

__________

1985, c. 6, a. 235.

 

 

[24]      En second lieu, l’article 116 de la loi prévoit qu’un travailleur qui est atteint d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée a droit de continuer à participer au régime de retraite offert dans l’établissement où il travaillait au moment de sa lésion. Dans ce cas, ce travailleur paie sa part des cotisations exigibles et la Commission assume celle de l’employeur (sauf pendant la période où ce dernier est tenu d’assumer sa part en vertu de l’article 235) :

 

116. Le travailleur qui, en raison d’une lésion professionnelle, est atteint d’une invalidité visée dans l’article 93 a droit de continuer à participer au régime de retraite offert dans l’établissement où il travaillait au moment de sa lésion.

 

 

Dans ce cas, ce travailleur paie sa part des cotisations exigibles, s’il y a lieu, et la Commission assume celle de l’employeur, sauf pendant la période où ce dernier est tenu d’assumer sa part en vertu du paragraphe 2° du premier alinéa de l’article 235.

____________

1985, c. 6, a. 116.

 

 

[23]        La décision initiale de la Commission du 18 septembre 2014 implique particulièrement l’article 116 de la loi.

[24]        À cette date, la Commission déclare donc que le travailleur présente une invalidité grave et prolongée au sens de l’article 93 de la loi depuis le 19 septembre 2012 et lui rappelle qu’il peut « en vertu de l’article 116 de la loi, continuer de participer au régime de retraite offert dans l’établissement où vous travailliez au moment de votre lésion professionnelle ». Cette décision s’inscrit dans la foulée de la lésion professionnelle du 1er septembre 2010 (dépression majeure suivie d’un nouveau diagnostic de stress post-traumatique).

[25]        C’est d’ailleurs ce que relève le premier juge administratif au paragraphe [25] de sa décision :

[25]      Il n’est pas contesté que le travailleur présente une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. La Commission l’a expressément reconnu dans sa décision du 18 septembre 2014. Toutefois, cette invalidité résulte de la récidive, rechute ou aggravation survenue le 1er septembre 2010, alors que le lien d’emploi avec l’employeur n’existait plus et que le travailleur ne participait plus au régime de retraite en vigueur dans l’établissement.

 

 

[26]        Ces constats ne font pas l’affaire du travailleur. En considérant que l’invalidité découle d’une lésion professionnelle du 1er septembre 2010, il en résulte qu’à ce moment son droit de retour au travail est non seulement expiré, mais le travailleur n’a plus aucun lien d’emploi avec son employeur et ne participe donc plus au régime de retraite offert dans l’établissement.

[27]        Le représentant du travailleur  soumet donc que le premier juge administratif aurait dû considérer une date de lésion antérieure au 1er septembre 2010, indiquant que la lésion psychologique avait cours dès le début de 2010. Le premier juge administratif aurait donc commis une erreur.

[28]        Le Tribunal comprend la déception du travailleur, mais il ne peut  conclure que le premier juge administratif aurait commis une erreur en considérant que l’invalidité grave du travailleur découlait d’une lésion professionnelle du 1er septembre 2010, plutôt qu’avant cette date. Le premier juge administratif s’en est plutôt tenu aux décisions finales et irrévocables rendues dans le dossier.

[29]        En effet, rappelons qu’en date du 2 décembre 2010, la Commission avait rendu une décision statuant sur l’existence d’une lésion professionnelle à compter du 1er septembre 2010 (dépression majeure). Par la suite, le 13 janvier 2012, la Commission rendait une décision statuant sur l’admissibilité du nouveau diagnostic de stress post-traumatique. Le travailleur n’a pas demandé la révision de ces décisions. Tout au plus, il y a eu une demande de révision de la part de l’employeur à l’encontre de la décision du 2 décembre 2010, statuant sur l’existence d’une lésion professionnelle au 1er septembre 2010. L’employeur s’est toutefois désisté de cette demande, le 21 février 2011.

[30]        Ainsi, le fait qu’au paragraphe [25], le premier juge administratif tienne pour acquise l’existence d’une lésion professionnelle le 1er septembre 2010 et non avant, n’est certes pas une erreur. Il n’y a pas d’erreur non plus quant au fait de considérer qu’à cette date, le travailleur n’a plus de lien d’emploi avec son employeur et qu’il ne participe plus au régime de retraite offert dans l’établissement. Ces faits sont bien réels.

[31]        Tenant compte de ceux-ci, le questionnement du premier juge administratif, quant à l’application ou non de l’article 116 à la situation du travailleur, devient certes pertinent, voire inévitable (paragraphe [26]).

[32]        Le premier juge administratif en vient à la conclusion que le travailleur ne peut bénéficier des modalités de l’article 116. Il faut d’ailleurs mentionner que cette conclusion s’inspire d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles dans un contexte factuel similaire au présent dossier :

[27]      Dans l’affaire Turcotte et C.H.U.S.- Hôpital Fleurimont[9], la Commission des lésions professionnelles a jugé que l’article 116 de la loi ne pouvait s’appliquer lorsque l’invalidité survenait à la suite d’une récidive, rechute ou aggravation et alors que la travailleuse n’était plus au service de l’employeur depuis des années :

 

[28]         Suivant le libellé de cette disposition, pour avoir « droit de continuer à participer au régime de retraite offert dans l'établissement où il travaillait au moment de sa lésion », il est nécessaire que cette même lésion fasse en sorte que le travailleur soit atteint d’une invalidité visée à l’article 93 de la loi. C’est seulement « dans ce cas » que la CSST peut être appelée à payer la cotisation d’un employeur. Tel que précisé dans l’affaire Demers et Centres Jeunesse de Montréal :

 

[17] L’article 116 de la loi prévoit qu’un travailleur qui subit une lésion professionnelle entraînant une invalidité grave et prolongée a le droit de continuer à participer au régime de retraite offert dans l’établissement où il travaillait au moment de sa lésion. Pour avoir le droit de continuer à participer au régime de retraite offert dans l’établissement où il travaillait au moment de sa lésion, le travailleur doit démontrer avoir été victime d’une lésion professionnelle et démontrer que celle-ci a entraîné une invalidité au sens de l’article 93 de la loi.

 

 

[29]         Or, lorsque la travailleuse a subi la lésion professionnelle qui l’a rendue invalide au sens de l’article 93, elle ne travaillait plus pour l’employeur depuis plusieurs années.

 

[30]         Une fois la lésion professionnelle initiale du 14 janvier 1986 consolidée avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, la CSST a accordé le droit à la réadaptation. Au cours du processus, plus spécifiquement le 25 janvier 1995, elle a signifié à la travailleuse :

 

Malheureusement, il s’avère que le retour au travail chez votre employeur ne peut être envisagé puisque vous êtes incapable de reprendre votre emploi ou un emploi équivalent en raison de vos limitations fonctionnelles. De plus, aucun emploi convenable disponible n’a pu être identifié.

 

Nous devons donc maintenant déterminer un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail. […]

 

[31]         Le 6 décembre 1996, la CSST a alors identifié l’emploi convenable de caissière de billetterie.

 

[32]         Bref, quand la travailleuse fut victime de la récidive, rechute ou aggravation du 2 juin 2010 qui l’a rendue inemployable et par ricochet invalide au sens de l’article 93, il y a bien longtemps qu’elle avait cessé de participer au régime de retraite offert dans l'établissement où elle travaillait avant de subir sa première lésion professionnelle du 14 janvier 1986.

 

[33]         Dans ces circonstances, l’article 116 ne s’applique pas et le fait que la travailleuse a eu le loisir de procéder au rachat de quelques années de service en 2009 n’y change rien.

 

__________

[note omise]

 

 

[28]      Les faits de cette affaire sont tout à fait similaires à ceux du présent cas.

 

[29]      Le soussigné est d’accord avec ce qui a été décidé dans cette décision. Le texte de l’article 116 de la loi accorde le droit de continuer à participer au régime de retraite offert dans l’établissement au moment d’une lésion professionnelle, il ne permet pas de réactiver la participation à un tel régime lorsque celle-ci a été interrompue en raison d’une cessation d’emploi.

 

[nos soulignements]

 

 

 

[33]        Lorsque le travailleur subit sa lésion professionnelle le 1er septembre 2010 (dépression majeure suivie d’un stress post-traumatique), le rendant invalide à compter du 19 septembre 2012, il n’a plus de lien d’emploi. Il ne participe plus au régime de retraite offert dans l’établissement de l’employeur. Il ne peut donc continuer à participer à un tel régime et il ne peut davantage réactiver cette participation (paragraphe [29]).

[34]        Le travailleur reproche également au premier juge administratif de ne pas avoir appliqué certains principes qui se dégagent de la décision Letiecq et Lama Transport & Manutention ltée [10], soumise à son attention, au moment de l’audience du 28 octobre 2016. Le représentant soumet que cette décision avalise sa position, soit que la Commission peut cotiser la part de l’employeur dans un compte personnel, comme le souhaiterait le travailleur.

[35]        Avec respect, le représentant ne fait que reprendre son argument soumis au premier juge administratif, espérant une analyse différente et une conclusion plus favorable. Le recours en révision ne peut servir à cette fin.

[36]        Ceci étant, le Tribunal constate que le premier juge administratif a pris connaissance de la décision soumise, mais ne l’a tout simplement pas retenue aux fins de solutionner le litige dont il était saisi. Il s’exprime comme suit :

[30]      Pour ce qui est de la demande du travailleur pour que la Commission verse dans un compte personnel l’équivalent de la contribution de l’employeur, elle ne peut être acceptée. Rien dans le texte de l’article 116 de la loi ne permet d’accorder un tel bénéfice. Pour ce qui est de la décision produite par le travailleur à l’appui de sa demande, elle n’est pas utile5. Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles n’a pas reconnu la participation du travailleur à un régime de retraite privé, elle y a plutôt mis fin.

 

______________

5           Letiecq et Lama Transport & Manutention ltée, 2010 QCCLP 5730.

 

 

[37]        Rappelons d’ailleurs que dans cette affaire Letiecq, le contexte factuel est bien différent de celui soumis à l’attention du premier juge administratif. C’est d’ailleurs ce que le premier juge administratif relève en indiquant qu’elle « n’est pas utile » à la solution du litige.

[38]        Dans cette affaire Letiecq, la cotisation versée par la Commission, dans un compte privé, s’est produite dans un contexte bien particulier. La cotisation assumée par la Commission, en lieu et place de l’employeur, s’inscrivait dans une optique de continuité de participation à un régime existant dans l’établissement, ce qui n’est pas le cas du travailleur dans le présent dossier.

[39]        En effet, son droit de retour au travail est expiré. Il n’a plus de lien d’emploi et il a cessé de cotiser au régime de retraite offert dans l’établissement de l’employeur, depuis plusieurs années (paragraphe [14]). Et c’est dans ce contexte qu’il sollicite la participation de la Commission, en lieu et place de l’employeur, dans un compte de retraite personnel.

[40]        Il faudrait donc jouer de prudence avant de conclure que l’affaire Letiecq consacre, peu importe le contexte factuel, la participation de la Commission, en lieu et place d’un employeur, dans un compte de retraite personnel. Et c’est d’ailleurs cette prudence que traduit le paragraphe [30] de la décision du premier juge administratif.

[41]        De plus, dans l’affaire Letiecq, lorsque la Commission a appris que l’employeur avait fait faillite et que le régime n’existait plus, elle a mis fin à sa participation. Cet extrait de la décision Letiecq le confirme bien :

[28]      On le constate à sa lecture, l’alinéa 1 de l’article 116 consacre le droit du travailleur de continuer à participer au régime de retraite offert dans l’établissement de son employeur. L’alinéa 2 traite des modalités relatives à l’exercice de ce droit.

 

[29]      En l’espèce, le travailleur recherche la continuité de la participation de la CSST en lieu et place de celle de son employeur. Or, le régime de retraite pour lequel le travailleur recherche la contribution de la CSST n’est plus offert dans l’établissement puisque l’employeur n’existe plus depuis quelques années. Le travailleur ne peut donc continuer à participer à ce régime de retraite. Puisqu’il en est ainsi, il ne peut donc forcer la participation de la CSST, aux termes de l’alinéa 2 de l’article 116 de la loi.

 

[30]      D’ailleurs, il n’est pas étonnant de constater que depuis le 13 mai 2005, le travailleur ne contribue plus au régime collectif ouvert le 29 mars 2000, chez Services financiers Groupe Investors.

 

[31]      Dans les circonstances, la CSST était justifiée de cesser d’assumer la part des cotisations exigibles de l’employeur, à compter du moment où le régime de retraite n’était plus offert dans l’établissement où travaillait le travailleur au moment de sa lésion professionnelle.

 

[nos soulignements]

 

 

[42]        C’est ainsi que le premier juge administratif, dans sa décision du 31 janvier 2017, va considérer que la Commission des lésions professionnelles, dans l’affaire Letiecq, ne reconnaît pas la participation du travailleur a un régime privé, mais qu’elle va plutôt considérer la Commission justifiée de mettre fin à sa participation en lieu et place de l’employeur, lorsqu’elle apprend la fin du régime offert dans l’établissement.

[43]        Le second motif est donc rejeté. Le représentant du travailleur n’apporte aucun élément permettant de constater un vice de fond affectant la décision rendue, le 31 janvier 2017.

[44]        Dans sa décision du 31 janvier 2017, le premier juge administratif identifie la question en litige. Il résume les faits pertinents. Il analyse ceux-ci et livre sa conclusion. Sa motivation est intelligible. L’on comprend le raisonnement suivi pour arriver à la conclusion retenue, soit de déclarer que le travailleur n’a pas droit aux bénéfices de l’article 116 de la loi.

[45]        Devant le présent Tribunal, le représentant reprend ni plus ni moins la position plaidée devant le premier juge administratif et espère une analyse différente et une conclusion plus favorable. Le recours en révision ne peut servir à cette fin.

[46]        Le premier juge administratif a procédé à son analyse du droit et de la preuve, exercice qui lui appartient.

[47]        C’est d’ailleurs ce qu’enseigne la Cour d’appel dans l’affaire précitée CSST c. Fontaine[11], en rappelant qu’il appartient d’abord au premier juge administratif d’interpréter la loi et la preuve soumise. C’est son interprétation qui, toutes choses étant par ailleurs égales, doit prévaloir. Il ne saurait s’agir pour le Tribunal, agissant au stade du recours en révision ou révocation, de substituer à l’opinion ou l’interprétation des faits ou du droit du premier juge administratif une seconde opinion ni plus ni moins défendable que la première[12].

[48]        La requête en révision est rejetée.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :

REJETTE la requête en révision déposée le 17 février 2017 par monsieur Ghislain Plante, le travailleur.

 

__________________________________

 

Sophie Sénéchal

 

Monsieur Yves Bouley

A.P.A.Q.

Pour la partie demanderesse

 

Madame Lyne Watier

PRÉVIBOIS INC.

Pour la partie mise en cause

 

Date de l’audience :    19 octobre 2017

 



[1]           RLRQ, c. A-3.001.

[2]          RLRQ, c. T-15.1.

[3]           [1998] C.L.P. 733; voir aussi Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783.

[4]           [2005] C.L.P. 626 (C.A.).

[5]           2016 QCTAT 1299.

[6]           CSST c. Touloumi, [2005] C.L.P. 921 (C.A.).

[7]          2014 QCCA 1067.

[8]           Voir également Bourassa c. C.L.P., [2003] C.L.P. 601 (C.A.), requête pour permission de pourvoi à la Cour suprême rejetée.

[9]           2013 QCCLP 1547.

[10]         2010 QCCLP 5730.

[11]         Précitée, note 4.

[12]         Voir également Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.); Amar c. CSST, [2003] C.L.P. 606 (C.A.).

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.