DÉCISION
DOSSIER 157617-03B-0103
[1] Le 22 mars 2001, monsieur Luc Lessard (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue le 28 février 2001 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) en révision administrative.
[2] Par cette décision, la révision administrative confirme la décision rendue le 9 juin 2000 par la CSST, laquelle refusait la réclamation du travailleur pour une lésion professionnelle au 13 mars 2000.
DOSSIERS 157618-03B-0103 et 158889-03B-0104
[3] Le 22 mars 2001 (le travailleur) et le 5 avril 2001, Olymel Vallée-Jonction (l'employeur) déposent une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue le 28 février 2001 par la CSST en révision administrative.
[4] Par cette décision, la révision administrative confirme la décision rendue le 22 septembre 2000 par la CSST, laquelle faisait suite à l'avis du Bureau d'évaluation médicale (BEM) du 11 septembre 2000. La CSST retient le diagnostic de hernie discale L4-L5 droite, indique que la lésion n'est pas consolidée et que le travailleur a encore besoin de traitements.
[5] Le 17 septembre 2002, la Commission des lésions professionnelles tient une audience en présence des parties et de leur représentant. Le 24 septembre 2001, la Commission des lésions professionnelles procède au délibéré après avoir reçu le protocole opératoire, tel que demandé.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[6] Le représentant du travailleur demande essentiellement, à la Commission des lésions professionnelles, de reconnaître l'existence d'une lésion professionnelle au 13 mars 2000, en application de l'article 28 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi). Il demande aussi de reconnaître l'existence d'un accident du travail ce 13 mars 2000 ou encore de déclarer que la symptomatologie douloureuse découle de l'exercice du travail.
[7] Le représentant de l'employeur demande, pour sa part, de déclarer que le travailleur est porteur d'une condition personnelle, que c'est cette condition qui se manifeste au travail le 13 mars 2000 et de déclarer, en conséquence, que l’avis du BEM du 11 septembre 2000 n’est pas valide.
LES FAITS
[8] Le travailleur, né le 7 octobre 1969, est journalier sur une chaîne de production. Le 13 mars 2000, il travaille à dégager les poumons. Ce travail est décrit comme suit par le travailleur:
« Les porcs arrivent à moi sur une chaine à une cadence de 475 à 580 porcs à l'heure. Ils arrivent à moi donc je dois prendre le poumon de la main gauche et je le tire vers la gauche pour le dégager du côté droit après je le tire vers la droite pour dégager le côté gauche. Par la suite je le tire vers le bas et je coupe le poumon pour le dégager. Après je dois effectuer une rotation du tronc vers la gauche et vers l'arrière. Je dois manipuler environ 1300 poumons par jour. Il arrive parfois que les poumons tombent par terre et nous sommes obligés de les ramassés, parce que l'inspection nous l'obliges. Un poumon pèse environ de 10 à 15 livres. Quand le poumon tombe par terre je dois me pencher pour le ramasser et je dois faire une rotation du tronc pour le déposer dans le plateau derrière moi. Selon la vitesse de la chaîne je dois me dépêcher pour le ramasser parce que les porcs sont sur la chaine et arrivent un après l'autre. Le plancher n'étant pas au niveau en plus de tous ces mouvements cela a déclenché mon hernie discale lombaire.
[…] » [sic]
[9] Dans le cadre de sa réclamation, le travailleur allègue avoir ressenti des premières douleurs tolérables dans la semaine du 28 février au 3 mars 2000, lesquelles sont devenues plus importantes le 13 mars 2000. Le travailleur fait référence à une dénivellation du plancher à son poste de travail.
[10] Le travailleur consulte la première fois le 25 mars 2000, pour une lombosciatalgie droite. Il présente une sensibilité à la cuisse et à la fesse. Le 28 mars 2000, une radiographie fait état de vertèbres en bonne condition. Il n'y a pas de spondylolyse ni de spondylolisthésis. Le 5 avril 2000, le médecin précise que l'examen montre des signes objectifs d'une hernie clinique à L3-L4 côté droit. Il est question de « fourmillements » dans la jambe, de la manœuvre de Valsalva déclenchant de la douleur et de l'extension limitée du gros orteil. L'exercice sur la pointe des pieds montre une diminution du côté droit. Le Lasègue est positif à droite à 45° et en contralatéral à 60°. Le réflexe référant au niveau L3-L4 droit est aussi diminué. Enfin, les zones de sensibilité sont diminuées à la face interne de la cuisse et du genou droit ainsi qu'à la face interne du mollet. Le 29 avril 2000, une tomodensitométrie confirme la hernie discale paramédiane droite qui déforme légèrement le sac dural au niveau L4-L5. Elle confirme aussi une hernie discale droite avec extension foraminale partielle en L5-S1, alors que la racine L5 est sortie au-dessus de la hernie.
[11] Le 29 mai 2000, une investigation par résonance magnétique précise qu'il y a présence d'une déchirure de l'anneau fibreux à L3-L4, d'une hernie discale paramédiane droite venant en contact avec la racine L5 droite et d'une hernie discale bilatérale à L5-S1 plus importante à droite qu'à gauche. Le rapport précise que les hernies discales sont associées à des déchirures de l'anneau fibreux.
[12] Le 5 juin 2000, le travailleur se soumet à un examen auprès du docteur Paul-O. Nadeau, médecin de l'employeur. Ce dernier fait état d'un examen normal sauf pour une compression radiculaire en L5 droite. Il considère que la lésion est consolidée au 5 juin 2000 et que le travailleur n'a plus besoin de soins. Il est d'accord pour l'attribution d'un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour une hernie discale clinique, en autant qu'une résonance magnétique en confirme l'existence. Il précise que le travailleur est porteur de limitations fonctionnelles et que le tout est sans lien avec l'exercice du travail. Il se prononce en ces termes:
« […]
1. Il n'y a pas eu de réalité, pas d'intensité de blessure. Monsieur n'a subi aucun contrecoup, aucun choc, aucun événement qui aurait pu causer un traumatisme au niveau du rachis lombaire ou au niveau d'un disque.
2. Il n'y a pas de mécanisme approprié pour causer une hernie discale. Il n'y a aucun mouvement de flexion, torsion ou rotation avec charge importante.
3. Il y a un délai. Monsieur a travaillé un an et demi au début de son apprentissage chez Olymel aux poumons. On peut considérer un délai de pratiquement quatre ans avant qu'il ait présenté une symptomatologie douloureuse à ce poste de travail.
4. Il y a donc une discontinuité évolutive de la blessure de quatre ans.
5. Il n'y a aucun impact blessure au niveau du rachis lombaire.
6. L'histoire naturelle de la blessure est non préservée.
Dans ce contexte, nous devons considérer que la relation est à rejeter. La CSST ne devrait pas accepter ce diagnostic pas plus qu'il ne devrait accepter le diagnostic de hernie, d'entorse ou de lésion au niveau du rachis lombaire. Si une hernie est prouvée radiologiquement, nous pourrons donc conclure qu'il s'agit d'une hernie sur une lésion dégénérative d'ordre personnel non en relation avec le travail.
[…] » [sic]
[13] Le travailleur continue d'être suivi médicalement et le diagnostic de hernie discale est toujours émis par le médecin ayant charge. Ce dernier indique ne pas être d'accord avec l'opinion du docteur Paul-O. Nadeau sur la question de la date de consolidation de la lésion et de la suffisance des soins. Ce désaccord conduit à un examen auprès du docteur Marcel Dufour, médecin au BEM, le 31 août 2000.
[14] Le docteur Marcel Dufour note, entre autres, que le travailleur présente certaines contractures des masses musculaires paralombaires. Les mouvements sont difficiles au niveau du rachis lombaire. La flexion s'effectue à 45°, l'extension est à 20°, les flexions latérales et les rotations sont aussi à 20°. Le Lasègue est positif à 45° à droite. Le docteur Dufour note également une légère faiblesse à la dorsiflexion du 1er orteil droit et une hypoesthésie à la face interne du pied et de la jambe ainsi qu'à une partie du gros orteil droit. Le docteur Dufour confirme le diagnostic de hernie discale L4-L5 droite sur le plan clinique. Il estime que cette lésion n'est pas consolidée et que le travailleur devrait être conduit en neurochirurgie pour évaluer la possibilité d'un traitement chirurgical.
[15] Au mois de septembre 2000, le travailleur est référé au docteur Patrice Montminy. Ce dernier se prononce en faveur d'une radiculopathie L5 droite et demande une investigation par résonance magnétique, laquelle a lieu le 22 juillet 2001. Cette investigation montre une dégénérescence discale diffuse modérée à L3-L4, L4-L5 et L5-S1, une hernie discale paramédiane droite de calibre modéré à L3-L4, une petite hernie discale paramédiane droite à L4-L5 et un léger bombement discal à L5-S1. Le 19 octobre 2001, le travailleur se soumet à une intervention chirurgicale. Il s’agit d'une microdiscoïdectomie en L4-L5 droite.
[16] Lors de l’audience, la Commission des lésions professionnelles prend connaissance d’une vidéocassette montrant le poste de travail aux poumons. À partir de cette vidéocassette, le travailleur décrit sa fonction de travail laquelle consiste à enlever les poumons du porc. Pour ce faire, il tient les poumons avec sa main gauche et de la main droite, à l’aide d’un couteau, il tranche de chaque côté des poumons pour les libérer. Ce travail s’effectue à une trentaine de pouces du sol. Par la suite, toujours avec la main gauche, il dépose les poumons dans un récipient derrière lui. Il explique faire une rotation du tronc pour rejoindre le récipient. Les porcs et les plateaux de récupération des poumons se déplacent sur une chaîne mobile et non ajustable. Il y passe de 475 à 520 porcs à l’heure. Deux personnes effectuent ce travail dans un emplacement de 4 pieds de profondeur par 8 pieds de large. Chacune d’elles s’occupe de la moitié des porcs et elles y travaillent 40 minutes d’affilée. Les 20 minutes restantes sont utilisées à d’autre fonctions qui ne sont pas ici mises en cause.
[17] Le travailleur témoigne exercer le travail au poste de dégager les poumons depuis environ un an et demi au moment de la production de sa réclamation. Les documents déposés sous les cotes E.1 et E.5 confirment l’affectation à ce poste de travail à compter de la semaine finissant le 28 novembre 1998. Ces documents indiquent de plus que cette affectation représente un total de 52.19 heures de travail, pour la période comprise entre la semaine finissant le 28 novembre 1998 et celle finissant le 11 décembre 1999, et de 164.26 heures pour la période comprise entre la semaine finissant le 18 décembre 1999 et celle finissant le 11 mars 2000, soit une moyenne de 12.63 heures par semaine pour cette dernière période.
[18] Le travailleur témoigne également d’un accroissement dans la rapidité d’exécution du travail dans la semaine du 28 février au 3 mars 2000. Toutefois, le document de production déposé sous la cote E.4 fait état de 16 994 porcs pour cette semaine de travail, soit 3398.8 porcs par jour. Ce dernier nombre, une fois divisé par le nombre d’heures affectées à la production, soit 7.4 heures suivant le témoignage du coordonnateur de production Gilles Cloutier, démontre qu'il y a 459.29 porcs à l'heure circulant sur la chaîne de production.
[19] Le travailleur témoigne avoir exercé le travail sur un plancher en dénivellation d’environ un pouce et demi allant de gauche à droite dans cette semaine du 28 février au 3 mars 2000. Cette situation a été dénoncée à son contremaître et la correction a été effectuée après le 13 mars 2000. Le travailleur explique que les blocs placés à l’extrémité du tapis de travail étaient plus minces qu’à l’habitude, provoquant la dénivellation. Le coordonnateur de production témoigne, pour sa part, ne pas avoir été mis au courant d’une telle chose. Il s'explique difficilement que cela se soit produit. Il précise que le tapis a une pente de 0.6° de l’arrière vers l’avant mais aucune pente de gauche vers la droite.
[20] Le travailleur témoigne avoir ressenti les premières douleurs dans la semaine du 28 février au 3 mars 2000, lesquelles étaient tolérables. Le mal se situait au bas du dos avec un certain engourdissement dans la jambe droite. La rapidité d’exécution et la dénivellation du plancher en seraient responsables. Il explique devoir se pencher davantage vers l’avant pour exercer sa fonction de travail en raison de sa grandeur. Quant au poids des poumons, il ne l’a pas vérifié. Monsieur Gilles Cloutier indique qu’il est de 2.2 à 4.4 livres. Le travailleur explique également qu’il arrive que les poumons tombent par terre au moment de les déposer dans le récipient. Il doit alors se pencher et les ramasser. Cela peut se produire quelques fois par jour.
[21] Le travailleur témoigne de plus que la douleur a diminué au cours de la semaine suivante alors qu’il est affecté à la croupe. Elle redevient plus importante le 13 mars 2000, au moment de s’étirer pour dégager un poumon. Il explique qu’il exerçait la fonction de professeur au poste de dégager les poumons ce 13 mars 2000 et qu’en raison du retard dans la rapidité d’exécution, il a travaillé à bout de bras pour rejoindre le porc qui se déplaçait sur la chaîne de production. À ce moment précis, il ressent une douleur au bas du dos. Cette douleur est plus importante que celle ressentie précédemment. Il complète tout de même sa journée de travail. Les 14, 15 et 16 mars 2000, la douleur est tolérable. Le 25 mars 2000, il ne sent plus sa jambe droite. Il décide de consulter son médecin.
[22] Questionné par le représentant de l’employeur, le travailleur admet ne pas avoir parlé à quiconque de cette situation du 13 mars 2000 malgré les différentes déclarations qu’il a produites en regard des malaises ressentis au travail. Il est aujourd’hui en attente d’une seconde chirurgie en raison de la persistance des douleurs.
[23] Le travailleur témoigne avoir présenté en 1986 et 1989 une entorse lombaire en relation avec des efforts fournis dans le cadre de son travail. Il a été quelques semaines en arrêt de travail. Entre 1989 et 2000, il se portait bien. Il n’avait aucune douleur dans la jambe droite.
[24] Le docteur Paul-O. Nadeau témoigne que la dénivellation d'un pouce et demi du plancher sur une distance de 96 pouces, tel que rapporté par le travailleur, ne provoque aucun problème sur le plan biomécanique. À cet effet, il soumet que plusieurs individus présentent un raccourcissement d’une jambe par rapport à l’autre. Il précise que le bassin compense, de façon naturelle, une différence de 4 centimètres, et ce, en tenant compte d'un écart de 18 pouces entre les 2 pieds. Cette situation n'a aucune influence sur la survenance d’une hernie discale. Seul, avec le temps, peut s'installer un phénomène d’arthrose à la hanche ou encore une arthrose relative aux facettes articulaires.
[25] Le docteur Paul-O. Nadeau témoigne que l’on doit être en présence d’un mouvement de flexion latérale ou antérieure combiné avec un mouvement de torsion au niveau du tronc pour assister à l'apparition d'une hernie discale de nature traumatique. Il indique que le travail de dégager les poumons ne fait pas appel à une telle dynamique. La vidéo, pour sa part, montre un mouvement de flexion antérieure suivi d’une rotation du tronc. Cette rotation est effectuée en partie par la colonne thoracique alors que la personne tourne le bassin. La plus grande amplitude articulaire est effectuée par l’épaule.
[26] Le docteur Paul-O. Nadeau réfère à des études et précise que de 85 % à 90 % des hernies discales surviennent chez des gens porteurs d’une dégénérescence discale, alors que 10 % à 15 % des hernies sont de nature traumatique. Le docteur Nadeau estime que la dégénérescence est la cause principale de la hernie. Il explique que cette dégénérescence commence à l’anneau fibreux; des lamelles se brisent, puis se détachent. La pression dans le noyau augmente et pousse sur le disque, d’où la création de la hernie.
[27] Le docteur Paul-O. Nadeau explique que le travailleur présente une hernie discale à 3 niveaux, ce qui démontre une condition de dégénérescence discale. Sa condition lombaire est fortement pathologique, et ce, compte tenu de son jeune âge. Il estime que le travail n’est d’aucune manière contributif à la mise en place de la hernie discale et que seule la condition personnelle doit être retenue. Enfin, il estime que cette hernie discale aurait pu devenir symptomatique dans n’importe quelle autre circonstance sans lien avec le travail. Même en prenant pour acquis l’état de fragilité du travailleur, le docteur Nadeau est d'avis que les efforts en flexion au travail ne sont pas suffisamment importants pour expliquer l’apparition de la symptomatologie douloureuse à compter de la semaine du 28 février 2000. Il en est de même pour la dénivellation du plancher ou encore l’étirement effectué le 13 mars 2000 pour dégager les poumons.
L'AVIS DES MEMBRES
[28] Le membre issu des associations des employeurs et le membre issu des associations des travailleurs sont d’avis que la preuve prépondérante ne milite pas en faveur de l’existence d’une lésion professionnelle le ou vers le 13 mars 2000. Le travailleur n’a pas été soumis à une quelconque situation particulière au travail pouvant expliquer l’apparition de la hernie discale. Le travailleur est porteur d’une condition personnelle de dégénérescence, laquelle est suffisamment importante pour expliquer la hernie discale. Quant à la présomption de lésion professionnelle, la consultation tardive au 25 mars 2000 fait échec à cette présomption.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[29] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur est victime d’une lésion professionnelle au 13 mars 2000, conformément à la définition de ce terme que l’on retrouve à l’article 2 de la loi :
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation ;
[30] La loi prévoit, à l’article 28, que le travailleur bénéficie d’une présomption de lésion professionnelle suivant l’existence de certaines conditions. Cet article est libellé comme suit :
28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 28.
[31] Dans le cas présent, la hernie constituant une blessure, il faut se demander si elle est survenue au travail alors que le travailleur est à son travail.
[32] La Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il faut répondre à cette question par la négative. En effet, il est en preuve que le travailleur est porteur d’une condition personnelle de dégénérescence discale pour le moins importante étant atteint à 3 niveaux lombaires. Cette condition est suffisante en soi, tel que l’indique le docteur Paul-O. Nadeau, pour expliquer une hernie discale symptomatique. De plus, la Commission des lésions professionnelles est d'avis que l’absence de consultation médicale à court terme, le travailleur ayant vu son médecin uniquement le 25 mars 2000, ne permet pas de conclure que la hernie est survenue au travail alors que le travailleur exerçait sa fonction de travail. Le délai de 12 jours, entre l’événement allégué et la consultation médicale, est trop long pour permettre l’application de la présomption de lésion professionnelle, et ce, même si le travailleur certifie avoir ressenti des engourdissements au membre inférieur droit avant cette consultation du 25 mars 2000.
[33] La notion de lésion professionnelle réfère, entre autres, à celles de l’accident du travail et de la maladie professionnelle, lesquelles sont libellées comme suit :
« accident du travail » :un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle ;
« maladie professionnelle » :une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail ;
[34] En ce qui a trait à l’accident du travail, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la preuve prépondérante ne milite pas en faveur d’une telle existence, et ce, pour les raisons suivantes :
.1) Le travailleur n’a pas été soumis à une cadence plus importante qu'à l'habitude pour la période du 28 février au 3 mars 2000, tel qu’il l’a prétendu. La preuve non contredite démontre que la cadence était beaucoup moindre que celle dénoncée par le travailleur, se situant à 459.29 porcs à l'heure.
.2) Même en prenant pour acquis que le travailleur a effectivement travaillé du 28 février au 3 mars 2000 sur un plancher incliné d'un pouce et demi sur une distance de 96 pouces, ce qui constitue un événement imprévu et soudain, le témoignage non contredit du docteur Paul-O. Nadeau est à l’effet qu’une telle dénivellation ne cause aucun problème biomécanique pour la structure corporelle. Cette situation ne peut donc en aucun temps être provocatrice de l’apparition d’une hernie discale.
.3) Même en prenant aussi pour acquis que, le 13 mars 2000, le travailleur a dû s’étirer un peu plus qu’à l’habitude pour faire le prélèvement des poumons, ce qui constitue un autre événement imprévu et soudain, il est en preuve non contredite que le travailleur doit effectuer une flexion latérale ou antérieure combinée d’une torsion du tronc pour voir apparaître une hernie discale dans un cadre traumatique. Or, la Commission des lésions professionnelles ne voit pas, dans le mouvement décrit par le travailleur au sujet de cet étirement du 13 mars 2000, les conditions nécessaires pour la création d’une hernie discale.
.4) Le fait pour le travailleur d'être porteur d’une condition personnelle de dégénérescence discale, dégénérescence se démontrant par l'altération de l’anneau fibreux à plusieurs niveaux, ne milite pas en faveur de la reconnaissance d’un accident du travail le ou vers le 13 mars 2000. De la preuve entendue, la Commission des lésions professionnelles retient que le travailleur exerçait son travail habituel et que les différentes circonstances alléguées ne l’ont pas empêché de continuer son travail. Le fait que sa condition se soit améliorée entre le 3 mars 2000 et le 13 mars 2000, étant affecté à la croupe, ne change en rien l’obligation d’être en présence d’un événement imprévu et soudain suffisamment important pour avoir créé la lésion dont se plaint le travailleur.
.5) Le fait pour le travailleur de ne pas plaindre de douleur au dos avant la semaine de travail du 28 février au 3 mars 2000, ne permet pas d’établir une corrélation directe de cause à effet entre la hernie discale et les circonstances alléguées au travail. Tel que l’indique le docteur Paul-O. Nadeau, indication que partage la Commission des lésions professionnelles, la condition personnelle et importante de dégénérescence discale, dont est affectée le travailleur, est suffisante par elle-même pour créer la hernie, laquelle pouvait se manifester à n’importe quel moment sans événement particulier. Ces explications du docteur Paul-O. Nadeau, combinées aux circonstances relativement banales relatées par le travailleur, convainquent la Commission des lésions professionnelles de l’absence de relation causale.
[35] En ce qui concerne maintenant l’existence d’une maladie professionnelle, il faut référer aux articles 29 et 30 de la loi libellés comme suit :
29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
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1985, c. 6, a. 29.
30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
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1985, c. 6, a. 30.
[36] La Commission des lésions professionnelles écarte dès maintenant l’application de la présomption de maladie professionnelle, telle qu’on la retrouve à l’article 29 de la loi, la hernie discale n’étant pas une maladie listée à l’annexe 1 de la loi.
[37] La Commission des lésions professionnelles écarte également la question de la maladie professionnelle en regard de la maladie caractéristique du travail. En effet, pour qu’un telle conclusion s’impose, il faut que la preuve démontre qu’un ensemble de travailleurs, exerçant la même fonction et dans les mêmes conditions, sont atteints de la même maladie. Or, une telle preuve n’a pas été faite en l’espèce. Reste à savoir si la maladie du travailleur est reliée aux risques particuliers de son travail.
[38] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que l’analyse de la preuve écarte l’existence d’une maladie reliée aux risques particuliers du travail de dégager les poumons, et ce, pour les raisons suivantes :
.1) Quoique le travailleur allègue avoir travaillé pendant un an et demi à la fonction de dégager les poumons, il est en preuve que c’est uniquement à compter de la semaine finissant le 18 décembre 1999 que son affectation à ce poste a été plus importante. Avant cela, il n’avait effectué que 52.19 heures de travail sur une période de plus d’une année. Par la suite, il a été affecté à raison de 169.78 heures sur une période de 13 semaines, pour un total moyen de 13.06 heures par semaine. La Commission des lésions professionnelles est d’avis que la courte exposition au travail de dégager les poumons ne milite pas en faveur du lien de causalité entre l’exercice de ce travail et l’apparition de la hernie discale.
.2) Le fait pour le travailleur d’alléguer, comme cause de sa symptomatologie douloureuse, le plancher incliné, au cours de la période du 28 février au 3 mars 2000, et l’étirement, au 13 mars 2000, confirme que le travail de dégager les poumons n’est pas en soi un travail comportant des risques pour développer une hernie discale. D'ailleurs, le travailleur ne s’est pas plaint, avant cette période du 28 février 2000, malgré le fait qu’il a effectué 20.99 heures à ce travail la semaine finissant le 25 décembre 1999, 21.05 heures la semaine finissant le 8 janvier 2000, 28.93 heures la semaine finissant le 22 janvier 2000, 21.35 heures la semaine finissant le 5 février 2000 et 15.89 heures la semaine finissant le 12 février 2000.
.3) Il appartient au travailleur de démontrer, par une preuve médicale prépondérante, que sa maladie est reliée aux risques particuliers du travail exercé. Or, cette preuve de relation est inexistante. Au contraire, la seule preuve médicale disponible est celle soumise par l’employeur, laquelle établit, de manière probante, que le travail ne contient aucun élément péjoratif susceptible de créer une hernie discale.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
DOSSIER 157617-03B-0103
REJETTE la requête déposée par monsieur Luc Lessard (le travailleur) le 22 mars 2001;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) en révision administrative le 28 février 2001;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas été victime d’une lésion professionnelle le 13 mars 2000, et ce, que ce soit par le biais de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle.
DOSSIERS 157618-03B-0103 ET 158889-03B-0104
DÉCLARE sans objet les requêtes déposées par Olymel Vallée-Jonction (l’employeur) le 5 avril 2001 et par monsieur Luc Lessard (le travailleur) le 22 mars 2001;
DÉCLARE que la décision rendue par la CSST en révision administrative le 28 février 2001, relative à l’avis du Bureau d'évaluation médicale (BEM) du 11 septembre 2000, est devenue sans effet.
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Marielle Cusson |
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Commissaire |
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OGILVY, RENAULT (Me Jean Houle) |
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Représentant de l'employeur |
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C.S.N. (Monsieur Mario Précourt) |
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Représentant du travailleur |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.