Décision

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LSJPA — 1523

2015 QCCA 1242

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-08-000460-149

(700-03-018421-130)

 

DATE :

 Le 27 juillet 2015

 

 

CORAM :

LES HONORABLES

MARIE ST-PIERRE, J.C.A.

MARTIN VAUCLAIR, J.C.A.

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 

 

[INTERVENANTE 1], ès qualités de déléguée du Directeur provincial des Centres jeunesse A

APPELANTE - Requérante

c.

 

X

INTIMÉ - Défendeur

 

 

ARRĂŠT

 

 

[1]           L’appelante se pourvoit contre un jugement rendu le 9 avril 2014 par la Cour du QuĂ©bec, chambre de la jeunesse, district A (l’honorable Élaine Bolduc) qui, conformĂ©ment Ă  l’alinĂ©a 109(2)c) de la  Loi sur le système de justice pĂ©nale pour les adolescents, enjoint Ă  l’intimĂ© de purger le reste de sa peine imposĂ©e le 12 fĂ©vrier 2014 comme si celle-ci Ă©tait une ordonnance de placement sous garde et de surveillance.

[2]           Pour les motifs du juge Mainville, auxquels souscrivent les juges St-Pierre et Vauclair, LA COUR :

[3]           ACCUEILLE l’appel;

[4]           INFIRME en partie le jugement de la Cour du QuĂ©bec rendu Ă  l’égard de l’intimĂ© le 9 avril 2014 dans le dossier 700-03-018421-130;

[5]           REMPLACE l’ordonnance de la Cour du QuĂ©bec rendue Ă  l’égard de l’intimĂ© le 9 avril 2014 par une ordonnance qui enjoint Ă  l’intimĂ© de purger le reste de sa peine comme si celle-ci Ă©tait une ordonnance de placement sous garde et de surveillance prĂ©vue Ă  l’alinĂ©a 42(2)n) de la Loi sur le système de justice pĂ©nale pour les adolescents, soit 42 jours de mise sous garde Ă  compter du 9 avril 2014 et 22 jours subsĂ©quents sous surveillance au sein de la collectivitĂ©.

[6]           SURSOIT Ă  l’exĂ©cution par l’intimĂ© de la journĂ©e additionnelle de placement sous garde rĂ©sultant de cette nouvelle ordonnance.

 

 

 

 

MARIE ST-PIERRE, J.C.A.

 

 

 

 

 

MARTIN VAUCLAIR, J.C.A.

 

 

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 

Me Mélinda Lachance

Me Justine Dubé-Simard

Contentieux Centre jeunesse A

Pour l’appelante

 

Me Mélanie Martel

Pour l’intimé

 

 

Date d’audience :

15 juin 2015


 

 

MOTIFS DU JUGE MAINVILLE

 

 

[7]           La Loi sur le système de justice pĂ©nale pour les adolescents[1] (« LSJPA Â») prĂ©voit Ă  son alinĂ©a 42(2)p) qu’un adolescent peut faire l’objet d’une sanction d’un tribunal sous la forme d’une ordonnance de placement et de surveillance dont l’application est diffĂ©rĂ©e sous rĂ©serve de certaines conditions Ă©noncĂ©es Ă  la loi[2]. S’il a des motifs raisonnables de croire qu’un adolescent enfreint une telle condition, le directeur provincial en cause peut autoriser la mise sous garde de l’adolescent et le faire amener devant le tribunal[3]. ConformĂ©ment Ă  l’alinĂ©a 109(2)c) de la LSJPA, le tribunal pour adolescents peut alors lui enjoindre de purger le reste de sa peine comme si elle Ă©tait une ordonnance de placement sous garde et de surveillance prĂ©vue Ă  l’alinĂ©a 42(2)n) de cette loi.

[8]           En rendant une telle ordonnance sous l’alinĂ©a 109(2)c), le tribunal pour adolescents doit-il tenir compte de la pĂ©riode pendant laquelle l’adolescent a Ă©tĂ© mis sous garde par le directeur provincial? C’est la question que soulève le prĂ©sent appel.

Le contexte

[9]           Le 12 fĂ©vrier 2014, l’honorable Jean La Rue, juge de la Chambre de la jeunesse, Cour du QuĂ©bec, assujettissait l’adolescent intimĂ© Ă  une ordonnance de placement et de surveillance de 4 mois dont l’application fut diffĂ©rĂ©e conformĂ©ment Ă  l’alinĂ©a 42(2)p) de la LSJPA, le tout sous rĂ©serve de certaines conditions Ă©noncĂ©es aux paragraphes 105(2) et (3) de cette loi.

[10]        Ă€ la suite de certains manquements aux conditions, le directeur provincial a procĂ©dĂ© Ă  la mise sous garde de l’adolescent intimĂ© le 4 avril 2014 conformĂ©ment au paragraphe 42(6) et Ă  l’article 106 de la LSJPA. L’affaire a Ă©tĂ© renvoyĂ©e le 9 avril 2014 Ă  l’honorable Élaine Bolduc, juge de la Chambre de la jeunesse, Cour du QuĂ©bec. L’adolescent intimĂ© avait alors purgĂ© 5 jours de mise sous garde Ă  la suite de la dĂ©cision du directeur provincial.

[11]        ConformĂ©ment Ă  l’alinĂ©a 109(2)c) de la LSJPA, la juge enjoint Ă  l’adolescent intimĂ© de purger le reste de sa peine comme si celle-ci Ă©tait une ordonnance de placement sous garde et de surveillance prĂ©vue Ă  l’alinĂ©a 42(2)n) de la LSJPA.

[12]        Or, une telle ordonnance de placement sous garde et de surveillance est purgĂ©e sous garde pour les deux tiers et sous surveillance au sein de la collectivitĂ© pour le tiers[4]. Ă€ cet Ă©gard, deux mĂ©thodes distinctes de calcul de la peine furent soumises Ă  la juge :

(a) Selon la première méthode, le reste de la peine devrait être calculé du 9 avril 2014 - date de la décision sous l’alinéa 109(2)c) de la LSJPA - au 11 juin 2014 - date à laquelle prenait fin la peine originale. Il resterait donc 64 jours à purger, dont les deux tiers (ou 42 jours) sous garde et le tiers (ou 22 jours) sous surveillance au sein de la collectivité[5]. Selon cette théorie, on ne devrait pas tenir compte de la période de mise sous garde de l’adolescent intimé résultant de l’article 106 de la LSJPA. C’est la méthode soutenue par l’appelante.

(b) Selon la seconde méthode, le reste de la peine devrait être calculé du 4 avril 2014 - date de la mise sous garde de l’intimé conformément à l’article 106 de la LSJPA - au 11 juin 2014 - date à laquelle prenait fin la peine originale. Il resterait donc 69 jours à purger, dont les deux tiers (ou 46 jours) sous garde et le tiers (ou 23 jours) sous surveillance dans la collectivité. Par contre, puisque la peine se calculerait à compter du 4 avril 2014, on tiendrait alors compte des 5 journées sous garde résultant de l’article 106 de la LSJPA, ce qui réduirait d’une journée la période effective passée sous garde par rapport à la première méthode proposée. C’était alors la méthode proposée par l’adolescent intimé.

[13]        La juge dĂ©cide d’appliquer la seconde mĂ©thode, soit « quarante-six (46) jours de mise sous garde fermĂ©e et vingt-trois (23) jours sous surveillance, et ce, Ă  compter du quatre (4) avril deux mille quatorze (2014) Â»[6]. La juge s’appuie sur l’article 107 de la LSJPA, lequel prĂ©voit que « l’adolescent est rĂ©putĂ©, jusqu’à son arrestation, ne pas ĂŞtre en train de purger sa peine spĂ©cifique Â». Appliquant un raisonnement a contrario, la juge conclut qu’à la lumière de l’article 107, l’adolescent commence donc Ă  purger sa peine spĂ©cifique Ă  compter de sa mise sous garde par le directeur provincial[7].

Les positions des parties

[14]        L’appelante se fonde principalement (a) sur les dĂ©cisions de notre Cour par lesquelles elle dĂ©clare que le juge agissant sous l’alinĂ©a 109(2)c) de la LSJPA doit enjoindre un adolescent Ă  purger tout le reste de sa peine Ă  compter de son ordonnance[8]; et (b) sur le libellĂ© du paragraphe 42(12) de la LSJPA qui prĂ©voit que la « peine spĂ©cifique, ou toute partie de celle-ci, est exĂ©cutoire Ă  compter de la date de son prononcĂ© ou de la date ultĂ©rieure fixĂ©e par le tribunal Â», soit, dans ce cas, Ă  compter du 9 avril 2014.

[15]        L’adolescent intimĂ© invoque les principes gĂ©nĂ©raux de rĂ©adaptation et de rĂ©insertion sociale qui sous-tendent la LSJPA pour conclure que l’intention du Parlement ne pouvait pas ĂŞtre d’imposer des journĂ©es additionnelles de mise sous garde Ă  un adolescent en raison des dĂ©lais imputables au traitement de son dossier par le système administratif et judiciaire.

[16]        Tout en reconnaissant que la juge de première instance a commis une erreur de droit en rendant une ordonnance portant un effet antĂ©rieur Ă  son jugement, et ce, contrairement au paragraphe 42(12) de la LSJPA, l’adolescent intimĂ© soumet que celle-ci pouvait nĂ©anmoins tenir compte du temps de mise sous garde rĂ©sultant de l’article 106 de la LSJPA. Il s’agirait lĂ  d’une forme de « dĂ©tention provisoire Â» dont un tribunal doit tenir compte en dĂ©terminant la peine spĂ©cifique d’un adolescent conformĂ©ment Ă  l’alinĂ©a 38(3)d) de la LSJPA.

Dispositions législatives pertinentes

[17]        Les dispositions pertinentes de la LSJPA aux fins de cet appel sont les articles, paragraphes et alinĂ©as 38(3)d), 39(8), 42(2)n) et p), 42(6), 42(12), 106, 107(1), 108, 109(1), 109(2)c) et 109(3), lesquels sont reproduits en annexe Ă  ces motifs. 

Analyse

[18]        Je note qu’à ce jour la question soulevĂ©e par cet appel n’a pas Ă©tĂ© traitĂ©e par notre Cour et elle ne semble pas faire l’objet de dĂ©cisions d’autres cours d’appel du Canada.

[19]        Tout au plus, notre Cour soulève la question sans y rĂ©pondre dans St-Denis, ès qualitĂ©s c. B.(K.)[9]. Dans cette affaire, notre Cour dĂ©cide qu’en vertu de l’alinĂ©a 109(2)c) de la LSJPA, c’est tout le solde de la peine diffĂ©rĂ©e de placement et de surveillance (et non une partie) qui doit ĂŞtre purgĂ© par un adolescent. La Cour dĂ©cide aussi que la proportion des deux tiers sous garde et du tiers en surveillance au sein de la collectivitĂ© s’établit sur ce solde et non sur la peine originale[10].

[20]        Par contre, et contrairement aux prĂ©tentions de l’appelante, en dĂ©cidant ainsi notre Cour n’a pas exclu la possibilitĂ© de soustraire de cette peine la pĂ©riode de mise sous garde en vertu de l’article 106 de cette loi[11] :

Enfin, la Cour s’est interrogée, lors de l’audience, sur la nécessité de soustraire du calcul de la période de garde les quatre journées au cours desquelles l’intimé fut détenu à la suite de la décision du directeur provincial [sous l’article 106 de la LSJPA] en attendant celle du tribunal [sous l’alinéa 109(2)c)].  Elle est toutefois d’avis, à la lumière des explications fournies sur les circonstances de cette détention, que cet appel ne constitue pas l’occasion appropriée pour trancher cette question.

[21]        Par contre, nous devons rĂ©pondre prĂ©sentement Ă  cette question.

[22]        L’appelante soutient, avec raison, qu’on ne peut faire rĂ©troagir l’ordonnance sous l’alinĂ©a 109(2)c) qui enjoint Ă  un adolescent de purger le reste de sa peine comme si elle Ă©tait une ordonnance de placement sous garde et de surveillance prĂ©vue Ă  l’alinĂ©a 42(2)n) de la LSJPA. En effet, cela dĂ©coule du paragraphe 42(12) de cette mĂŞme loi qui Ă©tablit clairement que la peine spĂ©cifique, ou toute partie de celle-ci, est exĂ©cutoire Ă  compter de la date de son prononcĂ© ou de la date ultĂ©rieure fixĂ©e par le tribunal. La juge ne pouvait donc pas faire rĂ©troagir au 4 avril 2014 son ordonnance rendue en date du 9 avril 2014.

[23]        Par contre, cette conclusion ne règle pas entièrement la question principale qui nous occupe.

[24]        Le paragraphe 109(3) prĂ©voit prĂ©cisĂ©ment que toutes les dispositions de la LSJPA rĂ©gissant les ordonnances rendues en vertu de l’alinĂ©a 42(2)n) s’appliquent Ă  l’ordonnance diffĂ©rĂ©e. Bien sĂ»r, cela comprend les dispositions de l’alinĂ©a 42(2)n) prĂ©voyant la rĂ©partition de la peine entre une pĂ©riode de garde (pour les deux tiers) et une pĂ©riode de surveillance au sein de la collectivitĂ© (pour le tiers).

[25]        Cependant, le paragraphe 109(3) a une portĂ©e plus large puisqu’il prĂ©voit que toutes les dispositions de la loi rĂ©gissant de telles ordonnances s’appliquent aussi dans de telles circonstances. Or, le paragraphe 38(3)d) de la LSJPA stipule que le tribunal doit tenir compte du temps passĂ© en dĂ©tention par suite de l’infraction pour dĂ©terminer la peine spĂ©cifique.

[26]        Ces dispositions autorisent-elles le tribunal, qui rend une ordonnance sous le paragraphe 109(2)c), Ă  tenir compte de la pĂ©riode de mise sous garde d’un adolescent en vertu de l’article 106 afin de rĂ©duire le temps de garde? Je rĂ©ponds non Ă  cette question pour les motifs suivants.

[27]        La mise sous garde, par l’effet combinĂ© du paragraphe 42(6) et de l’article 106 de la LSJPA, rĂ©sulte de la croyance du directeur provincial qu’un adolescent a enfreint une condition de sa peine diffĂ©rĂ©e. D’ailleurs, le but mĂŞme de cette mise sous garde est de permettre un examen de l’affaire par le directeur provincial en vertu de l’article 108 puis, s’il y a lieu, par le tribunal en vertu de l’article 109 de la loi.

[28]        NĂ©anmoins, la pĂ©riode pendant laquelle l’adolescent est placĂ© sous garde, par l’effet de l’article 106 de la LSJPA, fait partie de la peine. En effet, l’article 107 de la LSJPA prĂ©voit qu’un adolescent n’est pas rĂ©putĂ© purger sa peine spĂ©cifique au cours de la pĂ©riode qui se situe entre l’autorisation de son arrestation et son arrestation effective. Par contre, dès que l’arrestation est effective, la peine spĂ©cifique continue d’être purgĂ©e, y compris pour toute pĂ©riode pendant laquelle l’adolescent est placĂ© sous garde par l’effet de l’article 106 de la loi. 

[29]        Ainsi, le temps passĂ© sous garde par l’effet de l’article 106 de la LSJPA est conceptuellement distinct du temps en dĂ©tention visĂ© par le paragraphe 38(3)d) de la LSJPA. La pĂ©riode de dĂ©tention provisoire visĂ©e par le paragraphe 38(3)d) ne fait pas partie de la peine selon les enseignements de la Cour suprĂŞme du Canada dans R c. Mathieu[12]. Au contraire, l’adolescent continue de purger sa peine lorsqu’il est placĂ© sous garde par l’effet de l’article 106 mĂŞme si la façon dont cette peine est purgĂ©e est, de fait, modifiĂ©e par ce placement.

[30]        Le tribunal ne peut donc tenir compte, au sens du paragraphe 38(3)d) de la LSJPA, du temps de la mise sous garde puisqu’il s’agit d’une pĂ©riode pendant laquelle l’adolescent purge effectivement sa peine.

[31]         Outre cette distinction conceptuelle, des contraintes lĂ©gislatives prĂ©cises empĂŞchent le tribunal, qui rend une ordonnance sous le paragraphe 109(2)c) de la LSJPA, de tenir compte de la mise sous garde rĂ©sultant de l’article 106.

[32]        Premièrement, le paragraphe 109(2)c) prĂ©voit expressĂ©ment que c’est « le reste de sa peine Â» qui doit ĂŞtre purgĂ© « comme si celle-ci Ă©tait une ordonnance de placement sous garde et de surveillance prĂ©vue Ă  l’alinĂ©a 42(2)n) Â». Le tribunal ne peut donc rĂ©duire le « reste de sa peine Â» afin de tenir compte de la pĂ©riode de mise sous garde rĂ©sultant de l’article 106 sans enfreindre cette disposition lĂ©gislative.

[33]        Deuxièmement, le tribunal ne pourrait non plus convertir les jours de garde en jours de surveillance afin de tenir compte de la pĂ©riode de mise sous garde sans contrevenir au paragraphe 39(8) de la LSJPA. Ce paragraphe prĂ©voit que le tribunal fixe la durĂ©e de la peine spĂ©cifique comportant une pĂ©riode de garde sans tenir compte du fait que la pĂ©riode de surveillance de la peine peut ne pas ĂŞtre purgĂ©e sous garde. Ă€ la lumière de ce principe, la rĂ©partition du « reste de la peine Â» des deux tiers en pĂ©riode de garde et du tiers en pĂ©riode de surveillance doit ĂŞtre respectĂ©e. Ce principe ne permet donc pas au juge qui rend une ordonnance sous le paragraphe 109(2)c) de tenir compte de la pĂ©riode de la mise sous garde par l’effet de l’article 106 afin de modifier la rĂ©partition des jours de garde et de surveillance compris dans le « reste de la peine Â».

[34]        En l’occurrence, l’ordonnance rendue Ă  l’égard de l’intimĂ© sous l’alinĂ©a 109(2)c) est erronĂ©e en droit et devrait ĂŞtre infirmĂ©e.

[35]        Quoique cela ne soit pas la trame factuelle du prĂ©sent dossier, il est nĂ©anmoins utile de prĂ©ciser que si un mandat d’arrestation est autorisĂ© sous le paragraphe 107(1) de la LSJPA et que l’adolescent n’est arrĂŞtĂ© que plus tard, ce dernier est rĂ©putĂ©, jusqu’à son arrestation, ne pas ĂŞtre en train de purger sa peine spĂ©cifique. Le « reste de la peine Â» visĂ© par l’alinĂ©a 109(2)c) de la LSJPA sera alors calculĂ© sans Ă©gard Ă  la pĂ©riode comprise entre l’autorisation du mandat Ă©crit d’arrestation et l’arrestation effective de l’adolescent.

[36]        Ă€ la lumière de ces conclusions de droit, il s’agit maintenant de dĂ©terminer le jugement que devrait rendre notre Cour tenant compte des circonstances du prĂ©sent dossier.

[37]        En effet, l’adolescent intimĂ© a dĂ©jĂ  purgĂ© la peine imposĂ©e et il ne resterait qu’une journĂ©e sous garde Ă  purger dans l’éventualitĂ© oĂą l’appel est accueilli comme je le propose. Lors de l’audition de cet appel, la procureure de l’appelante a indiquĂ© que le but de cet appel n’était pas d’obtenir une sanction additionnelle contre l’intimĂ©, mais plutĂ´t de faire confirmer un principe de droit en regard de l’application de la loi.

[38]        Dans R. c. Proulx[13], R. c. R.N.S.[14] et R. c. R.A.R.[15], la Cour suprĂŞme du Canada a suspendu l’exĂ©cution d’une peine d’incarcĂ©ration imposĂ©e Ă  la suite d’un appel parce que les individus en cause avaient purgĂ© les peines infligĂ©es par les tribunaux infĂ©rieurs et que le ministère public avait concĂ©dĂ© au cours des plaidoiries qu’il ne sollicitait pas de sanction additionnelle. D’ailleurs, le pouvoir d’une cour d’appel de suspendre l’exĂ©cution d’une peine d’incarcĂ©ration additionnelle imposĂ©e Ă  la suite d’un appel est bien reconnu[16], y compris dans le cadre de la LSJPA[17].

[39]         Tenant compte des circonstances particulières du prĂ©sent dossier, des concessions de l’appelante et du fait qu’il ne s’agit que d’une journĂ©e de placement sous garde, je surseoirais Ă  l’exĂ©cution de la journĂ©e additionnelle de placement sous garde.

[40]        J’accueillerais donc l’appel, j’infirmerais l’ordonnance de l’honorable Élaine Bolduc de la Cour du QuĂ©bec rendue Ă  l’égard de l’intimĂ© le 9 avril 2014 et je la remplacerais par une ordonnance qui enjoint Ă  l’intimĂ© de purger le reste de sa peine comme si celle-ci Ă©tait une ordonnance de placement sous garde et de surveillance prĂ©vue Ă  l’alinĂ©a 42(2)n) de la LSJPA, soit 42 jours de mise sous garde Ă  compter du 9 avril 2014 et 22 jours subsĂ©quents sous surveillance au sein de la collectivitĂ©. Par contre, je surseoirais Ă  l’exĂ©cution de la journĂ©e additionnelle de placement sous garde rĂ©sultant de cette ordonnance.

 

 

 

 

 

 

 

ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A.

 


ANNEXE

 

DISPOSITIONS PERTINENTES DE LA LSJPA

 

38. (3) Le tribunal détermine la peine spécifique à imposer en tenant également compte :

[…]

d) du temps passé en détention par suite de l’infraction;

38. (3) In determining a youth sentence, the youth justice court shall take into account

(…)

(d) the time spent in detention by the young person as a result of the offence;

 

39. (8) Il fixe la durée de la peine spécifique comportant une période de garde en tenant compte des principes et objectif énoncés à l’article 38, mais sans tenir compte du fait que la période de surveillance de la peine peut ne pas être purgée sous garde et que la peine peut faire l’objet de l’examen prévu à l’article 94.

39. (8) In determining the length of a youth sentence that includes a custodial portion, a youth justice court shall be guided by the purpose and principles set out in section 38, and shall not take into consideration the fact that the supervision portion of the sentence may not be served in custody and that the sentence may be reviewed by the court under section 94.

 

42. (2) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, dans le cas où il déclare un adolescent coupable d’une infraction et lui impose une peine spécifique, le tribunal lui impose l’une des sanctions ci-après en la combinant éventuellement avec une ou plusieurs autres compatibles entre elles […] :

 

42. (2) When a youth justice court finds a young person guilty of an offence and is imposing a youth sentence, the court shall, subject to this section, impose any one of the following sanctions or any number of them that are not inconsistent with each other (…):

 

n) l’imposition, par une ordonnance de placement et de surveillance, d’une peine maximale de deux ans à compter de sa mise à exécution ou, dans le cas où l’adolescent est déclaré coupable d’une infraction passible de l’emprisonnement à vie prévue par le Code criminel ou par toute autre loi fédérale, d’une peine maximale de trois ans à compter de sa mise à exécution, dont une période est purgée sous garde, laquelle est suivie d’une autre — dont la durée est la moitié de la première — à purger, sous réserve des articles 97 (conditions obligatoires) et 98 (maintien sous garde), sous surveillance au sein de la collectivité;

[…]

(n) make a custody and supervision order with respect to the young person, ordering that a period be served in custody and that a second period — which is one half as long as the first — be served, subject to sections 97 (conditions to be included) and 98 (continuation of custody), under supervision in the community subject to conditions, the total of the periods not to exceed two years from the date of the coming into force of the order or, if the young person is found guilty of an offence for which the punishment provided by the Criminal Code or any other Act of Parliament is imprisonment for life, three years from the date of coming into force of the order;

[…]

 

p) sous réserve du paragraphe (5), l’assujettissement de l’adolescent à une ordonnance de placement et de surveillance d’une période d’au plus six mois, dont l’application est différée, sous réserve des conditions mentionnées au paragraphe 105(2), et de celles mentionnées au paragraphe 105(3) que le tribunal estime indiquées;

 

(p) subject to subsection (5), make a deferred custody and supervision order that is for a specified period not exceeding six months, subject to the conditions set out in subsection 105(2), and to any conditions set out in subsection 105(3) that the court considers appropriate;

42. (6) Les articles 106 à 109 (suspension de la liberté sous condition) s’appliquent à la violation d’une condition d’une ordonnance rendue en vertu de l’alinéa (2)p) comme s’il s’agissait de la violation d’une condition d’une ordonnance rendue en vertu du paragraphe 105(1), la liberté au titre de l’ordonnance différée de placement et de surveillance étant assimilée à la liberté sous condition.

 

42. (6) Sections 106 to 109 (suspension of conditional supervision) apply to a breach of a deferred custody and supervision order made under paragraph (2)(p) as if the breach were a breach of an order for conditional supervision made under subsection 105(1) and, for the purposes of sections 106 to 109, supervision under a deferred custody and supervision order is deemed to be conditional supervision.

42. (12) La peine spécifique, ou toute partie de celle-ci, est exécutoire à compter de la date de son prononcé ou de la date ultérieure fixée par le tribunal.

 

42. (12) A youth sentence or any part of it comes into force on the date on which it is imposed or on any later date that the youth justice court specifies.

106. S’il a des motifs raisonnables de croire qu’un adolescent enfreint — ou est sur le point d’enfreindre — une condition de l’ordonnance rendue en vertu du paragraphe 105(1), le directeur provincial peut, par écrit :

 

            a) suspendre la liberté sous condition;

 

            b) ordonner la mise sous garde de l’adolescent au lieu de garde que le directeur estime indiqué jusqu’à ce que soit effectué l’examen visé à l’article 108 et, le cas échéant, à l’article 109.

 

106. If the provincial director has reasonable grounds to believe that a young person has breached or is about to breach a condition of an order made under subsection 105(1), the provincial director may, in writing,

 

          (a) suspend the conditional supervision; and

 

          (b) order that the young person be remanded to any youth custody facility that the provincial director considers appropriate until a review is conducted under section 108 and, if applicable, section 109.

107. (1) Le directeur provincial peut, par mandat écrit, autoriser l’arrestation de l’adolescent dont la liberté sous condition est suspendue conformément à l’article 106; l’adolescent est réputé, jusqu’à son arrestation, ne pas être en train de purger sa peine spécifique.

107. (1) If the conditional supervision of a young person is suspended under section 106, the provincial director may issue a warrant in writing, authorizing the apprehension of the young person and, until the young person is apprehended, the young person is deemed not to be continuing to serve the youth sentence the young person is then serving.

 

108. Aussitôt après la mise sous garde de l’adolescent dont la liberté sous condition a été suspendue conformément à l’article 106 ou aussitôt après avoir été informé de l’arrestation de l’adolescent, le directeur provincial réexamine le cas et, dans les quarante-huit heures, soit annule la suspension, soit renvoie l’affaire devant le tribunal pour adolescents pour examen au titre de l’article 109.

108. Without delay after the remand to custody of a young person whose conditional supervision has been suspended under section 106, or without delay after being informed of the arrest of such a young person, the provincial director shall review the case and, within forty-eight hours, cancel the suspension of the conditional supervision or refer the case to the youth justice court for a review under section 109.

 

109. (1) S’il y a renvoi de l’affaire conformément à l’article 108, le directeur doit sans délai faire amener l’adolescent devant le tribunal; celui-ci, après avoir donné à l’adolescent l’occasion de se faire entendre, doit :

 

 

 

            a) soit annuler la suspension de la liberté sous condition s’il n’est pas convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que l’adolescent en a enfreint - ou était sur le point d’en enfreindre - une condition;

 

            b) soit examiner la décision du directeur provincial de suspendre la liberté sous condition et rendre une ordonnance en vertu du paragraphe (2) s’il est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que l’adolescent a enfreint - ou était sur le point d’enfreindre - une condition de sa mise en liberté.

 

109. (1) If the case of a young person is referred to the youth justice court under section 108, the provincial director shall, without delay, cause the young person to be brought before the youth justice court, and the youth justice court shall, after giving the young person an opportunity to be heard,

 

          (a) if the court is not satisfied on reasonable grounds that the young person has breached or was about to breach a condition of the conditional supervision, cancel the suspension of the conditional supervision; or

 

 

          (b) if the court is satisfied on reasonable grounds that the young person has breached or was about to breach a condition of the conditional supervision, review the decision of the provincial director to suspend the conditional supervision and make an order under subsection (2).

109. (2) Au terme de son examen, le tribunal pour adolescents doit, par ordonnance :

[…]

c) soit, dans le cas d’un adolescent assujetti à une ordonnance différée de placement et de surveillance prévue à l’alinéa 42(2)p), lui enjoindre de purger le reste de sa peine comme si celle-ci était une ordonnance de placement sous garde et de surveillance prévue à l’alinéa 42(2)n).

 

(3) En cas de prononcé de l’ordonnance visée à l’alinéa (2)c), l’ordonnance différée de placement sous garde et de surveillance est régie par les dispositions de la présente loi régissant les ordonnances rendues en vertu de l’alinéa 42(2)n).

109. (2) On completion of a review under subsection (1), the youth justice court shall order

[…]

(c) in the case of a deferred custody and supervision order made under paragraph 42(2)(p), that the young person serve the remainder of the order as if it were a custody and supervision order under paragraph 42(2)(n).

 

 

(3) After a court has made a direction under paragraph (2)(c), the provisions of this Act applicable to orders under paragraph 42(2)(n) apply in respect of the deferred custody and supervision order.

 



[1]     Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, L.C. 2002, ch. 1.

[2]     LSJPA, par. 105(2) et (3).

[3]     LSJPA, par. 42(6) et art. 106, 107 et 108.

[4]     LSJPA alinĂ©a 42(2)n) in fine et par. 109(3). L’alinĂ©a 42(2)n) prĂ©voit en effet que l’ordonnance de placement et de surveillance comporte deux pĂ©riodes, « dont une pĂ©riode est purgĂ©e sous garde, laquelle est suivie d’une autre - dont la durĂ©e est la moitiĂ© de la première - Ă  purger […] sous surveillance au sein de la collectivitĂ©. Â»

[5]     Il y a lieu d’arrondir le calcul des fractions de jour afin de minimiser le temps sous garde.

[6]     Procès-verbal d’audience du 9 avril 2014, p. 19.

[7]     La juge s’exprime comme suit au procès-verbal d’audience du 9 avril 2014, Ă  la p. 17 : « Donc, Ă  partir de son arrestation, ce que j’en comprends a contrario, c’est qu’il commence Ă  purger sa peine spĂ©cifique. Donc, Ă  partir du moment oĂą il est arrĂŞtĂ© le 4 avril, on en arrive Ă  cette… a contrario là… en application de l’article 107. Â»

[8]     St-Denis, ès qualitĂ©s c. B.(K.), REJB 2004-70143, 2004 CanLII 21368 (C.A. QuĂ©.), par. 10-11; LSJPA - 0650, 2006 QCCA 944, 71 W.C.B. (2d) 545, par. 10. 

[9]     St-Denis, ès qualités c. B.(K.), supra note 8.

[10]    Ibid., par. 10-11.

[11]    Ibid., par. 12.

[12]    R. c. Mathieu, 2008 CSC 21, [2008] 1 R.C.S 723, par. 17.

[13]    R. c. Proulx, 2000 CSC 5, [2000] 1 R.C.S. 61, par. 132.

[14]    R. c. R.N.S., 2000 CSC 7, [2000] 1 R.C.S. 149, par. 24.

[15]    R. c. R.A.R., 2000 CSC 8, [2000] 1 R.C.S. 163, par. 35.

[16]    R. c. Veysey, 2006 NBCA 55, [2006] A.N.-B. no 365, par. 18; R. v. Shalley, 2005 MBCA 150, 201 Man.R. (2d) 142, par. 25-29.

[17]    R. v. B.I.H., 2007 MBCA 89, 214 Man.R. (2d) 241, par. 6.

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