Décision

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     LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE
     DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES

     QUÉBEC    MONTRÉAL, le 28 avril 1993

     DISTRICT D'APPEL  DEVANT LE COMMISSAIRE:    Thérèse Giroux
     DE MONTRÉAL

     RÉGION: ILE-DE-MONTRÉAL AUDITION TENUE LE:        18 novembre 1992
     DOSSIER: 04117-60-8708

     DOSSIER CSST: 9094 0545 A:                        Montréal

     DÉCISION RELATIVE À UNE  REQUÊTE PRÉSENTÉE EN VERTU DE  L'ARTICLE
     
 
406
  DE LA  LOI  SUR LES  ACCIDENTS DU  TRAVAIL  ET LES  MALADIES
     PROFESSIONNELLES [L.R.Q., CHAPITRE A-3.001]

     MADAME HUGUETTE BLAIS
     10, avenue Manon
     Saint-Liguori (Québec)
     J0K 2X0

                               PARTIE REQUÉRANTE

     et

     CENTRE HOSPITALIER JACQUES VIGER
     1051, rue St-Hubert
     Montréal (Québec)
     H2L 3Y5

                              PARTIE INTÉRESSÉE

                              D É C I S I O N

     Le 29  mai 1992, madame  Huguette Blais (la  travailleuse) dépose
     une requête en révision d'une  décision rendue par la  Commission
     d'appel en  matière de  lésions  professionnelles (la  Commission
     d'appel) le 25 mars 1992.
     

Cette décision rejetait l'appel de la travailleuse tout en infirmant une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) le 2 juillet 1987, déclarait que le diagnostic découlant de la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 23 septembre 1985 était celui de contusion à la cheville droite, que la lésion était consolidée le 1er décembre 1985 et qu'elle n'avait engendré aucune limitation fonctionnelle.

OBJET DE LA REQUETE La travailleuse demande à la Commission d'appel de réviser la décision au motif que le commissaire a remis en cause illégalement une décision initiale d'acceptation d'un autre diagnostic découlant de sa lésion professionnelle et au motif qu'il a annulé illégalement les limitations fonctionnelles de la travailleuse.

LES FAITS Le 23 septembre 1985, la travailleuse s'inflige une blessure à la cheville droite au travail et soumet à la Commission une réclamation et des rapports médicaux faisant état d'une tendinite de la cheville droite. La travailleuse est traitée par le port d'une botte plâtrée et par de la physiothérapie, qui prend fin, à ce niveau, en décembre 1985. A compter de ce moment, la travailleuse n'est plus traitée pour la cheville.

Le 19 décembre 1985, apparaît au dossier un diagnostic de lombo- sciatalgie droite et de hernie discale probable.

Sans qu'une décision explicite ne soit rendure, la réclamation de la travailleuse est acceptée par la Commission, qui lui versera des indemnités de remplacement du revenu jusqu'au 1er décembre 1987.

Le 21 mars 1986, le Dr S. Imbault, médecin en charge la travailleuse, soumet un rapport final où il rapporte qu'une épidurale a provoqué de la sciatalgie et n'a pas amélioré la travailleuse. Il prescrit un repos pour un mois et prévoit le retour à un travail léger pour 3 mois le 21 avril 1986. Le Dr Imbault indique dans ce rapport que la travailleuse ne conserve pas d'atteinte permanente mais conserve des limitations fonctionnelles de sa lésion.

Le 27 juin 1986, le Dr Imbault soumet un nouveau rapport final où il consolide la lésion au 27 juin 1986. Il indique alors que la travailleuse conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles et suggère que la travailleuse soit référée en réadaptation sociale. Ce rapport ne précise pas de diagnostic mais dans des documents contemporains, le Dr Imbault parle de scapulo-vertébralgie d'origine cervicale et de lombo-sciatalgie droite par protrusion discale probable.

En septembre 1986, la travailleuse est référée en réadaptation sociale et le 15 octobre 1986, le Dr Imbault soumet un rapport d'évaluation médicale sommaire à la demande de la conseillère en réadaptation. Le Dr Imbault y précise les limitations fonctionnelles de la travailleuse et dit qu'il croit qu'elles sont permanentes. Ces limitations sont de ne pas demeurer en position assise et de ne pas marcher au delà d'une certaine période, de ne pas porter de poids supérieurs à 5 kilogrammes, de ne pas faire de mouvements répétitifs du tronc et de ne pas élever les coudes au-dessus des épaules. Le Dr Imbault signe, le même jour, une autorisation de retour au travail régulier à temps partiel, pour 8 semaines.

Le 18 février 1987, le Dr Imbault soumet un nouveau rapport final où il consolide la lésion le jour même. Le Dr Imbault réitère que la travailleuse conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles et à la case «diagnostic et remarques», il écrit : «Pas de changement; limitations déjà stipulées».

Le 19 mars 1987, le Centre Hospitalier Jacques Viger (l'employeur) obtient une expertise médicale du Dr Paul Mailhot, qui se dit d'avis que la seule lésion découlant de l'accident de septembre 1985 est la contusion à la cheville droite et que cette lésion, pour laquelle il retient le diagnostic de tendinite, était consolidée le 15 novembre 1985.

Le Dr Mailhot s'exprime ensuite ainsi : «[...] Il y a donc lieu d'accepter à mon avis cet accident, cette contusion de la cheville droite et le diagnostic de tendinite, ainsi qu'une période d'IRR en relation avec cette tendinite jusqu'au 15 novembre 1985 mais, à partir de cette date, nous pouvons le constatons (sic), les examens du docteur Sarto Imbeault (sic), le diagnostic change et devient celui d'une lombo- sciatalgie droite et cette lombo-sciatalgie droite n'est certainement pas en relation avec l'accident qui nous concerne, et la simple contusion qu'elle s'est infligée à la cheville en se frappant celle-ci sur un chariot.

[...] Pour ce qui en est de l'atteinte permanente, intégrité physique de cette patiente, ainsi que des limitations fonctionnelles qui ont été recommandées par le docteur Sarto Imbeault (sic), ceci ne relève aucunement de l'arrêt de travail et lui sont personnelles. Il s'agit en effet d'une patiente qui présente des douleurs à toute la colonne vertébrale et je suis d'accord avec les recommandations du docteur Imbeault (sic) pour un travail allégé, ce travail allégé n'est pas en relation avec un accident de travail d'aucune façon.» Le 24 mars 1987, l'employeur transmet à la Commission une lettre libellée comme suit : «Suite au résultat de l'expertise médicale effectuée le 11 mars 1987 par le docteur Paul Mailhot, orthopédiste, celui-ci nous informe que la période de consolidation pour la lésion de la cheville droite se termine le 15 novembre 1985.

Par le fait même, nous demandons le partage des coûts en vertu de l'article 329 de la Loi, soit 50% C.S.S.T.

et 50% employeur.

Toutefois, les symptômes de dorsalgie ne sont pas en relation avec l'accident du travail du 85-09-23, donc nous ne pouvons continuer à indemniser l'employée en accident du travail.

Veuillez, s'il-vous-plait, procéder à un examen détaillé de ce dossier. Dans l'attente d'une réponse le plus rapidement possible, veuillez agréer, madame, l'expression de mes sentiments distingués.» Le 5 juin 1987, la travailleuse est vue par un arbitre médical, qui est consulté sur le diagnostic et la relation médicale, la date de consolidation de la lésion et l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles. L'arbitre émet l'avis suivant: «[...] Question no.1: A mon avis la douleur lombaire et dorsale n'est pas en relation avec la tendinite des tendons péroniens. Il est impensable comme la patiente le décrit que la douleur et les paresthésies partent de la cheville, montent vers la jambe, à la cuisse ainsi qu'au niveau lombaire et entre les deux omoplates. Il semble que la patiente soit porteuse de la maladie de Paget et elle peut effectivement causer des douleurs osseuses au niveau de la colonne dorso-lombaire.

Cependant, nous n'avons qu'un rapport de la colonne au dossier.

Question no.2: Comme la botte plâtrée aurait été enlevée 85-11-24 et que la patiente doit faire des exercices de la cheville pour environ une semaine nous consolidons la lésion pour le 85-12-01.

Question no.5: La tendinite des tendons péroniens a été une aggravation d'une condition personnelle préexistante soit sub-luxation des tendons péroniens qui aurait été opérée auparavant et les limitations fonctionnelles sont en relation avec la sub-luxation des tendons péroniens et non avec le fait accidentel qui serait rentré dans l'ordre le 85-12-01.» Le 2 juillet 1987, la Commission rend une décision à la suite de l'avis rendu par l'arbitre médical. Cette décision se lit comme suit : «[...] "La douleur lombaire et dorsale n'est pas en relation avec la tendinite des tendons péroniens.

La tendinite des tendons péroniens a été une aggravation d'une condition personnelle préexistante soit des sub-luxations des tendons péroniens opéré (sic) avant le fait accidentel."» Le 6 août 1987, la travailleuse en appelle auprès de la Commission d'appel de cette décision et le 19 mars 1989, une audience est tenue devant le commissaire Réginald Boucher. Le 11 septembre 1989, la Commission accorde une remise de dettes à la travailleuse. Le 25 mars 1992, la Commission d'appel rend une décision sous la signature d'un autre commissaire étant donné le décès du commissaire Boucher, et ceci, avec l'accord des parties.

Dans sa décision, le commissaire dispose de différents moyens préliminaires soulevés par la travailleuse, notamment celui suivant lequel l'arbitrage était irrégulier sur la question du diagnostic et des limitations fonctionnelles parce que le médecin traitant n'émettait pas d'opinion sur ces questions dans le rapport contesté. Le commissaire a rejeté ce moyen en disant qu'en renvoyant à ses rapports antérieurs, le médecin traitant s'était prononcé implicitement sur ces questions.

La travailleuse avait également soulevé l'irrégularité de l'arbitrage au motif que l'arbitre s'est prononcé sur la relation, question qui ne relève pas de sa compétence.

Le commissaire n'a pas répondu expressément à cet argument mais l'a fait indirectement par le dispositif de sa décision. Il a en effet infirmé la décision rendue par la Commission qui portait sur la relation entre deux lésions et a rendu une décision sur les questions médicales qui avaient été soumises à l'arbitrage, soit, le diagnostic, la date de consolidation et les limitations fonctionnelles. Le commissaire a agi ainsi en s'appuyant sur les pouvoirs que lui confère l'article 400 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles1 (la Loi).

Sur le fond, le commissaire a retenu que le diagnostic de la lésion professionnelle subie par la travailleuse était celui de contusion de la cheville droite, éliminant par le fait même le diagnostic relié à la condition lombaire. Il a retenu que la lésion était consolidée le 1er décembre 1985 et que la travailleuse ne conserve aucune limitations fonctionnelles de sa lésion professionnelle.

Le 29 mai 1992, la travailleuse dépose une requête en révision de cette décision.

ARGUMENTATION DES PARTIES Le représentant de la travailleuse rappelle tout d'abord que le diagnostic de lombalgie était apparu dans le dossier depuis décembre 1985 et que le commissaire ne pouvait pas remettre en cause tous les rapports médicaux qui avaient été soumis à la Commission par la suite et qui liaient la Commission en l'absence d'une contestation. Selon lui, le commissaire ne pouvait pas, en s'appuyant sur l'article 400 de la Loi, s'arroger le pouvoir de rendre une décision qui renversait tous les acquis du dossier de la travailleuse. Il rappelle, de même, que des limitations fonctionnelles avaient été reconnues à la travailleuse par son médecin traitant en octobre 1986 sans être contestées et que par la suite, tel qu'il appert des notes évolutives au dossier, l'employeur et la Commission avaient fait des démarches actives pour trouver du travail à la travailleuse.

Le représentant de la travailleuse reprend l'argument qu'il avait soumis quant à l'absence de compétence de l'arbitre sur une question de relation. Il soumet, de plus, que le commissaire a agi illégalement en faisant une analyse de la preuve sur la relation entre la condition lombaire de la travailleuse et sa lésion professionnelle, alors que tout le dossier démontre que cette relation avait déjà été acceptée depuis longtemps et que la travailleuse était payée en conséquence. Le représentant soumet que le commissaire a erré en considérant qu'il y avait opinions médicales contradictoires sur le diagnostic et les limitations fonctionnelles, alors que le rapport contesté ne contenait pas d'opinions sur ces questions. Enfin, le représentant soumet que 1 [L.R.Q., chapitre A-3.001] le commissaire a commis une erreur manifeste en concluant à l'absence de preuve de limitations fonctionnelles.

De son côté, la procureure de l'employeur rappelle que le recours en révision pour cause ne doit pas être un appel déguisé et ne doit pas permettre à un commissaire de substituer son opinion à celle d'un autre. Elle souligne également que cette procédure ne peut être utilisée par la partie qui s'en prévaut pour bonifier sa preuve ou son argumentation. Elle soumet que le problème de la travailleuse réside dans le fait qu'au moment de l'audition, elle n'a pas fait la preuve qu'il lui aurait été loisible alors de faire.

La procureure soumet que les limitations fonctionnelles édictées par le Dr Imbault en octobre 1986 n'avaient pas nécessairement un caractère de permanence, et que, par ailleurs, le commissaire a interprété correctement le rapport médical contesté en disant qu'il portait sur un diagnostic et des limitations fonctionnelles. Il n'y a donc aucune erreur manifeste ou déraisonnable dans la conclusion du commissaire.

La procureure soumet que s'étant considéré saisi de la question du diagnostic et n'ayant retenu que le diagnostic relié à la cheville droite, le commissaire a ensuite agi conformément à la loi en se prononçant sur les autres questions médicales en conséquence.

MOTIFS DE LA DÉCISION La Commission d'appel doit décider s'il existe un motif donnant ouverture à la révision de la décision rendue par elle le 25 mars 1992.

L'article 406 de la loi se lit comme suit : 406. La Commission d'appel peut, pour cause, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu.

Suivant une jurisprudence bien établie2, seules les erreurs de droit ou de fait manifestes peuvent donner matière à révision pour cause.

Il y a lieu d'aborder l'irrégularité de l'arbitrage médical en raison du fait que l'arbitre a été consulté sur une question de relation.

Il est bien établi, depuis la décision Communauté urbaine de Montréal et Blouin3 que la question du lien de causalité entre une lésion et un accident du travail ne relève pas de la compétence de l'arbitre médical.

Dans l'espèce, la travailleuse a subi une blessure à la cheville droite et sa réclamation à la Commission a été acceptée. Cette blessure a donc été reconnue comme lésion professionnelle.

Quelques deux mois après le début des traitements, non seulement le diagnostic mais le site de la lésion change. Celle-ci devient une lésion lombaire. Sans qu'apparemment personne ne proteste, les indemnités payées à la travailleuse se poursuivent pendant plus d'un an. L'employeur proteste alors auprès de la Commission par l'envoi d'une expertise médicale remettant en question la relation entre la lésion professionnelle et les problèmes lombaires de la travailleuse et cette protestation est acheminée par la Commission à l'arbitrage médical.

Bien que le médecin de l'employeur ait mis en doute un aspect du diagnostic lombaire porté par le médecin de la travailleuse - celui relatif à la présence ou non d'une hernie discale - il apparaît à la soussignée que la question portée à l'attention de la Commission n'était pas un différend sur un diagnostic mais une objection à la reconnaissance d'une lésion lombaire comme découlant de la lésion professionnelle. Cette question, selon la soussignée, ne relevait pas de la compétence de l'arbitre médical et la Commission a interprété erronément la lettre de l'employeur comme étant une demande d'arbitrage. Bien qu'aucune décision explicite d'acceptation de la relation entre les soins lombaires reçus par la travailleuse et la lésion professionnelle d'origine n'ait été rendue, cette relation avait été acceptée implicitement 2 Notamment, Fullum et Atlas Turner Inc. [1987] C.A.L.P.

518 ; Beaudin et Colonial Converters Corp. [1989] C.A.L.P. 1195 ; Vaillancourt et Hôtel-Dieu de St-Jérôme [1991] C.A.L.P. 139 ; 3 [1987] C.A.L.P. 62 par la poursuite du paiement des indemnités et la lettre de l'employeur venait contester cette décision. De l'avis de la soussignée, c'est ainsi que la lettre de l'employeur aurait dû être comprise et le litige aurait dû être transmis au bureau de révision. Si la soussignée avait été saisie en premier lieu de ce litige, c'est ainsi qu'elle l'aurait abordé, ce qui l'aurait amenée à déclarer l'arbitrage nul et, vraisemblablement, à retourner le dossier à la Commission pour qu'elle en saisisse le bureau de révision.

Ceci dit, la lettre de l'employeur du 24 mars 1987 était plus qu'ambiguë. En même temps qu'elle s'objectait expressément à la relation entre la lésion lombaire et l'accident, elle transmettait à la Commission une expertise médicale qui soutenait que le seul diagnostic découlant de la lésion professionnelle était celui de contusion à la cheville et qui émettait une opinion en conséquence sur la date de consolidation et l'existence de limitations fonctionnelles.

Le commissaire qui a rendu la décision attaquée n'a pas remis en question le fait que la lettre de l'employeur ait été comprise par la Commission comme une demande d'arbitrage et a examiné les arguments qui lui ont été soumis à partir de cette prémisse.

Avant de réviser la décision à laquelle cette approche a menée, la soussignée doit se demander si elle est erronée en droit ou si elle est manifestement déraisonnable. Or, elle ne le croit pas.

En contestant la relation entre les problèmes lombaires de la travailleuse et la lésion professionnelle, l'employeur contestait indirectement le diagnostic de la lésion professionnelle de la travailleuse de même que les deux autres questions médicales mises en cause. Il n'est donc pas erroné ni manifestement déraisonnable de considérer une telle lettre comme satisfaisant aux exigences de l'article 212 de la Loi : 212. L'employeur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge de son travailleur victime d'une lésion professionnelle s'il obtient un rapport d'un médecin qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions du médecin qui en a charge quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants: 1 le diagnostic; 2 La date ou la période prévisible de consolidation de la lésion; 3 la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits; 4 l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur; 5 l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester, pour que celle-ci le soumette à l'arbitrage prévu par l'article 217.

Une telle interprétation de la portée de la contestation visée à l'article 212 est tout à fait défendable et bien que n'ayant pas, dans tous les cas, été discutée, elle a été adoptée à plusieurs reprises par la Commission d'appel.

Revenant au présent litige, le représentant de la travailleuse soumet donc que le commissaire a erré en ne déclarant pas l'arbitrage illégal du fait que l'arbitre et la décision qui a suivi se sont prononcés essentiellement sur une question de relation.

L'arbitre, comme on l'a vu, s'est effectivement prononcé sur une question de relation, mais s'est prononcé également sur la date de consolidation et sur les limitations fonctionnelles. La décision de la Commission quant à elle n'a statué que sur la relation.

Or, la Commission d'appel constate que sans accueillir explicitement l'argument de la travailleuse, le commissaire y a fait droit. Il a, en effet, infirmé la décision de la Commission, pour rendre la décision que celle-ci aurait dû rendre, à savoir, une décision sur les questions médicales soumises à l'arbitrage.

Le commissaire s'est appuyé, pour ce faire, sur l'article 400 de la Loi et c'est précisément ce qu'il devait faire: 400. La Commission d'appel peut confirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance porté devant elle; elle peut aussi l'infirmer et doit alors rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, selon elle, aurait dû être rendu en premier lieu.

Ceci dit, en disposant de la question du diagnostic, le commissaire s'est lui-même penché sur la question de la relation et la travailleuse soumet qu'en ce faisant, il a agi illégalement.

La Commission d'appel ne le croit pas. Une fois valablement saisie d'un appel d'une décision rendue à la suite d'un arbitrage médical sur une question de diagnostic, la Commission d'appel doit elle-même s'interroger sur le diagnostic de la lésion professionnelle mise en cause et cela pose nécessairement une question de relation.

Le représentant de la travailleuse soumet que le commissaire a agi illégalement en ne retenant pas certains autres moyens préliminaires relatifs à la régularité de l'arbitrage. Ainsi, il aurait agi illégalement en considérant qu'il y avait opinions divergentes donnant ouverture à l'arbitrage médical sur les questions du diagnostic et des limitations fonctionnelles.

Dans l'espèce, le rapport médical du médecin en charge de la travailleuse qui a été infirmé par le médecin de l'employeur ne mentionnait pas explicitement un diagnostic, non plus qu'il ne précisait des limitations fonctionnelles. Il se limitait à dire qu'il n'y avait pas de changement quant au diagnostic et à se référer aux limitations fonctionnelles déjà stipulées, quant à ces dernières.

Le commissaire a jugé que ces expressions renvoyaient aux rapports médicaux précédents et, indiquaient, indirectement, une opinion sur ces deux questions médicales.

La Commission d'appel ne peut voir comment, en ce faisant, le commissaire ait pu agir illégalement. Il n'a fait qu'apprécier les faits pour pouvoir juger de la présence de l'une des conditions prévues à l'article 212, celle suivant laquelle l'opinion médicale soumise à l'appui de la contestation doit infirmer celle du médecin traitant sur chacune des questions soumises à l'arbitrage et il a conclu par l'affirmative.

Cette partie de sa décision n'est entachée d'aucune illégalité et l'appréciation des faits faite par le commissaire n'est nullement déraisonnable, ce que ne prétend d'ailleurs pas la travailleuse.

Le commissaire aurait aussi agi illégalement en retenant que les questions du diagnostic et des limitations fonctionnelles pouvaient donner ouverture à l'arbitrage, alors que ces questions avaient été déterminées par le médecin traitant depuis longtemps, sans être contestées.

Abordons d'abord la question des limitations fonctionnelles. La procureure de l'employeur soumet que le médecin en charge de la travailleuse avait effectivement décrit des limitations fonctionnelles dans son évaluation médicale sommaire du 28 octobre 1986 mais que son opinion quant à leur caractère de permanence ne semblait pas alors définitive, ce à quoi le procureur de la travailleuse rétorque que l'opinion du Dr Imbault n'était peut-être pas définitive en octobre 1986 mais qu'elle l'est devenue très clairement par la suite.

Un examen minutieux du dossier démontre que l'opinion du Dr Imbault quant aux limitations fonctionnelles et à leur durée a effectivement présenté une certaine ambiguïté jusqu'au rapport final du 18 février 1987, celui qui a été contesté. Tout d'abord, le Dr Imbault a soumis plusieurs rapports finals, ce qui a pu justifier une certaine interrogation quant à leur caractère véritablement final. Par ailleurs, après avoir indiqué des limitations fonctionnelles temporaires dans son rapport final du 21 mars 1986, il a indiqué qu'il croyait que celles-ci étaient permanentes dans son rapport du 28 octobre 1986, tout en signant, le même jour, un billet autorisant une tentative de retour au travail régulier, à temps partiel, pour une durée de 8 semaines.

Ce n'est que dans son rapport final du 18 février 1987, qu'il semble s'être fait une opinion vraiment définitive sur la question, en se référant aux limitations déjà stipulées et en ajoutant «Devrait aller en retraite, au fond».

Compte tenu de cette ambiguïté, la prétention de la travailleuse que la Commission était liée par l'opinion du médecin traitant sur la question bien avant février 1987 et que, partant, sa contestation était irrégulière, ne peut tenir. L'arbitrage n'était donc pas irrégulier sous cet aspect et la décision du commissaire n'est ni illégale ni entachée d'une erreur manifeste.

En ce qui concerne le diagnostic, il a été reconnu par la jurisprudence de la Commission d'appel que l'employeur n'est pas obligé de contester une question médicale susceptible d'évolution la première fois qu'elle apparaît dans un rapport médical. Dans l'affaire Corneau et Purdel4, la Commission d'appel s'est exprimée ainsi: «Rien ne s'oppose donc à ce que le médecin qui a charge du travailleur, tout en reprenant un diagnostic déjà posé dans un rapport antérieur, modifie dans un rapport subséquent la période ou la date de consolidation fixée dans un tel rapport. Rien ne s'oppose non plus à ce que ce médecin modifie son diagnostic antérieur dans un rapport subséquent.

Rien ne s'oppose également à ce qu'un autre médecin qui prend charge du travailleur pose un diagnostic différent et fixe une date ou une période de consolidation différente de celle fixée antérieurement par un autre médecin ayant eu charge du travailleur.

À l'encontre des décisions rendues conformément au premier alinéa de l'article 224, le cas échéant, l'opinion professionnelle du médecin qui a charge du travailleur quant aux sujets énumérés aux paragraphes 1 à 5 du premier alinéa de l'article 212 n'acquiert donc pas un caractère final et irrévocable du fait que ses conclusions sur ces sujets lient la Commission et que le rapport où elles ont été consignées n'a pas été contesté par l'employeur dans le délai prescrit à cet article.

La Commission d'appel considère par ailleurs que, de la même manière qu'il est loisible au médecin qui, le premier, prend charge du travailleur ou à tout médecin qui en prend charge ultérieurement de reprendre ou de modifier ses conclusions quant à l'un ou l'autre des sujets énumérés aux paragraphes 1 à 5 du premier alinéa de l'article 212 dans un rapport subséquent, il est loisible à l'employeur de contester conformément à cet article, tout rapport ou attestation d'un médecin qui a charge du travailleur.

Le fait que l'employeur n'ait pas contesté antérieurement le diagnostic ou une autre conclusion consignée dans un rapport du médecin qui a charge du travailleur ne l'empêche donc aucunement de contester ce même diagnostic ou cette même conclusion lorsqu'elle est reprise dans un rapport subséquent.

Il importe de distinguer à cet égard l'effet liant des conclusions d'un rapport du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou l'autre des sujets énumérés aux paragraphes 1 à 5 du premier alinéa de l'article 212 et le caractère final des décisions rendues par la Commission conformément au premier alinéa de l'article 224 des conclusions elles-mêmes qui peuvent être modifiées à chaque rapport.» Cette jurisprudence peut sembler, à première vue, heurter le bon sens en sanctionnant l'annulation, comme dans le présent cas, d'une situation reconnue de fait depuis des mois, sinon des années. Elle respecte toutefois bel et bien le texte de l'article 212, qui permet à l'employeur de contester, sans restriction, tout rapport médical à la condition de soumettre une opinion contraire dans les trente jours.

De plus, une lecture attentive de la loi révèle que le législateur s'est soucié de prévoir des mesures qui éliminent les inéquités pouvant découler de contestations faites après plusieurs mois.

4 Corneau et Purdel Corp. Agro-Alimentaire [1988] C.A.L.P.

791 ; Bernard Fournier et Versatile Davie Incorporée C.A.L.P. (03- 00065-8609, 89-01-05, requête en évocation rejetée, 89-04-19. R.

Goodwin, en appel, C. Groleau, commissaire; Roland Fortier et Consumers Glass C.A.L.P. (18395-60-9004, 91-11-05, M. Lamarre, commissaire.

L'article 430 établit, on le sait, le principe du remboursement des prestations reçues sans droit : 430. Sous réserve des articles 129 et 363, une personne qui a reçu une prestation à laquelle elle n'a pas droit ou dont le montant excède celui auquel elle a droit doit rembourser le trop-perçu à la Commission.

Des exceptions existent toutefois à ce principe. Ainsi en est-il de l'article 363, qui prévoit que lorsqu'une indemnité est annulée par un bureau de révision ou la Commission d'appel, les prestations déjà reçues ne peuvent être recouvrées, sauf s'il y a mauvaise foi. Ainsi en est-il, surtout, de l'article 437 de la Loi, qui permet à la Commission de faire remise de dette à un travailleur si elle le juge équitable, en raison notamment de la bonne foi du débiteur.

Comme on l'a vu, dans l'espèce, la Commission s'est prévalue de la discrétion que lui donne l'article 437 de la loi, puisqu'elle a fait une remise de dette à la travailleuse.

La Commission d'appel conclut donc que le commissaire n'a commis aucune erreur en disposant comme il l'a fait de cet autre argument préliminaire de la travailleuse.

Enfin, la Commission d'appel aurait agi de manière manifestement déraisonnable en retenant de la preuve que la travailleuse ne conserve pas de limitations fonctionnelles.

A partir du moment où le commissaire retenait que le diagnostic de la lésion professionnelle était celui de contusion à la cheville droite, le commissaire n'a été que conséquent. Il a apprécié la preuve quant à la présence de limitations fonctionnelles découlant de cette lésion et sa conclusion est manifestement non seulement raisonnable mais la seule à laquelle il pouvait arriver. La preuve médicale est claire. Les limitations dont souffre la travailleuse sont reliées à sa condition lombaire et non à sa cheville.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES, REJETTE la requête en révision pour cause présentée par la travailleuse, madame Huguette Blais.

Thérèse Giroux Commissaire MONSIEUR CLAUDE PÉTELLE F.A.T.A.

6839-A, rue Drolet Montréal (Québec) H2S 2T1 (représentant de la partie requérante) MADAME LINE CHARBONNEAU Centre Hospitalier Jacques Viger 1051, rue St-Hubert Montréal (Québec) H2L 3Y5 (représentante de la partie intéressée) MADAME DOMINIQUE BENOIT Lavery, De Billy 1, Place Ville-Marie 40e étage Montréal (Québec) H3B 4M4 (représentante de la partie intéressée)

AVIS :
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