Banque de Montréal c. On |
2015 QCCQ 2574 |
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COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-22-200989-138 |
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DATE : |
2 mars 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
BRIGITTE GOUIN, J.C.Q. |
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BANQUE DE MONTRÉAL |
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Demanderesse/Intimée |
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c. |
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ARCHAT ON |
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Défenderesse/Requérante |
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LES PRÊTS MONT-VAL INC. |
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et |
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L’OFFICIER DE LA PUBLICITÉ DES DROITS DE LA CIRCONSCRIPTION DE MONTRÉAL |
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SHÉRIF DU DISTRICT DE MONTRÉAL |
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Mis en cause |
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JUGEMENT SUR UNE OBJECTION À LA PREUVE |
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[1]
Le Tribunal est saisi d’une Requête de la défenderesse en opposition
afin d’annuler et ordonnance de sauvegarde en vertu des articles
[2] La requérante, Archat On, requiert l’annulation de la saisie-exécution et du décret relatif à la vente d’un immeuble en ce que la saisie-exécution n’aurait pas été précédée d’une demande de paiement et de plus, le Bref d’exécution et l’exemplaire du procès-verbal de saisie n’auraient pas été valablement signifiés à la défenderesse. Ceux-ci furent signifiés à son enfant, Jimmy Ye, alors âgé de 13 ans, qui selon Mme On, ne serait pas une « personne raisonnable » tel que décrit dans le rapport de signification.
[3] Les procureurs de la demanderesse, Banque de Montréal (« BMO ») et adjudicataire, Les Prêts Mont-Val inc. (« Mont-Val ») s’objectent en ce que la contestation du Rapport de signification ne fut pas précédée par une requête en inscription de faux.
[4] Il est important de reproduire ici le rapport de signification de l’huissier, Jean Jobin pour une meilleure compréhension du litige :
[5]
Est-ce que le témoignage de la requérante, Mme On est recevable dans le
cadre de la contestation du procès-verbal de signification du huissier sans
inscription de faux article
[6]
En vertu de l’article
2813. L'acte authentique est celui qui a été reçu ou attesté par un officier public compétent selon les lois du Québec ou du Canada, avec les formalités requises par la loi.
L'acte dont l'apparence matérielle respecte ces exigences est présumé authentique.
[7]
Par conséquent, en vertu de l’article
2818. Les énonciations, dans l'acte authentique, des faits que l'officier public avait mission de constater ou d'inscrire, font preuve à l'égard de tous.
[8]
Les tribunaux, ample jurisprudence à l’appui, ont suggéré que le moyen
de contester le procès-verbal d’un huissier est soit l’inscription de faux,
soit une requête en vertu des articles
223. Une partie peut, en cours d'instance, demander que soit déclaré faux ou falsifié un écrit authentique dont elle-même ou la partie adverse entend se servir à l'audience ou qui a déjà été produit au dossier.
Cette inscription de faux incident peut être faite en tout temps avant jugement; mais, après clôture de l'enquête, elle ne peut être reçue que si la partie justifie n'avoir pas acquis plus tôt connaissance du faux.
232. Une partie peut demander que soit déclaré faux ou inexact le procès-verbal d'un shérif, d'un huissier ou autre officier judiciaire, de même que celui de toute personne autorisée à faire un rapport de signification.
233. Le tribunal peut permettre la correction de toute erreur qui se trouve dans un procès-verbal mentionné à l'article 232.
[9]
Ces articles doivent être lus en parallèle avec les articles
223.1. La partie qui entend demander l'inscription de faux incident doit, préalablement à toute demande, notifier un avis à la partie adverse lui demandant de déclarer si elle entend ou non se servir de l'écrit contesté.
Si la partie adverse ne répond pas dans les cinq jours de la réception de l'avis, ou si elle déclare ne pas vouloir se servir de l'écrit, celui-ci ne peut être produit lors de l'audience dans l'instance principale ou, s'il est déjà produit, il est rejeté du dossier.
Si la partie adverse indique qu'elle entend se servir de l'écrit, l'inscription de faux incident doit être décidée par le tribunal.
224. La requête énonce les motifs à l'appui de l'allégation de faux et elle est signifiée à toutes les parties et à l'officier public qui détient l'original de l'écrit. La requête doit être accompagnée d'un affidavit et d'un avis de présentation indiquant la date à laquelle il sera demandé au tribunal de se prononcer sur ses conclusions.
Cette requête doit en outre être accompagnée d'un certificat du greffier attestant le dépôt au greffe d'un montant jugé suffisant pour couvrir les frais de la partie adverse, advenant son rejet.
228. Lorsque l'original de l'écrit argué de faux n'est pas déjà produit au dossier, le juge, sur demande d'une des parties, peut ordonner à celui qui en a la garde de le déposer au greffe dans un délai imparti, sous toutes peines que de droit.
230. Le jugement qui dispose de l'inscription de faux statue sur la remise de l'original à qui de droit, s'il y a lieu.
[10] Selon les auteurs Royer et Lavallée[1] le procès-verbal d’un huissier peut être contesté par une requête en contestation ou en correction :
295. Nécessité de l’action ou de l’inscription de faux - En règle générale, le justiciable ne peut prouver la fausseté d’un fait déclaré dans un écrit authentique par un officier public s’il s’agit d’un fait que cet officier public a mission de constater, à moins de procéder par action ou par inscription de faux.
296. Procès-verbal d’un huissier - À notre avis, l’inscription de faux est remplacée par une requête en contestation ou en correction d’un procès-verbal d’un shérif, huissier ou autre officier judiciaire, de même que celui de toute personne autorisée à faire un rapport de signification. Cette règle s’applique également à un procès-verbal de saisie.
[11]
Selon le professeur Ducharme[2],
lorsqu’il s’agit d’une information que l’huissier a « mission de constater
ou d’inscrire »[3],
la partie doit procéder par une requête en vertu de l’article
197. Un procès - verbal d’officier de justice est
un document authentique faisant preuve de son contenu. Toutefois, par
exception à la règle générale, c’est par une requête en vertu de l’article
[12]
L’auteur s’appuie sur Cléroux c. Wong[4],
où le Tribunal était d’avis que la partie adverse n’avait pas à procéder par
l’article
[13] Le procès-verbal de l’huissier se lisait comme suit :
"...à Monsieur Robert Wong, en laissant copie dûment certifiée, parlant et laissant la dite pièce à une personne raisonnable à son domicile au […] à St-Jovite, sa fille Grace."
[14]
Dans cette affaire, la Cour d’appel se prononce en ces termes
relativement à la question de la procédure appropriée pour contester la
signification d’un procès-verbal en vertu de l’article
Quant à la procédure spéciale de l'article
[15] Les principes établis par la Cour d’appel dans Cléroux c. Wong[5] ont été repris dans Tecno Métal inc. c. Bilong[6], où le Tribunal précise que la capacité d’une personne qui reçoit signification d’une procédure n’est pas un fait que l’huissier constate, mais une conclusion qu’il tire d’un fait constaté :
Par ailleurs, bien que le procès-verbal d'un huissier soit un acte authentique, les mentions dans son procès-verbal concernant la qualité ou la capacité de la personne à qui une procédure a été signifiée ne sont pas un fait constaté par l'huissier, mais une conclusion tirée d'un fait qu'il a constaté. Il s'ensuit que la preuve contraire est admise, dont la preuve testimoniale.
[16]
Dans Perley-Robertson, Hill & Mcdougall, L.L.P. c. De
Belle[7],
l’honorable Armando Aznar, J.C.Q. est d’avis que l’inscription de faux n’est
pas le bon véhicule procédural pour contester le procès-verbal d’un huissier,
puisque le législateur a prévu un mécanisme de contestation à l’article
[6] En premier lieu, le
Tribunal est d'accord avec l'argument de la requérante, Perley-Robertson, Hill
& McDougall LLP, à l'effet que le véhicule procédural choisi par l'intimé
De Belle à savoir l'inscription de faux fondée sur les articles
[7] En fait, à l'article
[8] Ceci étant, pour fins
de discussion, dans la mesure où la contestation de l'intimé De Belle devait
avoir pour objet de faire déclarer faux un fait que le huissier avait pour
mission de constater, il se devait de procéder par voie de requête en vertu de
l'article
[9] En l'espèce, dans l'opinion du Tribunal, les faits énoncés au «Affidavit of service» du huissier Giroux qui font l'objet de la contestation de l'intimé De Belle ne sont pas des faits que le huissier avait pour mission de constater.
[10] Plus particulièrement, les faits contestés par l'intimé De Belle sont ceux qui sont énoncés aux paragraphes 4 et 5 du «Affidavit of service» qui se lisent comme suit:
«4. THAT I was unable to effect the said service because upon the attempts above-noted there was no answer at the said place of business.
5. THAT I left a message to the phone number […] in order to take an appointment with Mr. DeBelle. Mr. DeBelle called me back telling me that he did not want to meet me and suggested me to leave the documents in the letter box of the said premises.»
[17]
L’honorable Sylvain Coutlée, J.C.Q. dans Location Bench & Table
Rents inc. c. Congrégation Amour pour Israe[8],
affirme aussi qu’il n’est pas nécessaire de passer par la voie de l’inscription
de faux ou par requête en vertu de l'article
[18]
C’est l’article
145. Le procès-verbal d'une signification faite par huissier, shérif, ou autre personne autorisée en vertu de l'article 122, doit mentionner:
a) les noms, profession et résidence du signataire;
b) le lieu, la date et l'heure où la signification a été faite;
c) la personne à laquelle la copie de l'acte a été laissée;
d) la distance entre la résidence du signataire et l'endroit où il a fait la signification;
e) l'état des frais de la signification.
[19]
Ainsi l’honorable Benoit Sabourin, J.C.Q., dans Matériaux Kott,
s.e.n.c. c. Constructions Romy inc.[9],
conclut que la requête en contestation du procès-verbal d’un huissier,
présentée en vertu de l’article
[20]
Il faut faire la distinction entre les moyens de contester des faits que
l’officier public a pour mission de constater (article
[21] À la lumière de la jurisprudence consultée, il serait légitime d’affirmer que la capacité de discernement de l’enfant à qui ont été remises les procédures peut être contestée par preuve testimoniale.
[22] Dans Saratoga Construction Ltd. c. Grenache[10], il s’agit ici d’une procédure qui devait être signifiée à une corporation. L’huissier a signifié le Bref à la réceptionniste, qui n’était pas une personne en autorité. La Cour d’appel dans cette affaire, précise que l’inscription en faux à l’encontre du procès-verbal de l’huissier n’est nécessaire que pour contredire les faits qu’il doit constater. Puisque la question à savoir si la réceptionniste est une personne « en charge » s’agissait d’un fait qui échappe à la compétence de l’huissier, c’est par preuve testimoniale que peut être contredite l’affirmation selon laquelle la signification fut faite à une personne « en charge ».
[23] C’est ce que déclarent aussi les auteurs Denis Ferland et Benoît Emery[11]:
La jurisprudence a précisé que la contestation de procès-verbal n'était pas nécessaire et que la preuve testimoniale devait être permise à l'encontre de l'énonciation d'un fait, dans un procès-verbal qui échappait à la compétence de l'officier et qu'il n'avait pas pour mission de constater. Toutefois, la jurisprudence a notamment établi la nécessité de la contestation d'un procès-verbal, dans le cas d'une requête en rétractation de jugement en contradiction avec un procès-verbal de signification au dossier de la cour, et elle a reconnu le bien-fondé d'une requête pour contester l'exactitude du procès-verbal d'un huissier déclarant que la signification avait été impossible à la place d'affaires de la requérante, à une date et heure précises, vu que toutes les portes étaient verrouillées et que personne ne s'est présenté pour répondre, ou pour contester l'exactitude d'un procès-verbal de signification en ce que le tiers saisi n'était pas identifié et n'était pas en possession des biens saisis.
[24] Vu ce qui précède, le Tribunal est d’opinion que le témoignage de la requérante, Mme Archat On est recevable;
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
REJETTE l’Objection à la preuve de la demanderesse, Banque de Montréal et de la mise en cause, Les Prêts Mont-Val inc.
LE TOUT, sans frais.
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__________________________________ BRIGITTE GOUIN, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
4 février 2015 |
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Me Nicolas Héon-Bourgeois BÉLANGER, SAUVÉ SENCRL Procureurs de la demanderesse-intimée
Me Marilyn Gariepy AIDE JURIDIQUE DE MONTRÉAL Procureurs de la défenderesse-requérante
Me Luc Tétreault TÉTREAULT RENAUD DELL'AQUILA MARKARIAN, SN. Procureurs de la mise en cause |
[1] Jean-Claude
ROYER et Sophie LAVALLÉE,
[2] Léo
DUCHARME,
[3] Article
[4] Cléroux c. Wong, [1986] R.D.J.
[5] Déjà citée, voir note 4.
[6] Techno
Métal inc. c. Bilong,
[7] Perley-Robertson, Hill & Mcdougall, L.L.P. c. De
Belle,
[8] Location
Bench & Table Rents inc. c. Congrégation Amour pour Israel,
[9] Matéraiux
Kott, s.e.n.c. c. Constructions Romy inc.,
[10] Saratoga
Construction Ltd. c. Grenache, (C.A.)
[11] Denis FERLAND et Benoît EMERY, Précis de procédure civile du Québec, Vol. 1, 4e éd., Cowansville, Éd. Yvon Blais, 2003.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.