Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Horic c. Nepveu

2016 QCCS 3921

JC0BS9

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-17-072741-120

 

 

 

DATE :

22 août 2016

 

 

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

CHANTAL CHATELAIN, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

ALAIN HORIC

Demandeur

c.                                                    

PIERRE NEPVEU

Et

LES ÉDITIONS DU BORÉAL

Défendeurs conjoints et solidaires

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

 

I.          INTRODUCTION                                                                                                                   2

II.         CONTEXTE                                                                                                                           3

A.        Alain Horic                                                                                                                 3

B.        Pierre Nepveu et Boréal                                                                                       6

C.       Doléances et recours d’Alain Horic                                                                  8

III.        PRINCIPES APPLICABLES                                                                                            10

IV.       QUESTIONS EN LITIGE                                                                                                    15

V.        ANALYSE                                                                                                                            16

A.        Propos reprochés par Alain Horic                                                                  16

1.        Minimisation du rôle d’Alain Horic dans le domaine de l’édition littéraire québécoise         16

2.        Qualification d’Alain Horic en tant qu’homme d’affaires............................. 21

3.        Tempérament belliqueux d’Alain Horic......................................................... 23

a)       Passages relatifs à la publication chez Leméac de la correspondance de Gaston Miron à Claude Haeffely........................................................................................................ 24

b)       Passages relatifs aux relations avec Gaëtan Dostie et les frères Hébert (Les Herbes rouges)...................................................................................................................... 26

c)        Passages relatifs à la création de la collection Balises............................. 28

4.        Différences de caractère ou de vision entre Alain Horic et Gaston Miron 29

5.        Fondement de l’amitié entre Alain Horic et Gaston Miron......................... 30

6.        Pierre Nepveu était-il animé par une intention malveillante ?.................... 33

B.        Commentaires additionnels quant aux dommages réclamés                      34

1.        Dommages moraux et préjudice corporel.................................................... 34

2.        Dommages-intérêts punitifs........................................................................... 36

C.       Conclusion                                                                                                               36

VI.       DEMANDE DE MISE SOUS SCELLÉS ET D’ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION          36

VII.      DEMANDE DE PIERRE NEPVEU EN DÉCLARATION D’ABUS                              37

 

* * *

 

I.              INTRODUCTION

[1]           « Gaston Miron, La vie d'un homme », biographie posthume de l’un des plus illustres poètes et éditeurs québécois, a-t-elle dévié de sa trajectoire pour plutôt constituer une œuvre diffamatoire à l’encontre du demandeur, Alain Horic[1], l’un des compagnons de route de Gaston Miron pendant plus de quarante ans dans le domaine de l’édition littéraire?

[2]           Les questions que soulève ce recours mettent à nouveau en scène deux valeurs fondamentales de notre société démocratique, dont le nécessaire équilibre est parfois difficile à atteindre, soit la liberté d’expression et le droit à la réputation.

[3]           Alain Horic reproche à la biographie d’occulter son rôle dans l’histoire littéraire du Québec, plus particulièrement en regard de la destinée des Éditions de l’Hexagone (« l’Hexagone ») qu’il a codirigée avec Gaston Miron de 1961 à 1981 avant d’en prendre seul les commandes jusqu’à sa vente à Sogides au début des années 1990. Il estime également que la biographie le dépeint comme une personne affairiste et belliqueuse ayant profité de l’amitié et de la naïveté de Gaston Miron.

[4]           Même s’il faut reconnaître que la vérité des uns n’est pas nécessairement celle des autres et qu’il y a une grande place à interprétation dans une œuvre biographique de l’ampleur de celle ici en cause, le Tribunal est d’avis que l’interprétation historique que propose Pierre Nepveu de la vie de Gaston Miron ne contient aucun propos diffamatoire à l’endroit d’Alain Horic.

[5]           Pour être diffamatoire, un propos doit faire perdre l’estime ou la considération de quelqu’un ou, encore, susciter à son égard des sentiments défavorables ou désagréables.

[6]           Or, ici, pris dans leur contexte, les propos reprochés par Alain Horic n’ont pas cet effet. Au contraire, la biographie le présente comme étant un des artisans du succès de l’Hexagone et un ami qui a su conserver l’affection et la confiance de Gaston Miron en toutes circonstances.

[7]           Même en admettant qu’Alain Horic ait pu être blessé par certains passages de la biographie, le Tribunal conclut que Pierre Nepveu et les Éditions du Boréal (« Boréal ») n’ont commis aucune faute civile donnant ouverture au recours en diffamation. En effet, la nature diffamatoire d’un propos s’analyse selon une norme objective (par opposition à une norme subjective), et ce, selon une appréciation contextuelle.

[8]           Ainsi, pour les motifs qui suivent, le recours d’Alain Horic est rejeté.

II.            CONTEXTE

A.           Alain Horic

[9]           Alain Horic, d'origine bosniaque, émigre au Québec en 1952 à l’âge de 23 ans. Féru de poésie, il s’intègre rapidement à la vie littéraire montréalaise. En 1954, il rencontre Gaston Miron. C’est le début d’une relation amicale et professionnelle qui dure jusqu’au décès de Gaston Miron en 1996.

[10]        Gaston Miron est un poète et éditeur québécois de grande renommée. Il est reconnu dans l’histoire moderne comme étant le « poète national du Québec ». À son décès, il reçoit d’ailleurs l’honneur de funérailles nationales du Québec.

[11]        En 1953, il fonde, avec cinq autres partenaires[2], l’Hexagone, une maison d’édition qui se veut alors artisanale et que les fondateurs dirigent, bénévolement, à partir du sous-sol de la maison des parents de Louis Portugais.

[12]        Alain Horic entreprend sa collaboration auprès de l’Hexagone dès 1955. En 1961, il en devient codirecteur, notamment avec Gaston Miron.

[13]        En août 1970, une nouvelle société est fondée, dont les actionnaires sont désormais uniquement Gaston Miron (51 %), Alain Horic (48 %) et Louis Portugais (1 %). Même si le contrat de société prévoit que les décisions relatives à l’Hexagone sont prises du consentement unanime de Gaston Miron et Alain Horic, il est convenu que Gaston Miron est l’administrateur de la société sur le plan littéraire, tandis qu’Alain Horic en est l’administrateur sur le plan financier.

[14]        Ensuite, Alain Horic dirige seul l’Hexagone de 1981 à 1991, moment auquel la maison d’édition est vendue à Sogides.

[15]        Au fil du temps et notamment sous la direction d’Alain Horic, l’Hexagone devient une maison d’édition professionnelle et un acteur important dans l'édition québécoise de même que dans l’animation, la diffusion et la distribution de poésie et d’autres formes littéraires. Ainsi, d’autres maisons d’édition spécialisées et entreprises de diffusion et de distribution littéraire gravitent autour ou sont associées à l’Hexagone, telles les Éditions Parti Pris, Les Herbes rouges et Les Messageries littéraires.

[16]        Quoiqu’Alain Horic soit également poète et auteur[3], il est surtout connu dans le milieu culturel et dans le domaine de l’édition littéraire comme éditeur et directeur de l’Hexagone.

[17]        En 2004, après le décès de Gaston Miron, Alain Horic publie un essai intitulé Mon parcours d’éditeur avec Gaston Miron.

[18]        Dans ce livre, Alain Horic cherche notamment à situer dans son contexte sa propre contribution aux destinées de l’Hexagone. Sans ambages, il vise à replacer les pendules à l’heure quant à son implication et ses accomplissements à titre d’éditeur de l’Hexagone : il reproche aux commentateurs et médias d’occulter son rôle au profit de celui de Gaston Miron. Ses critiques sont senties et il met en doute les motivations des chroniqueurs littéraires[4] :

[…] certains commentateurs et chroniqueurs commettent un impair déplorable en accordant exclusivement à Gaston Miron les années de service de 1953 à 1981, ainsi que les attributs exclusifs de la fonction de dirigeant et d’animateur unique de l’Hexagone durant la même période. Cette mise en valeur confère complaisamment à Miron seul une charge d’assumation en titre : Gaston Miron dirige et anime les Éditions de l’Hexagone de 1953 à 1981. À cette assertion sur l’apanage des fonctions et de la durée propre à Miron uniquement s’ajoute la contrepartie qui sous-tend des retombées exclusives du mérite et des gratifications en découlant. Et ce, sans partage, puisque Horic n’apparaît sur ce parcours nulle part dans la famille hexagonale ou, à l’occasion, on le fait émerger tardivement d’une boîte à surprise en 1981 ou, encore plus tard, en 1983. Pourtant, Miron avait préalablement démenti ces assertions révisionnistes en énonçant constamment au pluriel la direction de notre commune maison d’édition.

Après le décès de Miron en décembre 1996, certains chroniqueurs littéraires, culturels et journalistiques, et autres intervenants à divers titres, motifs et intérêts, rétroactivement, ne retracent sur tout le parcours des Éditions de l’Hexagone que Gaston Miron, qui chemine et œuvre en solitaire. […].

Au début, inattentif, je n’accorde ni importance ni conséquences à ce genre de simplifications, d’approximations qui me laissent perplexe. Puis, je constate, incrédule, que ces affirmations aussi frivoles que gratuites se propagent au gré des circonstances, des événements et des intervenants. Je m’éveille à l’évidence de mon absence sur l’itinéraire de l’Hexagone depuis les années cinquante jusqu’au départ de Gaston en 1981. Je commence à questionner les intentions qui sous-tendent les mystifications des intervenants à l’égard de mon travail et de mon rôle à l’Hexagone. Peut-on conclure que ces substitutions des apparences aux faits sont des omissions ou improvisations involontaires ?

Lorsque je prends connaissance des abrégés événementiels qui relatent le cheminement de Miron à l’Hexagone en omettant de signaler ma présence sur ce trajet, cela me hérisse. Toute trace de ma présence biffée, mon nom expurgé, je ne me découvre nulle part sur cette route pourtant longuement parcourue, sur laquelle je n’émerge même pas sous la forme d’un cheval de trait ! Mon seuil, pourtant élevé, de tolérance ainsi que mon flegme sont rudement secoués, je demeure stupéfait. Que les travestissements de la véracité factuelle se poursuivent sans répit en amalgamant gratuitement tout l’Hexagone à Miron, uniquement et exclusivement à tout autre, eu égard à l’amitié, cordialité, estime et équité que j’ai pour mon compagnon de route, exempt de manigances faites à son insu, je me rebiffe, je me rebelle. Cela provoque une vive réaction de ma part.

Mon attitude réservée, ma discrétion et ma retenue ne sont pas pour autant synonymes d’inexistence. Je refuse de consentir passivement à la réitération des insinuations qui gomment ma présence, mon travail, mon rôle (équivalent à celui de Gaston entre 1970 et 1981, effectué sans tambour ni trompette) qui s’étend sur une période d’au moins quarante ans. Je refuse qu’accessoirement aussi, selon les aléas de la légèreté ou du parti pris, en me brandissant d’une boîte à surprise, on rétrécisse ma contribution à sept ou dix ans de service. Le rétablissement des faits s’impose d’emblée.

[19]        Ces reproches ne sont pas sans rappeler ceux qu’il adresse aujourd’hui à Pierre Nepveu et à Boréal dans le cadre du présent recours.

B.           Pierre Nepveu et Boréal

[20]        Pierre Nepveu est poète, essayiste et romancier. Il est professeur émérite de l'Université de Montréal où il a notamment enseigné la littérature et la poésie québécoises.

[21]        Il a publié de nombreux recueils de poèmes, des romans et des essais.

[22]        Il est également titulaire de nombreux prix et distinctions, dont le prix Athanase-David pour l'ensemble de son œuvre. Il a été nommé membre de l'Ordre du Canada pour sa contribution à la poésie et à la littérature québécoises en 2011. Il est également membre de l’Académie des lettres du Québec. Trois de ses livres ont reçu le prix du Gouverneur général.

[23]        Admirateur de l’œuvre de Gaston Miron, il décide, à la fin des années 1990 de rédiger une biographie sur ce dernier. Il s’agit de sa première biographie. Boréal accepte de publier l’ouvrage.

[24]        En parallèle, Pierre Nepveu se consacre à divers projets avec Marie-Andrée Beaudet, compagne de Gaston Miron à son décès et spécialiste de l’histoire de la littérature du Québec, en vue de rassembler et publier les œuvres parlées et écrites de Gaston Miron[5].

[25]        La rédaction de la biographie est le fruit d’un travail de recherche d’une durée de près de 10 ans. Dans le cadre de ses travaux de recherche, Pierre Nepveu réalise des entrevues auprès d’environ 80 personnes et consulte de nombreuses sources documentaires, notamment auprès de fonds d’archives publiques et personnelles.

[26]        Évoluant tous les deux au sein du milieu littéraire du Québec, Pierre Nepveu et Alain Horic se connaissent avant même que ne débute le projet de rédaction de la biographie. D’ailleurs, dans la foulée des travaux liés à l’édition des œuvres éparses de Gaston Miron, Pierre Nepveu et Alain Horic ont eu au début des années 2000 un différend relativement à l’interprétation du testament de Gaston Miron, plus particulièrement quant aux suites à donner à la volonté de ce dernier voulant que ses manuscrits ne fassent pas l’objet d’une publication après son décès.

[27]        Le 29 janvier 2006, dans le cadre de ses recherches biographiques, Pierre Nepveu écrit à Alain Horic afin de solliciter un entretien pour recueillir son témoignage. Sa demande se veut prudente compte tenu de leur différend antérieur. Pierre Nepveu annonce d’entrée de jeu l’approche qu’il préconise :

[…] Tu sais sans doute que je travaille actuellement à la biographie de Gaston, qui sera publiée chez Boréal (le contrat est signé depuis longtemps) probablement en 2008. C'est un travail que je mène seul, que je conçois à ma manière et que je compte rédiger en toute indépendance. Je n'ai aucunement l'intention d'écrire une hagiographie de Gaston Miron : mieux comprendre l'œuvre et l'homme, celui-ci tant dans ses forces que ses faiblesses, tel est mon objectif. Évidemment, tout le monde sait qu'il y a un mythe ou une légende Miron : la recherche de la vérité est d'autant plus importante, malgré que je sache fort bien qu'il n'y a de vérité d'une vie que relative et incomplète.

Tu devines que tu seras forcément une figure de cette biographie, tant pour le rôle important que tu as joué pour Emmanuelle[6] (elle-même et d'autres témoins m'en ont parlé) que pour ton travail déterminant à l'Hexagone. J'ai lu, naturellement, Mon parcours d'éditeur avec Gaston Miron, un témoignage du plus haut intérêt pour moi, et qui me permet de mieux mesurer le fonctionnement véritable de la maison et ton rôle propre. […]

[…] Je considère que c'est mon devoir de recueillir le point de vue de tous les principaux acteurs : j'essaierai ensuite de tisser le récit de vie le plus juste, les plus authentique et crédible dont je sois capable. Je sais à l'avance que ce récit sera toujours partiel et qu'il ne pourra satisfaire tout le monde sur tous les points, mais j'essaierai...

Voilà pourquoi je t'écris aujourd'hui. Je te rencontrerais volontiers pour repasser avec toi les moments marquants de tes relations avec Gaston. Ou tu pourrais plutôt répondre à mes questions par écrit. Si tu préférais carrément t'abstenir, je devrais m'en remettre aux documents et aux témoignages dont je dispose déjà, ce qui serait un pis-aller. Mais quel que soit ton choix, je le respecterai. […]

[28]        Alain Horic accepte de rencontrer Pierre Nepveu. Il se sent rassuré par le fait que Pierre Nepveu dit être à la recherche de la vérité et avoir l’intention de dresser le portrait le plus juste et authentique possible de l’homme qu’était Gaston Miron. Manifestement, il y voit là la possibilité d’une reconnaissance de sa propre contribution.

[29]        Pierre Nepveu procède à quatre entrevues avec Alain Horic, en mars et avril 2006. L’enregistrement audio de leurs échanges s’étend sur plus de 10 heures. Lors de ces entretiens, Alain Horic remet également à Pierre Nepveu un certain nombre de documents.

[30]        Souhaitant vérifier que les faits le concernant ou étant à sa connaissance soient traités à sa satisfaction dans la biographie, Alain Horic demande à Pierre Nepveu la permission de réviser son manuscrit avant sa publication.

[31]        Pierre Nepveu ne donne pas suite à cette demande. Comme annoncé dans sa lettre du 29 janvier 2006, il entend en effet rédiger une biographie indépendante et estime inopportune la demande d’Alain Horic.

[32]        Néanmoins, François Ricard, lui-même écrivain et biographe[7], accompagne Pierre Nepveu à titre de conseiller littéraire. Il lit et commente le manuscrit tout au long de sa rédaction et formule certains commentaires et suggestions à Pierre Nepveu. Au fil des travaux de rédaction, le comité littéraire du Boréal assure également le suivi de l’évolution du projet, sans toutefois nécessairement lire ou réviser l’ensemble du manuscrit. Pour sa part, le président de Boréal, Pascal Assathiany, lit et approuve le manuscrit avant sa publication.

[33]        Le 30 août 2011, Boréal procède au lancement littéraire de la biographie Gaston Miron, La vie d'un homme sous la plume de Pierre Nepveu.

C.           Doléances et recours d’Alain Horic

[34]        Au cours de l’automne 2011, Alain Horic prend connaissance de la biographie.

[35]        Il constate que son nom y apparaît à plus d’une centaine de reprises, soit sur près d’une soixantaine des pages de la biographie, laquelle en compte plus de 800.

[36]        À la lecture des passages le mentionnant, Alain Horic estime que la biographie constitue une atteinte à sa réputation, à sa dignité, à son honneur personnel et professionnel et à sa probité.

[37]        Dès novembre 2011, il communique avec Pierre Nepveu et exige une réparation pour les dommages dont il se dit victime.

[38]        Le 18 mai 2012, Alain Horic met en demeure Pierre Nepveu et Boréal. Il souligne que son dossier de lecture de la biographie comporte « une centaine de feuilles d’annotations, de rectifications, de rétablissements de la véracité des faits, un relevé de passages péjoratifs, préjudiciables, diffamatoires, d’imputations, d’insinuations à [son] égard, nommément ou allusivement[8] ».

[39]        Le 4 juillet 2012, il institue sa requête introductive d’instance en injonction interlocutoire et permanente et dommages pour atteinte à la réputation, l'honneur et la dignité.

[40]        Alain Horic formule comme suit les nombreux reproches qu’il adresse à la biographie :

32. Que les défendeurs portent atteinte par la biographie à la réputation, à l'honneur, à la dignité et la probité du demandeur avec des propos diffamatoires, malicieux et faux, à savoir qu'ils :

a) Détruisent l'amitié fraternelle et qualifiée d'éternelle, entre le DEMANDEUR et feu Gaston Miron, entre éditeurs, entre poètes, compagnons et associés établie le long d'un parcours de 1954 à 1996;

b) Attribuent à feu Gaston Miron les mérites et acquis accumulés en commun ainsi que ceux du demandeur durant une décennie, au mérite exclusif de feu Gaston Miron;

c) Dépouillent le demandeur de ses activités éditoriales et de ses accomplissements aux Éditions de l'Hexagone;

d) Dressent le portrait du demandeur comme un personnage antipathique, mauvais et discordant comme dans un roman de fiction, soit nommément ou allusivement;

e) Imputent au demandeur les maux psychiques et physiques de feu Gaston Miron;

f) Décrivent le demandeur comme un être avec de nombreux travers et défauts, inepte, inapte, incompétent, réduit à sa plus simple expression;

g) Allèguent que le demandeur serait incompatible avec feu Gaston Miron en amitié, en associé, en littéraire et en éditeur;

h) Allèguent que le demandeur n'est qu'un affairiste qui abuse de son pouvoir en profitant de la naïveté et de l'amitié de feu Gaston Miron;

i) Décrivent le demandeur comme un être souffrant d'un complexe d'infériorité;

j) Allèguent que le demandeur faisait preuve de générosité dans le simple but de profiter, abuser et fourber, personnellement et professionnellement, feu Gaston Miron qui continue à faire confiance au demandeur au grand étonnement des défendeurs qui attribuent malicieusement au demandeur une générosité à la contrepartie;

k) Attribuent au demandeur des traits caractériels, troubles de comportement, lui invente des gestes et des actes que l'on assimile à ceux d'un psychopathe;

l) Allèguent que le demandeur serait asocial, infréquentable, rébarbatif avec lequel personne ne désirait s'associer;

m) Décrivent le demandeur comme un personnage conflictuel, fauteur de troubles, incompatible avec tous;

n) Allèguent que la discordance des sentiments, des émotions, des humeurs et même de la chimie et du métabolisme du demandeur sont contraires et nuisibles à ceux de feu Gaston Miron;

o) Décrivent les entreprises du demandeur comme malheureuses, mal avisées et déclarent toutes ses réalisations comme des échecs, vouées au naufrage;

p) Allèguent des faits contraires aux documents en main transmis par le demandeur et à l'histoire bien établie;

q) Citent à deux seules reprises et négativement l'ouvrage du demandeur « Mon parcours d'éditeur avec Gaston Miron », Montréal, Éditions de l'Hexagone, 2004 et en tronquant les brefs passages cités au détriment du demandeur;

r) Attribuent faussement au demandeur un côté belliqueux sous ses manières affables l'assimilant par l'analogie du terme belliqueux à un personnage pathologique conflictuel qui cherche la dispute et la bagarre;

s) Omettent délibérément de mentionner que le demandeur, grand ami de feu Gaston Miron, avait été nommé son assistant exécuteur testamentaire dans son dernier testament;

[41]        Alain Horic allègue non seulement que Pierre Nepveu et Boréal ont été négligents, mais également qu’il est la cible d’attaques orchestrées et intentionnelles, et ce, en tant qu’éditeur et en tant que personne.

[42]        En conséquence, il réclame des dommages moraux et pour préjudice corporel de 400 000 $ et des dommages-intérêts punitifs de 100 000 $.

[43]        Il demande également au Tribunal d’émettre des ordonnances d’injonction qui visent essentiellement à faire cesser toute diffusion de la biographie ou, subsidiairement, que les passages le concernant soient retirés de la biographie si elle demeure en circulation.

[44]        Malgré la demande d’injonction interlocutoire, les parties ont procédé sur le fond de la demande d’injonction et la demande d’injonction interlocutoire est ainsi sans objet.

III.           PRINCIPES APPLICABLES

[45]        Comme le souligne la juge Deschamps de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Bou Malhab, « le concept de diffamation exige de concilier le droit à la protection de la réputation avec celui de la liberté d’expression, puisque ce qui appartient au premier est généralement retiré du second[9] ».

[46]        Déterminer le point d’équilibre entre ces deux droits est par ailleurs un exercice qui met en cause des valeurs qui constituent le fondement même de notre société libre et démocratique[10] :

[19]       Bien entendu, il n’existe pas d’instrument de mesure précis pour déterminer le point d’équilibre entre la protection de la réputation et la liberté d’expression. La conciliation de ces deux droits reposera sur le respect des principes qui servent de fondement à une société libre et démocratique. Le point d’intersection varie suivant l’évolution de la société. Ce qui était une limite acceptable à la liberté d’expression au 19e siècle peut ne plus l’être aujourd’hui. D’ailleurs, au cours des dernières décennies particulièrement, on observe une évolution du droit de la diffamation afin de protéger plus adéquatement la liberté d’expression à l’égard des questions touchant l’intérêt public. […]

[47]        Il n’y a pas de recours particulier en matière de diffamation. Le recours en diffamation est plutôt régi par le régime général de la responsabilité civile dont la source se trouve à l’article 1457 du Code civil du Québec[11] :

[32] Le droit civil québécois ne prévoit pas de recours particulier pour l’atteinte à la réputation. Le fondement du recours en diffamation au Québec se trouve à l’art. 1457 C.c.Q. qui fixe les règles générales applicables en matière de responsabilité civile. Ainsi, dans un recours en diffamation, le demandeur doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, l’existence d’un préjudice, d’une faute et d’un lien de causalité, comme dans le cas de toute autre action en responsabilité civile, délictuelle ou quasi délictuelle.

[33] Pour démontrer le premier élément de la responsabilité civile, soit l’existence d’un préjudice, le demandeur doit convaincre le juge que les propos litigieux sont diffamatoires. Le concept de diffamation a fait l’objet de plusieurs définitions au fil des années. De façon générale, on reconnaît que la diffamation « consiste dans la communication de propos ou d’écrits qui font perdre l’estime ou la considération de quelqu’un ou qui, encore, suscitent à son égard des sentiments défavorables ou désagréables ». [Références omises]

[48]         Le demandeur a ainsi le fardeau d’établir, par preuve prépondérante, les éléments constitutifs du recours en diffamation et, pour ce faire, il doit prouver une faute, un préjudice et un lien de causalité.

[49]        Généralement, la faute correspond à une conduite qui s’écarte de la norme de comportement qu’adopterait une personne raisonnable[12]. En d’autres termes, est-ce qu’une personne raisonnable aurait tenu les propos reprochés dans le même contexte[13]?

[50]        Il ne suffit donc pas pour avoir gain de cause de démontrer que des propos sont diffamatoires, la preuve d’une faute étant une composante essentielle de l’action en responsabilité civile. À cet égard, deux types de conduites sont susceptibles de constituer une faute, l’une malveillante et l’autre simplement négligente[14] :

[35]       Cependant, des propos jugés diffamatoires n’engageront pas nécessairement la responsabilité civile de leur auteur. Il faudra, en outre, que le demandeur démontre que l’auteur des propos a commis une faute. Dans leur traité, La responsabilité civile (5e éd. 1998), J.-L. Baudouin et P. Deslauriers précisent, aux p. 301-302, que la faute en matière de diffamation peut résulter de deux types de conduites, l’une malveillante, l’autre simplement négligente :

La première est celle où le défendeur, sciemment, de mauvaise foi, avec intention de nuire, s’attaque à la réputation de la victime et cherche à la ridiculiser, à l’humilier, à l’exposer à la haine ou au mépris du public ou d’un groupe. La seconde résulte d’un comportement dont la volonté de nuire est absente, mais où le défendeur a, malgré tout, porté atteinte à la réputation de la victime par sa témérité, sa négligence, son impertinence ou son incurie. Les deux conduites constituent une faute civile, donnent droit à réparation, sans qu’il existe de différence entre elles sur le plan du droit. En d’autres termes, il convient de se référer aux règles ordinaires de la responsabilité civile et d’abandonner résolument l’idée fausse que la diffamation est seulement le fruit d’un acte de mauvaise foi emportant intention de nuire.

[51]        Dans le cadre de la détermination de l’existence ou non d’une faute, il importe peu que les propos reprochés soient véridiques ou faux[15] :

[37]       Ainsi, en droit civil québécois, la communication d’une information fausse n’est pas nécessairement fautive. À l’inverse, la transmission d’une information véridique peut parfois constituer une faute. On retrouve là une importante différence entre le droit civil et la common law où la fausseté des propos participe du délit de diffamation (tort of defamation). Toutefois, même en droit civil, la véracité des propos peut constituer un moyen de prouver l’absence de faute dans des circonstances où l’intérêt public est en jeu (voir les propos de Vallières, op. cit., p. 10, approuvés par la Cour d’appel du Québec dans Radio Sept-Îles, précité, p. 1819).

[52]        Dans Pop c. Boulanger, la juge Corriveau résume ainsi les situations pouvant engager la responsabilité de l’auteur de propos diffamatoires[16] :

[18]       L'arrêt Prud’homme prononcé par la Cour suprême identifie les trois situations pouvant engager la responsabilité de l’auteur de paroles diffamatoires :

(i)         lorsqu’il prononce des propos désagréables à l’égard d’un tiers tout en les sachant faux,

(ii)        lorsqu’il prononce des choses désagréables à l’égard d’un tiers alors qu’il devrait les savoir fausses,

(iii)        lorsqu’il tient, sans juste motif et avec l’intention de nuire, des propos défavorables, mais véridiques à l’égard d’un tiers.

[19]       Le demandeur qui souhaite se pourvoir d’un recours en diffamation devra faire la preuve, si les propos litigieux sont faux, que le défendeur a connaissance ou aurait dû avoir connaissance de leur fausseté. Si les propos litigieux sont vrais, le demandeur devra prouver qu’ils ont été tenus sans juste motif et dans l’intention de nuire. Par la suite, il devra faire la preuve du préjudice subi et d’un lien de causalité entre les dommages et la faute commise par le défendeur.

[53]        Quant à la démonstration du préjudice, autre composante essentielle de toute action en responsabilité civile, la Cour suprême rappelle que le recours en diffamation est un domaine du droit où il importe de bien distinguer entre la faute et le préjudice. En effet, la démonstration de la commission d’une faute n’établit pas, sans plus, l’existence d’un préjudice susceptible de réparation. De la même manière, la preuve du préjudice ne permet pas de présumer qu’une faute a été commise[17].

[54]        Ainsi, s’il s’avère, dans un premier temps, qu’une faute a été commise, il faut, néanmoins, dans un deuxième temps, déterminer s’il y a eu préjudice. Pour ce faire, il y a lieu de recourir à la norme objective du citoyen ordinaire afin de déterminer si les propos en cause ont diminué l’estime que le citoyen ordinaire porte à la personne visée par les propos[18].

[55]        Il importe de retenir que la diffamation ne se définit pas selon l’appréciation subjective de la personne visée par les propos en cause puisque cela reviendrait à dire que le concept de la diffamation est une cible mouvante au gré des sensibilités des individus. Il faut plutôt évaluer le préjudice à travers les yeux du citoyen ordinaire, ce qui permet d’éviter l’appréciation subjective du préjudice et, partant, la stérilisation arbitraire de la liberté d’expression[19] :

[26]       Le préjudice qui définit la diffamation est l’atteinte à la réputation. Dans notre droit, l’atteinte à la réputation est appréciée objectivement, c’est-à-dire en se référant au point de vue du citoyen ordinaire (Néron, par. 57; Prud’homme, par. 34; Métromédia C.M.R. Montréal inc. c. Johnson, 2006 QCCA 132, [2006] R.J.Q. 395, par. 49).

[…]

[28]       C’est l’importance de ces « autres » dans le concept de réputation qui justifie le recours à la norme objective du citoyen ordinaire qui les symbolise. Un sentiment d’humiliation, de tristesse ou de frustration chez la personne même qui prétend avoir été diffamée est donc insuffisant pour fonder un recours en diffamation. Dans un tel recours, l’examen du préjudice se situe à un second niveau, axé non sur la victime elle-même, mais sur la perception des autres. Le préjudice existe lorsque le « citoyen ordinaire estim[e] que les propos tenus, pris dans leur ensemble, ont déconsidéré la réputation » de la victime (Prud’homme, par. 34). Il faut cependant se garder de laisser glisser l’analyse du préjudice vers un troisième niveau et de se demander, comme semble l’avoir fait la majorité de la Cour d’appel (par. 73), si le citoyen ordinaire, se portant lui-même juge des faits, aurait estimé que la réputation de la victime a été déconsidérée aux yeux d’un public susceptible d’ajouter foi aux propos de M. Arthur. C’est plutôt ce citoyen ordinaire qui est observé par le juge et qui incarne les « autres ».

[29]       Le recours à la norme objective du citoyen ordinaire présente des avantages certains, que décrit bien la juge Bich dans ses motifs : 

[Cette norme] a l’avantage de ne pas rendre l’exercice de qualification du propos litigieux et, par conséquent, la détermination du préjudice tributaires de l’émotion ou du sentiment purement subjectif de la personne qui s’estime diffamée. S’il suffisait en effet, pour établir le caractère préjudiciable d’un propos, de faire état de son sentiment d’humiliation, de mortification, de vexation, d’indignation, de tristesse ou de contrariété personnelle ou encore d’un froissement, d’un heurt ou même d’un piétinement de la sensibilité, il ne resterait pas grand-chose de la liberté d’opinion et d’expression. En outre, ce serait faire dépendre l’idée même de diffamation, entièrement, de l’affectivité particulière de chaque individu. [par. 40]

(Nos soulignements)

[56]        Par ailleurs, en analysant les propos reprochés, le Tribunal doit se livrer à une analyse contextuelle. Il faut éviter d’isoler les passages d’un texte si l’ensemble jette un éclairage différent sur l’extrait ciblé[20] :

[38]       Par ailleurs, comme le mentionne le juge Senécal, cité avec approbation par la Cour suprême dans Prud'homme, l'analyse des propos reprochés doit se faire dans la globalité de l'émission où ils ont été exprimés et non en examinant des phrases, chirurgicalement extraites de l'ensemble, comme l’ont fait les intimés tant devant nous que devant le juge de première instance. De même, il faut tenir compte de l’occasion qui suscite le commentaire. Bref, il faut tenir compte de tout le contexte entourant la tenue des propos pour déterminer s'ils constituent une faute : Hill c. Église de Scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130, p. 1141; Société St-Jean-Baptiste de Montréal, précité, paragr. 11. Ce principe a été ignoré par le premier, ce qui constitue une erreur de droit, ceci dit avec égards. Quant à la finalité de cette analyse contextuelle, il faut rappeler que la Cour a déclaré dans l’arrêt Société St-Jean-Baptiste que « les tribunaux ne sont pas arbitres en matière de courtoisie, de politesse et de bon goût » (paragr. 27), un principe ignoré par le premier juge en raison de son désaccord avec cet arrêt.

[57]        Finalement, les propos diffamatoires peuvent être implicites ou explicites. Ainsi, des propos peuvent être diffamatoires tant pour leur contenu explicite que par les insinuations, les imputations indirectes ou les inférences qui s’en dégagent. La forme de l’expression importe peu, c’est le résultat obtenu dans l’esprit du citoyen ordinaire qui importe[21].

[58]        Ceci étant, il n’en demeure pas moins que pour constituer de la diffamation, les insinuations doivent être « suffisamment péjoratives et suffisamment fortes pour qu’une personne ordinaire donne vraisemblablement au propos un sens qui déconsidère la victime[22] ».

[59]        En tout dernier lieu, il faut bien sûr qu’un lien de causalité soit établi entre la faute et le préjudice[23]. Il s’agit de la troisième composante essentielle de toute action en responsabilité civile.

IV.          QUESTIONS EN LITIGE

[60]        À la lumière des principes applicables, les questions suivantes se posent en l’espèce :

a)            est-ce que les propos reprochés à Pierre Nepveu et Boréal sont diffamatoires et causent-ils préjudice à Alain Horic?

b)            est-ce que Pierre Nepveu et Boréal ont commis une faute en diffusant ces propos?

c)            existe-t-il un lien de causalité entre la faute et le préjudice subi?

[61]        Si la réponse à ces questions est affirmative, il s’agira ensuite de déterminer la réparation appropriée en l’espèce.

V.           ANALYSE

A.           Propos reprochés par Alain Horic

[62]        Un très grand nombre de passages de la biographie sont relevés par Alain Horic comme étant diffamatoires à son endroit. Au soutien de ses doléances, il porte plus particulièrement à l’attention du Tribunal pas moins de 48 des quelque 800 pages de la biographie sur la soixantaine qui mentionnent son nom.

[63]        Considérés globalement, le Tribunal estime que les propos reprochés peuvent se regrouper en cinq catégories. Ainsi, selon le regroupement effectué par le Tribunal, la biographie serait diffamatoire à l’endroit d’Alain Horic puisque, directement ou par insinuation, elle :

a)            occulte son existence et minimise son rôle dans le domaine de l’édition littéraire québécoise;

b)            le décrit comme étant un affairiste;

c)            le dépeint comme une personne belliqueuse ou conflictuelle;

d)            suggère qu’il y avait une incompatibilité de caractère ou de vision entre lui et Gaston Miron; et

e)            suggère qu’il a manipulé Gaston Miron ou profité de son amitié ou de sa naïveté.

[64]        Alain Horic soumet également que la conduite de Pierre Nepveu à son endroit était malveillante, c’est-à-dire qu’il s’est attaqué à sa réputation sciemment et de mauvaise foi.

[65]        Voyons ce qu’il en est.

1.            Minimisation du rôle d’Alain Horic dans le domaine de l’édition littéraire québécoise

[66]        Alain Horic reproche à la biographie d’occulter son existence de même que ses réalisations, son rôle et son importance dans l’évolution de l’édition littéraire québécoise. Il se plaint d’être relégué dans l’ombre, dans un rôle fantomatique, comme s’il n’existait pas ou que son apport n’avait pas été aussi significatif qu’il l’a été en réalité.

[67]        En regard de la destinée de l’Hexagone en particulier, la biographie omet selon lui de reconnaître à sa pleine valeur le fait qu’il a joint officiellement l’équipe de direction dès 1961 et que sa participation au sein de l’équipe de l’Hexagone, loin d’être discrète, y était plutôt active, engagée et prééminente.

[68]        Alain Horic estime également que la biographie minimise le fait que dès 1955, à la demande de Gaston Miron, il rend de nombreux menus services à l’Hexagone.

[69]        Alors qu’il a codirigé l’Hexagone avec Gaston Miron de 1961 à 1981, avant d’en prendre seul les commandes jusqu’à sa vente à Sogides en 1991, il est d’avis que la biographie donne l’impression qu’il « sort d’une boîte à surprise » à compter de 1981.

[70]        Alain Horic cite de nombreux passages de la biographie qui désignent Gaston Miron comme étant « éditeur » ou « dirigeant » de l’Hexagone. Il plaide que la biographie aurait dû, plus justement, indiquer que Gaston Miron était « coéditeur » ou « codirigeant ». Pour Alain Horic, le fait d’omettre cette précision a pour effet d’annihiler son existence.

[71]        Il s’en prend également à l’utilisation de l’expression « direction bicéphale » pour désigner la période de codirection qu’il a assumé avec Gaston Miron, estimant que cette expression le rabaisse au genre animal.

[72]        En somme, il reproche à la biographie de laisser entendre que Gaston Miron était seul à la barre de l’Hexagone.

[73]        Parmi les nombreux passages de la biographie qui soulèvent l’ire d’Alain Horic, les passages suivants le font particulièrement réagir :

Deux autres noms s’ajoutent à la nouvelle équipe de l’Hexagone formée en 1961 : Michel van Schendel, qui a démissionné de Liberté avec Lapointe et quelques autres au moment de la grève des réalisateurs de Radio-Canada, et Alain Horic, resté dans l’ombre jusqu’ici. Depuis leur rencontre dans le salon littéraire d’Andrée Maillet, Miron et le poète originaire de Bosnie n’ont jamais perdu le contact et Horic a souvent rendu de menus services à l’Hexagone, notamment en s’occupant de livraisons ou d’achats de fournitures. En parallèle, tout en ayant publié un premier recueil chez Erta, il fait maintenant carrière dans la gestion commerciale et il est monté en grade au magasin Dupuis Frères où il dirige un rayon.

Plutôt discrète, l’entrée de Horic au sein de l’équipe de l’Hexagone aura pourtant des conséquences durables sur la vie et l’évolution de la maison. Lapointe et Van Schendel étant souvent absorbés ailleurs, c’est bientôt le duo Miron-Horic qui, en pratique, fait marcher l’entreprise. Drôle de duo : autant Miron est tonitruant, autant Horic est tout en aménité. Autant le premier fonctionne encore et toujours « à bout portant », « à bride abattue », et volontiers tard dans la nuit, autant le second est mesuré, organisé, prudent, et préfère les travaux diurnes. Même si la poésie les unit, il y a là en même temps un mariage de raison entre l’éditeur guidé par son flair et sa passion, et le gestionnaire capable d’administrer l’entreprise. L’alliance va tenir plus de vingt ans.

Pour le moment, Miron, Horic et le reste de l’équipe se retrouvent régulièrement chez les Lapointe pour discuter des décisions à prendre et préparer les prochaines parutions. (p. 380)

En outre, ne pouvant plus s’appuyer sur une véritable équipe à l’Hexagone depuis 1964, il [Gaston Miron] porte tout le poids du fonctionnement de la maison sur ses épaules. (p. 435)

On peut parler d’une direction bicéphale, mais ce que cette expression, comme les termes du contrat signé en août, ne révèle pas, c’est l’asymétrie profonde dans la relation d’affaires entre les deux hommes. (p. 509)

À ces divergences de tempérament et de vision s’ajoute de plus en plus, à la fin des années 1970, une question de reconnaissance : l’identification constante de l’Hexagone au seul Miron, particulièrement manifeste au moment des célébrations de 1978-1979, relègue Horic à un rôle de subalterne dont la présence paraît presque fantomatique dans cette « aventure en poésie ». Sur ce plan, Miron n’est sûrement pas à blâmer, d’autant plus que Horic, dix ans plus tard, admettra lui-même qu’il a choisi d’être « stratégiquement effacé », sans que les raisons de cette « stratégie » soient bien claires… Il n’empêche qu’il souffre, indéniablement, de ce rôle de soutien, en sachant qu’une « éminence grise » ne peut rivaliser avec une légende vivante. (p. 599)

L’ombre de Miron ne cesse de planer sur ce litige : l’impatience de Lalonde et de ses amis écrivains et l’urgence même qui les pousse à revendiquer leurs droits sont tempérées par le caractère singulier d’une entreprise dont Miron n’a cessé d’être le pivot et le porte-parole. […] En fait, au tournant de 1980, la direction apparemment bicéphale de l’Hexagone entretient une ambiguïté entre deux visions de l’édition, ce qui n’empêchera pas le litige de se régler à l’amiable, ni le virage professionnel de s’accomplir contre vents et marées. (p. 606)

(Nos soulignements)

[74]        De l’avis du Tribunal, les propos reprochés n’ont rien de diffamatoires et Pierre Nepveu et Boréal n’ont commis aucune faute en les diffusant.

[75]        Les propos en cause n’ont ni pour objet, ni pour effet d’occulter l’existence d’Alain Horic. Au contraire, lus dans leur contexte, ces passages confirment la présence, l’implication et l’influence positive d’Alain Horic relativement à la direction et à la gestion de l’Hexagone.

[76]        En fait, le Tribunal peine à comprendre les doléances formulées par Alain Horic puisque les extraits précités sont plutôt élogieux à son endroit : on y précise que son arrivée dans l’équipe de l’Hexagone en 1961 a « des conséquences durables sur la vie et l’évolution de l’Hexagone » et on souligne l’existence du « duo Miron-Horic », dont « l’alliance va tenir plus de vingt ans ».

[77]        D’ailleurs, d’autres passages illustrent bien que l’auteur de la biographie est plutôt d’avis qu’Alain Horic a eu une influence positive sur la destinée de l’Hexagone, notamment :

À la fois technicien, homme d’affaires et poète, il publie bientôt un recueil chez Erta, L’Aube assassinée, avant de jouer un rôle important à l’Hexagone. (p. 279)

Désormais, Horic, que Roland Giguère désignait comme « l’éminence grise » de l’Hexagone, se trouve en position de commande. (p. 508)

S’il n’y avait que Horic dans le décor, faisant d’ailleurs de plus en plus figure de patron, nul doute que l’attitude des auteurs serait différente. (p. 606)

(Nos soulignements)

[78]        Cela n’apaise toutefois pas les frustrations et l’indignation d’Alain Horic. Il estime que la biographie ne lui rend pas justice et que même si on mentionne qu’il a joué un rôle important, cette affirmation est ensuite neutralisée par le fait qu’on n’explicite pas en quoi exactement aurait consisté ce rôle. En somme, il plaide la diffamation par omission et aurait voulu qu’on expose en détail la somme de ses accomplissements.

[79]        Le Tribunal est d’avis que ce reproche est également mal fondé.

[80]        D’abord, la biographie expose de grands pans de ses réalisations.

[81]        Mais, de façon plus importante, même si les actions d’Alain Horic ne sont pas décrites de façon exhaustive comme il le souhaiterait, cela n’équivaut pas à diffamation. Rappelons qu’il s’agit ici d’une biographie sur l’homme qu’a été Gaston Miron, avec comme trame de fond l’évolution du Québec moderne, et non pas d’un livre sur l’histoire de l’Hexagone. Surtout, il ne s’agit pas d’une biographie sur la vie d’Alain Horic.

[82]        Quoique Pierre Nepveu ait choisi d’aborder la vie de Gaston Miron en traitant abondamment de la création et de l’évolution de l’Hexagone, on ne saurait confondre l’un et l’autre. La biographie fait bien ressortir que l’histoire de Gaston Miron, l’homme, le poète et l’éditeur, dépasse largement l’Hexagone même si les deux sont inextricablement liés.

[83]        Quant au fait que la biographie désigne Gaston Miron comme ayant été « éditeur » ou « dirigeant » de l’Hexagone plutôt que « coéditeur » ou « codirigeant », le Tribunal ne peut non plus retenir le reproche formulé par Alain Horic, lequel découle d’une analyse sémantique tatillonne et pointilleuse du texte. Le fait d’indiquer que Gaston Miron a été éditeur et directeur de l’Hexagone n’enlève absolument rien aux autres personnes qui ont également exercé ces fonctions, que ce soit indépendamment, conjointement ou solidairement avec lui. On ne saurait y voir quelque diffamation que ce soit.

[84]        Le même constat s’impose en regard de l’affirmation du biographe voulant qu’Alain Horic soit demeuré dans l’ombre pendant plusieurs années ou que son entrée à l’Hexagone fut discrète. Il ne s’agit que d’une observation qui repose du reste sur de nombreuses sources documentaires fiables. Il n’y a là aucune diffamation.

[85]        Dans son livre paru en 2004, Mon parcours d’éditeur avec Gaston Miron, Alain Horic admet d’ailleurs qu’il était effacé, avait un rôle discret et œuvrait dans l’ombre[24] :

À l'Hexagone, je préférais laisser toute la place à Gaston, qui la prenait bien, et œuvrer dans l'ombre pour accomplir mon travail de la façon la plus efficace et la plus expéditive possible. J'ai fait cela pendant un quart de siècle. (p. 102-103)

De connivence tacite avec Gaston, mon rôle au sein de l'équipe ne fut presque jamais mis en relief publiquement. Je demeurais stratégiquement effacé, ce qui me rendit d'autant plus efficace au moment où Gaston était persécuté pour ses idées politiques. Il faut le souligner, cela convenait d'emblée à ma propension innée à la synthèse et à l'essentiel. Ma réserve toute naturelle a fait que j'ai pu vaquer à mes occupations à l'Hexagone sans être importuné. Ce rôle discret sera défini et qualifié plus tard, par Roland Giguère, comme celui de « l'éminence grise de l'Hexagone ». Formulation amicale susceptible de m'émouvoir. (p. 115)

(Nos soulignements)

[86]        Pareillement, dans une lettre d’appui écrite par Gaston Bellemare[25] en octobre 2005 visant à soutenir la candidature d’Alain Horic pour l’obtention de l’Ordre national du Québec, ce dernier y est décrit comme étant « l’homme invisible derrière Miron » et « surtout, homme d’affaires ».

[87]        En regard de l’utilisation de l’expression « direction bicéphale », le sens commun des termes ne permet pas de soutenir le sens péjoratif que lui attribue Alain Horic. Qui plus est, à nouveau, Alain Horic utilise lui-même cette expression dans son propre livre[26] :

Cependant, chaque manuscrit retenu pour publication, par Miron ou Horic, devait obtenir l’approbation réciproque, s’agissant de direction bicéphale des politiques éditoriales et administratives.

(Nos soulignements)

[88]        Alain Horic reproche également à la biographie d’omettre le fait que Gaston Miron l’a désigné à titre « d’assistant exécuteur testamentaire » dans son testament holographe[27]. Il y voit à nouveau une manœuvre intentionnelle et délibérée afin de taire la confiance qu’avait Gaston Miron envers lui pour la gestion de ses affaires personnelles. Encore là, Alain Horic plaide la diffamation par omission.

[89]        Or, il s’agit ici d’un choix éditorial de Pierre Nepveu qu’on ne peut lui reprocher. Le Tribunal ne voit aucun motif pouvant justifier qu’on impose à l’auteur de traiter de cet élément et il n’en résulte aucune diffamation à l’endroit d’Alain Horic.

[90]        En somme, les propos reprochés ne sont aucunement diffamatoires et leur diffusion ne révèle aucun comportement fautif.

2.            Qualification d’Alain Horic en tant qu’homme d’affaires

[91]        Une des premières mentions d’Alain Horic dans la biographie se lit comme suit :

C’est dans cette atmosphère aux antipodes de celle de la rue Saint-Christophe et où il détonne un peu que Miron fait dès 1954 la rencontre d’Alain Horic, qui a fui son pays natal de Bosnie en 1945 et s’est engagé au service de la France dans la Légion étrangère en Afrique du Nord et en Extrême-Orient avant d’immigrer au Québec en 1952. À la fois technicien, homme d’affaires et poète, il publie bientôt un recueil chez Erta, L’Aube assassinée, avant de jouer un rôle important à l’Hexagone. (p. 279) [28]

(Nos soulignements)

[92]        Alain Horic prend ombrage de cette désignation qu’il estime fausse et diffamatoire. Il en veut particulièrement à l’auteur de l’avoir d’abord décrit comme étant un « homme d’affaires » avant d’être poète, ce qu’il perçoit comme étant une insulte visant à minimiser son statut de poète et d’éditeur littéraire. Il souligne également un anachronisme puisque même s’il deviendra un jour un homme d’affaires, ce qu’il semble nier même à ce jour, tel n’était certainement pas le cas en 1952.

[93]        Il reproche aussi au biographe d’avoir faussement écrit qu’il avait été un « cadre » chez Dupuis Frères dans les années 1950-1960 et qu’il disposait de certaines ressources financières. Au surplus, Alain Horic plaide que le fait de le qualifier d’« éminence grise » ou de « patron » vise à le déprécier. Il martèle que l’édition littéraire n’est pas une affaire commerciale, qu’il n’y a aucun « patron » dans ce domaine et que le fait de l’associer à des desseins lucratifs est diffamatoire.

[94]        Alain Horic cite notamment les passages suivants :

En parallèle, tout en ayant publié un premier recueil chez Erta, il fait maintenant carrière dans la gestion commerciale et il est monté en grade au magasin Dupuis Frères où il dirige un rayon. (p. 380)

[…]

En effet, Horic est non seulement un administrateur de carrière, mais il dispose de ressources financières très largement supérieures à celles de Miron, grâce à son salaire de cadre et à des investissements judicieux dans le domaine immobilier. (p. 509)

(Nos soulignements)

[95]        Il relève d’autres passages de la biographie en regard desquels il formule des reproches de même nature, insistant sur la connotation négative qui se rattacherait aux mots choisis par Pierre Nepveu qui le présente, à son avis, comme un « commandant en chef qui détruit tout sur son passage » :

Désormais, Horic, que Roland Giguère désignait comme « l’éminence grise » de l’Hexagone, se trouve en position de commande. (p. 508)

[…]

Comme gestionnaire, il dispose toutefois d’un important pouvoir et il est à même d’infléchir de manière durable le destin de l’Hexagone. (p. 599)

S’il n’y avait que Horic dans le décor, faisant d’ailleurs de plus en plus figure de patron, nul doute que l’attitude des auteurs serait différente. (p. 606)

[…] mais celui-ci se rend-il compte à quel point le « maître à bord » de l’Hexagone est déjà exaspéré d’avoir attendu pendant cinq ans son manuscrit révisé de L’Homme rapaillé pour l’édition Typo? Le voir soudain publier un livre chez Leméac, c’est un comble ! (p. 716)

(Nos soulignements)

[96]        Pour Alain Horic, l’intention manifeste de Pierre Nepveu est de miner sa crédibilité en tant qu’auteur et littéraire. On cherche ainsi, selon Alain Horic, à le présenter comme un homme d’affaires inspirant le mépris, et ce, par opposition, pense-t-il, à un noble littéraire.

[97]        Ces reproches sont mal fondés.

[98]        Le fait de qualifier Alain Horic d’homme d’affaires ne saurait constituer une insulte ou un propos diffamatoire. D’ailleurs, comme déjà indiqué, ce terme est utilisé pour le décrire dans son dossier de candidature en vue de l’obtention de l’Ordre national du Québec. Alain Horic se présente également comme « homme d’affaires » dans un affidavit qu’il signe en avril 1991 dans le cadre d’un dossier de la Cour supérieure dans lequel il est demandeur[29].

[99]        Pareillement, dans ses propres notes biographiques remises à Pierre Nepveu lors de leurs entretiens en 2006[30], Alain Horic écrit qu’il détient un diplôme en gestion des affaires obtenu en 1959[31]. Même s’il fallait retenir qu’Alain Horic n’était pas un homme d’affaires en 1952, il se dirigeait manifestement vers cette voie et l’anachronisme dans le texte, s’il en est, ne constitue aucunement une diffamation.

[100]     Au surplus, dans Mon parcours d’éditeur avec Gaston Miron, Alain Horic réfère lui-même à son « emploi de cadre » chez Dupuis Frères et à sa « sécurité matérielle ». Sans s’en formaliser, il y rapporte aussi qu’on le qualifiait « d’éminence grise de l’Hexagone[32] ». Il répète les mêmes termes lors de ses entretiens avec Pierre Nepveu au printemps 2006.

[101]     Quant à l’expression « maître à bord », il y a lieu de noter qu’il s’agit de la salutation amicale utilisée par Gaston Miron lui-même pour interpeller Alain Horic dans une de ses longues missives en date du 16 février 1985[33].

[102]     En somme, on se saurait reprocher à la biographie de qualifier Alain Horic comme il le fait lui-même. Les termes utilisés dans la biographie pour décrire Alain Horic ne visent aucunement à le déprécier ou à susciter des sentiments négatifs à son endroit.

[103]     Le Tribunal estime que les propos en cause ne sont pas diffamatoires et que leur diffusion n’est également pas fautive.

3.            Tempérament belliqueux d’Alain Horic

[104]     Alain Horic reproche à la biographie de le présenter comme étant un personnage colérique, belliqueux et conflictuel, plus particulièrement en regard d’événements survenus dans le cours des affaires de l’Hexagone. En effet, la biographie rapporte certains différends avec des sociétés, des partenaires ou d’autres collaborateurs de l’Hexagone.

[105]     Pour Alain Horic, l’exposé de ses réactions ou de ses interventions lors de ces événements est erroné en plus de laisser entendre qu’il a un caractère difficile et impatient, voire qu’il est, la plupart du temps, au centre de la controverse ou à la source d’un conflit.

[106]     Il se défend en indiquant qu’il n’a rien d’une personne belliqueuse et que la biographie le dépeint comme étant un personnage dans lequel il ne se reconnaît pas.

[107]     Alain Horic relève plusieurs passages qu’il juge diffamatoires en lien avec les événements rapportés dans la biographie, dont les passages portant sur les événements suivants :

a)            la publication chez Leméac de la correspondance de Gaston Miron à Claude Haeffely;

b)            les relations entre Alain Horic et Gaëtan Dostie (Éditions Parti Pris) et les frères Hébert (Les Herbes rouges); et

c)            la création de la collection Balises et le différend survenu lorsque la collection a pris fin.

a)              Passages relatifs à la publication chez Leméac de la correspondance de Gaston Miron à Claude Haeffely

[108]     En 1989, Alain Horic apprend que Leméac, une autre maison d’édition, publiera la correspondance que Gaston Miron a entretenue avec le poète Claude Haeffely.

[109]     La biographie rapporte que cet événement a fortement déplu à Alain Horic puisque le nom de Gaston Miron était ainsi associé à une autre maison d’édition que l’Hexagone.

[110]     Les passages suivants sont notamment ciblés par Alain Horic comme étant diffamatoires puisqu’ils le présenteraient comme étant une personne colérique :

L’autre livre qui paraît en 1989, sous sa seule signature, est en quelque sorte une surprise, mais le plus surpris de tous est Alain Horic qui, écoutant à la fin mai l’émission En toutes lettres à la chaîne culturelle de Radio-Canada, y apprend la parution chez Leméac d’un livre de Gaston Miron, ses lettres à Claude Haeffely, à la rentrée d’automne. Il n’en croit pas ses oreilles, il est furieux ! Le plus irritant, c’est de n’avoir rien su de ce qui se tramait, ni de la part de Miron, ni de Haeffely, lui-même un poète de l’Hexagone, ni de leurs rencontres de l’année précédente avec Pierre Filion, l’éditeur de Leméac. […] (p. 714)

Horic, de son côté, ne décolère pas. Dès le 2 juin, il écrit à Miron qui se trouve alors à Paris : cette publication chez Leméac, c’est « inadmissible », c’est une vraie « honte »[34]… […] (p. 715)

[…] Chose certaine, À bout portant paraît comme prévu en septembre, avec un drôle de dessin autoportrait de l’auteur en couverture, pendant que Horic règle ses comptes avec Haeffely, qui lui enjoint de se calmer. […] (p. 715)

Si Horic s’emporte à ce point, il faut dire qu’il connaît une assez mauvaise année comme directeur de l’Hexagone. Quelques mois auparavant, il a appris avec colère que Pierre Morency, un de ses poètes-vedettes et l’un des plus fidèles à l’Hexagone, allait publier chez Boréal L’Oeil américain, le premier volume de ses Histoires naturelles du Nouveau Monde consacrées à son observation des oiseaux. Horic a reçu cette « défection » comme une gifle : la poésie à l’Hexagone, les ouvrages plus rentables chez d’autres éditeurs… À l’automne, quand Morency apporte en cadeau à Miron, alors en convalescence à la Villa Medica, un exemplaire de L’Oeil américain frais sorti des presses, celui qui a été jusque-là son éditeur de poésie lui lance, jamais à court de boutades, et volontiers admiratif de ces ouvrages imposants qu’il n’a lui-même jamais écrits : « Te voilà maintenant un vrai écrivain ! » Horic ne l’entend pas de cette manière : sous ses manières affables, l’éditeur a un côté belliqueux avec lequel Miron, allergique aux conflits, a souvent eu du mal à composer ; mais celui-ci se rend-il compte à quel point le « maître à bord » de l’Hexagone est déjà exaspéré d’avoir attendu pendant cinq ans son manuscrit révisé de L’Homme rapaillé pour l’édition Typo ? Le voir soudain publier un livre chez Leméac, c’est un comble ! (p. 716)

(Nos soulignements)

[111]     Se référant aux passages qui précèdent, Alain Horic plaide qu’il s’agit là de « la plus grosse diffamation du livre » et qu’on le présente comme étant « un bandit, un escroc et un salaud ».

[112]     Le Tribunal est d’avis que ces extraits ne possèdent aucune des caractéristiques d’un propos diffamatoire. Au surplus, la réaction d’Alain Horic telle que rapportée dans la biographie semble amplement supportée par les faits et par les sources documentaires dont disposait Pierre Nepveu lors de la rédaction de la biographie.

[113]     En effet, le 11 septembre 1989, Alain Horic écrit une lettre épistolaire à Claude Haeffely quant au projet de publication chez Leméac. Il lui reproche de lui avoir délibérément caché sa « manigance » et soumet qu’il y a de quoi avoir « mauvaise conscience ». Il l’accuse d’avoir « commis un acte au détriment des intérêts de l’Hexagone ». Il ajoute que l’Hexagone a perdu de l’argent en publiant auparavant sa poésie et que le projet de publication de la correspondance que Gaston Miron a entretenue avec lui revenait de plein droit à l’Hexagone. Il l’accuse ensuite d’avoir tramé ce projet dans son dos, « faisant fi d’une éthique élémentaire et de la justice[35] ».

[114]     Il termine sa lettre en indiquant que cet événement met fin tant à sa relation d’amitié qu’à la relation professionnelle entre l’Hexagone et Claude Haeffely. Sur un ton catégorique, il invite Claude Haeffely à publier à l’avenir ses œuvres poétiques chez Leméac :

Par ce geste, tu as rompu la sympathie et l’amitié que je pouvais avoir pour toi et les relations qui existaient entre toi et l’Hexagone.

En conclusion, pour ton œuvre poétique à venir, tu pourras avec autant d’insistance convaincre monsieur Pierre Filion de Leméac d’assumer sa publication.

[115]     Le même jour, Alain Horic écrit également une longue lettre à Gaston Miron dans laquelle il lui « fait part sans détour de [son] mécontentement et de [sa] frustration relativement à cette affaire ». Il réfère par ailleurs à la « naïveté » de Gaston Miron, à « l’embarras et toutes les conséquences qui s’ensuivraient » et il « fustige » l’amitié entre Gaston Miron et Claude Haeffely. Alain Horic trace également un lien entre l’amitié et le travail d’édition et conclut sa lettre ainsi :

Les amitiés véritables ont le souci et la conscience du juste retour des choses. Comme les miennes pour toi et pour les autres.

[116]     Le 6 octobre 1989, dans une autre missive adressée à Claude Haeffely, Alain Horic écrit que l’édition est aussi une affaire de gros sous et reprend le parallèle de l’amitié :

Malheureusement, l’édition est aussi une affaire de gros sous, et malheureusement aussi il y a des amitiés qui coûtent cher en gros sous et qui ne paient pas en retour, comme la tienne. J’espère pour M. Pierre Filion que ton amitié pour lui et Leméac sera plus payante que ne le fut celle pour l’Hexagone. Même si cette amitié te plaît à toi, si elle est à sens unique, elle finit par déplaire à l’autre. Point final.

b)             Passages relatifs aux relations avec Gaëtan Dostie et les frères Hébert (Les Herbes rouges)

[117]     La biographie relate notamment l’association entre l’Hexagone et certains intervenants dans le milieu littéraire, dont Gaëtan Dostie et les frères Hébert des Herbes rouges.

[118]     Selon la biographie, Gaëtan Dostie a été associé à plusieurs entreprises de Gaston Miron depuis le début des années 1970. Il exerce notamment certaines tâches de secrétariat à l’Hexagone en 1971 et, à la suggestion de Gaston Miron, il prend la relève de Gérald Godin à titre de directeur des Éditions Parti Pris lorsque ce dernier devient député provincial en 1976. Le Tribunal comprend que les Éditions Parti Pris a été un des éditeurs partenaires de l’Hexagone, quoique la nature de ce partenariat n’ait pas été explicitée à l’audience.

[119]     Pour leurs parts, les frères François et Marcel Hébert sont les fondateurs de la revue Les Herbes rouges. Selon la biographie, en marge de la revue, les Éditions des Herbes rouges ont été créées et les frères Hébert, Gaston Miron et Alain Horic en deviennent partenaires à 25 % chacun.

[120]     Les passages de la biographie qui font réagir Alain Horic sont les suivants :

Tout n’est pas qu’harmonie dans ces partenariats. Pour les frères Hébert comme pour Dostie, s’associer à l’Hexagone, c’est d’abord s’associer à Miron, au poète, à l’éditeur, au militant qu’ils admirent. Aucune chimie particulière ne les lie à Horic, avec lequel les relations s’envenimeront d’ailleurs au fil des ans. Miron, plutôt naïf en affaires, vogue dans ces entreprises avec une certaine inconscience et en croyant que l’amitié et la bonne entente sont garantes de tout. Le duo qu’il forme avec Horic ne va d’ailleurs pas sans différends tant dans le style que dans le contenu. […] (p. 598)

À l’interne, la machine connaît de sérieux dysfonctionnements. Horic et Dostie sont davantage des rivaux que des alliés, la qualité du personnel est déficiente. On en vient à un point où ce sont Miron et Beaulieu qui, très souvent, doivent entasser les caisses de livres dans leurs propres voitures pour aller faire la livraison aux libraires ! (p. 601)

En fait, Godin et Miron évaluent très bien l’ampleur des dégâts et doivent constater que la zizanie a fait des ravages entre les partenaires éditeurs. Le conflit au sujet de la collection « Balises » traîne en longueur, et surtout, Alain Horic et Gaëtan Dostie sont plus que jamais à couteaux tirés. De Paris, au cours de l’hiver, Miron raconte à Horic que le directeur de Parti pris a colporté partout, jusqu’à la Foire de Francfort et chez Distique à Paris, l’automne précédent, que ses partenaires veulent « le spolier de ses biens », lui enlever Parti pris et ont même utilisé des subventions « à des fins personnelles ». Bref, la situation ne saurait être plus navrante, la réputation de l’Hexagone est compromise. (p. 677)

(Nos soulignements)

[121]     Alain Horic soutient qu’il est faux et diffamatoire de prétendre que ses relations avec Gaëtan Dostie et les frères Hébert ne sont pas harmonieuses.

[122]     Au contraire, il dit que les relations avec ces derniers étaient excellentes… jusqu’à ce qu’il soit placé devant « des faits accomplis » et doive embaucher des avocats pour défendre les intérêts de l’Hexagone. Or, cette nuance est importante. D’ailleurs, même à ce jour, à l’audience, Alain Horic s’emporte facilement lorsqu’il est question de Gaëtan Dostie et des frères Hébert sur lesquels il semble porter un jugement très dur.

[123]     Il n’est pas nécessaire de relater le détail des reproches adressés par Alain Horic à Gaëtan Dostie et aux frères Hébert ni de déterminer s’ils sont bien-fondés, mais il est difficile d’y voir là le signe de relations harmonieuses. Au contraire, des procédures judiciaires ont opposé Alain Horic tant à Gaëtan Dostie qu’aux frères Hébert. Même si ces procédures se sont finalement soldées par des règlements à l’amiable, le Tribunal estime que les propos reprochés dans la biographie sont supportés par les faits.

[124]     De plus, à nouveau, le Tribunal est d’avis que les extraits relevés par Alain Horic ne possèdent aucune des caractéristiques d’un propos diffamatoire et que leur diffusion n’est pas fautive.

c)              Passages relatifs à la création de la collection Balises

[125]     Alain Horic s’en prend également au passage suivant relatif à un litige ayant opposé l’Hexagone à Robert Dessureault dans la foulée de la création de la collection Balises au début des années 1980 :

À ces tribulations qui minent le moral de Miron vient s’ajouter la malheureuse aventure de la collection « Balises ». En 1980, un professeur de Québec, Robert Dessureault, directeur des Éditions Minerve, a proposé à l’Hexagone un partenariat en vue d’une collection de grands classiques mondiaux. Miron et Horic sont vite conquis par ce projet de coédition : pourquoi l’édition française garderait-elle le monopole du marché lucratif des classiques en format de poche, souvent mis au programme des institutions d’enseignement ? Entre 1981 et 1983, quatre titres paraissent dans la collection « Balises » : […]. Mais malgré le succès obtenu, les choses tournent mal quand l’éditeur de Québec veut mettre fin à l’entente et rapatrier la collection chez Minerve, en faisant valoir que le « concept » est le sien. Le conflit s’envenime et, faute d’une entente à l’amiable, il va perdurer pendant trois ans et se rendre jusque devant les tribunaux : Dessureault aura finalement gain de cause. (p. 664)

(Nos soulignements)

[126]     Encore ici, le Tribunal peine à voir comment les propos reprochés peuvent s’assimiler à de la diffamation. Alain Horic n’est visé par aucune critique, directement ou par insinuation.

[127]     En somme, sur l’ensemble de ce qui précède, le Tribunal est d’avis que les propos visés ne sont aucunement diffamatoires. L’appréciation suggestive d’Alain Horic quant à ces propos apparaît exagérée et démesurée et ne correspond aucunement à la compréhension qu’en aurait un citoyen ordinaire qui analyserait ces propos selon une norme objective.

[128]     Ajoutons à cela que la narration des événements en cause est d’intérêt dans le cadre d’une biographie portant sur Gaston Miron.

4.            Différences de caractère ou de vision entre Alain Horic et Gaston Miron

[129]     Alain Horic s’élève contre le fait que la biographie fait état de différences de caractère ou de vision entre lui-même et Gaston Miron, notamment quant aux destinées de l’Hexagone. Il estime ces propos diffamatoires puisqu’il y avait plutôt, selon lui, communauté d’esprits entre les deux hommes.

[130]     Les passages suivants de la biographie le heurtent particulièrement :

On peut parler d’une direction bicéphale, mais ce que cette expression, comme les termes du contrat signé en août, ne révèle pas, c’est l’asymétrie profonde dans la relation d’affaires entre les deux hommes. (p. 509)

Tout n’est pas qu’harmonie dans ces partenariats. Pour les frères Hébert comme pour Dostie, s’associer à l’Hexagone, c’est d’abord s’associer à Miron, au poète, à l’éditeur, au militant qu’ils admirent. Aucune chimie particulière ne les lie à Horic, avec lequel les relations s’envenimeront d’ailleurs au fil des ans. Miron, plutôt naïf en affaires, vogue dans ces entreprises avec une certaine inconscience et en croyant que l’amitié et la bonne entente sont garantes de tout. Le duo qu’il forme avec Horic ne va d’ailleurs pas sans différends tant dans le style que dans le contenu. […] (p. 598)

Entre Miron et Horic, il y a pour ainsi dire un écart de métabolisme… Sur le plan pratique, « l’éminence grise » de l’Hexagone tolère, au mieux, les lenteurs et les pertes de temps de son ami, ses présences irrégulières au bureau, sa prédilection pour l’artisanat plutôt que pour l’édition professionnelle. Il y a des années qu’il tente de convaincre Miron que l’Hexagone gagnerait à publier aussi des romans. La parution des Remparts de Québec, de Profil de l’orignal et autres titres d’Andrée Maillet n’a été qu’une heureuse exception, encore une fois fondée sur de vieux liens d’amitié et de gratitude. Quand Horic revient à la charge, Miron prétexte qu’il ne lit pas de romans, que cela ne l’intéresse pas, une demi-vérité qui l’arrange.

À ces divergences de tempérament et de vision s’ajoute de plus en plus, à la fin des années 1970, une question de reconnaissance : l’identification constante de l’Hexagone au seul Miron, particulièrement manifeste au moment des célébrations de 1978-1979, relègue Horic à un rôle de subalterne dont la présence paraît presque fantomatique dans cette « aventure en poésie ». Sur ce plan, Miron n’est sûrement pas à blâmer, d’autant plus que Horic, dix ans plus tard, admettra lui-même qu’il a choisi d’être « stratégiquement effacé », sans que les raisons de cette « stratégie » soient bien claires… Il n’empêche qu’il souffre, indéniablement, de ce rôle de soutien, en sachant qu’une « éminence grise » ne peut rivaliser avec une légende vivante. Comme gestionnaire, il dispose toutefois d’un important pouvoir et il est à même d’infléchir de manière durable le destin de l’Hexagone. Deux entreprises malheureuses, les Messageries littéraires des éditeurs réunis et la Société immobilière du livre, seront à cet égard emblématiques d’un virage professionnel malavisé qui contribuera, avec d’autres facteurs, à la désaffection de Miron. (p. 599)

S’il n’y avait que Horic dans le décor, faisant d’ailleurs de plus en plus figure de patron, nul doute que l’attitude des auteurs serait différente. En fait, au tournant de 1980, la direction apparemment bicéphale de l’Hexagone entretient une ambiguïté entre deux visions de l’édition, ce qui n’empêchera pas le litige de se régler à l’amiable, ni le virage professionnel de s’accomplir contre vents et marées. (p. 606)

(Nos soulignements)

[131]     Or, les propos dans la biographie à cet égard sont parfaitement cohérents avec ce que rapporte Alain Horic lui-même dans son livre Mon parcours d’éditeur avec Gaston Miron.

[132]     Par ailleurs, lors de ses entretiens avec Pierre Nepveu, Alain Horic mentionne sans ambages qu’il existait une certaine divergence de vision et d’opinion entre lui et Gaston Miron, notamment eu égard à la publication de romans par l’Hexagone. Il parle même d’une « dissidence » entre eux à cet égard, de « point de vue divergent » quant au libellé des collections de l’Hexagone et de « panne de consensus » quant à certains éléments de la gestion de l’Hexagone. Lors de ces entretiens, Alain Horic fait également grand cas de différences quant à leur style de vie, particulièrement au niveau de leurs habitudes alimentaires et quant aux horaires de travail.

[133]     Bien que la biographie fasse état de l’appréciation subjective de Pierre Nepveu, le Tribunal est d’avis que les propos en cause ne sont aucunement diffamatoires. Ils ne font pas perdre l’estime ou la considération d’Alain Horic et ne suscitent à son égard aucun sentiment défavorable ou désagréable. Leur diffusion n’est également pas fautive.

5.            Fondement de l’amitié entre Alain Horic et Gaston Miron

[134]     Alain Horic est particulièrement outré par les passages suivants de la biographie qui laissent entendre, selon lui, que son amitié envers Gaston Miron était conditionnelle et intéressée, et ce, dans le but d’en profiter ou d’en abuser :

Jusqu’au début des années 1980, Miron pourra profiter d’un compte bancaire, à la Caisse populaire Saint-Louis-de-France, alimenté par Horic, sur lequel il pourra effectuer des retraits et tirer des chèques pour ses dépenses courantes, ses besoins familiaux, ses nombreux achats de livres ou pour l’entretien de sa voiture, une Renault 5 d’occasion que lui vend à l’époque son ami Serge Mongeau. Mais la générosité de Horic ne va pas sans une contrepartie, dont la teneur se révélera plus tard. (p. 509)

Même si cette démission est loin de signifier dans les faits un pur désengagement, elle traduit un état d’esprit que l’on a rarement observé chez l’homme de tous les combats. Ce qui se termine du même coup, c’est l’essentiel de la participation de Miron à l’Hexagone en tant qu’actionnaire. Le compte bancaire alimenté par Alain Horic et servant depuis le début des années 1970 aux dépenses personnelles de Miron acquiert ici toute sa portée. Sur une période d’une douzaine d’années, près de 70 000 $ ont été prélevés sur ce compte. Réunis dans les bureaux de la rue Ontario en présence de Gaëtan Dostie, Horic et Miron conviennent que cette somme représente la part du « président » démissionnaire comme propriétaire de la maison d’édition. Dostie, par la suite, parlera d’une « reddition des comptes » qui équivaut à une « spoliation », mais il ne semble pas que Miron ait vécu les choses de cette manière. (p. 665)

(Nos soulignements)

[135]     Alain Horic plaide que l’utilisation du terme « spolier » est particulièrement préjudiciable puisque cela suggère qu’il a dépouillé ou volé Gaston Miron. Il nie également catégoriquement qu’il alimentait un compte bancaire duquel Gaston Miron pouvait effectuer des retraits pour ses fins personnelles.

[136]     Qu’en est-il?

[137]     La preuve présentée à l’audience ne permet pas d’établir, de manière concluante, quels étaient les arrangements financiers entre Alain Horic et Gaston Miron. Néanmoins, plusieurs indices suggèrent qu’Alain Horic, en plus d’être responsable des finances de l’Hexagone, pouvait également veiller aux affaires financières personnelles de Gaston Miron.

[138]     Notamment, dans une longue lettre manuscrite qu’il écrit à Alain Horic en 1985, soit postérieurement à son retrait de l’Hexagone, Gaston Miron s’en remet à Alain Horic pour le versement de sommes d’argent dans son compte bancaire et le paiement de sa carte de crédit. La teneur de l’échange suggère la continuité d’une pratique habituelle et d’une attente de Gaston Miron quant au fait qu’Alain Horic verra à déposer les sommes dont il a besoin dans son compte bancaire. Il écrit[36] :

Je passe à autre chose : mon logement de la rue Saint-Hubert. Est-ce que tu as fait des versements à mon compte? Sinon, j'ai peur qu'il ne reste plus grand fonds dedans (350.00 de loyer-192.00 pour le prêt, chaque mois, ça baisse vite !) Et les comptes d'huile et d'électricité ? Surtout l'huile, s'il venait à en manquer durant les froids rigoureux (qu'on me dit), s'il fallait que les tuyaux gèlent et se fendent - dégâts et frais à payer. J'avais calculé un coussin de 3 000 $ (en plus du 2 000 $ que j'avais laissé pour les premiers mois), car j'aurai bien besoin de ce 3 000 $ pour terminer l'année ici (la bourse du CNL français ne couvre pratiquement que le loyer et la nourriture). En attendant, j'essaie de faire quelques argents avec des conférences et des lectures de poèmes qui permettent d'aller au ciné ou au théâtre, ou de faire un petit voyage, de temps en temps. Je vis comme un étudiant !

[…]

P.S. deux choses techniques et pratiques.

a) tu trouveras un papier que j’ai reçu de l’impôt, dont tu suis le dossier, à joindre au dossier.

b) un chèque de 150.00 $ pour diminuer mon compte Chargex. Tu dois certainement recevoir les états de compte de ma carte, avec enveloppe de retour (ou restent-ils à la maison ? si oui, demande-les). Si je dépasse les 1,000 $, mon numéro sera au noir. Comme je tire souvent la langue, je m’en suis servi quelques fois (seulement). C’est indispensable pour moi, cette assurance en cas de besoin. Mais de grâce, fais un dépôt dans mon compte à la caisse, sinon mon compte sera vide rapidement. (Au dernier état de compte de la caisse, 31.12.84, je n’ai vu aucun dépôt de tout l’automne).

[139]     La réponse d’Alain Horic du 23 juillet 1985[37] révèle également que c’est ce dernier qui informe Gaston Miron de l’état de ses finances personnelles et qui veille à payer certains de ses comptes, dont ceux relatifs à son huile à chauffage et à sa carte de crédit personnelle.

[140]     Également, à l’audience, Pierre Nepveu rapporte que ses recherches ont révélé une certaine équivoque entre la comptabilité personnelle de Gaston Miron et celle de l’Hexagone quant au remboursement de ses dépenses. Alain Horic n’a pas nié ce fait.

[141]     Selon le Tribunal, les propos reprochés à la biographie doivent être analysés contextuellement. À ce sujet, il convient de noter que Pierre Nepveu n’écrit pas qu’Alain Horic a spolié Gaston Miron. Il rapporte plutôt un commentaire de Gaëtan Dostie qui a comparé l’entente financière entre Gaston Miron et Alain Horic quant au rachat des parts de Gaston Miron dans l’Hexagone à une « reddition de compte qui équivaut à une spoliation ». Mais, dans la même foulée, la biographie reconnaît immédiatement que Gaston Miron ne voyait pas du tout les choses de cette manière et a toujours accordé sa confiance à Alain Horic. On n’y insinue nullement que cette confiance n’était pas justifiée ou méritée ou qu’elle résultait de la naïveté de Gaston Miron. Plutôt, le passage de la page 665 cité par Alain Horic se poursuit ainsi :

[…] mais il ne semble pas que Miron ait vécu les choses de cette manière. Les lettres qu’il adresse à Horic par la suite ont toutes un ton amical, même si le fondateur de l’Hexagone regrette visiblement la tournure des événements : « Mon cher Alain, vieux compagnon, le temps presse. Nous avons plus de 55 ans […], il ne nous reste qu’une quinzaine de bonnes années actives ». Trève de vaines querelles et d’entreprises hasardeuses : la lassitude est évidente, un coup de barre s’impose. (p. 665)

(Nos soulignements)

[142]     Un peu plus loin, la biographie réitère qu’Alain Horic est toujours demeuré l’homme de confiance de Gaston Miron :

Entre-temps, Miron s’occupe des derniers préparatifs : malgré leurs déboires professionnels et les événements du printemps 1983, Alain Horic demeure toujours son homme de confiance pour les questions financières et il lui fait dresser une procuration notariée, lui confiant la gestion de tous ses biens, y compris de son compte bancaire à la Caisse populaire Saint-Louis-de-France, que Horic pourra renflouer de nouveau au besoin et d’où il effectuera, comme y est aussi autorisé Claude Dansereau, des transferts de fonds vers le compte parisien de Miron à la BNP. (p. 678)

(Nos soulignements)

[143]     En somme, de l’avis du Tribunal, même si l’utilisation du mot « spoliation » dans la biographie n’est pas des plus heureuses, considérés dans leur contexte, les propos reprochés ne sont pas diffamatoires à l’égard d’Alain Horic et leur diffusion ne constitue pas une faute.

6.            Pierre Nepveu était-il animé par une intention malveillante ?

[144]     Alain Horic soutient que Pierre Nepveu a intentionnellement profité de sa biographie afin de le diffamer et ainsi régler de vieux comptes avec lui.

[145]     Il croit que Pierre Nepveu a une dent contre lui, notamment depuis leur différend relatif à l’interprétation du testament de Gaston Miron. Le Tribunal n’a pas à trancher le fond de ce différend. Il suffit, aux fins des présentes, de retenir que des questions se sont posées à une certaine époque quant à savoir si la publication par Pierre Nepveu et Marie-Andrée Beaudet d’œuvres éparses de Gaston Miron respectait les dernières volontés de Gaston Miron. Alain Horic soutient que Pierre Nepveu lui a faussement reproché d’avoir tenté de faire obstruction à ce projet de publication. Selon Alain Horic, Pierre Nepveu est, depuis ce temps, animé d’un esprit de vengeance à son endroit. Alain Horic associe également Boréal à ce dessein malveillant.

[146]     À titre de preuve de l’animosité que Pierre Nepveu et Boréal entretiennent à son endroit, Alain Horic cite notamment en exemple le fait qu’il n’a pas été invité au lancement de la biographie. À cela, s’ajoute l’accueil glacial qu’il aurait reçu lors de la soirée de lancement à laquelle il se serait néanmoins présenté de son propre chef après en avoir entendu parler de façon indirecte.

[147]     Pierre Nepveu admet d’emblée le différend qu’il a eu avec Alain Horic relativement à l’interprétation du testament de Gaston Miron et la publication de ses œuvres, mais nie qu’il entretient une rancune envers Alain Horic et qu’il ait cherché à lui nuire en publiant la biographie.

[148]     De son côté, Boréal précise qu’Alain Horic a bel et bien été invité au lancement. Tant Pascal Assathiany, le président de Boréal, que Pierre Nepveu ajoutent que leur comportement à l’endroit d’Alain Horic lors de la soirée était tout à fait adéquat et cordial.

[149]     Le Tribunal croit Boréal et Pierre Nepveu.

[150]     Quant à savoir si Alain Horic a été invité au lancement de la biographie, la preuve soumise par Boréal est fiable et crédible. En effet, Boréal a produit un fichier informatique qui confirme qu’Alain Horic faisait partie de la liste des invités et qu’il a répondu positivement à l’invitation. Ce document a été préparé dans le cours normal des affaires de Boréal, et ce, de façon contemporaine au lancement de la biographie. Il n’y a aucune raison de douter de son authenticité ou de sa valeur probante.

[151]     Pierre Nepveu et Pascal Assathiany admettent par ailleurs ne pas avoir beaucoup discuté avec Alain Horic lors de l’événement, mais expliquent que cela était tout à fait normal puisqu’ils étaient sollicités de toute part, étant les hôtes de la soirée. Cela se comprend aisément.

[152]     Mais, de façon plus importante, le Tribunal estime invraisemblable que Pierre Nepveu se soit servi de la biographie sur Gaston Miron, une œuvre colossale qui a occupé près de 10 ans de sa vie, afin de régler un vieux différend avec Alain Horic. Cela ne tient tout simplement pas la route et les suppositions d’Alain Horic à cet égard ne sont aucunement supportées par la preuve.

B.           Commentaires additionnels quant aux dommages réclamés

1.            Dommages moraux et préjudice corporel

[153]     Alain Horic réclame 400 000 $ pour dommages moraux pour atteinte à la réputation, à l’honneur et à la dignité et pour préjudice corporel.

[154]     Il invoque notamment que la biographie a rendu son existence pénible puisqu’il se sent, depuis sa parution, sali, abattu, traumatisé, tourmenté, déprimé et stressé au point où, selon lui, cela a débouché en maladie cardiaque au début février 2012. Il plaide souffrir d’anxiété, d’insomnie, de stress, de palpitations et autres troubles de santé non définis.

[155]     Dans Genex Communications inc. c. Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, le juge Dalphond rappelle qu’établir l'existence d’une faute est une composante essentielle du recours en diffamation, mais demeure insuffisant pour justifier l'octroi de dommages. Le demandeur doit aussi démontrer le préjudice subi et son étendue, de même qu'un lien direct entre celui-ci et le comportement fautif[38].

[156]     Par ailleurs, même si la quantification des dommages moraux fait appel à des paramètres imprécis et relève largement de la discrétion judiciaire, la jurisprudence retient généralement les critères suivants afin d’évaluer le quantum des dommages pouvant être octroyés[39] :

a)            la gravité intrinsèque de l'acte diffamatoire;

b)            sa portée particulière relativement à celui qui en a été la victime;

c)            l'importance de la diffusion publique dont le libelle a été l'objet;

d)            le genre de personnes qui, présumément, en ont pris connaissance, et les conséquences que la diffamation a pu avoir sur leur esprit et sur leur opinion à l'égard de la victime;

e)            le degré de la déchéance plus ou moins considérable à laquelle cette diffamation a réduit la victime par comparaison avec son statut antérieur;

f)             la durée éventuelle et raisonnable prévisible du dommage causé et de la déchéance subie;

g)            la contribution possible de la victime, par sa propre attitude ou sa conduite particulière, à la survenance du préjudice dont elle se plaint;

h)            les circonstances extérieures qui auraient, de toute façon et indépendamment de l'acte fautif des défendeurs, constitué des causes probables du préjudice allégué ou, au moins, d'une partie de ce préjudice.

[157]     Ici, outre le témoignage vigoureux d’Alain Horic, aucune preuve n’a été présentée permettant de quantifier les dommages qu’aurait subis Alain Horic. Également, aucune preuve indépendante n’a été présentée quant au préjudice corporel dont il se dit victime.

[158]     De toute manière, eu égard aux montants généralement octroyés par les tribunaux en semblables matières, le montant des dommages-intérêts compensatoires réclamé par Alain Horic apparaît nettement exagéré[40].

2.            Dommages-intérêts punitifs

[159]     Lorsqu’une atteinte à un droit protégé par la Charte des droits et libertés de la personne[41] est illicite et intentionnelle, le Tribunal peut accorder des dommages-intérêts punitifs[42]. Le Tribunal est d’avis qu’il n’y a aucune atteinte illicite ou intentionnelle en l’espèce et la réclamation pour dommages-intérêts punitifs est ainsi mal fondée.

C.           Conclusion

[160]     En conclusion, le recours d’Alain Horic doit échouer puisqu’il n’a pas réussi à prouver, selon la prépondérance des probabilités, l’existence d’un préjudice, d’une faute et d’un lien de causalité.

VI.          DEMANDE DE MISE SOUS SCELLÉS ET D’ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION

[161]     Lors de l’audience, Alain Horic a contre-interrogé Pierre Nepveu sur la nature et l’état de ses avoirs. Il a également demandé la production des états financiers de Boréal pour les années financières 2012 à 2015.

[162]     Pierre Nepveu et Boréal ne se sont pas objectés à cette preuve, mais ils ont requis du Tribunal une ordonnance de mise sous scellés et une ordonnance de non-publication (« demande de confidentialité »). Pour sa part, Alain Horic consent à la demande de confidentialité. Le Tribunal a néanmoins pris la demande de confidentialité sous réserve afin de permettre à Pierre Nepveu et Boréal de faire la preuve de la nécessité des ordonnances sollicitées.

[163]     En effet, la demande de confidentialité met en cause le principe fondamental du caractère public des procédures judiciaires consacré notamment aux articles 11 et 12 du Code de procédure civile :

LE CARACTÈRE PUBLIC DE LA PROCÉDURE DEVANT LES TRIBUNAUX JUDICIAIRES

11. La justice civile administrée par les tribunaux de l’ordre judiciaire est publique. Tous peuvent assister aux audiences des tribunaux où qu’elles se tiennent et prendre connaissance des dossiers et des inscriptions aux registres des tribunaux.

Il est fait exception à ce principe lorsque la loi prévoit le huis clos ou restreint l’accès aux dossiers ou à certains documents versés à un dossier.

Les exceptions à la règle de la publicité prévues au présent chapitre s’appliquent malgré l’article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne (chapitre C-12).

12. Le tribunal peut faire exception au principe de la publicité s’il considère que l’ordre public, notamment la protection de la dignité des personnes concernées par une demande, ou la protection d’intérêts légitimes importants exige que l’audience se tienne à huis clos, que soit interdit ou restreint l’accès à un document ou la divulgation ou la diffusion des renseignements et des documents qu’il indique ou que soit assuré l’anonymat des personnes concernées.

[164]     Le principe de la publicité des procédures judiciaires est un des fondements de notre système de justice[43]. Essentiellement, la publicité est la règle et le secret, l’exception.

[165]     En exerçant judiciairement son pouvoir discrétionnaire d’accorder ou non une ordonnance de confidentialité, le Tribunal doit suivre la méthode générale édictée dans les arrêts Dagenais c. Société Radio-Canada et R. c. Mentuck[44].

[166]     Le fardeau de démontrer une exception au caractère public de la procédure repose sur la personne qui demande de restreindre l’accès au débat. Compte tenu de l’importance de cette caractéristique essentielle de notre système de justice, laquelle est d’ordre public, il ne saurait être question d’accéder à une demande de confidentialité des débats ou de mise sous scellés au simple motif que personne ne s’y oppose.

[167]     Or, hormis des affirmations générales quant à l’importance pour Pierre Nepveu et Boréal de maintenir la confidentialité de leurs informations financières, ils n’ont pas satisfait à leur fardeau de démontrer en quoi cet intérêt surpasse et permet, en l’espèce, de faire exception au principe de la publicité des débats.

[168]     La demande de confidentialité est donc rejetée.

VII.         DEMANDE DE PIERRE NEPVEU EN DÉCLARATION D’ABUS

[169]     Dans sa défense modifiée, Pierre Nepveu demande au Tribunal de déclarer abusif le recours d’Alain Horic. Il n’a toutefois présenté aucune preuve à ce propos et n’a pas insisté sur cette demande à l’occasion de ses représentations.

[170]     Même si le recours d’Alain Horic est rejeté, le Tribunal estime qu’il ne s’agit pas d’un recours abusif. D’abord, Pierre Nepveu n’a pas établi sommairement que le recours d’Alain Horic pouvait constituer un abus[45]. De toute manière, le Tribunal conclut qu’Alain Horic n’a pas exercé son recours de manière excessive ou déraisonnable.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[171]     REJETTE la requête introductive d’instance ré-amendée en injonction interlocutoire et permanente et dommages pour atteinte à la réputation, l’honneur et la dignité d’Alain Horic;

[172]     REJETTE la demande en déclaration d’abus de Pierre Nepveu;

[173]     AVEC FRAIS DE JUSTICE.

 

 

__________________________________

CHANTAL CHATELAIN, J.C.S.

 

Me Jean-François Latreille

Me Maria Karteris

Dubé Latreille Avocats

Avocat du demandeur

 

Me Denis Cloutier

Cain Lamarre Casgrain Wells

Avocat des défendeurs

 

 

Dates d’audition :      31 mars, 14, 15, 18, 19, 20, 21 et 22 avril et 21 juin 2016.

 



[1]     L'utilisation des seuls prénoms et noms dans le présent jugement a pour but d'alléger le texte et l'on voudra bien n'y voir aucune discourtoisie à l'égard des personnes concernées.

[2]     Olivier Marchand, Mathilde Ganzini, Gilles Carle, Louis Portugais et Jean-Claude Rinfret.

[3]     Alain Horic publie notamment L'Aube assassinée (1957), Blessure au flanc du ciel (1962), Cela commença par un rêve et ce fut la création (1969), Les coqs égorgés (1972), Les grands poèmes de la poésie québécoise : anthologie (1999), La Bosnie nous regarde (1995) et Mon parcours d'éditeur avec Gaston Miron (2004).

[4]     Pièce P-1, Mon parcours d'éditeur avec Gaston Miron, p. 45 à 48.

[5]     Ils publient notamment Miron, Gaston, Poèmes épars, édition préparée par Marie-Andrée Beaudet et Pierre Nepveu, Montréal, l’Hexagone, 2003; Miron, Gaston, Un long chemin : Proses 1953-1996, édition préparée par Marie-Andrée Beaudet et Pierre Nepveu, Montréal, l’Hexagone, 2004 (P-15); et Miron, Gaston, L'avenir dégagé : Entretiens 1959-1993, édition préparée par Marie-Andrée Beaudet et Pierre Nepveu, Montréal, l’Hexagone, 2010 (P-14).

[6]     Emmanuelle Miron est la fille de Gaston Miron.

[7]     Il est notamment l’auteur d’une biographie de Gabrielle Roy, Gabrielle Roy. Une vie (1996), publiée chez Boréal.

[8]     Pièce P-6.

[9]     Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., 2011 CSC 9, par. 16.

[10]    Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., 2011 CSC 9, par. 19.

[11]    Prud'homme c. Prud'homme, 2002 CSC 85, par. 32-33. Voir également Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., 2011 CSC 9, par. 22; Jean-Louis BAUDOUIN, La responsabilité civile, 8e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, p. 295, par. 1-297.

[12]    Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., 2011 CSC 9, par. 24.

[13]    Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., 2011 CSC 9, par. 32.

[14]    Prud'homme c. Prud'homme, 2002 CSC 85, par. 35.

[15]    Prud'homme c. Prud'homme, 2002 CSC 85, par. 37.

[16]    Pop c. Boulanger, 2016 QCCS 2728, par. 18-19.

[17]    Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., 2011 CSC 9, par. 22.

[18]    Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., 2011 CSC 9, par. 32; Prud'homme c. Prud'homme, 2002 CSC 85, par. 34.

[19]    Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., 2011 CSC 9, par. 26-29.        

[20]    Genex Communications inc. c. Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, 2009 QCCA 2201, par. 38.

[21]    Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., 2011 CSC 9, par. 15; Prud'homme c. Prud'homme, 2002 CSC 85, par. 34.

[22]    Rosenberg c. Lacerte, 2013 QCCS 6286, par. 154; Lapierre c. Sormany, 2012 QCCS 4190, par. 104-105; Deschamps c. Ghorayeb, 2006 QCCA 5, par. 26.

[23]    Bou Malhab c. Diffusion Métromédia CMR inc., 2011 CSC 9, par. 32.

[24]    Pièce P-1.

[25]    Pièce P-26. Gaston Bellemare signe cette lettre à titre d’Officier de l’Ordre national du Québec et président de Écrits des Forges, éditeur international de poésie, Festival International de la Poésie, Fédération des festivals internationaux de poésie.

[26]    Pièce P-1, p. 37.

[27]    Pièce P-25.

[28]    Il s’agit, dans les faits, de la deuxième occurrence du nom d’Alain Horic dans la biographie, la première se trouvant à la page 234.

[29]    Pièce D-6.

[30]    Ces notes biographiques sont également reproduites en annexe dans le livre d’Alain Horic, Mon parcours d’éditeur avec Gaston Miron, Pièce P-1, p. 173.

[31]    Pièce P-20.

[32]    Pièce P-1, p. 104, 115 et 136 et 173.

[33]    Pièce P-24.

[34]    Alain Horic souligne que le mot « honte » n’apparaît pas dans la lettre du 2 juin 1989 et que le fait d’avoir placé ce mot entre guillemets dans la biographie constitue une faute. Comme cette lettre n’a pas été produite à l’audience, le Tribunal ne peut le constater. De toute manière, même s’il s’agissait d’une erreur, le Tribunal estime qu’il s’agirait d’une simple inadvertance qui ne saurait constituer une faute civile engageant la responsabilité de son auteur.

[35]    Pièce P-16.

[36]    Pièce P-24, Lettre de Gaston Miron à Alain Horic du 16 février 1985.

[37]    Pièce P-22.

[38]    Genex Communications inc. c. Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, 2009 QCCA 2201, par. 68.

[39]    Léonard c. Investigations J. Pesant inc., 2016 QCCS 286, par. 163-164; Hill c. L'Église de scientologie de Toronto, [1995] 2 R.C.S. 1130, p. 1175.

[40]    Genex Communications inc. c. Association québécoise de l'industrie du disque, du spectacle et de la vidéo, 2009 QCCA 2201, par. 72.

[41]    RLRQ, c. C-12.

[42]    Jean-Louis BAUDOUIN, Patrice DESLAURIERS et Benoît MOORE, La responsabilité civile, 8e éd., vol. 1 « Principes généraux », Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, par. 1-605, 2014 EYB2014RES62 (La référence).

[43]    Société Radio-Canada c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 2; Vancouver Sun (Re), 2004 CSC 43.

[44]    Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41, se référant à Dagenais c. Société Radio-Canada [1994] 3 R.C.S. 835 et R. c. Mentuck, 2001 CSC 76.

[45]    Article 52 du Code de procédure civile.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.