Décision

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LSJPA — 1542

2015 QCCA 1507

 

COUR D'APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE MONTRÉAL

 

N:

500-08-000473-142

 

(505-03-022037-131)

 

 

PROCÈS-VERBAL D'AUDIENCE

 

 

DATE :

Le 18 septembre 2015

 

CORAM :  LES HONORABLES

LOUIS ROCHETTE, J.C.A.

MARTIN VAUCLAIR, J.C.A.

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

 

APPELANT

AVOCATE

 

X

 

 

 

Me CHARLOTTE VANIER PERRAS

(Centre communautaire juridique de la Rive Sud)

 

 

INTIMÉE

AVOCATE

 

sa majesté la reine

 

 

Me ANNIE TRUDEL

(Directeur des poursuites criminelles et pénales)

 

 

 

 

Requête pour permission d’appeler d’une peine infligée le 24 novembre 2014 par l’honorable Éric Hamel, de la Cour du Québec, chambre de la jeunesse, district A et déférée à une formation de la Cour d’appel le 28 janvier 2015 par l’honorable Mark Schrager, J.C.A.

 

 

NATURE DE L'APPEL :

 
Peine

 

Greffière d’audience : Marcelle Desmarais

Salle : Antonio-Lamer

 

 

AUDITION

 

 

9 h 34

Argumentation par Me Charlotte Vanier Perras.

10 h 09

Argumentation par Me Annie Trudel.

10 h 23

Me Charlotte Vanier Perras.

10 h 23

Suspension de la séance.

10 h 33

Reprise de la séance.

 

PAR LA COUR:

 

Arrêt unanime prononcé par l'honorable Martin Vauclair, J.C.A. - voir page 3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Marcelle Desmarais

Greffière d’audience

 


PAR LA COUR

 

 

ARRÊT

 

[1]           Après avoir été déclaré coupable d’une agression sexuelle, l’appelant est condamné à des peines spécifiques combinées, prévues aux articles 42(2)i) et k) de la Loi sur le système de justice pénale pour adolescents, LC 2002, c 1 (ci-après: « la LSJPA »), soit une ordonnance de probation d’un an assortie de plusieurs conditions ainsi que des travaux communautaires. L’appelant, qui nie toujours sa culpabilité, plaide que la peine est excessive et conteste de la validité de certaines conditions.

[2]           Les circonstances de la perpétration de l’infraction ne sont pas banales. L’appelant et la victime ont 15 ans au moment des événements. Après une relation amoureuse de quelque dix-huit mois, ils se sont séparés, puis se sont revus quelques fois, notamment à l’été 2011, moment où l’agression survient. Voici comment le rapport prédécisionnel décrit l’infraction :

Celui-ci lui a immobilisé les bras et les jambes. La victime se débattait et lui disait clairement non. Malgré cela, l'accusé a baissé leurs pantalons respectifs puis a pénétré la victime à plusieurs reprises. Suite à quoi, il l'a forcé à s'agenouiller et à lui faire une fellation en lui tenant la tête. Pendant ce temps, X l'injuriait et lui disait qu'elle avait ce qu'elle méritait. Après avoir éjaculé, X s'est retiré de la bouche de la victime qui s'est rhabillée en tremblant et en pleurant. L'accusé se serait par la suite excusé et lui aurait dit l'aimer. La victime se serait dirigée seule au parc.

[3]           L’accusation est déposée deux ans plus tard, en juin 2013, l’appelant est mis en liberté avec des conditions. En 2015, quatre ans après les faits, les conséquences pour la victime sont encore très présentes. Devant le sérieux de l’accusation, une mise sous garde faisait certainement partie des issues possibles.

[4]           Toutefois, conformément à la LSJPA, le juge tient compte de tous les facteurs et en arrive à la peine prononcée. Son travail est guidé tant par le rapport prédécisionnel, le témoignage de la victime que les représentations des parties qui, à l’unisson, écartent la mise sous garde. Tous s’entendent sur la gravité du crime et de ses conséquences, mais aussi sur le fait qu’il s’agit d’un événement unique et inusité pour l’appelant. Dans ce contexte, le juge prend acte que l’appelant consent à un suivi psychologique et façonne les conditions de la probation afin de maximiser la prise de conscience et la responsabilisation de l’appelant. D’une part, ces objectifs cadrent avec ceux de la LSJPA et la logique semble respectée puisque l’appelant nie avoir commis le crime.

[5]           Parmi les moyens soulevés par l’appelant, deux retiennent l’attention, chacun attaquant la validité d’une condition imposée par le juge. Voici les deux conditions concernées :


8.         participer à une évaluation psychologique et suivre les recommandations;

9.         participer et compléter une activité de réadaptation appropriée aux adolescents ayant commis une infraction sexuelle au centre d'intervention en matière sexuelle en fonction des besoins identifiés et en faire la preuve au délégué jeunesse;

[6]           L’appelant prétend que le juge ne pouvait pas lui imposer la condition nº 9 sans son consentement puisqu’il s’agit de suivre un traitement ou une thérapie reliée à une problématique sexuelle. Il invoque l’arrêt R. c. Shoker, [2006] 2 R.C.S. 399 et l’article 42(8) de la LSJPA.

[7]           L’appelant fait fausse route. Les faits présentés au juge démontrent que l’activité de réadaptation envisagée à la condition nº 9, quoique lourde, est une activité ciblée pour les adolescents ayant commis une infraction sexuelle, soit précisément le cas de l’appelant. Lors des représentations sur la peine, on explique au juge que l’activité est adaptée aux négateurs et elle vise à faire naître une prise de conscience. Il n’est pas question de traitement d’une déviance sexuelle. Puisque l’appelant doit participer et compléter l’activité en fonction des besoins identifiés, l’activité s’adaptera, le cas échéant, et on pourrait même y mettre fin, selon toute vraisemblance, si aucun besoin ne ressort de l’évaluation. Le libellé de la condition n’oblige l’appelant à aucun résultat et, en principe, le simple manque d’enthousiasme ne devrait pas être générateur d’une infraction : R. c. Traverse (2006) 205 C.C.C. (3d) 33, par. 37 (C.A.M.).

[8]           Le juge estime nécessaire d’inclure cette activité dans le cadre de la probation et ordonne à l’appelant de participer et de compléter l’activité. Il s’agit davantage d’un programme de sensibilisation que d’un traitement. Elle apparaît légitime compte tenu du lien avec l’infraction et son objectif de réhabilitation du délinquant : R. c. Shoker, [2006] 2 R.C.S. 399, par. 13.  Par ailleurs, si l’activité doit être vue comme un traitement au sens de cet arrêt et de la loi, rappelons que l’appelant a donné son consentement.

[9]           Comme il l’avait fait devant le juge d’instance, l’appelant insiste sur l’inutilité, selon lui, d’une participation à ce programme, affirmant que sa participation ne serait alors que du « présentéisme », selon l’expression qu’il emploie. Ce que remet en cause l’appelant est davantage l’à-propos d’une telle condition, mais cela n’en affecte pas la légalité. Compte tenu de la spécificité de l’objectif poursuivi par l’activité, il est difficile d’en contester la pertinence. Le succès de la mesure, que l’on peut rarement prédire même dans des conditions plus idéales de participation, ne devrait pas être un facteur dirimant.

[10]        Par ailleurs, comme mentionné, l’appelant s’est dit ouvert à un suivi psychologique, sans plus de précision. De là découle, la condition nº 8 telle que libellée. Selon l’appelant, le juge lui impose une condition dont personne ne connaît la portée et elle le place dans une situation où un bris de condition peut résulter d’un simple désaccord sur le sens de ces recommandations.

[11]        L’appelant a raison sur ce point. La condition nº 8 souffre d’imprécision évidente. La jurisprudence enseigne que seuls les aspects administratifs, telles les modalités de la mise en œuvre, peuvent être délégués puisqu’un juge n’a pas l’expertise pour superviser les conditions : Voir R. c. Traverse (2006) 205 C.C.C. (3d) 33 (C.A.M.). Il ne faut cependant pas y voir d’obligation de paramétrer les conditions de façon à décrire par le menu les interventions projetées, ce qui serait susceptible de créer des difficultés insurmontables. 

[12]        À l’audience, les parties ont discuté du libellé de cette condition et conviennent qu’elle devrait faire état non pas d’une évaluation, mais d’une participation active dans un suivi auprès d’un psychologue. Il y a lieu de donner suite à cette suggestion.

[13]        Les autres reproches sont sans mérite. Bien qu’il soit préférable de laisser au directeur provincial le soin de déterminer la fréquence des rencontres, il n’y a pas d’empêchement à ce que le juge la spécifie. Sans doute est-il usuel d’obliger le contrevenant à se soumettre à la surveillance « aussi souvent que requis par le directeur » ou autre formulation analogue, ce qui permet l’individualisation recherchée dans une approche axée sur la réhabilitation.   Toutefois, un minimum de deux rencontres ne justifie pas, dans les circonstances, l’intervention de la Cour.

[14]        Finalement, l’appelant reproche au juge de ne pas respecter les objectifs énoncés aux articles 3 et 38 de la LSJPA. Plus particulièrement, le juge n’aurait pas respecté plusieurs objectifs de la LSJPA. L’argument ne tient pas.

[15]        En optant pour la probation plutôt que la mise sous garde, la peine spécifique est façonnée pour que l’appelant réponde de l’infraction commise en favorisant sa réadaptation et la protection durable du public : art. 38(1) de la LSJPA. Contrairement à ce que laisse entendre l’appelant, la recherche de la peine la moins contraignante possible ne doit pas se faire à tout prix, mais plutôt dans la mesure où elle permet d’atteindre l’objectif précédent : 38(2)e)i) de la LSJPA. Encore une fois, la peine s’inscrit dans les objectifs poursuivis par la LSJPA.

[16]        Enfin, l’appelant se plaint du caractère excessif de la peine en raison des difficultés d’horaire qu’entraîneront globalement les conditions de la probation, compte tenu des heures qu’il devra consacrer aux travaux communautaires, à la surveillance et à l’activité de réadaptation. Outre le fait que la preuve ne démontre pas que tel sera le cas, l’appelant peut toujours s’adresser au tribunal pour faire réviser « l'existence d'obstacles découlant des conditions de la peine, qui compromettent les chances de l'adolescent de bénéficier de certains services, de cours de formation ou d'un emploi » : art. 59(2)d) de la LSJPA.


[17]        POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[18]        ACCUEILLE la requête pour permission d’appeler;

[19]        ACCUEILLE l’appel pour partie, à la seule fin de modifier la condition nº 8 de l’ordonnance de probation pour qu’elle se lise ainsi :

« En raison du consentement exprimé par l’adolescent, participer activement à un suivi auprès d’un psychologue et suivre ses recommandations relativement à l’intervention; »

 

 

 

 

LOUIS ROCHETTE, J.C.A.

 

 

 

MARTIN VAUCLAIR,     J.C.A.

 

 

 

MARIE-JOSÉE HOGUE,     J.C.A.

 

 

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.