Décision

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COUR SUPÉRIEURE

 

 

JS 0964

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

No.

500-11-025281-052

 

 

DATE :

Le 9 septembre 2005

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

JOËL A. SILCOFF, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

SERGE AUCLAIR

Demandeur

c.

BRUNO AUCLAIR

STÉPHANE AUCLAIR

MARIO AUCLAIR

MARTIN AUCLAIR

CHRISTIAN AUCLAIR

Défendeurs

 

et

2321-2391 QUÉBEC INC.

Défenderesse

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

I.          INTRODUCTION

[1]                Dans le cadre d'une Requête introductive d'instance amendée précisée formée en vertu des articles 33 et 828 C.p.c., ainsi que de l'article 24 de la Loi sur la liquidation des compagnies ( la « Requête introductive d'instance » ), le demandeur, Serge Auclair, dépose sa Requête du demandeur pour destituer les procureurs de la défenderesse, 2321-2392 Québec inc (la « Compagnie »et la « Requête en destitution » ).

[2]                Par sa Requête en destitution, Serge Auclair demande la destitution du cabinet d'avocats Ogilvy Renault ( « Ogilvy Renault » ) à titre de procureurs de la Compagnie et, de bene esse, la nomination de Me Chantale Perreault du cabinet Paquette Gadler à titre de procureure de la Compagnie en l'instance.

II.         LES FAITS SAILLANTS À LA REQUÊTE EN DESTITUTION

[3]                Pour l'analyse sommaire des faits pertinents à la Requête introductive d'instance, voir la section II du jugement rendu par le soussigné le 25 mai 2005 sur la Requête pour ordonnances de sauvegarde et autres ordonnances ancillaires.

[4]                Pour les fins de la Requête en destitution, le tribunal retient comme pertinents les faits suivants.

[5]                Par sa Requête introductive d'instance, Serge Auclair demande au tribunal :

[…]

DÉCLARER INHABILES et DESTITUER les défendeurs Auclair à titre d'administrateurs et dirigeants de la Compagnie;

DÉCLARER la valeur comptable du capital de la Compagnie;

ORDONNER le rachat par la Compagnie des actions détenues dans son capital par les défendeurs Auclair pour un prix équivalant à 1$ par action;

ORDONNER aux défendeurs de livrer au secrétaire de la Compagnie les certificats dûment endossés des actions qu'ils détiennent dans le capital de la Compagnie;

CONDAMNER les défendeurs à payer à la Compagnie les sommes qu'ils ont reçues sans droit, avec intérêt au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue par la loi à compter de l'assignation;

ORDONNER compensation entre le prix des actions payables aux défendeurs et les sommes que les défendeurs sont condamnés à payer à la Compagnie;

SUBSIDIAIREMENT, DÉCLARER la juste valeur du capital de la Compagnie;

SUBSIDIAIREMENT, ORDONNER aux défendeurs solidairement d'acheter les actions détenues par Serge Auclair dans le capital de la Compagnie à un prix égal à leur juste valeur;

SUBSIDIAIREMENT, CONDAMNER les défendeurs solidairement à payer au demandeur une somme égale à la juste valeur des actions qu'il détient dans le capital de la Compagnie;

SUBSIDIAIREMENT, PRENDRE ACTE de l'offre du demandeur de céder les actions qu'il détient dans le capital de la Compagnie en livrant les certificats représentant ces actions dûment endossés aux défendeurs sur paiement du prix déterminé par le tribunal;

CONDAMNER les défendeurs solidairement à payer la somme de 50,000 $ avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter de l'assignation;

SUBSIDIAIREMENT, ORDONNER la liquidation de la Compagnie;

NOMMER la personne que le tribunal désignera liquidateur de la Compagnie avec tous les pouvoirs prévus par la loi et ceux que le tribunal jugera bon de lui accorder;

ORDONNER l'exécution provisoire nonobstant appel;

LE TOUT avec dépens.

[6]                Ogilvy Renault comparaît pour la Compagnie, la défenderesse dans la Requête introductive d'instance.  Le lendemain, les procureurs de Serge Auclair s'objectent à ladite comparution «…au motif que vous n'avez pas été dûment mandatée et que votre indépendance par rapport aux autres défendeurs n'est pas assurée.»

[7]                Ogilvy Renault confirme que ses services ont été retenus par la Compagnie, par l'entremise «…de son vice-président d'alors et président depuis le 5 avril dernier, M. Martin Auclair…»

[8]                L'Assemblée annuelle des actionnaires et la Réunion annuelle des administrateurs de la Compagnie sont tenues le 5 avril 2005.  Tous les actionnaires et administrateurs, à l'exception de Serge Auclair, sont présents.

[9]                Nonobstant qu'il reconnaît avoir reçu les Avis de convocation de l'Assemblée annuelle des actionnaires et de la Réunion annuelle des administrateurs, prétendant que les Avis de convocation n'ont pas été validement émis par les administrateurs siégeant en assemblée et, par conséquent, irréguliers, Serge Auclair n'assiste ni à l'Assemblée des actionnaires, ni à la Réunion des administrateurs.

[10]            Conformément aux dispositions de l'article 7.09 des Règlements généraux de la Compagnie, vu l'absence du président, Serge Auclair, et considérant son incapacité d'occuper les fonctions de président, le seul vice-président, Martin Auclair, est autorisé à exercer les pouvoirs et fonctions du président.  Martin Auclair préside alors l'Assemblée annuelle des actionnaires et la Réunion annuelle des administrateurs.

[11]            Les personnes suivantes sont élues administrateurs de la Compagnie lors de l'Assemblée annuelle des actionnaires : Stéphane Auclair, Bruno Auclair, Christian Auclair, Mario Auclair, Martin Auclair et Serge Auclair.

[12]            Immédiatement après l'Assemblée annuelle des actionnaires, les administrateurs se réunissent et les personnes suivantes sont élues et nommées dirigeantes de la Compagnie, soit :

·        Martin Auclair, président;

·        Mario Auclair, vice-président; et

·        Christian Auclair, secrétaire-trésorier.

III.        LES PRÉTENTIONS DES PARTIES

(1)       Serge Auclair

[13]            Dans la Requête en destitution, Serge Auclair soutient :

8.         Le demandeur soutient que le cabinet d'avocats Ogilvy Renault doit être destitué à titre de procureurs de la Compagnie pour les motifs suivants :

a)          M. Martin Auclair n'avait pas les pouvoirs, en droit, de mandater le cabinet d'avocats Ogilvy Renault pour agir en l'instance puisqu'il s'agit manifestement d'une décision hors du cours normal des affaires qui devait être prise par les administrateurs;

b)         Le cabinet d'avocats Ogilvy Renault ne peut agir de façon indépendante, comme l'exige la loi, puisqu'il reçoit ses instructions de l'un des défendeurs, soit M. Martin Auclair, dont les intérêts en l'instance sont divergents de ceux de la Compagnie;

9.         Les positions prises par le cabinet d'avocats Ogilvy Renault ont confirmé les craintes du demandeur quant à l'indépendance notamment en ce que :

a)         ils ont refusé ou négligé de fournir au demandeur les informations qu'il requière sur les affaires de la Compagnie et ils lui ont interdit de communiquer avec le personnel de la Compagnie et son banquier et;

b)         ils ont invoqué la possibilité de mettre fin à la rémunération du demandeur alors que la Compagnie admettait ne pas l'avoir congédiée;

tel qu'il appert du dossier de la Cour;

(2)       La Compagnie

[14]            La Compagnie soutient que, vu l'absence et l'incapacité du président, Serge Auclair, depuis au moins le 15 juillet 2004, le vice-président d'alors, Martin Auclair, était habilité à exercer les pouvoirs et fonctions du président, y compris, en l'espèce, l'engagement des services d'Ogilvy Renault afin de défendre les intérêts de la Compagnie en l'instance.

[15]            Elle précise que le mandat accordé à Ogilvy Renault, ne vise qu'à défendre les intérêts de la Compagnie et ne touche pas les intérêts des autres actionnaires et administrateurs, lesquels sont représentés par le cabinet d'avocats Woods & Associés.

(3)       Les défendeurs (les autres administrateurs et actionnaires)

[16]            Les défendeurs (les autres administrateurs et actionnaires) appuient les prétentions de la Compagnie.

V.                 QUESTIONS EN LITIGE

[17]            Le présent litige soulève deux questions principales :

(i)                 M. Martin Auclair avait-il le pouvoir de mandater Ogilvy Renault pour agir en l'instance ? et

(ii)               Ayant reçu ses instructions de l'un des défendeurs, M. Martin Auclair, dont les intérêts en l'instance sont distincts de ceux de la Compagnie, Ogilvy Renault peut-il agir de façon indépendante ?

IV.        ANALYSE ET DISCUSSION

(i)                 M. Martin Auclair avait-il le pouvoir de mandater Ogilvy Renault pour agir en l'instance ?

[18]            La Compagnie, comme personne morale, agit par l'intermédiaire d'agents humains, personnes physiques.  À ce sujet, Me Paul Martel s'exprime ainsi dans Précis de droit sur les compagnies au Québec :

La compagnie, personne morale, ne peut en tant que telle établir des relations légales avec des tiers; elle ne peut le faire que par l'intermédiaire d'agents humains, personnes physiques.

Ces agents, ces dirigeants représentent la compagnie et l'obligent « dans la mesure des pouvoirs que la loi, l'acte constitutif ou les règlements leur confèrent » (C.c.Q., art. 312).

Les règlements de la compagnie déterminent habituellement les fonctions et pouvoirs des dirigeants à l'intérieur de la compagnie.  Quant à leurs pouvoirs vis-à-vis des tiers, ceux-ci peuvent selon le cas être implicites ou devoir être expressément confirmés.[1]

[19]            L'article 123.83 de la Loi sur les compagnies[2] précise:

Les administrateurs, dirigeants et autres représentants de la compagnie sont des mandataires de la compagnie.

[20]            Quant à l'autorisation d'intenter des procédures et de se défendre contre de telles procédures, Me Martel s'exprime ainsi à la page 698 :

La décision d'intenter ou non des procédures judiciaires, et de se défendre ou non contre de telles procédures, appartient au conseil d'administration, car il s'agit là de questions d'administration relevant de sa seule compétence (L.c.Q., art. 91 (1); L.c.s.a., art. 102 (1).  Une telle décision fait normalement l'objet d'une résolution, mais vis-à-vis des tiers la validité ou même l'existence d'une telle résolution peut n'avoir aucune pertinence, compte tenu des règles de l'indoor management et du mandat apparent dont nous avons traité plus avant.  Tout dépend de la nature de la décision et du pouvoir implicite de la personne qui prétend représenter la compagnie en la prenant ou la mettant à exécution.

Par exemple, la jurisprudence a reconnu le droit du président d'une compagnie d'intenter des poursuites au nom de celle-ci et d'engager un procureur ad litem sans qu'aucune résolution du conseil n'ait à être adoptée.  Par contre, il a été jugé que le président n'a pas d'office le pouvoir de faire un aveu judiciaire liant la compagnie, et qu'il doit auparavant être autorisé à cette fin par une résolution du conseil.

Il est logique qu'on soit plus exigeant en ce qui concerne les formalités internes, lorsque la décision en jeu en est une d'aliénation plutôt que d'administration.  Une résolution expresse du conseil d'administration est requise dans le premier cas.

[21]            Quant aux pouvoirs des officiers et autres dirigeants de la Compagnie, les Règlements Généraux de la Compagnie prévoient: :

7.08  PRÉSIDENT.  Le président dirige toutes les réunions des administrateurs et toutes les assemblées des actionnaires, à moins qu'il n'en soit décidé autrement par les administrateurs ou, le cas échéant, par les actionnaires.  Le président est le principal officier exécutif de la compagnie et, sous le contrôle des administrateurs, il surveille, administre et dirige généralement les activités de la compagnie.  Le président exerce de plus tous les autres pouvoirs et fonctions que les administrateurs peuvent déterminer.

7.09  VICE-PRÉSIDENT.  Le vice-président ou, s'il y en a plus d'un, les vice-présidents, exerce(nt) les pouvoirs et fonctions déterminés par les administrateurs ou le président.  En cas d'absence, d'incapacité de refus ou de négligence d'agir du président, l'un des vice-présidents, par ordre d'ancienneté, peut exercer les pouvoirs et les fonctions du président tels qu'établis par les règlements.

(caractères gras et soulignement du tribunal)

[22]            Il n'est pas contesté que, en tout temps pertinent pour les fins du présent litige, Serge Auclair était affligé d'une grave dépression et qu'en conséquence, il devait cesser le travail au sein de la Compagnie.  Le 15 juillet 2004, il avise ses co-actionnaires qu'il doit temporairement cesser de travailler au sein de la Compagnie et, depuis ce temps, n'exerce plus les fonctions de président.

[23]            Nonobstant sa condition médicale qui, depuis le 15 juillet 2004, ne s'améliore pas, le 5 avril 2005, lors de l'Assemblée annuelle des actionnaires de la Compagnie, il est ré-élu administrateur.

[24]            À la Réunion des administrateurs tenue immédiatement après l'Assemblée annuelle des actionnaires, Martin Auclair est nommé président de la Compagnie.

[25]            Dans notre système moderne du droit corporatif,sujet aux limitations imposées aux pouvoirs et devoirs que la loi, l'acte constitutif, les règlements ou une convention entre actionnaires leur impose, les administrateurs et, le cas échéant, les dirigeants gèrent les activités de la compagnie et prennent des décisions en son nom entre les Assemblées des actionnaires.  Ils sont la voix de la compagnie.

[26]            Sujet aux dispositions des lois applicables et aux dispositions des conventions visant la compagnie et ses actionnaires, ils sont mandatés et ont même le devoir d'agir avec prudence et diligence toujours dans le meilleur intérêt de la compagnie.  S'ils échouent  dans leurs devoirs, ils sont redevables à la compagnie pour les dommages résultant de leurs actes ou omissions fautifs.[3]

[27]            Dans les dernières années, les devoirs de prudence et de diligence des administrateurs ont connu une intensification statutaire, réglementaire et jurisprudentielle à l'égard des compagnies publiques ainsi que privées.[4]

[28]            Martin Auclair, à titre de vice-président de la Compagnie, agissant comme remplaçant du président à cause de sa maladie et de son incapacité d'agir[5], avait non seulement le pouvoir de nommer des procureurs pour défendre les intérêts de la Compagnie en l'instance, il avait aussi le devoir d'agir à ces fins.  Bien que ce ne soit qu'une conclusion subsidiaire, Serge Auclair recherche notamment, par sa Requête introductive d'instance, la liquidation de la Compagnie. C'est la peine de mort de la Compagnie.

[29]            De l'avis du tribunal, s'ils avaient omis de mandater un avocat pour défendre les intérêts de la Compagnie, Martin Auclair et les autres administrateurs et dirigeants auraient vraisemblablement manqué à leurs devoirs.

[30]            Le procureur de Serge Auclair plaide qu'il y a une distinction à faire dans les litiges visant des conflits entre actionnaires par rapport aux autres types de conflits.  Prétendant que les pouvoirs normalement déchus aux dirigeants sont limités dans de tels cas, il avance qu'ils ne pourraient être autorisés à choisir eux-mêmes le procureur pour la Compagnie.

[31]            Appelé à préciser qui aurait alors, selon lui, ce pouvoir de choisir et mandater un procureur au nom de la Compagnie, il propose que ce soit son client, Serge Auclair.  En somme, si le tribunal devait suivre cette suggestion, Serge Auclair, le demandeur, serait celui qui mandaterait le procureur de la Compagnie dans le cadre de la défense de sa propre action.

[32]            Voilà qui est déraisonnable.  On ne peut concevoir que celui qui cherche à liquider la Compagnie soit également celui qui mandate le procureur appelé à la défendre.

[33]            Le tribunal conclut donc que M. Martin Auclair avait le pouvoir, même le devoir, de nommer les procureurs afin de défendre les intérêts de la Compagnie.  En nommant Ogilvy Renault à ces fins, il a agi avec autorité et de façon appropriée.

(ii)         Ayant reçu ses instructions de l'un des défendeurs, M. Martin Auclair, dont les intérêts en l'instance sont distincts de ceux de la Compagnie, Ogilvy Renault peut-il agir de façon indépendante ?

[34]            Les circonstances particulières en l'espèce et les motifs soulevés par Serge Auclair pour appuyer la demande de destitution de Ogilvy Renault comme procureurs de la Compagnie sont de nature à rendre les tests préconisés par la Cour suprême du Canada dans Succession MacDonald c. Martin[6] et actualisé récemment dans R. c. Neil[7], inapplicables.

[35]            Dans MacDonald, le juge Sopinka précise, à la page 1260:

D'ordinaire, ce type d'affaire soulève deux questions : premièrement, l'avocat a-t-il appris des faits confidentiels, grâce à des rapports antérieurs d'avocat à client, qui concernent l'objet du litige ?   Deuxièmement, y a-t-il un risque que ces renseignements soient utilisés au détriment du client ?

[36]            Et dans Neil, au paragraphe 29,le juge Binnie applique ce qu'il appelle dans la version anglaise du jugement, le « bright line » test :

Néanmoins, c'est le cabinet, et pas seulement l'avocat, individuellement, qui a un devoir de fiduciaire envers ses clients, et une ligne de démarcation très nette est requise.  Cette ligne de démarcation très nette est tracée par la règle générale interdisant à un avocat de représenter un client dont les intérêts sont directement opposés aux intérêts immédiats d'un autre client actuel -- même si les deux mandats n'ont aucun rapport entre eux -- à moins que les deux clients n'y aient consenti après avoir été pleinement informés (et de préférence après avoir obtenu des avis juridiques indépendants) et que l'avocat ou l'avocate estime raisonnablement pouvoir représenter chaque client sans nuire à l'autre.

(caractères gras et soulignement du tribunal)

[37]            La crainte, en l'espèce, n'est pas que Ogilvy Renault soit en possession de faits confidentiels appris lors des rapports antérieurs et qu'il y ait un risque que ces renseignements soient utilisés au détriment du client.  Il ne s'agit pas non plus d'une situation où Ogilvy Renault représente « … un client dont les intérêts sont directement opposés aux intérêts immédiats d'un autre client actuel…».

[38]            Ni l'une ni l'autre des situations visées par MacDonald ou Neil ne s'applique en l'espèce.  Il n'y a pas de lien antérieur pertinent entre les parties intéressées et Ogilvy Renault.  Ce qui est plus important, Ogilvy Renault ne représente, en l'espèce, qu'une cliente, la Compagnie.  Elle ne représente aucun des autres administrateurs ou actionnaires, incluant notamment, Martin Auclair.

[39]            Tel qu'écrit par Mes Paul Martel et Maurice Martel dans Les Aspects Juridiques de la Compagnie au Québec,[8]:

Lorsqu'un actionnaire intente un recours sous l'article 241 contre la société, cela peut entraîner, pour les fins de ce litige (comme d'ailleurs de n'importe quel autre litige entre l'actionnaire et la société), la disqualification pour cause de conflit d'intérêts des procureurs de la société, surtout si ceux-ci représentent également les actionnaires majoritaires.  En effet, les intérêts de la société ne sont pas nécessairement les mêmes que ceux des majoritaires.

(caractères gras et soulignement du tribunal)

[40]            La question centrale, en l'espèce, est donc la suivante : Ayant reçu ses instructions initiales de l'un des défendeurs, Martin Auclair, dont les intérêts en l'instance sont distincts et possiblement divergents de ceux de la Compagnie, Ogilvy Renault peut-il agir de façon indépendante ?

[41]            Le tribunal conclut dans l'affirmatif.  Ogilvy Renault était mandaté par Martin Auclair, agissant à titre de vice-président, de représenter seulement la Compagnie.  En cette capacité, le firme doit consulter les administrateurs, les représentants de la Compagnie, et les conseiller dans l'accomplissement de leurs fonctions, toujours afin de protéger et favoriser les meilleurs intérêts de la Compagnie.  La preuve ne révèle aucune omission de la part de Ogilvy Renault dans l'accomplissement de leur mandat à cet égard.

[42]            À titre d'actionnaires, les défendeurs auront possiblement des intérêts divergents à ceux de la Compagnie.  Cette question sera discutée au fond du présente litige.  Considérant la possibilité de conflit d'intérêts, les défendeurs ont choisi, avec justification, de mandater des procureurs indépendants, le cabinet d'avocats, Woods et Associés, afin de les représenter en l'instance.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

[43]            REJETTE la Requête du demandeur pour destituer les procureurs de la défenderesse 2321-2392 Québec inc;

[44]            LE TOUT avec dépens.

 

 

 

________________________________________________

JOËL A. SILCOFF, J.C.S.

 

Me Yves Robillard

BÉLANGER SAUVÉ

Procureur du demandeur

 

Me Caroline Biron

WOODS &ASSOCIÉS

Procureure des défendeurs

 

Me Sophie  Melchers

OGILVY RENAULT

Procureure de la défenderesse

 

Date d’audience :

Le 19 août 2005

 

 



[1] Martel, Paul, Précis de droit sur les companies au Québec, 1ère édition, Montréal, Éditions Wilson & Lafleur Martel,2000, p. 669.

[2] L.R.Q., c. C-38.

[3] C.c.Q. 1458.

[4] Martel, note 1, p.517.

[5] L.c.Q., art. 100.

[6] [1990] 3 R.C.S. 1235 , 1260 ff.

[7] [2002] 3 R.C.S. 631 .

[8] Vol. 1, Montréal, Éditions Wilson & Lafleur, Martel ltée, 2004, p.31-125.

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