Décision

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          COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE
          LÉSIONS PROFESSIONNELLES

     QUÉBEC    MONTRÉAL, le 5 juillet 1995

     DISTRICT D'APPEL   DEVANT LE COMMISSAIRE: Me Yves Tardif
     DE MONTRÉAL

     RÉGION: Montérégie    ASSISTÉ DE L'ASSESSEUR: Dr Guy Bouvier
     DOSSIER: 48869-62-9302

     DOSSIER CSST: 096783030AUDIENCE TENUE LE:        17 mai 1995

     DOSSIER BRP: 60895408 À: Montréal
                  60895416
                  60992015
                  61200145

          THÉRÈSE LACHARITÉ
          945, rue Guilbault
          App. 4
          Longueuil (Québec)
          J4H 2V7

                      PARTIE APPELANTE

          et

          PANTAPIL LTÉE
          a/s Direction des ressources humaines
          3400, boul. Losch
          Bureau 40
          Saint-Hubert (Québec)
          J3Y 5T6

                   PARTIE INTÉRESSÉE

                              D É C I S I O N

     Le  25 janvier 1993,  la travailleuse, madame  Thérèse Lacharité,
     interjette appel  auprès de la  Commission d'appel en  matière de
     lésions professionnelles  (la Commission d'appel)  d'une décision
     du Bureau de révision - Longueuil en date du 18 décembre 1992.
     

Dans sa décision, le Bureau de révision rejette les demandes de révision de la travailleuse, maintient quatre décisions rendues par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission), déclare que la travailleuse n'a pas été victime d'une rechute, récidive ou aggravation les 11 septembre et 11 décembre 1991, déclare bien fondées les mesures de réadaptation adoptées par la Commission le 11 octobre 1991 et déclare que la travailleuse a droit à une indemnité réduite de remplacement du revenu de 4,75 $ par jour.

L'employeur, Pantapil Ltée, bien que convoqué, n'est pas représenté à l'audience.

OBJET DU LITIGE Délaissant les conclusions du Bureau de révision, la travailleuse demande à la Commission d'appel d'appliquer l'article 51 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la loi) et de déclarer qu'elle a droit à l'indemnité de remplacement du revenu à partir du 11 septembre 1991 sauf pour la période comprise entre le 16 octobre 1991 et le 11 décembre 1991.

LES FAITS Presseuse de son état depuis environ un quart de siècle, la travailleuse subit une lésion professionnelle le 1er avril 1987 que la Commission refuse de reconnaître le 3 août suivant. À la suite de sa contestation du 16 août, le Bureau de révision, le 31 octobre 1988, renverse la décision de la Commission et reconnaît l'existence d'une lésion professionnelle.

Le 28 février 1989, le médecin de la travailleuse décrit les limitations fonctionnelles découlant de sa lésion professionnelle du 1er mars 1987: «SEQUELLES GENANT LE TRAVAILLEUR: Cette patiente présente une douleur au niveau de la hanche gauche qui l'empêche de faire le travail qu'elle faisait auparavant, c'est-à-dire de presseuse où elle exécutait environ 3,000 pressions par jour avec son membre inférieur gauche. Ce type de mouvement lui occasionne l'apparition de douleurs au niveau de la hanche gauche et elle serait une candidate à être recyclée à un travail où elle n'aurait pas à forcer avec son membre inférieur gauche et n'aurait pas à rester en position debout statique sur son membre inférieur gauche.» Le 17 avril suivant, il évalue l'atteinte permanente à 0%.

La travailleuse allègue la survenance d'une rechute, récidive ou aggravation le 11 septembre 1991. Elle explique qu'elle est retournée au travail comme couturière et qu'elle devait coudre environ 600 pantalons par jour. Pour ce faire, elle devait mettre son poids sur sa jambe gauche. Après deux jours et demi d'ouvrage, elle cesse de travailler à cause d'une enflure à la jambe gauche et à la hanche.

La travailleuse est examinée le 12 septembre 1991 par le docteur Charest qui écrit: «A tenté retour au travail a dû quitter après 2 1/2 jr, oedème de la cheville g ++. Doit éviter de manipuler des poids > 20 livres / Doit éviter les stations fixes > 30 min. Doit éviter marches prolongées.» (sic) Le 10 octobre 1991, la Commission refuse la demande d'indemnisation de la travailleuse.

À la demande de l'employeur, la travailleuse est examinée le 13 septembre 1991 par le docteur Gaudet qui écrit: «Le 9 septembre 1991, soit 4 ans et 5 mois plus tard, elle retourne à son travail et cette fois elle occupe la fonction de couturière assise à une machine devant être actionnée par son pied droit.

(...) Le 12 septembre 1991, la patiente revoit le Dr Charest qui note un oedème de la cheville gauche à ++ et suggère que la patiente ne soulève aucun poids dépassant 20 livres et elle doit éviter les stations debout dépassant 30 minutes.

Le Dr Charest prévoit de reprendre les traitements de physiothérapie.

(...) Au moment de l'examen je ne décèle aucun oedème et aucune douleur au niveau du pivot lombo-sacré ainsi qu'au niveau sacro-iliaque droit ou gauche.

(...) DISCUSSION Je comprends mal qu'on ait déclaré comme maladie professionnelle une bursite du grand trochanter alors que cette lésion survient très fréquemment chez des femmes qui occupent la fonction de ménagère à domicile.

Je comprends encore plus mal, la nécessité de 4 ans de traitements et des séances de physiothérapie pour un tel diagnostic car selon moi, ceux-ci ont pour but principal de récupérer la force musculaire et l'amplitude articulaire.

Dans les cas de bursite, on peut accepter des infiltrations de Cortisone au départ et par la suite, il suffit de réséquer la bourse du grand trochanter pour régler tous les problèmes.

Malgré au-delà de 30 ans de pratique en chirurgie orthopédique, il ne m'a jamais été donné de voir un tel traitement durant de si nombreuses années pour une lésion qui en soi, est une lésion bénigne.

Aujourd'hui, au moment où je vois cette patiente il existe une nette discordance entre les éléments subjectifs et l'élément objectif.

En effet, la douleur qu'elle décrit selon elle, part de l'articulation sacro-iliaque gauche passant au grand trochanter pour s'irradier dans la cuisse, mais au moment de l'examen, la palpation du grand trochanter et de la sacro-iliaque est indolore et il n'existe aucun oedème. Lors des mouvements d'abduction de la hanche gauche, n'apparaît aucun malaise, ce qui à mon avis, demeure incompréhensible puisque lors de ces mouvements qui devraient mettre sous tension la bourse du grand trochanter, elle deviendrait symptomatique si elle était oedémaciée.

Bien entendu, je suis complètement en désaccord avec la citation d'oedème au niveau de la cheville puisqu'aujourd'hui les deux chevilles sont à tout point de vue pratique comparables, sans aucun oedème et aucune limitation des mouvements, ce qui d'ailleurs n'expliquerait pas le diagnostic posé.

EN REPONSE AUX QUESTIONS En conclusion, compte tenu de son travail et compte tenu de mon examen, il n'existe pas de relation entre la symptomatologie évoquée et les signes objectifs trouvés.

Je trouve cette absence au travail injustifiée et cette patiente devrait être apte à reprendre son travail de couturière dans les plus brefs délais.

Je ne crois pas que l'on puisse demander à la CSST de partager les coûts, mais qu'on se doit de contester les lésions déclarées et cette patiente à mon avis, est apte à reprendre son travail sans aucune limitation fonctionnelle.

Il y a consolidation de la lésion et il n'existe aucune indication de poursuivre quelque traitement que ce soit.» Le 25 septembre 1991, le docteur Stillwell examine la travailleuse et écrit: «Lumbar Sprain-chronic a Myofasciitis L gluteus minimus. Problems aggravated by work.» La travailleuse retourne au travail le 16 octobre 1991 comme couturière et travaille deux jours par semaine, ce qui s'est révélé physiquement moins exigeant. Elle cesse de travailler le 11 décembre 1991 et est examinée par le docteur Bigaouette le 13 décembre 1991 qui écrit: «RÉCIDIVE CSST 1987 (2-4) TENDINITE TROCHANTHÉRALE gauche + adducteur HANCHE gauche, ACCENTUÉE X15J AU TRAVAIL (COUTURIÈRE) DIRIGE EN PHYSIOTHÉRAPIE N'A PAS TRAVAILLÉ x2J INAPTE AINS.» Bien que la travailleuse ne semble pas avoir rempli le formulaire «Réclamation du travailleur», la Commission refuse sa demande d'indemnisation le 6 février 1992 pour l'arrêt de travail du 11 décembre 1991.

Entre-temps, la Commission a rendu deux autres décisions. Le 11 octobre 1991, elle écrit notamment: «Suite à notre décision statuant sur votre capacité à exercer l'emploi convenable de COUTURIERE , nous avons estimé le revenu brut annuel de cet emploi à 13452.86 aux fins de déterminer l'indemnité de remplacement du revenu qui sera versée après avoir déduit le revenu net retenu de cet emploi convenable.

Le calcul effectué (voir annexe), conformément aux articles 49 et 50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, démontre que le revenu net retenu de votre emploi convenable est inférieur à l'indemnité de remplacement du revenu accordée suite à votre lésion. En conséquence, vous avez droit à une indemnité réduite de 4.75 par jour.» Le même jour, elle écrit aussi: «Suite à notre décision statuant sur votre admissibilité à la réadaptation, nous avons entrepris avec votre collaboration, des démarches auprès de votre employeur afin d'en arriver à une solution appropriée.

Afin de vous rendre capable d'exercer un emploi convenable de COUTURIERE chez votre employeur, au revenu actuellement estimé à 13452.86 $, nous avons retenu la mesure suivante: UNE SUBVENTION DE FORMATION SERA VERSEE A L'EMPLOYEUR POUR UNE DUREE DE 2 MOIS.

NOUS REMBOURSERONS 50% DU REVENU BRUT CE QUI REPRESENTE LA SOMME DE $1032.00. LA SUBVENTION DE FORMATION DEBUTE A COMPTER DE VOTRE NOUVEAU RETOUR AU TRAVAIL SOIT LE 16 OCTOBRE 1991.» Ces deux décisions, ainsi que les deux décisions refusant de reconnaître l'existence d'une rechute, récidive ou aggravation, sont contestées par la travailleuse et font l'objet du présent appel.

Depuis son arrêt de travail le 11 décembre 1991, la travailleuse n'est jamais retournée au travail. Elle explique que, à titre de couturière, elle ne pouvait se lever à toutes les 30 minutes comme le recommandait le docteur Charest dans son attestation médicale du 12 septembre 1991.

Madame Jeannine Lapointe a longtemps été contremaître dans des manufactures de vêtements et a eu l'occasion de travailler avec la travailleuse. Elle explique que le travail de couturière exige d'avoir le pied droit sur la pédale qui actionne la machine à coudre. Il faut également respecter une certaine productivité qui peut se traduire par la couture de 200 à 600 paires de pantalons par quart de travail.

Les notes évolutives rédigées le 20 août 1991 se lisent ainsi: «Ne peut forcer avec jambe gche et eviter position statique» (sic) ARGUMENTATION DES PARTIES Dès le départ, l'avocat de la travailleuse rappelle qu'il demande à la Commission d'appel de déclarer que la travailleuse a droit à la reprise du versement de l'indemnité de remplacement du revenu et de retourner le dossier à la Commission pour que celle-ci détermine un nouvel emploi convenable.

La lésion professionnelle du 1er avril 1987 n'a pas engendré d'atteinte permanente mais a laissé des limitations fonctionnelles qui ont empêché la travailleuse de reprendre son travail de presseuse. Après la décision du Bureau de révision du 31 octobre 1988 qui reconnaissait l'existence de la lésion professionnelle du 1er avril 1987, la Commission a oublié le dossier pendant près de trois ans. Toutefois, lorsqu'elle a repris l'étude de celui-ci, elle a réglé toutes les questions afférentes aux séquelles permanentes, au droit à la réadaptation et à l'identification d'un emploi convenable en moins de deux semaines. Elle a donc déterminé que l'emploi de couturière était un emploi convenable pour la travailleuse.

La travailleuse tente de reprendre le travail à titre de couturière à l'automne 1991 mais doit cesser à cause de la douleur et du fait que l'emploi convenable ne respecte pas les limitations fonctionnelles déterminées par son médecin. En conséquence, les conditions d'application de l'article 51 de la loi sont présentes d'autant plus que, le 12 septembre 1991, le docteur Charest écrit que la travailleuse «Doit éviter les stations fixes» pendant plus de 30 minutes. Cette opinion est corroborée par celle du docteur Bigaouette le 13 décembre 1991 ainsi que par celle du docteur Stillwell le 25 septembre 1991.

Puisque le médecin ayant charge de la travailleuse a donné son avis et que la travailleuse a abandonné l'emploi convenable à l'intérieur d'une période de deux ans, la Commission n'a pas le choix et doit rétablir le versement de l'indemnité de remplacement du revenu.

De plus, l'opinion du médecin qui a charge de la travailleuse ne peut être remise en question par la procédure d'arbitrage médical comme l'affirme clairement la jurisprudence sur cette question.

En outre, la Commission était elle-même au courant que la travailleuse ne pouvait occuper une position statique comme en font foi les notes évolutives rédigées le 20 août 1991.

Bien que la décision du Bureau de révision ne porte absolument pas sur l'application de l'article 51 de la loi mais porte plutôt sur les quatre autres décisions initialement contestées, l'avocat de la travailleuse explique que le Bureau de révision n'a pas relaté ses arguments à l'appui de l'application de l'article 51 de la loi et qu'il a, en conséquence, fait fausse route. Il demande donc à la Commission d'appel de se prononcer sur la vraie question en litige.

Quant au fait que, nonobstant la décision du Bureau de révision, les décisions initiales de la Commission ne portent pas sur l'application de l'article 51 de la loi mais sur la non reconnaissance de deux rechutes, récidives ou aggravations, la détermination de mesures de réadaptation et la fixation de l'indemnité réduite de remplacement du revenu, l'avocat de la travailleuse affirme qu'il s'agit d'une question de forme qui n'empêche la Commission d'appel de se saisir de cette question.

MOTIFS DE LA DÉCISION Avant même de se prononcer, le cas échéant, sur les quatre questions décidées par le Bureau de révision dans sa décision du 18 décembre 1992, la Commission doit décider si elle a compétence pour se prononcer sur l'application de l'article 51 de la loi en l'absence d'une décision initiale de la Commission sur cette question et en l'absence d'une décision du Bureau de révision sur cette question.

Ce sont les articles 358 de la loi, tel qu'il se lisait avant le 1er novembre 1992, et 359 de la loi, tel qu'il se lit depuis cette date, qui sont pertinents en l'instance.

358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision par un bureau de révision constitué en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou 233 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de l'article 256.

359. Une personne, dont la Commission, qui se croit lésée par une décision rendue par un bureau de révision à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358 peut en interjeter appel devant la Commission d'appel dans les 60 jours de sa notification.

Cependant, une personne ne peut interjeter appel d'une décision visée à l'article 176.7.4 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, ni d'une décision rendue par la division de la prévention et de l'indemnisation des lésions professionnelles du bureau de révision et portant sur une prestation dont la valeur n'excède pas 1 000 $, sauf lorsque la contestation porte sur l'existence d'une lésion professionnelle ou sur le fait qu'une personne est un travailleur ou est considérée comme un travailleur.

On ne tient pas compte, pour déterminer la valeur de l'objet en litige, des intérêts courus, s'il y a lieu, à la date de la décision du bureau de révision.

Pour contester une décision de la Commission, il faut donc se croire lésé par celle-ci. Or, les quatre décisions de la Commission ne portaient pas sur l'application de l'article 51 de la loi et il ne semble pas que la travailleuse ait effectivement demandé à la Commission de se prononcer sur l'application de cet article d'autant plus que, à l'égard de la rechute, récidive ou aggravation alléguée du 11 septembre 1991, la travailleuse a rempli le formulaire «Réclamation du travailleur», demandant ainsi à la Commission de reconnaître l'existence d'une rechute, récidive ou aggravation.

Il en est de même à l'égard de la décision du Bureau de révision.

Celui-ci confirme les quatre décisions de la Commission. Certes, l'avocat du travailleur plaide que le débat a porté en bonne partie sur l'application de l'article 51 de la loi mais que, trahissant son argumentation, le Bureau de révision n'en fait pas état. Encore là, le Bureau de révision devait décider en fonction des contestations faites par la travailleuse. Il est à remarquer que, dans ses contestations des 4 novembre 1991 et 17 février 1992, l'avocat de la travailleuse ne mentionne jamais qu'il demande l'application de l'article 51 de la loi. Au contraire, dans sa contestation du 17 février 1992, il déclare «contester la décision rendue le 6 février 1992 à l'effet de ne pas reconnaître une aggravation de ses douleurs en décembre 1991.» Il est donc douteux que la Commission d'appel ait compétence en l'instance pour se prononcer sur l'application de l'article 51 de la loi. Cependant, étant donné que, pour les raisons qui suivent, la Commission d'appel en arrive à la conclusion que les conditions nécessaires à l'application de l'article 51 de la loi ne sont pas présentes, il n'est pas nécessaire, pour résoudre le présent litige, de se prononcer précisément sur la compétence de la Commission d'appel.

a) Les critères L'article 51 de la loi se lit ainsi: 51. Le travailleur qui occupe à plein temps un emploi convenable et qui, dans les deux ans suivant la date où il a commencé à l'exercer, doit abandonner cet emploi selon l'avis du médecin qui en a charge récupère son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 et aux autres prestations prévues par la présente loi.

Le premier alinéa ne s'applique que si le médecin qui a charge du travailleur est d'avis que celui-ci n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper cet emploi convenable ou que cet emploi convenable comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur.

À la lecture de cet article, on constate que la récupération par le travailleur du droit à l'indemnité de remplacement du revenu est soumise à trois critères: - Le travailleur doit occuper à plein temps un emploi convenable; - Le travailleur doit abandonner cet emploi, selon l'avis de son médecin, dans les deux ans suivant la date où il a commencé à l'exercer; - Le médecin du travailleur est d'avis que celui-ci n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper cet emploi convenable ou qu'il comporte un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique.

b) La procédure d'évaluation médicale L'avocat du travailleur a raison d'affirmer que la procédure d'évaluation médicale prévue à l'article 212 de la loi ne s'applique pas dans le cadre de l'article 51 de la loi: 212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants: 1 le diagnostic; 2 la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion; 3 la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits; 4 l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur; 5 l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester, pour que celle-ci le soumette au Bureau d'évaluation médicale prévu par l'article 216.

En effet, les cinq sujets mentionnés à l'article 212 de la loi sont de nature médicale alors que l'opinion du médecin ayant charge du travailleur donnée en vertu de l'article 51 porte sur la capacité d'exercer l'emploi convenable.1 Quant à savoir si, en dépit de la non application de la procédure d'évaluation médicale, l'opinion du médecin ayant charge du travailleur lie la Commission, la jurisprudence ne semble pas unanime. Bien que la Commission d'appel ait conclu, dans Gauthier, que cet avis liait la Commission, d'autres décisions retiennent la thèse opposée.2 c) Le rapport du médecin doit-il être antérieur à l'abandon? Sur cette question, la jurisprudence de la Commission d'appel est - ou semble être - unanime.

En effet, elle affirme que l'avis du médecin qui conclut que le travailleur n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper cet emploi ou que celui-ci comporte un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique doit être antérieur à l'abandon.3 En l'instance, la travailleuse abandonne pour la première fois son emploi de couturière le 11 septembre 1991. Le rapport du docteur Desautels sur lequel la travailleuse s'appuie est daté du lendemain. De ce fait, il ne peut être utilisé pour l'arrêt de travail du 11 septembre 1991 mais pourrait l'être pour celui du 16 octobre 1991.

d) Les limitations fonctionnelles Mais la principale raison réside dans la description des limitations fonctionnelles faites par le médecin de la travailleuse, le docteur Godin, le 28 février 1989.

En résumé, la travailleuse ne doit pas: - forcer avec son membre inférieur gauche; - rester en position debout statique sur son membre inférieur gauche.

S'il est vrai que le travail de presseuse exigeait l'utilisation de son membre inférieur gauche, c'est le contraire dans le cas du travail de couturière puisque la travailleuse se sert d'abord et avant tout de son membre inférieur droit pour appuyer sur la pédale qui met en marche la machine à coudre. Ce point est d'ailleurs confirmé par madame Lapointe qui a longtemps été contremaître et qui a travaillé avec la travailleuse pendant quelques années.

De plus, le travail de couturière n'exige pas qu'elle reste en position debout statique. Au contraire, elle travaille assise et a précisé à l'audience qu'il n'était pas question qu'elle puisse se lever debout à toutes les demi-heures.

Cependant, l'avocat de la travailleuse semble faire peu de cas des limitations fonctionnelles décrites par le docteur Godin et 1 Louis Gauthier et Cie Contreplaqué Canada Québec Inc.

et Commission de la santé et de la sécurité du travail, 1988 CALP 986 ; Jean-Robert Perpignan et Paris Star Knitting Mills Inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail, Jurisélection J4-10-09 2 Jean-Robert Perpignan et Paris Star Knitting Mills Inc.

et Commission de la santé et de la sécurité du travail, Jurisélection J4-10-09; Michel Millette et Woodbridge Inoac Inc., dossier CALP n 40445-64-9206, le 22 février 1994, Me Michel Denis, commissaire; Claude Poirier et Nazdar Québec Ltée, Jurisélection J5-16-09 3 Commission de la santé et de la sécurité du travail et Denise Mondoux et Orite Inc., 1993 CALP 165 ; Michel Millette et Woodbridge Inoac Inc., dossier CALP n 40445-64-9206, le 22 février 1994, Me Michel Denis, commissaire; Jean-Yves Denis et Sears Canada Inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail, dossier CALP n 40730-03-9206, le 12 avril 1994, Me Claude Bérubé, commissaire affirme plutôt que l'opinion du docteur Charest émise le 12 septembre 1991 donne ouverture à l'application de l'article 51 de la loi puisqu'elle conclut que la travailleuse n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper cet emploi convenable ou que celui-ci comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique de la travailleuse.

Rappelons que, le 12 septembre 1991, le docteur Charest écrit: «A tenté retour au travail a dû quitter après 2 1/2 jr, oedème de la cheville g ++. Doit éviter de manipuler des poids > 20 livres / Doit éviter les stations fixes > 30 min. Doit éviter marches prolongées.» (sic) Dans le cadre de l'application de l'article 51 de la loi, cette opinion est irrecevable pour deux raisons.

Tout d'abord, le médecin doit, en vertu du 2e alinéa de l'article 51, donner son avis sur la capacité du travailleur ou sur l'existence d'un danger. Or, ce n'est pas ce que le docteur Charest fait le 12 septembre 1991. Il affirme, en premier lieu, que la travailleuse a tenté de retourner au travail et qu'elle a dû quitter après deux jours et demi d'ouvrage. Ce n'est certes pas là un avis mais plutôt une description de ce qui s'est passé vers cette date.

Deuxièmement, cet avis n'est pas une occasion de remettre en question les limitations fonctionnelles déjà décrites par le docteur Godin, d'en ajouter ou de les modifier. Or, c'est ce que le docteur Charest fait le 12 septembre 1991. Il en ajoute deux et en modifie une.

Pour donner son avis sur cette question, il devait accepter telles quelles les limitations fonctionnelles déjà reconnues à la travailleuse et, à partir de la description des mouvements requis pour effectuer l'emploi convenable, décider si ceux-ci contrevenaient à celles-là.

Compte tenu des exigences de l'article 51 de la loi, l'opinion du docteur Charest, pas plus que celle des docteurs Stillwell et Bigaouette, n'appuie les prétentions de la travailleuse.

e) Conclusion En définitive, même si la Commission d'appel, à cause des doutes qu'elle entretien quant à sa compétence, n'est pas forcée de se prononcer précisément sur cette question, elle est d'avis que les conditions énoncées à l'article 51 de la loi ne sont pas présentes en l'instance pour les raisons mentionnées ci-dessus.

D'autre part, personne n'a prétendu que les quatre conclusions auxquelles en était arrivé le Bureau de révision sont mal fondées. Il y a donc lieu de les maintenir.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES: REJETTE l'appel de la travailleuse, madame Thérèse Lacharité; MAINTIENT la décision du Bureau de révision - Longueuil du 18 décembre 1992; DÉCLARE que la travailleuse n'a pas subi de rechute, récidive ou aggravation le 11 septembre 1991; DÉCLARE que la travailleuse n'a pas subi de rechute, récidive ou aggravation le 11 décembre 1991; DÉCLARE que les mesures de réadaptation adoptées par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 11 octobre 1991 sont bien fondées; DÉCLARE que la travailleuse a droit à une indemnité réduite de remplacement du revenu de 4,75 $ par jour; DÉCLARE, subsidiairement, que les conditions nécessaires pour l'application de l'article 51 de la loi ne sont pas présentes.

Me Yves Tardif, commissaire Centre communautaire juridique de la Rive-Sud (Me Yvan Niquette) 192, rue St-Jean Bureau 100 Longueuil (Québec) J4H 2X5 Représentant de la partie appelante Dossier(s) no(s): 48869-62-9302 PROCÈS-VERBAL (suite) TÉMOIN(S) PRODUIT(S) PAR LA PARTIE APPELANTE: Thérèse Lacharité Assermentée 945, rue Guilbault App.4 Longueuil (Québec) 56 ans Presseuse Jeannine Lapointe Assermentée 945, rue Guilbault App. 2 Longueuil (Québec) 65 ans Contremaître PIÈCE(S) PRODUITE(S) PAR LA PARTIE APPELANTE: T-1: Documents médicaux Montréal, le 17 mai 1995 Me Yves Tardif, commissaire

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