Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Beaumont) c. Delisle |
2013 QCTDP 33 |
JP1249 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
Montréal |
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N° : |
500-53-000363-125 |
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DATE : |
27 septembre 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
Michèle Pauzé |
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AVEC L'ASSISTANCE DES ASSESSEURS : |
Me Luc Huppé Me Jean Yoon |
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Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, agissant en faveur de FRANCINE BEAUMONT |
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Partie demanderesse |
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c. |
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Robert Delisle |
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Partie défenderesse/demanderesse en garantie |
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SOCIÉTÉ DES ALCOOLS DU QUÉBEC |
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Partie intéressée/défenderesse en garantie |
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et |
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FRANCINE BEAUMONT |
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Partie victime
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JUGEMENT SUR REQUÊTE EN RÉTRACTATION |
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[1] Le Tribunal des droits de la personne (ci-après cité le « Tribunal ») est saisi d'une requête pour que soit rétracté le jugement rendu le 28 juin 2013 par le juge Jean-Paul Braun, avec l'assistance des assesseures madame Judy Gold et Me Claudine Ouellet.
[2] Le 29 mars 2012, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (ci-après citée la « Commission »), agissant au nom de madame Francine Beaumont, dépose une demande introductive d'instance devant le Tribunal, alléguant que monsieur Delisle a exercé de la discrimination fondée sur la condition sociale à l'endroit de madame Beaumont. Le 28 juin 2013, le Tribunal conclut que madame Beaumont a effectivement été victime de discrimination et condamne monsieur Delisle à des dommages moraux de 7 500 $ et à des dommages punitifs de 500 $[1].
[3] Le 14 juin 2013, donnant suite à une plainte déposée par monsieur Delisle à l'encontre de la Société des alcools du Québec (ci-après citée la « SAQ »), la Commission d'accès à l'information (ci-après citée la « Commission d'accès ») rend une décision concluant au bien-fondé de la plainte. Cette décision constitue le principal argument au soutien de la présente requête.
I. Les faits à l'origine de la requête
[4] À l'été 2010, monsieur Delisle écrit un courriel à la SAQ. Dans son message, monsieur Delisle fait état de son mécontentement après avoir constaté la présence d'une mendiante, madame Francine Beaumont, à l'entrée de l'une des succursales de la société d'État. La lettre est colorée de propos dégradants à l'endroit de madame Beaumont et propose cinq solutions radicales pour faire disparaître les mendiants de Montréal.
[5] Après la réception de ce courriel, la SAQ, craignant pour la sécurité de madame Beaumont, alerte les autorités policières, se prévalant de la discrétion que lui accorde l'article 59.1 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels[2] (ci-après citée la « Loi sur l'accès »). Cet article se lit comme suit :
59.1. Outre les cas prévus à l'article 59, un organisme public peut également communiquer un renseignement personnel, sans le consentement des personnes concernées, en vue de prévenir un acte de violence, dont un suicide, lorsqu'il existe un motif raisonnable de croire qu'un danger imminent de mort ou de blessures graves menace une personne ou un groupe de personnes identifiable.
Les renseignements peuvent alors être communiqués à la ou aux personnes exposées à ce danger, à leur représentant ou à toute personne susceptible de leur porter secours.
La personne ayant la plus haute autorité au sein de l'organisme public doit, par directive, établir les conditions et les modalités suivant lesquelles les renseignements peuvent être communiqués par le personnel de l'organisme. Le personnel est tenu de se conformer à cette directive.
[6] Les autorités policières répondent à la SAQ que seule la victime peut porter plainte, raison pour laquelle, après consultation de ses services juridiques, la SAQ décide de transmettre à madame Beaumont l'intégralité du message envoyé par monsieur Delisle. Après avoir pris connaissance du message transmis par la SAQ, madame Beaumont décide de porter plainte à la police. Rejetant la plainte de madame Beaumont, les autorités policières l'invitent toutefois à communiquer avec la Commission, ce qu'elle fait. Peu de temps après, madame Beaumont dépose une plainte de discrimination à la Commission.
[7] Le 11 février 2011, après le dépôt de la demande devant le présent Tribunal, monsieur Delisle dépose cette fois une plainte à la Commission d'accès, soutenant que la SAQ a mal appliqué l'article 59.1 de la Loi sur l'accès et qu'elle n'aurait jamais dû transmettre le courriel litigieux à madame Beaumont. Dans une décision rendue le 14 juin 2013, la Commission d'accès donne raison à monsieur Delisle et déclare sa plainte fondée. En effet, à la lumière de la preuve et « [e]n tenant compte du message dans son entier »[3], la Commission d'accès détermine que « [l]es propos tenus, bien que violents ou troublants, ne constituent pas des menaces graves, claires et sérieuses de causer des blessures ou la mort d'une personne »[4].
[8] Quelques jours plus tard, dans un jugement rendu le 28 juin 2013, le Tribunal accueille le recours de madame Beaumont et condamne monsieur Delisle au paiement de dommages-intérêts. Contrairement à la Commission d'accès, le Tribunal est d'avis que les propos contenus dans le courriel de monsieur Delisle justifiaient l'intervention de la SAQ et la divulgation de renseignements confidentiels pour protéger madame Beaumont. Au sujet de l'application de l'article 59.1 de la Loi sur l'accès, le Tribunal s'exprime comme suit :
La décision prise par la SAQ est, aux yeux du Tribunal, une décision fondée, car la SAQ avait des motifs raisonnables de croire qu'un danger imminent de mort ou de blessures graves menaçait madame Beaumont quand elle mendiait. Le Tribunal conclut également qu'une personne raisonnable, face à ce courriel, aurait tiré la même conclusion. De plus, la mesure prise par la SAQ est une mesure modérée puisque le courriel n'a été transmis à la personne visée qu'après que la police ait refusé de recevoir la plainte parce qu'il fallait qu'elle soit faite par madame Beaumont elle-même.
[…]
Les propos dans le courriel sont inquiétants. Il est raisonnable de penser qu'ils pouvaient émaner d'une personne dont l'équilibre émotif était troublé et qu'ils devaient être pris très au sérieux. Ce n'est pas parce qu'il portait un nom qu'il aurait dû permettre à la SAQ de considérer ce courriel comme une blague. Le courriel fait référence à des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre pour se débarrasser d'un certain groupe de personnes. La SAQ pouvait conclure qu'il y avait des motifs raisonnables de croire que madame Beaumont était incluse dans un de ces groupes et qu'un danger imminent de mort ou de blessures la menaçait.
Le Tribunal, sans hésitation, arrive à la conclusion que la SAQ a agi en bon père de famille et selon les prescriptions de l'article 59.1 de la Loi sur l'accès, en informant madame Beaumont des menaces qui la visaient.[5]
[9] Monsieur Delisle a pris connaissance de la décision de la Commission d'accès le 5 juillet 2013, soit une journée après que le jugement du Tribunal lui eût été signifié. Fort de cette décision de la Commission d'accès, monsieur Delisle dépose, le 18 juillet 2013, une requête en rétractation de jugement alléguant que la décision de la Commission d'accès constitue un fait nouveau qui aurait pu justifier une décision différente du Tribunal si elle avait été connue en temps utile.
II. Les prétentions des parties
1. Les prétentions du requérant-défendeur
[10] La requête de monsieur Delisle est fondée sur les dispositions des articles 483 et suivants du Code de procédure civile[6] (ci-après cité le « C.p.c. »). Cependant, lors de la présentation de la requête devant le Tribunal, le procureur de monsieur Delisle convient que les prétentions du requérant-défendeur sur cette question s'appuient plutôt sur l'article 128 de la Charte des droits et libertés de la personne[7] (ci-après citée la « Charte »).
[11] Le principal argument au soutien de la présente requête en rétractation repose sur le fait que « [d]epuis le jugement [du 28 juin 2013], il a été découvert une preuve, soit la décision de la Commission d'accès à l'information du Québec et si elle avait été connue, le jugement du Tribunal des droits de la personne aurait probablement été différent »[8]. Ce moyen principal de rétractation rejoint l'article 128(1) de la Charte.
[12] Le procureur de monsieur Delisle souligne également que la Commission d'accès est le forum le mieux placé, vu son expertise en la matière, pour interpréter les dispositions de la Loi sur l'accès.
[13] Comme argument subsidiaire, le requérant-défendeur allègue que, dans le jugement du 28 juin 2013, le Tribunal a omis de se prononcer sur sa réclamation de 15 000 $ à la Commission, fondée sur l’article 54.1 C.p.c.
2. Les prétentions de la Commission et de la SAQ
[14] La Commission et la SAQ soutiennent pour leur part que la décision de la Commission d'accès ne constitue nullement un fait nouveau au sens de l'article 128(1), cette disposition nécessitant la découverte d'un élément de preuve additionnel. Or, même si c'était le cas, elle ne pourrait justifier une décision différente du Tribunal puisque celui-ci n'est pas lié par les décisions de la Commission d'accès, le degré d'appréciation de la preuve et le contexte dans lesquels les deux décisions ont été rendues étant complètement différents.
IV. L'analyse
[15] La rétractation est un mécanisme d'exception. Puisqu'elle constitue une dérogation au principe général de l'irrévocabilité des jugements, les dispositions qui encadrent son exercice doivent recevoir une interprétation restrictive. Les cas d'ouverture de la rétractation doivent donc se voir conférer un sens qui s'harmonise avec cette réalité. Comme le Tribunal l'a rappelé dans un jugement récent, la rétractation « ne doit pas être vue comme une deuxième chance »[9]. Il ne s'agit pas d'un appel et tous les arguments de fait et de droit ne justifient pas son ouverture.
[16] Seules quelques situations bien précises sauront justifier une rétractation de jugement. Ces situations, que l'on retrouve au nombre de trois, figurent à l'article 128 de la Charte, aux termes duquel :
128. Le Tribunal peut, d'office ou sur demande d'un intéressé, réviser ou rétracter toute décision qu'il a rendue tant qu'elle n'a pas été exécutée ni portée en appel:
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'un intéressé n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Toutefois, dans le cas du paragraphe 3°, un juge du Tribunal ne peut réviser ni rétracter une décision rendue sur une demande qu'il a entendue.
[17] L'article 113 de la Charte stipule que « [l]e Tribunal peut, en s'inspirant du Code de procédure civile (chapitre C-25), rendre les décisions et ordonnances de procédure et de pratique nécessaires à l'exercice de ses fonctions, à défaut d'une règle de procédure ou de pratique applicable ». Par conséquent, comme l'article 128 de la Charte constitue justement une « règle de procédure ou de pratique applicable », c'est cet article que le Tribunal appliquera, et non les articles 482 et suivants C.p.c.
1. La décision de la Commission d'accès peut-elle être considérée comme un fait nouveau au sens de l'article 128(1) de la Charte?
[18] Dans l'affaire F.R. c. Tribunal administratif du Québec, Section des affaires sociales, la Cour supérieure confirme les critères retenus par le Tribunal administratif du Québec pour qualifier un fait de nouveau : (1) la découverte d'un fait postérieurement à l'audition; (2) l'indisponibilité de cet élément de preuve lors de l'audition; et (3) le caractère déterminant de ce nouvel élément de preuve sur l’issu du procès[10]. Dans cette affaire, la Cour analyse les conditions d’ouverture du recours en révision devant le Tribunal administratif du Québec, prévu à l'article 154 de la Loi sur la justice administrative[11] (ci-après citée la « LJA »). Or, vu les similitudes entre cet article et l'article 128 de la Charte, le Tribunal considère que les principes dégagés par la jurisprudence relativement à la notion de « fait nouveau » sous l'article 154 LJA sont transposables à l'article 128 de la Charte.
[19] Un fait nouveau est un fait qui a été découvert postérieurement à l'audition. Il doit impérativement s'agir d'un élément de preuve, la requête en rétractation n'étant pas le véhicule procédural approprié pour faire valoir une nouvelle interprétation jurisprudentielle ou autres arguments de droit[12].
[20] Souvent, c'est à l'étape de la démonstration du caractère déterminant de la nouvelle preuve que le requérant se butera. À ce stade, il ne suffit pas d'apporter une preuve supplémentaire qui ne fait que renforcer sa preuve ou affaiblir celle de l'autre partie[13]. Le requérant doit convaincre le Tribunal que le nouvel élément de preuve est d'une importance telle qu'il pourrait justifier une décision différente.
[21] Au soutien de sa requête en rétractation, le requérant-défendeur invoque les conclusions de droit de la décision de la Commission d'accès, à savoir la contravention à l'article 59.1 de la Loi sur l'accès. En réalité, ce que le requérant-défendeur demande, c'est que le Tribunal reconsidère la décision qu'il a déjà rendue à la lumière de la décision récente d'un organisme administratif entre les mêmes parties et portant sur la même question.
[22] Le Tribunal considère qu'en l'espèce la décision de la Commission d'accès n'est pas un fait nouveau.
[23] Premièrement, lors du procès, le juge Braun était au courant que monsieur Delisle avait déposé une plainte à la Commission d’accès :
Il dit qu'il a rapidement imprimé les règles régissant les courriels adressés à la SAQ (Pièce D-3), de peur que cette dernière ne change sa politique en matière de confidentialité. Il s'est plaint à la Commission d'accès à l'information mais attend toujours une réponse.[14]
[24] En décidant de se prononcer sur l'application de l'article 59.1 de la Loi sur l'accès, le juge Braun était nécessairement d'avis qu'il avait toute latitude pour rendre une décision en dépit de la plainte pendante de monsieur Delisle devant la Commission d'accès. Comme le Tribunal et les parties savaient que la section de surveillance de la Commission d'accès allait se prononcer sur la plainte de monsieur Delisle, on peut difficilement argumenter que sa décision constitue un fait véritablement nouveau.
[25] En l'espèce, la décision de la Commission d'accès ne lie pas le Tribunal. La Commission d'accès est un organisme public institué par la Loi sur l'accès[15]. Elle comporte deux branches : la section de surveillance et la section juridictionnelle[16]. Dans le cas sous étude, c'est la section de surveillance qui s'est prononcée sur la plainte de monsieur Delisle.
[26] Le Tribunal convient que la section de surveillance de la Commission d'accès se prononce dans des matières de nature contentieuse. Cependant, bien qu'il soit louable aux parties de présenter leurs observations[17], les décisions de la section de surveillance sont issues d'une enquête secrète[18] se déroulant selon un mode non-contradictoire[19], ce qui tranche avec les règles de preuve et de procédure du Tribunal, lesquelles sont fondées sur le principe du débat public et contradictoire. Le Tribunal voit mal comment une décision fondée sur des règles de preuve complètement différentes des siennes pourrait le lier sur son appréciation du contexte factuel de l'affaire.
[27] Troisièmement, dans sa décision, la Commission d'accès émet, aux paragraphes 37 à 41, les conclusions suivantes quant à la plainte de monsieur Delisle :
DÉCLARE la plainte fondée;
DÉCLARE que la SAQ n'était pas justifiée en vertu de l'article 59.1 de la Loi sur l'accès de transmettre le message du plaignant à la personne impliquée sans son consentement;
RECOMMANDE à la SAQ de préciser, dans sa Directive relative aux modalités de communication de renseignements personnels en vue de prévenir un acte de violence, les conditions et modalités suivant lesquelles les renseignements peuvent être communiqués par son personnel;
RECOMMANDE à la SAQ de diffuser auprès de ses employés et de ses cadres, dès leur embauche, sa Directive relative aux modalités de communication de renseignements personnels en vue de prévenir un acte de violence;
RECOMMANDE à la SAQ de prendre les mesures nécessaires pour informer et former ses employés et ses cadres, surtout ceux en contact direct avec la clientèle, quant à la façon de faire face aux situations visées par l'article 59.1 de la Loi sur l'accès.
[28] En l'espèce, le Tribunal note que la Commission d'accès n'a émis que des recommandations. Certes les conclusions de la section de surveillance sont à l'opposée de celles du Tribunal en ce qui a trait à l'interprétation et à l'application de l'article 59.1 de la Loi sur l'accès, cependant, la Commission d'accès ne dispose d'aucun moyen contraignant pour en assurer le respect. En effet, l'article 133 de la Loi sur l'accès énonce que :
133. Si, dans un délai raisonnable après avoir fait une recommandation à un organisme public ou après avoir rendu une ordonnance, la Commission juge que les mesures appropriées n'ont pas été prises pour y donner suite, elle peut en aviser le gouvernement ou, si elle le juge à propos, soumettre un rapport spécial à l'Assemblée nationale, ou exposer la situation dans son rapport annuel.
[29] Ainsi, comme l'a fait valoir le procureur de la SAQ, la décision de la Commission d'accès ne comporte aucune conclusion exécutoire, de sorte que les risques d'incompatibilité fonctionnelle avec le jugement du Tribunal sont inexistants.
[30] Pour ces raisons, les prétentions de monsieur Delisle fondées sur l'article 128(1) de la Charte ne peuvent être retenues.
2. L'omission du Tribunal de se prononcer sur la réclamation de 15 000 $ de monsieur Delisle adressée à la Commission
[31] Comme argument subsidiaire au soutien de sa requête en rétractation, le requérant-défendeur fait valoir que, dans son jugement du 28 juin 2013, le Tribunal ne s'est pas prononcé sur la réclamation d'un montant de 15 000 $ qu'il a adressée à la Commission. Cette demande, fondée sur l'article 54.1 C.p.c., a été faite oralement lors du procès. Monsieur Delisle soutien que la Commission a agi de mauvaise foi dans le dossier et qu'elle a déposé contre lui un recours abusif.
[32] Ce motif de rétractation repose sur l'article 483(2) C.p.c., à savoir l'omission de se prononcer sur un chef de la demande. Considérant la préséance de la Charte sur les dispositions du Code de procédure civile dont nous avons discuté précédemment, le Tribunal est d'opinion qu'il faut plutôt rattacher ce motif de rétractation au troisième cas d'ouverture prévu à l'article 128 de la Charte, soit un vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision.
[33] Dans la décision du Tribunal du 28 juin 2013, il est fait mention de cette demande au paragraphe 10 du jugement. Le Tribunal écrit :
Le défendeur a également déposé, sous la cote D-33, une mise en demeure adressée à la Commission réclamant une somme de 15 000 $, alléguant les dispositions de l'article 54.1 du C.p.c. et il a déposé, sous les cotes D-34 et D-35, un relevé des heures approximatives qu'il a consacrées à la préparation de sa défense et le compte d'honoraires professionnels de son avocat.
[34] Quelques paragraphes plus loin, le Tribunal rapporte les arguments invoqués par monsieur Delisle au soutien de cette demande :
Le défendeur se plaint également que la Commission a bâclé l'enquête et la médiation et qu'elle aurait dû fermer le dossier au lieu de le traiter en criminel. Depuis qu'elle l'a informé qu'il pouvait être condamné à 100 000 $ d'amende, il n'a plus de vie. Il pense tout le temps à cette poursuite car il est un jeune retraité ne disposant que de revenus de retraite de 32 000 $ par année non indexés.
Il déclare de plus qu'il a été très affecté par le fait que c'est un huissier qui lui a fait parvenir les procédures. Il prétend que c'est du harcèlement de la part de la Commission et réclame un dédommagement.[20]
[35] Il est vrai que le Tribunal ne s'est pas explicitement prononcé sur la demande de monsieur Delisle. Toutefois, il est clair qu'en accueillant la demande de la Commission, le Tribunal confirmait implicitement que le recours intenté par la Commission n'était justement pas frivole, vexatoire ou autrement abusif.
[36] Pour ces raisons, le Tribunal est d'avis de rejeter la requête en rétractation.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[37] REJETTE la requête en rétractation;
[38] LE TOUT, avec dépens.
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__________________________________ Michèle Pauzé, Présidente au Tribunal des droits de la personne |
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Me Maurice Drapeau |
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BOIES DRAPEAU BOURDEAU 360, rue St-Jacques, 2e étage Montréal (Québec) H2Y 1P5 |
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Pour la partie demanderesse |
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Me Nicolas Angers |
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JOLICOEUR PROULX DURAND 905, av. De Lorimier Montréal (Québec) H2K 3V9 |
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Pour la partie intéressée - défenderesse en garantie |
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Me Robert Desmarais |
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DESMARAIS & HARGREAVES 410 est, boul. Henri-Bourassa, suite 201 Montréal (Québec) H3L 1C4 |
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Pour la partie défenderesse/demanderesse en garantie
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Date d’audience : |
29 août 2013 |
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[1] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Delisle, 2013 QCTDP 17.
[2] L.R.Q., c A-2.1.
[3] Delisle c. Société des alcools du Québec, C.A.I., n° 11 02 46, 14 juin 2013, commissaire Me Christiane Constant, par. 26.
[4] Id., par. 24.
[5] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Delisle, préc., note 1, par. 44, 46 et 47.
[6] L.R.Q., c. C-25.
[7] L.R.Q., c. C-12.
[8] Requête en rétractation, par. 8.
[9] Painchaud c. Québec (Procureur général), 2013 QCTDP 25, par. 20
[10] F.R. c. Tribunal administratif du Québec, Section des affaires sociales, 2011 QCCS 5305, par. 31 et 32. (requête pour permission d'appeler rejetée, C.A., 21 novembre 2011, 200-09-007554-113).
[11] L.R.Q., c. J-3; voir aussi André LAPORTE, « Le recours en révision ou en révocation des décisions du T.A.Q. », S.F.C.B.Q., vol. 218, Développements récents en matière d’accidents d’automobile 2004, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2004, p. 3.
[12] Jean-Pierre VILLAGGI, « Les moyens de se pourvoir à l’encontre de mesures administratives », dans Collection de droit 2012-2013, École du Barreau du Québec, vol. 7, Droit public et administratif, Montréal, Éditions Yvon Blais, 2013, p. 141, à la page 158.
[13] D.C. c. Québec (Société de l'assurance automobile), 2012 QCTAQ 03146, par. 26.
[14] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Delisle, préc., note 1, par. 22.
[15] Loi sur l'accès, art. 103, al. 1.
[16] Id., art. 103, al. 2.
[17] Id., art. 129, al. 3.
[18] Id., art. 127, al. 2.
[19] Id., art. 129, al. 2.
[20] Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Delisle, préc., note1, par. 24 et 25.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.