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JT 0971 |
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(Chambre commerciale) |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-11-022395-046 |
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DATE : |
LE 22 AVRIL 2005 |
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PAR : |
L’HONORABLE |
DANIEL H. TINGLEY, J.C.S. |
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YVES DUCHESNE JOSÉE DUCHESNE |
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Demandeurs/intimés |
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c. |
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FRANÇOISE DUCHESNE MADELEINE DUCHESNE |
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Défenderesses/requérantes |
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-et- |
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FONDATION DUCHESNE et al Défendeurs |
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-et- LES ENTREPRISES DUCHESNE LTÉE et al Mises en cause |
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JUGEMENT (sur une requête amendée en déclaration d'inhabilité en vertu des articles 3.06.06 et 3.06.07 du Code de déontologie des avocats[1]) |
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[1] Les requérantes, Françoise et Madeleine Duchesne, demandent au Tribunal de déclarer l'étude Paquette Gadler inhabile à représenter les intimés, Yves et Josée Duchesne, dans l'instance où ces derniers ont introduit un recours en oppression et une action dérivée à l'encontre des défendeurs «pour faire cesser l'abus de droit dont ils font l'objet et pour exiger réparation quant aux dommages substantiels qu'ils ont subis».
[2] Les motifs pour telle déclaration se trouvent aux paragraphes 3, 6, 7, 8, 41a et 41b de la requête amendée:
3. Cette étude (Paquette Gadler) compte présentement 7 avocats, dont Me Chantal Perreault.
[...]
6. Me Chantal Perreault a elle-même rendu des services professionnels à des compagnies du groupe Duchesne, [lorsqu'elle] était membre de la même étude que Me Claude Leblanc et Me André Dugas [...]
7. À titre d'avocate et de membre de l'étude Leduc Leblanc, à l'époque où ce cabinet rendait des services professionnels aux compagnies du groupe Duchesne ainsi qu'à leurs dirigeants et administrateurs, Me Chantal Perreault est présumée avoir eu accès aux informations confidentielles et privilégiées des compagnies du groupe Duchesne, dont notamment les informations transmises à Me Claude Leblanc par les Défenderesses Madeleine Duchesne (la mère des demandeurs) et Françoise Duchesne (la sœur des demandeurs) dans le cadre de consultations juridiques.
8. De plus, à titre de membre de la même étude que Me Claude Leblanc et de Me André Dugas à l'époque où l'étude Leduc Leblanc représentait les compagnies du groupe Duchesne, ses dirigeants et administrateurs, Me Chantal Perreault est présumée avoir [eu] connaissance de toutes les informations confidentielles et privilégiées auxquelles Me Leblanc et de Me Dugas ont eu accès.
[…]
41a. Qui plus est, les Défenderesses ont maintenant raison de croire que des représentants de l'étude Paquette Gadler ont communiqué avec ou obtenu de Me Claude Leblanc, directement ou indirectement, de l'information pour les assister dans le cadre du présent litige.[2]
41b. En aucun temps est-ce que les Défenderesses ou leurs procureurs [n']ont consenti à ce que les représentants de l'étude Paquette Gadler communiquent avec Me Leblanc.[3]
[3] Les membres de l'étude Paquette Gadler, incluant Me Perreault, nient avoir reçu des «informations confidentielles ou privilégiées auxquelles Me Leblanc et Me Dugas ont eu accès», ajoutant dans leur Contestation du 10 juin 2004 que:
5. Le paragraphe 6 de la requête en inhabilité ne fait état que du fait qu'il y ait une charge sous le numéro d'avocat de Me Chantal Perreault alors qu'elle pratiquait au sein de l'étude Leduc Leblanc en date du 13 septembre 1993 avec mention «étude de la déclaration re: précisions à demander» pour une durée de 0.5 heure et une autre charge du 10 octobre 1995 dans un dossier de Tuyaux Duchesne pour également une durée de 0.5 heures et étant décrit comme «discussion entre Me Chantal Perreault et Me Claude Leblanc», discussion dont elle n'a aucun souvenir mais qui a été inscrite dans le dossier de Tuyaux Duchesne qui n'est pas une compagnie visée par les présentes procédures;
6. Elle ignore totalement l'identité des clients et la nature des services rendus par Me Claude Leblanc ou tout autre avocat de la firme Leduc Leblanc à l'une ou l'autre des compagnies du Groupe Duchesne et/ou à leurs dirigeants et administrateurs tel que mentionné au paragraphe 7 de la requête, n'ayant eu communication ou accès à aucune information confidentielle ou privilégiée qui aurait été transmise à Me Claude Leblanc non plus qu'à aucune autre information de quelque nature que ce soit concernant le Groupe Duchesne ou n'importe lequel de ses membres;
7. Me Chantal Perreault n'a jamais travaillé dans le ou les dossiers de Me Claude Leblanc qui auraient trait à la planification successorale effectuée pour le compte de Feu Marcel Duchesne puisque Me Chantal Perreault n'a jamais été impliquée dans aucun des dossiers dans lesquels Me Leblanc ou Me Dugas ont pu travailler ni eu de discussion avec ces derniers à ce sujet ni pris connaissance de documents provenant de ce ou ces dossiers hormis probablement le document public de la déclaration dans le dossier mentionné par les défendeurs/requérants pour lequel elle aurait donné des indications de précisions à demander en 1993 pour une durée de 0.5 heure et dont elle n'avait aucun souvenir avant l'institution de la requête en inhabilité contre elle et dont elle n'a toujours aucun souvenir à la date des présentes;
[4] Yves et Josée Duchesne, deux des huit enfants du fondateur du Groupe Duchesne et de son épouse, Madeleine Duchesne, allèguent qu'ils sont aujourd'hui conjointement les véritables propriétaires majoritaires à presque 67% de l'ensemble des compagnies du Groupe Duchesne, ajoutant que :
9. Depuis presque dix (10) ans maintenant, soit à compter de la date du décès du père des demandeurs M. Marcel Duchesne le 26 septembre 1994 jusqu'à la date des présentes, l'histoire de la famille Duchesne n'a été que chicanes, litiges, intrigues, menaces et chantages et il est aujourd'hui plus que temps que cette situation invivable et préjudiciable à tous cesse une fois pour toute ;
10. C'est pour cette raison que les demandeurs Yves et Josée Duchesne, en leur qualité aujourd'hui de véritables propriétaires majoritaires de l'ensemble des Compagnies du Groupe Duchesne, demandent à la Cour d'intervenir pour mettre fin une fois pour toute au cancer qui affecte leur famille et ainsi tenter de sauver les entreprises que leur père a créées et les 250 employés actuels qui en dépendent ;
[5] Ces allégations sont appuyées dans les affidavits très détaillés - de plus de 350 paragraphes - des deux demandeurs/intimés.
[6] Parmi une litanie d'ordonnances (32) au stade provisoire, interlocutoire et final, Yves et Josée Duchesne demandent (a) l'annulation de l'émission, le 1er juillet 2003, des actions votantes de Les Entreprises Duchesne Ltée à leur mère, Madeleine Duchesne et à sa société personnelle, (b) la liquidation de Fondation Duchesne qui détient le solde des actions votantes de Les Entreprises Duchesne Ltée, (c) des dommages matériels, moraux, exemplaires et punitifs solidairement de certains défendeurs et (d) l'autorisation d'intenter une action dérivée pour le compte du Groupe Duchesne à l'encontre des défendeurs, tel que mentionné au paragraphe [1] ci-dessus.
[7] Les motifs justifiant la déclaration d'inhabilité, reproduits au paragraphe [2] ci-dessus ont été exposés et analysés au cours des 6 jours d'audition entre le 29 juin 2004 et le 4 février 2005.
[8] Avant d'entrer à l'étude Paquette Gadler, Me Chantale Perreault exerçait sa profession au sein de l'étude Leduc Leblanc, maintenant dissoute, qui incluait, en 1993, Me Claude Leblanc et Me André Dugas.
[9] Me Dugas a agi pour la principale compagnie exploitée par le Groupe Duchesne, soit Duchesne et Fils Ltée. Me Leblanc a été le conseiller juridique du Groupe Duchesne, de ses dirigeants et administrateurs et de feu Marcel Duchesne ainsi que de certains membres de sa famille, notamment les demandeurs/intimés et les défenderesses/requérantes.
[10] Me Leblanc témoigne en juin 2004. Il confirme avoir été le conseiller en droit corporatif du Groupe Duchesne de 1980 à 1995 et avoir rédigé les testaments de feu Marcel Duchesne et de son épouse. Il était membre ex officio de tous les comités du Groupe Duchesne et le président du conseil des administrateurs jusqu'en 1995. Il a structuré la Fondation Duchesne et a participé aux plans successoraux en 1983 et en 1987. Il est fort possible qu'il témoigne lors de l'audition au fond du litige, surtout quant à l'histoire du Groupe Duchesne.
[11] Suite au décès de Marcel Duchesne, Me Leblanc devient de plus en plus impliqué dans les affaires du Groupe Duchesne. Toutefois, il tente d'encourager Yves Duchesne à reprendre dans ses fonctions comme président. Cette initiative est contestée par Madeleine Duchesne qui désire placer Françoise Duchesne à ce poste.
[12] Ce différend nous amène à un litige résolu par M. le juge Tellier dans son jugement rendu en 1996. En 2000, la Cour d'Appel confirme la décision de M. le juge Tellier. C'est donc depuis 1995 que Me Leblanc ne travaille plus avec le Groupe Duchesne, la famille Duchesne ou ses membres.
[13] Au début de 2003, Me Leblanc accepte un mandat de Yves et Josée Duchesne concernant une offre d'achat de leurs actions dans le Groupe Duchesne. Il y a eu plusieurs rencontres. Manquant d'information récente sur le Groupe Duchesne, Yves et Josée Duchesne refusent l'offre et considèrent plutôt la possibilité d'intenter des procédures en oppression. Évidemment, Me Leblanc ne peut pas agir dans de telles procédures.
[14] Donc, à la fin du mois de juin 2003, Yves et Josée Duchesne approchent Me Guy Paquette de l'étude Paquette Gadler. Me Paquette veut discuter de l'affaire avec leur ancien avocat et récupérer leurs papiers. Les demandeurs/intimés organisent alors une réunion avec leurs anciens et nouveaux conseillers. Cette rencontre a eu lieu le 5 août 2003 chez Me Leblanc.
[15] Tous les participants à cette réunion témoignent. Les notes manuscrites de Me Malek de l'étude Paquette Gadler sont produites. Voici la transcription de ces notes:
5 août 2003
RENCONTRE AVEC ME CLAUDE LEBLANC, M. YVES DUCHESNE, MADAME JOSÉE DUCHESNE ET ME GUY PAQUETTE
Bureau de Me Leblanc
Me Leblanc : Au dossier depuis 1981
Connu Marcel par Guy Poirier (Poirier De Palma Ouellet, c.a.)
(Me Leblanc remet dossier à Josée)
GP : On veut du background + historique
CL : C'est Ogilvy Renault qui a rédigé la résolution en relation avec le 2 000 $ re: exécution du testament
Non, ce n'est pas nous, c'est Ogilvy qui a rédigé ça.
YD : Moi, je n'ai participé qu'à une rencontre avec ça.
CL : C'est une succession très simple, tout allait à Madeleine.
Il n'y avait de grosse décision d'affaires compliquée à prendre.
(Me GP explique les faits à Me CL)
Me CL : La lettre de Madeleine aux enfants (profane) est dégeulasse
Ce n'est sûrement pas elle qui a rédigé ça (ni Françoise)
GP : 5 ont déposé, dont 2 ont gardé leurs i
CL : Françoise s'attendait que tout le monde dépose
Le cauchemar d'avoir Josée et Yves détenant le 2/3 de la compagnie ne lui a jamais effleuré l'esprit
CL : 300 à Marcel Duchesne pour contrôle
Retourner au trésor
Madeleine veut les faire réémettre à elle
6 M$ (billet) …. privilégié I… sous réserve qu'elle ait les «A»…
ça lui donne le contrôle et tasse la Fondation complètement
GP Interprétation de 123.42 LCQ ?
CL J'avais émis les 300 privilégiées «A» à Marcel pour que Marcel ait le contrôle total (rachetable au décès)
L'intention n'était pas qu'elles soient réémises.
On voulait que le contrôle demeure à la Fondation après la mort de Marcel
GP : Privilégiée classe «B»
CL : En réémettant «A» pref…. est-ce qu'on stérilise les pref «B»
Les «B» ont été émises quand les «A» n'existaient plus
La Fondation n'a plus de but
Ils vont peut-être racheter les pref «A»
CL : Notre correspondance (Yves… Françoise) n'a jamais été violente jusqu'à présent
CL : Les banquiers commencent à serrer l'étau, la compagnie perd de l'argent depuis quelques années
Elle n'a probablement pas 2 x 8 $ millions maintenant
CL : Il y a eu 2-3 roulements un après l'autre à l'époque, la mère a eu les actions de roulement
CL : Toutes les manœuvres sont dans un but de squeeze out, surtout à la lumière de la première offre de Françoise qui était tellement abusive (et ratée… et qui a coûté un bras d'Ogilvy)
CL : Un paquet de pref D ont été rachetées, il en reste 10M
CL : N'oublions pas l'offre de Guy, bonifiant l'offre de 3 manières :
1. Guy ne vend pas (donc plus dans le pot)
2. Rajoute produit des poursuites d'assurance (plus ou moins 45 M$)
3. (Je) Il vous «offre» 1 M$ comptant de plus que Françoise (2.7 vs. 3.7)
CL : L'offre sur la table résulte en un dividende présumé, c'est pour ça qu'ils se font tous des holding (dividende inter corporatif)
GP : Testament : «Class pref «C» aux enfants ?
CL : Ça c'est pas passé comme ça
CL : Il y a eu une cristallisation par après, deux compagnies numériques créées dans le cadre de gel
CL : Les enfants n'ont jamais hérité d'actions au décès.
Ils les avaient de leur vivant
CL : Avant la mort de Marcel, Madeleine ne valait pas plus que 2 - 3M$
CL : Vous devriez demander les relevés de portefeuille du 31 juillet au 1er décembre 2002
Je demanderais : nouveau board
liquidation de l'entreprise
subsidiairement le rachat des actions
[16] Me Leblanc témoigne encore une fois en janvier 2005. Il confirme qu'Yves ou Josée Duchesne l'aurait appelé pour assister à une réunion avec leurs nouveaux conseillers et pour récupérer leurs documents. Il n'y a jamais eu de rencontre avec Me Paquette avant cette réunion et, selon lui, la réunion aurait duré entre une heure et une heure et demie. Au début de la réunion, il remet les documents à ses clients dans une chemise accordéon.
[17] En outre, il affirme qu'il ne possède aucune information concernant le Groupe Duchesne depuis 1995, qu'il n'a gardé en sa possession aucune documentation concernant la période précédant 1996 et que toutes les informations qu'il possède quant à son mandat, soit l'offre d'achat des actions, lui ont été communiquées par les demandeurs/intimés.
A. L'implication de Me Perreault
[18] Compte tenu de la preuve faite dans les quatre premiers jours de l'audition - qui a été entendue en plusieurs étapes - il est devenu évident que l'implication de Me Perreault dans les affaires litigieuses du Groupe Duchesne en 1993 pourrait être considérée comme minimale, d'importance secondaire et accidentelle. Toute personne raisonnablement informée du différend existant entre les membres de la famille Duchesne ne pourrait penser,[4] même pour un instant, que Me Perreault aurait obtenu certaines informations confidentielles en 1993 portant sur ce différend, né des événements et circonstances qui sont survenus depuis que Françoise Duchesne a pris en charge l'administration du Groupe Duchesne en 1996.
[19] Le Tribunal, s'adressant aux parties et à leurs procureurs, a fait part de sa réaction préliminaire sur cet aspect du dossier même avant l'argumentation. Le débat a ensuite porté sur la réunion du 5 août 2003.
B. La réunion chez Me Leblanc
[20] Sur ce volet, le Tribunal a souligné aux procureurs qu'une telle réunion était un événement tout à fait normal, voire recommandé, dans l'exercice responsable du mandat ad litem de l'étude Paquette Gadler auprès de leurs nouveaux clients, entièrement d'accord avec "the centuries old tradition where the solicitor of the clients briefs the barrister on the matter to be litigated".
[21] Les procureurs des requérantes répondent qu'en l'instance, cette réunion a permis au virus[5] de Me Leblanc de se transmettre à l'étude Paquette Gadler. Le Tribunal a alors invité les parties à rouvrir à nouveau l'enquête et à monter une preuve plus approfondie de la réunion entre les intimés et leurs avocats, nouveaux et anciens, quant aux activités du Groupe Duchesne suite au départ de Me Leblanc.[6]
[22] Ceci fait, l'enquête se continue les 20 janvier et 4 février 2005 une fois que tous les participants à cette rencontre eurent témoigné.[7] Les procureurs ont, à nouveau, présenté leurs arguments.
C. L'affaire Métro
[23] Cette fois, les procureurs des requérantes invoquent l'arrêt récent de la Cour d'appel dans l'affaire Métro[8] qui conclut qu'il n'est pas nécessaire d'établir une relation avocat-client au sens strict pour déclarer inhabile l'étude Paquette Gadler à agir pour les demandeurs/intimés.
[24] La preuve révèle clairement que personne de l'étude Paquette Gadler, incluant Me Perreault, n'a jamais agi pour les requérantes. Donc, en acceptant la thèse énoncée par la Cour d'appel dans l'affaire Métro, la question est de savoir si l'étude Paquette Gadler a reçu de Me Leblanc des informations confidentielles concernant les requérantes durant la réunion du 5 août 2003, ou tel que formulé par les procureurs de Françoise et Madeleine Duchesne:
26. Si l'on applique à notre cause les principes énoncés [dans l'affaire Métro], le seul moyen par lequel Paquette Gadler aurait pu renverser la présomption de transmission d'informations confidentielles par Me Leblanc aurait été de prouver que des mesures raisonnables ont été prises avant la rencontre de deux heures et avant les communications téléphoniques pour veiller à ce que Me Leblanc ne divulgue aucune information confidentielle ;
[25] Or, le Tribunal est convaincu, hors de tout doute raisonnable, suivant la preuve de l'étude Paquette Gadler,[9] que Me Leblanc n'a jamais possédé d'information confidentielle concernant Françoise ou Madeleine Duchesne dans le contexte du différend entre les parties. Il n'était pas l'avocat de Madeleine ni de Françoise Duchesne au moment de la formulation de l'offre d'achat des actions et de l'émission des actions votantes à Madeleine Duchesne. Il a perdu tous ses mandats auprès de la famille Duchesne avant même que Françoise Duchesne n'agisse à titre de présidente du Groupe.
[26] Par «information confidentielle», le Tribunal exclut toute information déjà connue par les demandeurs/intimés provenantde leur sœur et mère et l'historique qui a mené à l'offre d'achat des actions et à l'émission des actions votantes à Madeleine Duchesne. Que reste-t-il donc dans le contexte du litige principal ? Rien.
[27] Une analyse de la transcription de la réunion - les notes de Me Malek - nous permet de conclure que les sujets discutés à la réunion portent sur des événements, tous récents, entrepris par les requérantes elle-mêmes en 2003, soit l'offre d'achat des actions du Groupe Duchesne et l'émission des actions votantes du trésor de Les Entreprises Duchesne Ltée à Madeleine Duchesne le mois précédent.
[28] Le témoignage de tous les participants à cette réunion nous mène vers la même conclusion. Le Tribunal est convaincu, sans l'ombre d'un doute, que rien, aucune information de nature confidentielle ou exclusive aux requérantes, n'a été divulguée par Me Leblanc à l'étude Paquette Gadler. En somme, Me Leblanc n'a jamais eu d'information confidentielle concernant Madeleine ou Françoise Duchesne à l'égard du litige principal. De ce seul fait, aucun lien suffisant entre les anciens mandats de Me Leblanc pour le Groupe Duchesne et le litige entamé entre les parties ne peut être établi.[10] La présomption dont parle M. le juge Sopinka dans l'affaire MacDonald[11] a bel et bien été repoussée.
[29] Il est évident suivant la teneur de l'argumentation avancée par les procureurs de Françoise et Madeleine Duchesne que celles-ci ne partagent pas la même notion de ce que constituent les informations confidentielles dans le contexte d'un différend entre les actionnaires d'une compagnie qui sont aussi les membres d'une même famille. L'historique du Groupe Duchesne appartient à tous les membres de la famille Duchesne. Il n'y a rien dans l'histoire du Groupe Duchesne d'unique ou de privilégié à l'un à l'exclusion des autres. Bref, les procureurs des requérantes ont bâti une montagne avec un grain de sable.
[30] Certes, dans les circonstances de notre affaire, les requérantes, de même que tout membre raisonnablement informé du public, n'ont pas de motif valable de s'inquiéter ou de craindre que quelque renseignement confidentiel que ce soit, aurait été divulgué par Me Leblanc à l'étude Paquette Gadler.
[31] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[32] REJETTE la requête amendée des requérantes ;
[33] LE TOUT avec dépens.
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__________________________________ DANIEL H. TINGLEY, J.C.S. |
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Me Daniel Chénard Procureur des Demandeurs/intimés et de Paquette Gadler
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Me George Hendy et Me Karim Renno |
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OSLER HOSKIN & HARCOURT |
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Procureurs des Défenderesses/requérantes et 9064-8072 Québec Inc., J. Villemure et M. Trahan |
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Me François Couture DESJARDINS DUCHARME Procureurs de Mes Olivier F. Kott et Louis Vaillancourt et Ogilvy Renault |
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Dates d’audience : |
29, 30 juin, 22, 23 septembre, 1er octobre 2004 ; 20 janvier et le 4 février 2005 |
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[1] 3.06.06 : L'avocat doit éviter toute situation où il serait en conflit d'intérêts. [...] 3.06.08 : Pour décider de toute question relative à un conflit d'intérêts, il faut considérer l'intérêt supérieur de la justice, le consentement exprès ou implicite des parties, l'étendue du préjudice pour chacune des parties, le laps de temps écoulé depuis la naissance de la situation pouvant constituer ce conflit, ainsi que la bonne foi des parties.
[2] Ajouté à la requête amendée après la signification de la contestation écrite de l'étude Paquette Gadler.
[3] Ibid.
[4] À paraphraser «le critère à retenir» selon la majorité dans Succession
MacDonald c. Martin,
[5] C'est-à-dire toutes les informations confidentielles ou autres du Groupe Duchesne que possède Me Leblanc.
[6] Nonobstant le dilemme constaté par M. le juge Sopinka dans
l'affaire MacDonald, supra, Note 4, à la page 1260. Voir aussi Morissette-Paré c. Gestion
des rebuts D.M.P. Inc., C.A.M.
[7] Voir les paragraphes [13] à [17] ci-dessus.
[8] Métro Inc. c. Regroupement des marchands actionnaires Inc. (2004) J.Q. No 11004 (C.A.), à la page 10 où M. le juge Rochette, suite à une analyse de l'affaire MacDonald, note que : [...] en exigeant la preuve d'un lien antérieur, previous relationship dans la version originale de ses motifs, le juge Sopinka n'a pas exclu que l'exercice puisse viser un lien autre que celui entre l'avocat et son client.
[9] Voir l'affaire MacDonald, supra, Note 4, aux pages 1260 et 1261
[10] Contrairement à la conclusion tirée par notre Cour d'appel dans l'affaire Métro, supra, Note 8 au paragraphe [86]. Voir aussi dans le contexte de «connexité importante» ou «lien suffisant» l'arrêt récent de Syndicat Professionnel des Ingénieurs d'Hydro-Québec c. Rouleau et al, C.A.M. 500-09-014313-043 ; 2005-03-21, aux paragraphes [22] à [29] des motifs de M. le juge Forget.
[11] Supra, Note 4, à la page 1260.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.