Décision

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Aluminerie de Bécancour inc. c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Beaudry et autres)

2021 QCCA 989

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

QUÉBEC

N° :

200-09-009796-183

(400-53-000019-159)

 

DATE :

16 juin 2021

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

FRANCE THIBAULT, J.C.A.

JACQUES J. LEVESQUE, J.C.A.

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

 

 

ALUMINERIE DE BÉCANCOUR INC.

APPELANTE - défenderesse

c.

 

COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET DES DROITS DE LA JEUNESSE

INTIMÉE - demanderesse

et

SYNDICAT DES MÉTALLOS LOCAL 9700

(Aluminerie de Bécancour)

MIS EN CAUSE - plaignant

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           L’Aluminerie de Bécancour inc. (« appelante ») se pourvoit contre un jugement rendu le 11 mai 2018 par le Tribunal des droits de la personne (« Tribunal »), district de Trois-Rivières (l’honorable Magali Lewis), qui a accueilli une action en dommages-intérêts intentée par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (« intimée ») et l’a condamnée à payer aux victimes des dommages-intérêts et des dommages moraux[1].

[2]           L’intimée a retenu la plainte déposée par le Syndicat des Métallos Local 9700 (« mis en cause ») et a entrepris un recours en dommages-intérêts devant le Tribunal. Elle allègue que « les étudiants sont les employés les moins payés chez ABI et que ce désavantage est motivé par leur âge et leur condition sociale, puisqu’ils font le même travail que les salariés qui reçoivent une rémunération supérieure »[2]. Elle demande que l’appelante soit condamnée à rembourser à chacune des victimes les sommes nécessaires pour compenser les pertes subies en raison du traitement salarial distinct, à leur payer 2 000 $ à titre de dommages moraux ainsi que les intérêts et l’indemnité additionnelle.

[3]           La demande introductive d’instance de la Commission précise la nature de l’atteinte subie par les victimes de la façon suivante :

1.  À Bécancour, depuis l’été 2007, la défenderesse, Aluminerie de Bécancour Inc., a porté atteinte au droit des 160 victimes à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, de leurs droits et libertés, sans distinction ou exclusion fondée sur la condition sociale et/ou l’âge en leur offrant un salaire inférieur aux autres employés étant donné leur statut d’étudiant, contrevenant ainsi aux articles 10, 19 et 46 de la Charte des droits et libertés de la personne (RLRQ, c. C-12) (ci-après la « Charte »);

2.  Dans ces mêmes circonstances, la défenderesse a aussi porté atteinte de façon discriminatoire à la dignité des victimes, et ce, contrairement aux articles 4 et 10 de la Charte;

[4]           Le Tribunal a tenu des audiences qui se sont déroulées pendant 16 jours, à la suite desquelles il a conclu à l’existence d’une distinction fondée sur des motifs interdits - la condition sociale et l’âge - qui ont compromis le droit des victimes à un salaire égal pour un travail équivalent. Il a rejeté les prétentions de l’appelante qui plaidait : (i) que les employés étudiants n’exécutaient pas un travail équivalent à celui des employés réguliers et occasionnels; (ii) que le salaire différent était motivé par la « durée de service » qu’elle assimile à un « contrat à durée déterminée »; et (iii) que la distinction n’était pas fondée sur l’un des motifs de discrimination énumérés à article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne[3] (« Charte québécoise »). Conséquemment, l’appelante a été condamnée à rembourser aux étudiants le salaire et les avantages dont ceux-ci ont été privés ainsi que des dommages moraux.

1-    Le contexte

[5]           L’appelante exploite une « usine de production et de transformation de produits d’aluminium et une fonderie de métal »[4]. Elle embauche des étudiants pour remplacer les autres employés pendant les périodes de vacances - soit durant l’été et durant le temps des Fêtes[5].

[6]           Les employés syndiqués qui travaillent chez l’appelante se regroupent dans trois catégories : les employés réguliers (« les réguliers »), les employés occasionnels (« les occasionnels ») et les employés étudiants (« les étudiants »)[6]. Trois conventions collectives régissent les conditions de travail des employés syndiqués : celle des employés affectés aux opérations et à l’entretien, celle des employés de laboratoire et environnement et celle des employés du bureau et technique. La grande majorité des employés syndiqués est affectée aux opérations et à l’entretien[7]. Chaque poste qui existe dans l’usine prévoit l’accomplissement de différentes tâches[8].

[7]           Avant le 1er janvier 1995, les étudiants bénéficiaient du même traitement salarial que les autres employés[9]. À compter de janvier 1995, le salaire des étudiants a été diminué à 85 % de l’indice 7[10], c’est-à-dire le plus bas indice salarial[11]. Un témoin de l’intimée, M. Clément Masse, déclare que l’appelante a décidé à ce moment « de diminuer le salaire des étudiants à travers l’offre finale »[12]. Un témoin de l’appelante, M. Pierre Champagne, rapporte plutôt qu’après discussion avec les superviseurs, ils ont constaté que les étudiants faisaient 85 % des tâches - ce qui expliquerait l’offre faite par l’appelante[13]. Il ne se souvient pas s’il a donné cette explication au mis en cause à l’époque[14]. Le Tribunal a toutefois écarté cette justification[15].

[8]           Dans la convention collective 2000-2004, le salaire des étudiants est maintenu à 85 % de l’indice 7[16]. Cela ne change pas lors des négociations de 2004[17]. En 2009, une nouvelle convention collective entre en vigueur. Les indices salariaux sont réduits de 7 à 5 et sont renommés par des lettres de A à E, l’indice E étant réservé aux étudiants[18]. L’écart entre le salaire des étudiants et celui des autres employés est alors majoré[19]. Ces catégories sont maintenues dans la convention collective 2012-2017[20].

2-    Le jugement entrepris

[9]           La décision du Tribunal est élaborée avec une minutie remarquable (579 paragraphes s’étalant sur 97 pages).

[10]        Après avoir présenté l’usine, ses divers secteurs, les opérations divisées en postes, lesquels comportent un certain nombre de tâches, la formation nécessaire pour accomplir une tâche, les conventions collectives existantes, les conditions d’emploi des étudiants (paragr. 20 à 50), le Tribunal expose, de façon précise et détaillée, les modalités de la rémunération payée aux employés au fil des ans sous l’égide des différentes conventions collectives et il analyse la situation de chacun des secteurs de l’usine (1) Carbone[21], (2) Électrolyse[22], (3) Fonderie[23], (4) Laboratoire[24], (5) Manutention - Transport[25], (6) Captation[26], (7) Ingénierie[27], (8) Approvisionnement[28] et (9) Entretien[29] pour déterminer si les étudiants font un travail équivalent à celui des réguliers ou occasionnels (paragr. 51 à 215).

[11]        Il explique la réalité du fonctionnement de l’usine en décrivant les tâches effectuées par les étudiants, les occasionnels et les réguliers ainsi que l’historique de leur formation (paragr. 215 à 307).

[12]        Le Tribunal observe que l’existence d’une distinction salariale (qui a cours depuis le 1er janvier 1995) entre le salaire des étudiants et celui des occasionnels et des réguliers n’est pas contestée et même qu’elle apparaît clairement dans les conventions collectives. Il décide ensuite que cette distinction est fondée sur leur condition sociale ou sur leur âge[30] (paragr. 308 à 351). Il conclut que cette distinction compromet le droit des étudiants de recevoir un traitement égal pour un travail équivalent (paragr. 352 à 357).

[13]        Le Tribunal décide aussi que la distinction n’est pas justifiée au sens de l’article 19 de la Charte québécoise. Selon son appréciation de la preuve, qu’il expose avec rigueur, les étudiants font un travail équivalent à celui des occasionnels et des réguliers (paragr. 358 à 395). Se fondant encore une fois sur l’analyse de la preuve, il rejette aussi l’argument de l’appelante selon lequel la différence de traitement résulte du fait que les étudiants ont un contrat à durée déterminée et donc que la distinction serait fondée sur l’exception de la « durée de service » prévue par l’article 19 alinéa 2 de la Charte québécoise. Selon le Tribunal, les raisons données par l’appelante pour justifier la distinction relèvent du prétexte (paragr. 358 à 418).

[14]        Le Tribunal estime que la distinction porte atteinte à la dignité des étudiants du fait qu’elle ne respecte pas leur droit à un salaire équivalent pour un travail équivalent[31] (paragr. 419 à 423).

[15]        Le Tribunal note que l’appelante et l’intimée ont produit un tableau où figurent les sommes dues aux victimes à titre de dommages pécuniaires selon leur position sur la question de la prescription[32] et que l’appelante a consenti à ce que les mêmes dommages moraux soient accordés aux étudiants qui n’ont pas témoigné[33] (paragr. 424 à 427).

[16]        Il résume l’état du droit sur la question des dommages moraux en cas d’atteinte à un droit garanti à la Charte québécoise[34]. Il relate la teneur des sept témoignages entendus sur cet aspect du dossier et il établit à 1 000 $ l’indemnité payable à chaque victime à ce chapitre[35] (paragr. 428 à 447).

[17]        Le Tribunal rejette la demande d’appel en garantie formulée par l’appelante contre le mis en cause. Selon son appréciation de la preuve, le mis en cause n’est pas responsable de la situation discriminatoire vécue par les étudiants (paragr. 448 à 504).

[18]        Il n’est pas nécessaire de traiter de la portion de la décision du Tribunal portant sur la prescription de la réclamation (paragr. 505 à 569) puisque cette question n’est pas remise en cause en appel.

3-    Les questions en litige

[19]        L’appelante a été autorisée à se pourvoir contre la décision du Tribunal. Elle fait valoir plusieurs moyens qu’il convient de reformuler de la façon suivante :

-       Le Tribunal a-t-il erré en concluant que le statut d’étudiant constitue une condition sociale?

-       Le Tribunal a-t-il erré en concluant à l’existence d’une distinction fondée sur l’âge?

-       Le Tribunal a-t-il erré dans l’interprétation et l’application de la notion de travail équivalent prévue à l’article 19 de la Charte québécoise?

-       Le Tribunal a-t-il erré dans l’interprétation et l’application de la notion de durée de service prévue à l’article 19 de la Charte québécoise?

-       Le Tribunal a-t-il erré en octroyant des dommages moraux?

-       Le Tribunal a-t-il erré en refusant de reconnaître la responsabilité solidaire du mis en cause?

4-    L’analyse

Observations préliminaires

[20]        Il est utile de reproduire les dispositions de la Charte québécoise pertinentes à l’analyse[36] :

10.  Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, l’identité ou l’expression de genre, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.

Il y a discrimination lorsqu’une telle distinction, exclusion ou préférence a pour effet de détruire ou de compromettre ce droit.

19.  Tout employeur doit, sans discrimination, accorder un traitement ou un salaire égal aux membres de son personnel qui accomplissent un travail équivalent au même endroit.

Il n’y a pas de discrimination si une différence de traitement ou de salaire est fondée sur l’expérience, l’ancienneté, la durée du service, l’évaluation au mérite, la quantité de production ou le temps supplémentaire, si ces critères sont communs à tous les membres du personnel. […]

10.  Every person has a right to full and equal recognition and exercise of his human rights and freedoms, without distinction, exclusion or preference based on race, colour, sex, gender identity or expression, pregnancy, sexual orientation, civil status, age except as provided by law, religion, political convictions, language, ethnic or national origin, social condition, a handicap or the use of any means to palliate a handicap.

Discrimination exists where such a distinction, exclusion or preference has the effect of nullifying or impairing such right.

19.  Every employer must, without discrimination, grant equal salary or wages to the members of his personnel who perform equivalent work at the same place.

A difference in salary or wages based on experience, seniority, years of service, merit, productivity or overtime is not considered discriminatory if such criteria are common to all members of the personnel. […]

[Soulignements ajoutés]

[21]        Dans l’arrêt Ford c. Québec (Procureur général)[37], la Cour suprême du Canada expose les conditions qui doivent être satisfaites pour conclure à une discrimination fondée sur l’article 10 de la Charte québécoise :

[…]  (1) une "distinction, exclusion ou préférence" (2) fondée sur l’un des motifs énumérés au premier alinéa et (3) qui "a pour effet de détruire ou de compromettre" le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l’exercice d’un droit ou d’une liberté de la personne.[38]

[22]        Le plaignant, lorsqu’il veut établir une telle discrimination, doit prouver qu’il y a « discrimination prima facie », comme l’enseigne la Cour suprême dans l’arrêt Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation)[39] :

[64]  Ce survol de la jurisprudence démontre que l’utilisation de l’expression « discrimination prima facie » s’explique tout simplement en raison de l’analyse à deux volets des plaintes de discrimination fondées sur la Charte. En effet, cette expression vise seulement les trois éléments dont la partie demanderesse doit faire la preuve dans le cadre du premier voletEn l’absence de justification établie par le défendeur, la présentation d’une preuve prépondérante à l’égard de ces trois éléments sera suffisante pour permettre au tribunal de conclure à la violation de l’art. 10 de la Charte. Par ailleurs, si le défendeur parvient à justifier sa décision ou sa conduite, il n’y aura pas de violation, et ce, même en présence de discrimination prima facie. Concrètement, cela signifie que le défendeur peut présenter soit des éléments de preuve réfutant l’allégation de discrimination prima facie, soit une défense justifiant la discrimination, ou les deux.[40]

[Soulignements ajoutés]

[23]        Dans le même arrêt, la Cour suprême précise la nature du lien qui doit exister entre le motif de discrimination et la distinction, l’exclusion ou la préférence dont le demandeur se plaint :

[50]  Les termes « lien » ou « facteur » sont plus appropriés en matière de discrimination, d’autant plus que l’expression « lien causal » réfère à une notion précise en droit civil québécois. En effet, en matière de responsabilité civile, le demandeur doit établir, selon la prépondérance des probabilités, le « lien causal » entre la faute du défendeur et le préjudice qu’il subit […]. D’après la définition qu’en donnent les tribunaux québécois, ce « lien causal » exige que le dommage soit la conséquence logique, directe et immédiate de la faute. Suivant cette règle, la cause doit donc présenter un rapport « étroit » avec le préjudice subi par la victime […].

[51]  Or, les actions en matière de discrimination fondées sur la Charte n’exigent pas un rapport étroit. Conclure autrement reviendrait à faire abstraction du fait que, comme les actes d’un défendeur peuvent s’expliquer par une multitude de raisons, la preuve d’un tel rapport pourrait imposer un fardeau trop exigeant au demandeur. Certaines de ces raisons peuvent bien sûr justifier les actes du défendeur, mais c’est à ce dernier qu’il appartient d’en faire la preuve. En conséquence, il n’est ni approprié ni juste d’utiliser l’expression « lien causal » en matière de discrimination.

[52]  En somme, relativement au deuxième élément constitutif de la discrimination prima facie, le demandeur a le fardeau de démontrer qu’il existe un lien entre un motif prohibé de discrimination et la distinction, l’exclusion ou la préférence dont il se plaint ou, en d’autres mots, que ce motif a été un facteur dans la distinction, l’exclusion ou la préférence. [...][41]

[Soulignements ajoutés; italiques dans l’original]

[24]        Le droit consacré à l’article 19 de la Charte québécoise « s’inscrit dans le courant de la lutte pour l’égalité de rémunération au travail qui elle-même est partie constituante de la lutte plus générale pour l’égalité sociale et économique »[42]. La Cour enseigne que l’article 19 de la Charte québécoise repose sur le concept de l’équivalence :

[57]  L’article 19 de la Charte repose sur le concept de l’équivalence.  Ce concept est plus large que le principe du salaire égal pour un travail égal, car il permet de comparer des emplois à première vue différents, tels, comme dans le présent litige, celui de secrétaire et celui de préposé à l’entretien général.[43]

[Soulignement ajouté]

[25]        La doctrine majoritaire va dans le même sens :

Henri Brun, Guy Tremblay et Eugénie Brouillet

XII-7.103 - L’article 19, enfin, prohibe la discrimination au sens de l’article 10 dans la détermination des traitements ou salaires. Plus précisément, il fait obligation aux employeurs d’accorder sans discrimination un salaire égal à ses employés qui accomplissent un travail équivalent au même endroit. Si la règle qui s’applique au salaire est celle de l’égalité, le critère qui s’applique au point de comparaison, le travail, en est un d’équivalence seulement : il n’est pas nécessaire qu’il s’agisse du même travail ou d’un travail tout à fait égal. Néanmoins, cette équivalence doit quand même être prouvée par celui qui se plaint : Commission des droits de la personne c. Pavillon St-Charles de Limoilou, [1983] 4 C.H.R.R. 1284 (C.S.). Les critères de cette équivalence sont les qualifications requises, l’effort nécessaire, les responsabilités assumées et les conditions de travail. Les qualifications s’apprécient par rapport au travail effectivement accompli et non en elles-mêmes : Syndicat des employés du Centre des services sociaux Ville-Marie c. Gagnon, [1987] D.L.Q. 34 (C.S.). […][44]

[Soulignement ajouté]

Jean-Yves Brière et al.

vi)  La rémunération : L’employeur doit accorder sans discrimination une rémunération égale aux membres de son personnel qui accomplissent un travail équivalent dans un même établissement (art. 19 de la Charte). Que faut-il entendre par travail équivalent? À titre indicatif, nous pourrions retenir la définition donnée à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [L.a.t.m.p.] : « Un emploi qui possède des caractéristiques semblables [...] relativement aux qualifications professionnelles requises, aux salaires, aux avantages sociaux, à la durée et aux conditions d’exercice ». La comparaison devrait donc se faire entre deux salariés occupant des emplois qui revêtent des caractéristiques semblables. L’article 19 ajoute un bémol : il n’y a pas de discrimination si la différence peut s’expliquer en raison de l’expérience, de l’ancienneté, de la durée de service, de l’évaluation au mérite, de la quantité de production ou du temps supplémentaire. Ces différences de traitement seraient conformes à l’article 19 si les critères sur lesquels elles s’appuient sont communs à tous les salariés. Une telle discrétion reconnue à l’employeur réduit sensiblement la rigueur de l’article 19 de la Charte. […][45]

[Soulignements ajoutés]

Linda Bernier et al.

7.3274 - Le point essentiel des dispositions relatives à l’égalité de traitement est le travail similaire, c’est-à-dire un travail requérant les mêmes compétences ainsi que la même expérience, et non des éléments de formation ou les diplômes obtenus1.

1    Syndicat des employés du Centre des services sociaux Ville-Marie c. Gagnon, D.T.E. 91T-691 (C.A.).

[…]

7.3279 - Le fardeau de la preuve repose sur le plaignant, qui aura à démontrer l’équivalence entre les tâches pour lesquelles l’employeur octroie des salaires différents sur une base discriminatoire. En l’absence de cette preuve, on ne peut conclure qu’il y ait un manquement à l’art. 19 de la Charte1.

1    Commission des droits de la personne c. Pavillon St-Charles de Limoilou, (1983) 4 C.H.R.R. 1284.[46]

[26]        Avant d’examiner les questions en litige, il est nécessaire de décider de la norme de contrôle applicable. Il ressort de l’arrêt Vavilov que la norme de l’appel, telle que décrite dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen[47], s’applique lorsque le législateur a prévu un appel à l’encontre d’une décision administrative[48]. En l’espèce, la Charte québécoise prévoit qu’« [i]l y a appel à la Cour d’appel, sur permission de l’un de ses juges, d’une décision finale du Tribunal »[49]. Conséquemment, la norme de contrôle applicable à la décision du Tribunal est celle applicable à l’appel et ainsi seule une erreur de droit ou une erreur manifeste et déterminante dans l’appréciation de la preuve permet l’intervention d’une Cour d’appel.

4.1-     Le statut d’étudiant est-il inclus dans la notion de condition sociale au sens de l’article 10 de la Charte québécoise?

[27]        Selon l’appelante, le Tribunal a erré en concluant que le statut d’étudiant est inclus dans la notion de condition sociale, sans procéder à une analyse contextuelle pour déterminer si la distinction s’appuie sur des stéréotypes compte tenu de leur situation vulnérable. Elle distingue la jurisprudence sur laquelle s’est appuyé le Tribunal. Elle estime que les plaignants se situent dans une classe de personnes favorisées.

[28]        De son côté, privilégiant un mode d’interprétation large et libérale fondée sur l’objet visé, l’intimée fait valoir que les groupes protégés par la notion de condition sociale sont porteurs d’une condition qui engendre de la discrimination. La condition sociale comporte une dimension objective et une dimension subjective. La dimension objective renvoie à « la classe économique, soit à la société prise comme une configuration de catégories hiérarchisées, distinctes et opposables dans lesquelles les individus sont classés suivant le pouvoir de marché qu’indique leur revenu, leur occupation ou leur éducation ». La dimension subjective renvoie à la valeur qu’accorde la société aux individus en fonction de leur revenu, leur niveau d’éducation ou leur occupation. L’intimée rappelle que les tribunaux ont déjà reconnu le statut d’étudiant comme une composante de la condition sociale.

[29]        Le mis en cause soutient que les arguments de l’appelante dénaturent les enseignements de l’arrêt Law c. Canada[50] et que sa position à l’égard du statut des étudiants est irrationnelle.

[30]        Les arguments des parties nécessitent l’examen des deux sujets suivants : le fardeau de preuve requis lors d’une contestation fondée sur l’article 10 de la Charte québécoise (4.1.1) et la portée de la notion de condition sociale contenue dans la même disposition (4.1.2).

4.1.1-    Le fardeau de preuve requis lors d’une contestation fondée sur l’article 10 de la Charte québécoise

[31]        Selon l’appelante, le statut d’étudiant peut être inclus dans la notion de condition sociale si la distinction faite par l’appelante entre ses employés réguliers et occasionnels et les étudiants crée chez ces derniers de la discrimination en raison de préjugés, de stéréotypes ou du contexte social. Or, comme une telle preuve n’a pas été faite en l’instance, elle conclut à l’absence de discrimination interdite. À l’appui de sa proposition, elle cite les arrêts R. c. Kapp[51], Québec (Procureur général) c. A.[52], Université de Sherbrooke c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse[53] et Québec (Procureur général) c. Commission des droits de la personne et de la jeunesse[54].

[32]        La preuve d’une discrimination découlant de préjugés, de stéréotypes ou du contexte social n’est pas nécessaire pour soutenir un recours en vertu de l’article 10 de la Charte québécoise. Une preuve de ce type peut être nécessaire lors d’un recours fondé sur l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (« Charte canadienne »)[55], une disposition qui a pour objet de promouvoir l’égalité réelle et d’empêcher les gouvernements d’établir des distinctions qui ont pour effet de perpétuer un désavantage ou un préjugé ou d’imposer un désavantage fondé sur l’application d’un stéréotype, selon les termes utilisés par la Cour suprême dans Kapp précité[56]. Plus récemment, dans l’arrêt Fraser c. Canada (Procureur général)[57], la Cour suprême a reformulé l’exigence en écrivant que, pour établir qu’il y a eu discrimination prohibée par l’article 15 de la Charte canadienne, le demandeur doit prouver, à la première étape, que la loi impose un traitement différent sur la base de motifs protégés, soit explicitement, soit par un effet préjudiciable. À la deuxième étape, la Cour doit se demander si la loi a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer un désavantage.

[33]        Lorsqu’il est question de la contestation d’une mesure administrative fondée sur l’article 10 de la Charte québécoise, la Cour suprême a développé des critères d’analyse spécifiques. Ceux-ci n’exigent pas la preuve d’un désavantage découlant de préjugés ou de stéréotypes. L’arrêt de la Cour suprême le plus récent sur cette question est l’affaire Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation)[58]. Tout en reconnaissant que l’interprétation de la Charte québécoise doit se faire à la lumière de celle de la Charte canadienne, la Cour suprême décrit la preuve nécessaire pour assurer le succès d’un recours fondé sur l’article 10 de la Charte québécoise. Cette disposition requiert de prouver trois éléments, soit : (1) une « distinction, exclusion ou préférence »; (2) fondée sur l’un des motifs énumérés au premier alinéa; et (3) qui « a pour effet de détruire ou de compromettre » le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l’exercice d’un droit ou d’une liberté de la personne. Elle n’exige pas autre chose :

[35]  Dans un premier temps, l’art. 10 requiert du demandeur qu’il apporte la preuve de trois éléments, soit « (1) une “distinction, exclusion ou préférence” (2) fondée sur l’un des motifs énumérés au premier alinéa et (3) qui “a pour effet de détruire ou de compromettre” le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l’exercice d’un droit ou d’une liberté de la personne ».

[36]  Si ces trois éléments sont établis, selon le degré de preuve que nous préciserons plus loin, il y a alors « discrimination prima facie » ou « à première vue ». Il s’agit du premier volet de l’analyse.

[37]  Dans un second temps, le défendeur peut, lui aussi selon le degré de preuve que nous indiquerons plus loin, justifier sa décision ou sa conduite en invoquant les exemptions prévues par la loi sur les droits de la personne applicable ou celles développées par la jurisprudence. S’il échoue, le tribunal conclura alors à l’existence de discrimination. Il s’agit du deuxième volet de l’analyse.[59]

[Soulignements ajoutés]

[34]        En ce qui concerne le troisième critère de la première partie de l’analyse - qui a pour effet de détruire ou de compromettre le droit à la pleine égalité dans la reconnaissance et l’exercice d’un doit ou d’une liberté de la personne - la Cour suprême précise que, contrairement à la Charte canadienne, la Charte québécoise ne protège pas le droit à l’égalité, et que le recours doit nécessairement être rattaché à un autre droit ou à une autre liberté de la personne reconnus par la loi, ici le droit de recevoir un traitement égal pour un travail équivalent :

[53]  Finalement, le demandeur doit démontrer que la distinction, l’exclusion ou la préférence affecte l’exercice en pleine égalité de l’un de ses droits ou libertés garantis par la Charte. Ainsi, contrairement à la Charte canadienne, la Charte ne protège pas le droit à l’égalité en soi; ce droit n’est protégé que dans l’exercice des autres droits et libertés garantis par la Charte.

[54]  Cela signifie que le droit à l’absence de discrimination ne peut à lui seul fonder un recours et doit nécessairement être rattaché à un autre droit ou à une autre liberté de la personne reconnus par la loi. Il ne faut toutefois pas confondre cette exigence avec la portée autonome du droit à l’égalité; la Charte n’exige pas une « double violation » (droit à l’égalité et, par exemple, liberté de religion), ce qui rendrait l’art. 10 superflu.[60]

[Soulignement ajouté]

[35]        La jurisprudence de la Cour suprême, lorsqu’elle traite d’un recours fondé sur la Charte québécoise, applique ces critères. À titre d’exemple, l’arrêt Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville)[61] contient plusieurs passages qui assujettissent l’existence de la discrimination à la preuve d’une atteinte à un autre droit prévu dans la Charte québécoise et non pas à l’existence d’un préjugé, d’un stéréotype ou à la perpétuation d’un désavantage.

[36]        L’extrait suivant de l’ouvrage de 2014 des auteurs Brun, Tremblay et Brouillet indique que les critères applicables à un recours fondé sur l’article 15 de la Charte canadienne (qui exigent notamment la démonstration d’un désavantage qui crée ou perpétue une situation de désavantage fondée sur des préjugés ou des stéréotypes) s’appliquent à la plainte en vertu de l’article 10 de la Charte québécoise :

[…]  les tribunaux sont ici parvenus à une définition du droit à l’égalité de la Charte québécoise calquée sur celle donnée par la Cour suprême du Canada au droit à l’égalité de la Charte canadienne : le droit à l’égalité de l’article 10 est en définitive le droit de ne pas faire l’objet de distinctions, fondées sur un motif énuméré, qui créent ou perpétuent une situation de désavantage fondée sur des préjugés ou des stéréotypes.[62]

[Italiques dans l’original]

[37]        Selon ces auteurs, les critères développés par la Cour suprême pour une plainte en vertu de la Charte canadienne auraient été repris par la Cour d’appel dans son interprétation de l’article 10 de la Charte québécoise. Ainsi, une distinction fondée sur un motif énuméré serait discriminatoire si elle porte atteinte à la dignité humaine ou si elle engendre un désavantage par la perpétuation d’un préjugé ou par l’application d’un stéréotype[63].

[38]        Vu les arrêts rendus par la Cour suprême dans Bombardier, Mouvement laïque québécois et Fraser postérieurement à l’ouvrage des auteurs Brun, Tremblay et Brouillet, l’extrait précité n’est plus pertinent.

[39]        Sur cette question, le professeur Daniel Proulx exprime l’opinion suivant laquelle le critère constitutionnel applicable lors d’un recours basé sur l’article 15 de la Charte canadienne ne se « transpose pas » à celui fondé sur l’article 10 de la Charte québécoise :

Le critère constitutionnel dit de la perpétuation de désavantages ou de préjugés et l’application de stéréotypes s’applique-t-il à l’article 10 de la Charte québécoise? Compte tenu des différences très marquées entre les deux Chartes en matière d’égalité, notamment le fait que la Charte québécoise régisse surtout le secteur privé contrairement à la Charte canadienne, transposer les critères constitutionnels d’analyse de l’article 15 dans le cadre de l’article 10 serait une grave erreur. […]

Par conséquent, le critère constitutionnel de la perpétuation d’un désavantage ou d’un préjugé et de l’application d’un stéréotype ne peut trouver application pour l’article 10 qu’en contexte constitutionnel, à savoir lorsqu’on l’invoque pour contester une mesure législative ou réglementaire en tant que telle. En revanche, lorsqu’une mesure administrative ou une politique privée est remise en question, la preuve de discrimination en quatre points (distinction de traitement, motif énuméré, préjudice (matériel ou moral) et exercice d’un droit garanti par la Charte) continue de s’imposer pour assurer une lutte efficace contre la discrimination. […] Sont donc erronées les récentes affaires Labelle, Constables spéciaux et Université de Sherbrooke de la Cour d’appel dans la mesure où elles affirment, sans référence aucune à l’arrêt Commission scolaire des Phares de 2006 ni à la jurisprudence constante de la Cour suprême sur l’article 10 de la Charte québécoise, que le caractère discriminatoire selon l’article 10 doit être établi à partir du même cadre analytique et sur la base des mêmes critères que l’article 15 de la Charte canadienne, à savoir la preuve d’un préjugé ou d’un stéréotype méprisant, alors qu’aucune mesure législative n’était contestée dans ces affaires. […][64]

[Soulignements ajoutés]

[40]        La Cour partage cette opinion, sous réserve d’observations ultérieures au sujet d’arrêts de la Cour cités et critiqués par l’auteur.

*****

[41]        Avant de conclure sur la question du fardeau de la preuve requis en cas de recours fondé sur l’article 10 de la Charte québécoise, il est nécessaire d’ouvrir une première parenthèse pour examiner les deux arrêts rendus par la Cour dans Université de Sherbrooke c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse[65] et Québec (Procureur général) c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse[66], cités par l’appelante à l’appui de sa proposition exigeant que la preuve d’un préjugé, d’un stéréotype ou la perpétuation d’un désavantage soit faite pour assurer le succès d’un recours fondé sur l’article 10 de la Charte québécoise. Ces deux arrêts n’appuient pas une telle proposition.

[42]        Dans l’arrêt Université de Sherbrooke, la Cour confirme la décision rendue par le Tribunal des droits de la personne voulant que la clause de la convention collective en cause soit discriminatoire au sens des articles 10, 13 et 16 de la Charte québécoise. Cette affaire a ceci de particulier que la Cour a été appelée à se prononcer sur l’interprétation faite par la juge de première instance de l’arrêt rendu par la Cour suprême dans Québec (Procureur général) c. A, une affaire portant sur l’article 15 de la Charte canadienne[67]. La juge de première instance avait exprimé l’avis que, en raison des propos de la juge Abella dans cette affaire A, il n’était plus nécessaire de prouver que la distinction alléguée perpétuait des stéréotypes ou des préjugés. La Cour a évalué le raisonnement de la juge de première instance dans le contexte d’une révision judiciaire où la norme de la décision raisonnable avait été retenue (l’affaire a été décidée avant l’arrêt Vavilov[68]). Selon la Cour, la décision rendue par la juge de première instance était raisonnable puisque les employés visés avaient été victimes de discrimination résultant du désavantage arbitraire occasionné par la convention collective à certains employés, et ce, en raison de leur âge. La Cour n’a pas transposé les critères de l’article 15 de la Charte canadienne à un recours fondé sur l’article 10 de la Charte québécoise, mais elle a expliqué le critère développé par la juge Abella, comme les parties l’invitaient à le faire. Sur cette question précise, le juge Jean Bouchard écrit[69] :

[54]  Je comprends des motifs de la juge Abella que c’est la preuve d’un désavantage arbitraire qui doit désormais servir de guide ultime pour conclure à la présence prima facie d’une situation discriminatoire, la perpétuation de stéréotypes ou de préjugés ne constituant qu’un indice pertinent aux fins de l’analyse. Le professeur Christian Brunelle, incidemment, donne la même portée aux propos de la juge Abella :

[…]  Certes, la personne qui allègue être victime de discrimination devra démontrer que la distinction dont elle est l’objet lui crée un préjudice ou un désavantage. Cette preuve pourrait sans doute être plus convaincante si la victime parvient à établir que ce désavantage résulte, par surcroît, d’un préjugé ou d’un stéréotype mais l’état du droit à ce propos reste encore à préciser. Si certaines décisions tendent ainsi à exiger la fine démonstration qu’un préjugé ou stéréotype négatif est à l’origine du désavantage susceptible de détruire ou de compromettre le droit à l’égalité de la Charte québécoise, un arrêt récent de la Cour suprême du Canada semble favoriser plutôt la dissociation entre désavantage, d’une part, et préjugé/stéréotype, d’autre part, de manière à ce que la seule preuve d’un désavantage - sans égard à son lien causal avec un préjugé ou un stéréotype - suffise pour conclure à l’existence d’une discrimination. Selon ce dernier point de vue, il faudrait alors conclure qu’il y a « preuve prima facie de discrimination » dès que la personne qui est l’objet d’une distinction « a démontré un préjudice et un lien avec un motif de discrimination prohibé ».

[Soulignement ajouté]

[43]        L’arrêt Québec (Procureur général) c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse[70] s’intéresse au caractère discriminatoire de clauses de la convention collective des constables spéciaux du gouvernement, prévoyant une réduction salariale pour les constables « occasionnels ». La Cour infirme la décision du Tribunal des droits de la personne et conclut qu’il n’y pas eu, en l’espèce, une discrimination fondée sur l’âge. Elle observe d’abord que le recours est prescrit[71]. Ensuite, elle écrit que la preuve statistique ne permet pas d’établir que la distinction entre les constables permanents et les constables occasionnels résulte d’une distinction fondée sur l’âge[72]. Finalement, la Cour estime que la preuve d’un préjudice subi par les plaignants n’est pas concluante[73]. Certes, la Cour ajoute le passage suivant après avoir conclu à l’absence de discrimination, mais il faut constater que ce commentaire n’est qu’un obiter dictum avec la valeur réduite qui s’y rattache:

[84]  De plus, aucune étude ou autre document se rapportant directement à la condition des plaignants ne démontre que leur groupe se compose de personnes vulnérables, historiquement défavorisées ou susceptibles de souffrir de préjugés ou de stéréotypes. Bref, si tant est qu’une distinction ait été établie, la preuve n’a pas démontré qu’elle créait un désavantage par la perpétuation d’un préjugé ou l’application d’un stéréotype négatif.

[44]        Cet obiter dictum n’impose pas à une partie qui allègue la discrimination le fardeau de démontrer que le groupe discriminé « se compose de personnes vulnérables, historiquement défavorisées ou susceptibles de souffrir de préjugés ou de stéréotypes ». Selon la jurisprudence, une telle exigence ne constitue pas un critère supplémentaire au test à trois volets réitéré à maintes reprises par la Cour suprême pour une plainte fondée sur l’article 10 de la Charte québécoise[74].

*****

[45]        Voyons maintenant si le statut d’étudiant est compris dans le motif de discrimination de la condition sociale.

4.1.2-    Le statut d’étudiant fait-il partie de la notion de « condition sociale » prévue à l’article 10 de la Charte québécoise?

[46]        L’appelante ne propose aucune définition de la condition sociale. Elle se limite à écrire que les étudiants n’en font pas partie parce que l’intimée n’a pas prouvé que ce groupe est dans une situation qui engendre de la discrimination en raison de préjugés, de stéréotypes ou du contexte social.

[47]        Pourtant, selon la jurisprudence, la condition sociale résulte de caractéristiques que l’on attribue généralement à une personne en raison de critères socio-économiques et l’idée sous-jacente que celle-ci occupe une place inférieure en raison, notamment, de son revenu, tels les assistés sociaux, les étudiants, les réfugiés, etc. Globalement, on peut retenir que la jurisprudence québécoise a privilégié la protection de différentes catégories de personnes qui ont généralement (mais pas toujours) comme dénominateur commun d’avoir un faible revenu ou de vivre une situation économique précaire.

[48]        Le Tribunal a adopté cette idée. Au paragraphe 331 de son jugement, il s’appuie sur une décision du Tribunal administratif dans laquelle les juges administratifs Dominique Bélanger (maintenant de notre Cour) et Pierre Lanthier exposent la situation de vulnérabilité économique des étudiants et l’idée que se fait la société québécoise qu’ils constituent une main-d’œuvre « bon marché »[75], et ce, en l’absence de toute preuve d’expert :

[331]  Les étudiants sont généralement reconnus comme faisant partie d’une classe inférieure de travailleurs, comme il appert des commentaires des juges administratifs Dominique Bélanger et Pierre Lanthier :

[92]  [...], il existe dans la société québécoise une idée que la main-d’œuvre étudiante est une main-d’œuvre à bon marché. Bien que Placement Québec semble véhiculer que la main-d’œuvre étudiante est une main-d’œuvre qualifiée, la Directive semble véhiculer que la main-d’œuvre étudiante est une main-d’œuvre bon marché. Ce que le requérant soumet, c’est que le gouvernement, sous prétexte de leur fournir un emploi d’été, profite de l’occasion pour obtenir la main-d’œuvre dont il a besoin à moindre coût.

[93]  Le requérant soumet que la précarité de l’emploi chez les étudiants et leur situation de vulnérabilité socio-économique ne permettent pas au gouvernement de les payer près de la moitié du salaire des employés occasionnels pour effectuer le même travail.

[94]  Sous cet angle, la question qui se pose est celle de savoir si, et si oui jusqu’à quel point, pour permettre à un groupe en situation de vulnérabilité ou de précarité économique d’obtenir des emplois, un employeur peut réduire leur traitement par rapport à un autre groupe de travailleurs. Le Tribunal est d’avis que cette question est fort sérieuse.

[95]  [...] l’embauche des étudiants permet que soit comblé un réel besoin de main-d’œuvre. [...]

[49]        Pour en revenir à l’existence de stéréotypes, en plus de refuser l’idée qu’ils doivent être présents dans toute situation de discrimination, il n’est pas nécessaire de recourir à un expert pour les constater. L’expérience de la vie en société suffit. Pour s’en convaincre, on peut référer à la jurisprudence de la Cour suprême, en matière criminelle par exemple, qui n’a pas hésité à qualifier certains comportements ou certains commentaires de stéréotypes, et ce, sans recourir à une preuve d’expert[76]. Les étudiants sont victimes de certains stéréotypes : ils sont jeunes; ils n’ont pas de grands besoins, qu’ils peuvent de toute façon satisfaire par de l’argent de poche gagné à temps perdu, le reste leur étant généralement fourni par leurs parents; ils n’ont donc pas besoin d’un revenu important. En fait, on entretient à l’endroit des étudiants, même si on ne les considère pas moralement ou socialement inférieurs, cette idée très stéréotypée que : 1° n’ayant ni charge familiale ni autre responsabilité, il n’est pas nécessaire de les payer aussi cher que les employés « ordinaires »; 2° ils n’ont pas les mêmes qualités (compétences, ancienneté, etc.) pour faire le travail aussi bien que les « vrais » employés (la preuve établit très clairement que ce n’est pas le cas chez l’appelante, pour toutes les raisons qu’explique le Tribunal); et 3° les employeurs leur rendent service en les embauchant, car sinon, vu leur disponibilité réduite (durant l’été ou à temps partiel durant le reste de l’année), personne ne les embaucherait et mieux vaut donc un salaire moindre que pas de salaire du tout.

[50]        Revenons à la définition de condition sociale. La jurisprudence de la Cour[77] et celle du Tribunal des droits de la personne[78] s’est, à maintes reprises, appuyée sur la définition de condition sociale proposée par le juge Tôth dans une affaire qui remonte à 1978. Aucun tribunal judiciaire ou administratif n’a, depuis, écarté cette définition :

Le savant procureur de la requérante a soutenu que dans le langage populaire "condition sociale" réfère soit au rang, à la place, à la position qu’occupe un individu dans la société, de par sa naissance, de par son revenu, de par son niveau d’éducation, de par son occupation; soit à l’ensemble des circonstances et des événements qui font qu’une personne ou qu’un groupe occupe telle situation ou telle position dans la société. Le Tribunal est d’accord avec cette proposition.[79]

[51]        Dans Commission des droits de la personne c. Gauthier[80], le Tribunal des droits de la personne rappelle d’abord que la Cour d’appel a donné son aval à cette définition et qu’elle a même ajouté que la condition sociale peut être un état temporaire[81]. Le Tribunal explique ensuite que cette définition de condition sociale comporte deux dimensions - objective et subjective - et qu’il est inapproprié d’exiger du plaignant qu’il démontre chacun de ces éléments. Il suffit que celui-ci établisse qu’il fait partie d’un groupe social identifiable et qu’il subit la discrimination en raison de son appartenance à ce groupe social :

Dans ce contexte, il apparaît que la condition sociale peut être définie comme la situation qu’une personne occupe au sein d’une communauté, notamment de par ses origines, ses niveaux d’instruction, d’occupation et de revenu, et de par les perceptions et représentations qui, au sein de cette communauté, se rattachent à ces diverses données objectives.

Cela étant, il faut cependant reconnaître le rôle variable, voire l’importance modulée, que, dans chaque cas d’espèce, l’un ou l’autre de ces éléments sera ou non appelé à exercer, cette liste n’étant au surplus pas exhaustive. Ainsi, l’on admet facilement que les circonstances entourant la naissance d’une personne parvenue à l’âge adulte auront souvent une influence moindre sur sa situation dans la société que son niveau d’occupation par rapport au marché du travail.

De même, pour établir une preuve de discrimination fondée sur la condition sociale, il serait inapproprié d’exiger d’une partie plaignante qu’elle démontre que chacun des éléments de la définition indicative ci-haut mentionnée intervienne de façon à lui causer un préjudice. Cette exigence n’ayant pas à être rencontrée, il faudra toutefois que le ou les élément(s) invoqué(s) au soutien de l’allégation de discrimination fondée sur la condition sociale permette(nt) d’établir l’appartenance de cette partie à un groupe socialement identifiable en tant que tel et subissant, de ce fait, la différence de traitement contestée. À l’instar des autres critères interdits mais, plus encore, en raison de sa nature intrinsèque, la condition sociale est en effet assortie d’un caractère relatif en ce sens qu’elle « constitue, concerne ou implique une relation », cette relation pouvant s’établir, d’une part, avec d’autres membres de la communauté partageant des caractéristiques communes et, d’autre part, avec les autres membres de cette communauté dans son ensemble.

[Soulignements ajoutés; référence omise]

[52]        Si l’on applique la définition précitée, il appert que les étudiants, les assistés sociaux, les réfugiés, etc. forment des groupes sociaux identifiables dans la communauté. En ce qui concerne plus précisément les étudiants, rappelons que le niveau d’éducation est l’un des paramètres de la condition sociale, comme en fait état la définition proposée par le juge Tôth il y a plus de 40 ans et appliquée depuis par la jurisprudence québécoise. Or, les étudiants à l’emploi de l’appelante ont été privés d’un droit fondamental, celui de recevoir le même traitement que les autres employés pour le même travail, et ce, en raison du seul fait qu’ils appartiennent à ce groupe social identifiable que constituent les étudiants.

[53]        Dans l’arrêt Ordre des comptables agréés du Québec c. Québec (Procureur général)[82], la Cour reprenait à son compte cette définition qui, faut-il le répéter, fait unanimité dans la jurisprudence et selon laquelle la notion de condition sociale fait généralement référence au rang et à la place qu’occupe une personne dans la société, en faisant ressortir que, dans le contexte d’une allégation de discrimination, cette condition a été généralement (mais pas toujours) appliquée à des personnes démunies ou vulnérables qui subissent leur situation sociale plutôt que d’en jouir.

*****

[54]        Ouvrons une autre parenthèse pour aborder les arrêts rendus par la Cour dans les affaires Lévesque c. Québec (Procureur général)[83] et Québec (Procureur général) c. Champagne[84] parce qu’elles recèlent une certaine ambigüité - qu’il importe de dissiper - quant à la démarche à suivre en matière de plainte de discrimination fondée sur la Charte québécoise.

[55]        Dans l’affaire Lévesque, la Cour a confirmé le jugement de la Cour supérieure voulant qu’il n’y ait pas lieu de réviser la décision rendue par la Commission des affaires sociales. Cette dernière avait refusé d’octroyer des prestations d’aide sociale à une mère monoparentale parce que celle-ci était retournée aux études. En plus des arguments en lien avec le caractère raisonnable du refus, la Cour s’est penchée sur la constitutionnalité de l’article 7 de la Loi sur l’aide sociale[85], lequel nie le droit à l’aide sociale à « une personne seule qui fréquente de jour une institution d’enseignement collégial ou universitaire […], sauf lorsque cette aide est nécessaire pour éviter […] un danger pour la santé […] ».

[56]        La Cour a décidé que, dans le contexte de cette disposition, le fait d’être étudiant ne constitue pas une condition sociale, et ce, en raison des objectifs de la loi :

Mais ici, il faut se demander si, dans le contexte de l’article 7 de la Loi, le fait d’être étudiant, à temps complet, au niveau collégial ou universitaire, peut constituer une condition sociale? Pour répondre dans la négative, je m’appuie sur le fait que si l’article 7 de la Loi existe dans le texte suivant lequel il est rédigé depuis 1981, c’est en raison du fait que les étudiants, à temps complet, au niveau collégial ou universitaire, sont éligibles à d’autres subventions sociales à savoir les prêts et bourses.[86]

[57]        Cette approche a aussi été utilisée par le Tribunal administratif du Québec dans l’affaire Champagne[87]. Celui-ci a conclu que les distinctions faites par la Loi sur l’assurance automobile[88] entre le niveau de scolarité des victimes d’accident automobile afin de déterminer leur indemnité étaient des distinctions pertinentes selon l’objet de la loi et, par conséquent, que le niveau de scolarité ne constituait pas une condition sociale dans les circonstances[89]. Cette décision a été renversée par la Cour supérieure[90], mais rétablie par la Cour d’appel[91], qui n’a pas motivé sa décision. Conséquemment, il est impossible d’y déceler un ratio decidendi qui aurait force de précédent.

[58]        Même si la conclusion de la Cour dans ces affaires est bien fondée, la démarche empruntée est inadéquate pour deux motifs. Premièrement, en raison de la jurisprudence postérieure de la Cour suprême en matière de droits et libertés, la Charte québécoise doit recevoir une interprétation large et libérale[92]. Deuxièmement, et il s’agit de l’élément fondamental, ces arrêts ont introduit indûment la notion de justification à l’étape de la détermination de ce qui constitue la discrimination à première vue. L’objectif à l’origine d’une mesure ou la justification de celle-ci constitue certes une considération pertinente dans l’analyse globale pour déterminer s’il y a discrimination ou non, mais, selon la Cour suprême, cette question doit être étudiée à la deuxième étape de l’analyse, après avoir examiné celle de la discrimination à première vue. Il faut en déduire que, si l’analyse prescrite par la Cour suprême dans Bombardier avait été connue, la Cour aurait d’abord dû conclure à l’existence d’une discrimination à première vue, puis à la justification de celle-ci en raison des circonstances de l’espèce.

[59]        À titre d’exemple, la définition de ce que constitue une « conviction politique », une « origine ethnique » ou une « expression de genre » au sens de l’article 10 de la Charte québécoise ne dépend pas de la justification apportée par un défendeur pour expliquer son comportement. Pareillement, les raisons invoquées pour justifier la distinction établie par la Loi sur l’aide sociale[93] entre les personnes étudiantes et non étudiantes n’auraient pas dû amener la Cour à conclure que le fait d’être étudiant ne relève pas de la condition sociale. Ces raisons démontrent plutôt que la distinction, bien que fondée sur le statut d’étudiant inclus dans la notion de condition sociale, est justifiée.

[60]        À ce sujet, les propos suivants du professeur Proulx sont justes. Celui-ci explique que la justification d’une mesure est irrecevable à la première étape de l’analyse de la discrimination à première vue où la seule question pertinente est celle de savoir si le motif prohibé a été un facteur dans la décision contestée :

Cela dit, si les raisons invoquées en défense pour expliquer ou justifier une différence de traitement discriminatoire peuvent être légitimes, elles demeurent irrecevables au premier stade d’analyse, celui de la preuve de la discrimination en vertu de l’article 10. À cette étape, la seule question pertinente est de savoir si l’état civil (ou un autre motif énuméré) a contribué à causer l’exclusion du plaignant ou plutôt, selon la nouvelle terminologie de la Cour suprême, a été un facteur dans la décision de l’exclure. Si tel est le cas, l’analyse se déplace vers la seconde étape, celle des justifications de la décision discriminatoire qui relève d’autres dispositions, notamment de l’article 20 en matière d’emploi, et dont le fardeau de preuve repose sur l’auteur de la distinction de traitement.[94]

[Soulignement ajouté]

*****

[61]        Avant de conclure sur la question de l’inclusion du statut d’étudiant dans le motif de la condition sociale, il importe de traiter de quelques arguments plus périphériques concernant : (i) l’idée que le statut d’étudiant résulte d’un choix personnel des individus visés; (ii) que ceux-ci occupent une place avantageuse dans la société; (iii) la pertinence de la législation des autres provinces dans l’analyse de la notion de condition sociale; et (iv) la portée du rapport du comité de révision de la Loi canadienne des droits de la personne.

Être étudiant est l’expression d’un choix personnel qui fait échec à la discrimination

[62]        Il faut rejeter l’idée que le statut d’étudiant résulte d’un choix personnel et que, pour cette raison, il ne peut fonder une plainte de discrimination en vertu du motif de la condition sociale.

[63]        La décision d’un individu de poursuivre des études après l’âge obligatoire fixé par la loi résulte, jusqu’à un certain point, d’un choix. Il faut toutefois reconnaître que ce choix ne constitue pas une véritable décision. Celle-ci lui est plutôt dictée dans la mesure où, pour atteindre son développement complet et gagner sa vie, chaque individu doit acquérir des connaissances et des habiletés en lien avec le métier ou la profession choisis. Le moyen d’y parvenir exige des études plus ou moins longues selon la carrière envisagée et les talents de chacun.

[64]        Pendant cette période dont la durée est variable, l’étudiant, souvent un jeune adulte, est placé dans un état de vulnérabilité économique. En raison de ses études, il n’occupe généralement pas un emploi à temps plein et, pour satisfaire ses besoins, il doit compter notamment sur la générosité de ses parents, sur l’aide gouvernementale, sur des emprunts et sur le revenu tiré de son emploi.

[65]        Cette idée que le choix personnel d’un statut empêche une plainte de discrimination découle d’une mauvaise lecture de l’arrêt Ordre des comptables généraux licenciés du Québec c. Québec (Procureur général)[95]. Dans cette affaire, la Cour conclut notamment à l’absence de discrimination résultant de l’article 24 de la Loi sur les comptables agréés[96]. Cette disposition consacre l’exclusivité de l’activité de préparation d’états financiers aux comptables agréés au détriment des comptables généraux licenciés. La Cour décide que l’appartenance à un ordre professionnel ne constitue pas une distinction fondée sur la condition sociale :

[69]  La première condition est remplie puisque l’article 24 LCA traite différemment ceux qui sont c.a. et ceux, comme les c.g.a., qui ne le sont pas. Toutefois, les appelants sont incapables de démontrer que la distinction est fondée sur un motif de discrimination se rattachant à l’une ou l’autre des caractéristiques personnelles énumérées à l’article 10. Le premier juge a refusé, avec raison, de voir dans l’appartenance à l’OCA une distinction fondée sur la « condition sociale » au sens de l’article 10. Nous sommes très loin de la notion de condition sociale telle qu’elle a été cernée par la jurisprudence. Cette notion fait généralement référence au rang, à la place qu’occupe une personne dans la société. Dans le contexte plus pointu d’une allégation de discrimination, cette notion a été appliquée à des personnes démunies ou vulnérables qui subissent leur condition sociale plutôt que d’en jouir. Elle résulte le plus souvent d’une situation dont la personne ne peut pas s’affranchir facilement et qui n’est pas la conséquence d’un choix délibéré.

[70]  L’appartenance délibérée à une profession peut certes influer sur la condition sociale d’une personne « mais le fait d’être un c.g.a. plutôt qu’un c.m.a. ou c.a. ne constitue pas en soi une condition sociale. De même, il est impossible de dire que tous les c.g.a. font partie de la même classe sociale » (paragraphe 111 du jugement dont appel).[97]

[66]        Notons d’abord la nuance faite par la Cour selon laquelle la condition sociale « résulte le plus souvent d’une situation dont la personne ne peut pas s’affranchir facilement et qui n’est pas la conséquence d’un choix délibéré ». Il ne s’agit donc pas d’un élément dirimant dans la détermination de ce qui constitue une condition sociale au sens de la Charte québécoise. D’ailleurs, le choix d’appartenir à un ordre professionnel plutôt qu’à un autre est très éloigné de la décision de poursuivre des études.

[67]        Mais il y a plus convaincant. La Cour suprême a expliqué, à plusieurs reprises, que l’existence et l’exercice d’un choix ne sont pas pertinents pour statuer sur la discrimination :

[336]  Qui plus est, la Cour a maintes fois rejeté des arguments voulant que l’existence d’un choix empêche de conclure qu’une distinction constitue de la discrimination. Dans Brooks c. Canada Safeway Ltd., [1989] 1 R.C.S. 1219, l’employeur prétendait que la rémunération différente versée aux femmes qui s’absentaient du travail pendant leur grossesse ne constituait pas de la discrimination, parce que « la grossesse est un état voulu et [...], comme les autres formes d’absence volontaire, elle ne saurait faire l’objet de prestations » (p. 1236). Le juge en chef Dickson a refusé de souscrire à l’argument selon lequel la grossesse résulte d’un choix, indiquant que le fait de s’attacher à la notion de choix irait « à l’encontre de l’un des objets des lois anti-discrimination [...] la suppression des désavantages injustes imposés à des personnes ou à des groupes dans la société » (p. 1238). Autrement dit, non seulement la grossesse ne résulte pas d’un « choix véritable », mais l’existence d’un choix n’est pas pertinente pour statuer sur la discrimination.[98]

[68]        Plus récemment, dans Fraser c. Canada (Procureur général)[99], la Cour suprême a rappelé ses enseignements selon lesquels une différence de traitement peut être discriminatoire même si elle est fondée sur des choix faits par l’individu ou le groupe concerné :

[86]  En fondant le rejet de la demande de Mme Fraser sur le « choix » qu’a fait cette dernière de conclure une entente de partage de poste, la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont, soit dit en tout respect, mal interprété la jurisprudence de notre Cour sur le par. 15(1). La Cour a toujours conclu qu’une différence de traitement pouvait être discriminatoire même si elle est fondée sur des choix faits par l’individu ou le groupe touché.

[87]  Dans l’arrêt Brooks, par exemple, le juge en chef Dickson a rejeté l’argument d’un employeur selon lequel le fait d’offrir des prestations moindres aux femmes enceintes ne constitue pas de la discrimination fondée sur le sexe, parce que la grossesse est « voulue » (p. 1237-1238). Après cet arrêt, la Cour a « maintes fois rejeté des arguments voulant que l’existence d’un choix empêche de conclure qu’une distinction constitue de la discrimination » (Québec c. A, par. 336). Dans l’arrêt Lavoie c. Canada, [2002] 1 R.C.S. 769, par exemple, la Cour a conclu qu’une loi qui accorde un traitement préférentiel aux citoyens canadiens enfreignait le par. 15(1), malgré l’argument avancé par le gouvernement suivant lequel le fait de devenir un citoyen canadien était un choix. S’accordant sur ce point, la juge en chef McLachlin et la juge L’Heureux-Dubé l’ont énoncé clairement :

Le fait qu’une personne puisse éviter la discrimination en modifiant son comportement n’en supprime pas l’effet discriminatoire. S’il en était autrement, l’employeur qui refuserait d’embaucher des femmes dans son usine parce qu’il ne veut pas mettre un vestiaire à leur disposition pourrait prétendre que la cause réelle de l’effet discriminatoire est le « choix » des femmes de ne pas utiliser le vestiaire des hommes. Le seul fait de contraindre certaines personnes à faire ce type de choix viole la dignité humaine et est discriminatoire en soi. Jusqu’à maintenant, le droit en matière de discrimination n’a pas exigé que le demandeur prouve qu’il n’aurait pu éviter l’effet discriminatoire pour que soit reconnue l’atteinte à l’égalité garantie au par. 15(1). Dans Andrews, la Cour ne s’est pas arrêtée à ces considérations. Au contraire, le juge La Forest dit expressément que, dans certains cas, l’acquisition de la citoyenneté canadienne peut être « fort préjudiciable » lorsqu’elle cause la perte de la citoyenneté d’origine et il ne laisse aucun doute que ce coût doit jouer en faveur de la personne touchée par la mesure discriminatoire.

[Italiques ajoutés; référence omise]

L’étudiant qui travaille chez l’appelante jouit d’un statut enviable

[69]        L’appelante fait valoir que les étudiants qui travaillent dans son entreprise ne sont pas des personnes vulnérables et, qu’au contraire, elles jouissent d’un statut enviable.

[70]        Les étudiants qui travaillent chez l’appelante font un travail équivalent à celui des employés réguliers et occasionnels. Ils sont rémunérés à un salaire inférieur pour la seule raison qu’ils poursuivent des études, les privant ainsi du droit fondamental garanti par la Charte québécoise de recevoir un traitement égal pour un travail équivalent alors même que cette différence de traitement n’est pas fondée sur l’expérience, l’ancienneté, la durée de service, l’évaluation au mérite, la quantité de production, ni sur aucun autre motif valable. Les étudiants se sentent diminués, victimes d’injustice, etc., et ce, dans un contexte où la jurisprudence reconnaît que le statut d’étudiant fait partie de la notion de condition sociale, un motif interdit de discrimination.

[71]        Aucune autorité ne permet de conclure à l’inexistence d’une discrimination fondée sur la condition sociale parce qu’un salaire reçu par un étudiant chez un employeur est attrayant par rapport à celui versé par un autre employeur ou parce que cet étudiant cherche, par ses études, à améliorer son sort.

[72]        L’idée que l’on puisse « discriminer » les étudiants qui travaillent chez l’appelante parce que le salaire versé est intéressant par rapport au salaire minimum n’est pas sans rappeler d’autres idées passéistes. On peut penser à la proposition, maintenant révolue, que l’on peut payer un salaire inférieur aux femmes parce qu’elles n’en ont pas besoin, apportant un revenu d’appoint à la famille. On peut aussi penser à l’idée, qui n’a plus cours non plus, que l’on peut payer un salaire inférieur aux immigrants parce qu’il est plus avantageux que celui qu’ils recevaient dans leur pays d’origine.

[73]        De telles idées doivent être rejetées.

La législation des autres provinces comme guide d’interprétation

[74]        L’étude de la législation canadienne en matière de discrimination est pertinente à l’analyse. C’est ce que la Cour suprême a fait pour interpréter la notion de handicap contenue à l’article 10 de la Charte québécoise dans son arrêt Québec (Commission des droits de la personne et de la jeunesse) c. Montréal (Ville)[100]. Dans cette affaire, trois plaignants s’étaient vu refuser un emploi en raison de conditions de santé qui ne leur occasionnaient cependant aucune incapacité ni aucune limitation. La Cour suprême a étudié l’objectif de la Charte québécoise, son historique législatif, ses autres dispositions ainsi que les lois connexes des autres provinces pour retenir une définition large de la notion de handicap.

[75]        Le recours aux textes législatifs des autres provinces pour interpréter la notion de condition sociale contenue dans la Charte québécoise comporte tout de même des limites non négligeables. Comme la plupart des législations énumèrent, à titre de motif prohibé, la « source de revenu » et non pas la « condition sociale », il faut retenir qu’elles ont choisi une notion plus restrictive et que celle-ci ne peut avoir pour effet de limiter la notion de condition sociale énoncée dans la Charte québécoise, laquelle réfère à un concept nettement plus large.

[76]        L’inclusion des étudiants dans le motif de condition sociale est d’ailleurs cohérente avec les législations qui contiennent les mêmes termes, comme celle des Territoires du Nord-Ouest[101] et du Nouveau-Brunswick[102]. Le Code des droits de la personne du Manitoba est particulier puisqu’il limite expressément la discrimination fondée sur le motif de désavantage social aux cas où celle-ci repose « sur un préjugé défavorable ou un stéréotype ayant trait au désavantage social »[103], ce qui peut mener à un résultat différent.

Le rapport du comité de révision de la Loi canadienne des droits de la personne

[77]        Ce rapport, publié en 2000, visait à recommander au législateur fédéral des modifications à la Loi canadienne des droits de la personne[104] (« Loi canadienne ») à différents chapitres. La lecture de la section traitant de la condition sociale montre que le comité de révision proposait au législateur d’adopter dans la Loi canadienne une interprétation plus restrictive de la notion de condition sociale que celle qui prévaut dans la Charte québécoise et de limiter son application aux individus qui sont dans un état de pauvreté autre que temporaire.

[78]        Précisons que le comité de révision a expressément reconnu que la notion de condition sociale prévue dans la Charte québécoise est plus large que celle qu’il a recommandé au législateur fédéral d’insérer dans la Charte canadienne. Voici les extraits pertinents du rapport sur cette question :

La ministre de la Justice nous a demandé de considérer l’ajout du motif de la « condition sociale ». Pour considérer cette question, nous devons établir ce que peut signifier l’expression et, si nous décidons de recommander son ajout à la Loi, s’il faut en donner une définition dans la loi. L’expérience du Québec relativement à ce motif peut le mieux nous éclairer sur ce que signifie l’expression.

Une jurisprudence s’y est établie avec le temps. Les cours et le Tribunal des droits de la personne du Québec ont clarifié les facteurs à considérer pour décider s’il y a discrimination fondée sur la condition sociale. Dans l’affaire Commission des droits de la personne du Québec c. Gauthier (1993), le Tribunal du Québec a dit : « La définition de la « condition sociale » comprend un aspect objectif. La position d’une personne dans la société est souvent déterminée par son occupation, son niveau de revenu ou d’instruction ou ses origines familiales. Elle comprend aussi un aspect subjectif, de par les perceptions qui se rattachent à ces diverses données objectives. Le plaignant n’a pas à prouver que tous ces facteurs ont influencé la décision de l’exclure. Il lui faudra cependant démontrer que, par suite de l’un ou de plusieurs de ces facteurs, il peut être considéré comme faisant partie d’un groupe socialement identifiable et que c’est dans ce contexte qu’il y a eu discrimination ». Ce langage est généralement en accord avec les lignes directrices sur la condition sociale publiées par la Commission du Québec en 1994.

[…]

Nous croyons que le motif de la condition sociale devrait s’inspirer de la définition établie au Québec, avec cette différence qu’il devrait se borner à protéger les personnes défavorisées.

[…]

Nous nous sommes demandé si le motif devait être restreint aux personnes défavorisées ou étendu aux personnes appartenant à un groupe qui se distingue par sa situation privilégiée. Autrement dit, nous nous sommes demandé si la condition sociale devait être un terme neutre comme la race ou le sexe ou faire référence au désavantage comme le fait la définition de la déficience. Il y a des cas au Québec où le motif a été interprété comme interdisant la discrimination contre des individus disposant de revenus au-dessus de la moyenne ou occupant des postes prestigieux. Cela nous semble inopportun pour deux raisons. Premièrement, nous pensons que le but est de protéger ceux qui subissent un désavantage à cause de leur condition sociale.

Deuxièmement, nous ne voulons pas proposer un motif trop large. La Loi devrait contenir une définition semblable à la proposition de modification (bien que rejetée) du projet de loi S-11 disant que « la condition sociale inclut des caractéristiques relatives au désavantage économique ou social ». Selon nous, le motif de la condition sociale devrait viser les personnes dont la situation de pauvreté est continue plutôt que les personnes qui se trouvent temporairement dans cette situation.

[Soulignements ajoutés]

[79]        En vertu de la Charte québécoise, il n’est pas obligatoire d’être considéré comme un individu inférieur pour que soit reconnue une discrimination. L’élément subjectif de la notion de condition sociale prévue à l’article 10 de la Charte québécoise peut constituer un indice utile pour décider s’il y a discrimination, mais il ne s’agit pas d’un élément indispensable. En cela, la jurisprudence québécoise citée dans la section des présents motifs traitant de la condition sociale reflète les enseignements de la juge L’Heureux-Dubé dans l’arrêt Québec (Commission des droits de la personne et de la jeunesse) c. Montréal (Ville)[105] qui, lui, portait sur l’interprétation de la notion de handicap. Celle-ci explique que le handicap peut être réel ou perçu (aspects objectif et subjectif) et que la discrimination sur la base du handicap n’exige pas obligatoirement l’existence d’une limitation physique ou d’une affection quelconque. L’accent doit être mis sur les effets de la distinction plutôt que sur la cause.

[80]        Voilà, semble-t-il, la seule façon de donner aux droits reconnus par la Charte québécoise une interprétation large, comme le préconise la Cour suprême, et fondée sur l’objet visé par cette loi de nature quasi constitutionnelle, soit de protéger les individus contre les décisions arbitraires, fondées sur des motifs de discrimination interdits qui les privent, sans raison valable, des droits fondamentaux que leur garantit cette loi, ici le droit de recevoir un salaire égal pour un travail équivalent.

[81]        Les emplois étudiants ne vont pas disparaître prochainement pour cette raison, car, dans la majorité des cas, la différence salariale sera justifiée par des considérations prévues à l’article 19 de la Charte québécoise. Dans une certaine mesure, la rigueur avec laquelle l’appelante forme et assigne tous ses employés, qu’il s’agisse d’employés réguliers, d’occasionnels ou d’étudiants, et ce, à cause de la nature très particulière (et véritablement dangereuse) des tâches et de l’environnement de travail, entraîne cette obligation de leur verser le même salaire. L’appelante n’a, en réalité, établi aucune raison pour payer moins cher les étudiants qui font le même travail que leurs collègues. Ce ne sera pas nécessairement le cas de la majorité des emplois étudiants au Québec. Conséquemment, les présents motifs sont susceptibles d’avoir un impact circonscrit par des circonstances qui peuvent certes se retrouver dans d’autres entreprises, mais qui ne sont pas universelles.

[82]        La Tribunal n’a pas commis d’erreur en concluant que le statut d’étudiant fait partie de la notion de condition sociale contenue à l’article 10 de la Charte québécoise et en concluant que les étudiants qui ont travaillé chez l’appelante ont été victimes de discrimination interdite pour cause de violation du droit consacré à l’article 19 alinéa 1 de la Charte québécoise.

4.2-     Le Tribunal a-t-il erré en concluant à l’existence d’une distinction fondée sur l’âge?

[83]        Le Tribunal mentionne au passage que l’âge a aussi été un facteur de discrimination. Comme la condition sociale a été au cœur de son raisonnement et de sa décision et, vu la conclusion de la Cour sur le sujet, il n’est pas nécessaire de traiter de cette question.

4.3-     Le Tribunal a-t-il erré dans l’interprétation et l’application de la notion de travail équivalent prévue à l’article 19 de la Charte québécoise?

[84]        L’appelante a plaidé que les étudiants ne faisaient pas un travail équivalent à celui exécuté par les réguliers et les occasionnels. Le Tribunal a rejeté cette prétention. Le Tribunal aurait commis une erreur manifeste et déterminante en analysant les tâches exécutées au moyen d’une méthode qui a regroupé l’ensemble des tâches remplies par les étudiants dans chaque secteur de l’usine plutôt que de faire une analyse individuelle des tâches effectuées par chacun d’eux.

[85]        L’intimée et le mis en cause sont d’avis que le Tribunal a examiné chacun des postes auxquels les étudiants ont été affectés et a conclu, pour chaque tâche particulière, que le travail accompli par chacun d’eux est le même ou qu’il est équivalent à celui de l’employé qu’il remplace.

[86]        Relativement au caractère équivalent du travail réalisé par les étudiants, le Tribunal constate entre autres :

[360]  L’article 19 de la Charte vise à empêcher un employeur de verser un salaire différent à des employés qui exercent le même travail ou un travail équivalent que d’autres de ses employés, si la différence n’est pas justifiée par un des critères qu’il énumère. Il n'y a pas de discrimination si une différence de traitement ou de salaire est fondée sur l’expérience, l'ancienneté, la durée du service, l’évaluation au mérite, la quantité de production ou le temps supplémentaire, si ces critères sont communs à tous les membres du personnel.

[361]  Pour répondre à la question, le Tribunal doit évaluer si les étudiants effectuent un travail équivalent à celui des occasionnels ou, lorsque ceux-ci ne sont pas assignés aux mêmes tâches que les étudiants, à celui des réguliers.

[362]  La preuve révèle que les étudiants évoluent dans le même environnement dangereux et potentiellement toxique que les réguliers et les occasionnels, et sont assignés à des tâches tout aussi dangereuses que celles auxquelles les réguliers et les occasionnels sont assignés. Il arrive même que les tâches qui leur sont réservées soient plus dangereuses que celles réservées aux employés réguliers ou occasionnels dans un secteur donné (ex. : vidange de poche versus changement de lame).

[363]  Le Tribunal considère, par ailleurs, que les étudiants sont aussi compétents que les employés réguliers ou occasionnels aux tâches auxquelles ils sont assignés. Non seulement l’argument contraire n’a pas été amené par l’une ou l’autre partie, mais il en va de la sécurité de tous et de la productivité, en plus du fait que certains étudiants ont, à l’initiative de leur supérieur immédiat et en contravention avec une consigne, déjà assuré la supervision de nouveaux employés occasionnels.

[364]  S’il y a une différence entre les étudiants et les employés réguliers ou occasionnels, elle se situe donc plutôt au niveau du nombre de tâches effectuées.

[365]  La preuve est imprécise quant aux raisons pour lesquelles certaines tâches auparavant assignées aux étudiants ne le sont plus.

[366]  Le Tribunal ne retient pas l’argument simpliste de « santé et sécurité », systématiquement mis de l’avant par ABI sans autres explications pour justifier que les étudiants se soient vu retirer l’assignation à certaines tâches, mais comprend que — sauf pour les tâches qui ont été retirées de la liste de celles auxquelles ils peuvent être formés — les étudiants ne sont pas formés aux tâches dont la durée de la formation est telle qu’ils ne pourraient pas être affectés à ces tâches même s’ils y étaient formés, compte tenu de la durée d’embauche maximale permise par les conventions collectives d’au plus 14 semaines.

[367]  En principe, les tâches des étudiants diffèrent de celles des réguliers et des occasionnels en ce que, pour la grande majorité des 22 postes aux tâches desquels les étudiants peuvent être formés et assignés, ils n’effectuent pas toutes les tâches du poste. L’analyse de la preuve révèle cependant que dans les faits, la situation des étudiants ne diffère pas de celle des réguliers et des occasionnels qui ne sont pas systématiquement formés à l’ensemble des tâches du poste qu’ils occupent.

[368]  De même, les étudiants effectuent parfois moins, mais aussi parfois plus de tâches que les occasionnels, et dans certains cas, toutes les tâches d’un poste.

Les étudiants effectuent plus de tâches que les occasionnels :

[369]  Les étudiants effectuent plus de tâches que les occasionnels au poste d’opérateur polyvalent dans le secteur fonderie :

Poste - Secteur

Nbre de tâches

Nbre de tâches effectuées par les

Étudiants

Occasionnels

Opérat. Polyvalent scies - Fonderie

9

Avant 2014 : 5 sur 9

Après 2014 : 4 sur 9

3 sur 9

[370]  Lorsque formé aux tâches du poste (cinq avant 2014 et quatre après 2014), un étudiant assume plus de responsabilités qu’un occasionnel qui ne peut être formé qu’à trois des neuf tâches.

Les étudiants effectuent le même nombre de tâches que les occasionnels ou les réguliers :

[371]  Les étudiants effectuent le même nombre de tâches que les occasionnels dans deux des postes auxquels ils peuvent être affectés, et la même tâche que les réguliers dans cinq postes auxquels les occasionnels ne sont pas assignés :

Poste - Secteur

Nbre de tâches

Nbre de tâches effectuées par les

Étudiants

Occasionnels

Opérateur four à cuire - Carbone

5

4 sur 5

4 sur 5

Poste élabo-coulée - Fonderie

5

3 sur 5

3 sur 5

 

 

 

 

Opérateur mesures - Électrolyse

1

1

0

Opérateur support - Électrolyse

1

1

0

Coordon. planification - Fonderie

3

3

0

Op. lavage - Manutention - transp.

1

1

0

Opérateur sortie de coulée

4

4

0

[…]

[383]  Force est de conclure de ce qui précède que leur rémunération n’est pas liée au nombre de tâches qu’ils font par rapport à leurs collègues, occasionnels lorsque cette catégorie d’employés est assignée aux mêmes tâches qu’eux, ou réguliers lorsqu’aucun occasionnel n’est assigné au même poste.

[…]

[393]  La rémunération moindre versée aux étudiants ne peut pas non plus se justifier par leur manque d’expérience parce que ce n’est qu’exceptionnellement que les grilles salariales prévoient une majoration du salaire pour les autres catégories d’employés syndiqués après quelques mois à un poste donné[106]. Même dans ces cas, il n’y a que deux niveaux de rémunération. La règle est qu’un seul taux horaire est payable par poste, sans gradation liée à l’expérience.

[…]

[404]  Enfin, la preuve ne permet pas de conclure que les étudiants font 85 % des tâches des postes auxquels ils sont affectés alors que :

1.      Ils effectuent 100 % des tâches de certains postes;

2.      Sauf pour certaines tâches (ex. : changement de scie, replacer les anodes dans la pyramide, nettoyage du bain et grenailleuse, et intervention sur les gros mégots), la preuve est silencieuse quant au pourcentage du temps de chacune des tâches d’un poste par rapport à une journée normale de travail, de sorte que le Tribunal ne peut évaluer si effectivement les étudiants font 85 % des tâches;

3.      En dehors de la théorie selon laquelle les étudiants ne peuvent effectuer une partie de tâche d’un poste (ex. : changer la scie, replacer une anode dans la pyramide, nettoyage du bain et grenailleuse, et intervention sur les gros mégots), la preuve n’a pas établi que cette partie de tâche du poste a réellement dû être effectuée par un autre employé alors qu’un étudiant était assigné à la tâche;

4.      Sauf exception, les étudiants effectuent 100 % de la tâche des employés qu’ils remplacent;

5.      Pour la majorité des postes, le nombre de tâches du poste que les étudiants peuvent effectuer par rapport au nombre total des tâches du poste représente moins de 85 % des tâches du poste, ce pourcentage allant jusqu’à 22 % pour le poste d’opérateur manutention — transport. La preuve n’a pas établi que le nombre de tâches qu’ils effectuent représente 85 % du temps du quart de travail d’un employé régulier ou occasionnel qui occupe le poste aux tâches duquel un étudiant est affecté, et n’a pas traité de ce point.[107]

[Soulignement ajouté; références omises; italiques dans l’original]

[87]        Pour soutenir que la notion de travail équivalent doit être analysée d’un point de vue strictement individuel, l’appelante prend appui sur l’arrêt Georges c. Québec (Procureur général)[108]. Cet arrêt n’a toutefois pas la portée que l’appelante lui donne. M. Georges cherchait à se faire reconnaître le statut de représentant dans une action collective où le groupe était décrit de la façon suivante :

Les étudiantes et étudiants embauchés par les ministères et organismes du gouvernement du Québec au cours de la période de l’été et qui ont été et/ou sont assujettis à la Directive concernant les étudiantes et étudiants embauchés dans la fonction publique au cours de la période d’été […].[109]

[88]        Le juge de la Cour supérieure a rejeté la demande de recours collectif, au stade de l’autorisation, pour des raisons liées au cadre juridique propre aux actions collectives :

[28]  Dans chaque cas, il faudrait faire une analyse particulière et individuelle pour déterminer si un membre du groupe rencontre les conditions d’admission à la classe d’emploi à laquelle il prétend se comparer, ce qui est extrêmement difficile, sinon impossible, à déterminer.

[29]  De plus, l’analyse de l’allégation de discrimination entre autres en nécessite l’examen pour déterminer si elle a un effet discriminatoire sur un individu ou un groupe d’individus. Cette étude ne peut se réaliser sans examiner chaque cas individuellement pour comprendre si notamment un membre en particulier aurait eu la possibilité d’être embauché et aurait de fait été embauché dans la fonction publique sans la Directive R-3.

[30]  D’autre part, le recours du requérant est fondé sur une situation bien particulière, notamment en ce qu’il n’a pas le même employeur que l’ensemble des membres du groupe et  qu’il a été embauché comme étudiant et comme occasionnel, ce qui ne correspond pas à la situation des membres du groupe.[110]

[Soulignements et caractères gras ajoutés]

[89]        La Cour a confirmé le jugement de première instance de la façon suivante :

[41]  En l’espèce, la définition du groupe proposée par l’appelant devant cette Cour ne répond pas à ces exigences en ce que la deuxième partie de la définition apparaît, d’une part, comme étant subjective et, d’autre part, fondée sur un critère dépendant de l’issue du litige au fond. En effet, il serait aisé pour une personne de déterminer si son emploi était couvert par la Directive concernant les étudiants. Par contre, comment pourrait-elle savoir si elle a effectué un travail équivalent à celui d’un employé occasionnel? Chaque personne ayant été embauchée durant l’été en application de cette Directive devrait se questionner à savoir si les tâches effectuées dans le cadre de son emploi d’été étaient équivalentes à celles effectuées par un employé occasionnel et méritaient le même salaire. Pareille réflexion s’imposerait du simple fait que les emplois offerts aux étudiants durant l’été ne correspondent pas aux catégories et classes d’emploi existant dans la fonction publique pour les employés occasionnels.

[42]  Cette situation, l’appelant ne la nie pas. Il affirme toutefois que les étudiants effectuent dans les faits les mêmes tâches. Il en veut pour preuve la situation contractuelle qu’il a lui-même vécue. Ayant été embauché successivement comme étudiant et occasionnel, il a été placé dans une situation lui permettant de comparer ses tâches dans chacun de ses emplois. Il est cependant incapable de dire si cette situation a été vécue par d’autres.[111]

[Soulignements et caractères gras ajoutés]

[90]        Cet arrêt a été prononcé en fonction des règles propres aux actions collectives en considérant particulièrement la description du groupe que M. Georges voulait représenter. Il n’a pas de pertinence en ce qui a trait à la méthode d’analyse adoptée pour déterminer l’équivalence des tâches chez l’appelante.

[91]        L’appelante ne démontre pas d’erreur manifeste et déterminante dans le choix de la méthode d’analyse et la conclusion hautement factuelle du Tribunal en ce qui concerne les tâches réalisées par les étudiants et leur équivalence avec celles des réguliers ou des occasionnels.

[92]        Les auteurs Brun, Tremblay et Brouillet rappellent que : « [l]es critères de cette équivalence sont les qualifications requises, l’effort nécessaire, les responsabilités assumées et les conditions de travail »[112]. Dans le présent dossier, le Tribunal a constaté que « la situation des étudiants ne diffère pas de celle des réguliers et des occasionnels qui ne sont pas systématiquement formés à l’ensemble des tâches du poste qu’ils occupent »[113]. De plus, la preuve non contredite a établi que, lorsqu’ils accomplissent la même tâche, tous les employés reçoivent la même formation, ils fournissent le même effort, ils assument les mêmes responsabilités et ils travaillent dans les mêmes conditions[114].

[93]        Ce moyen d’appel doit être rejeté.

4.4-     Le Tribunal a-t-il erré dans l’interprétation et l’application de la notion de durée de service prévue à l’article 19 de la Charte québécoise?

[94]        L’appelante soutient que la nature du contrat des étudiants qui est à « durée déterminée » satisfait l’exception prévue à l’article 19 alinéa 2 de la Charte québécoise qui dispose qu’il « n’y a pas de discrimination si une différence de traitement ou de salaire est fondée sur l’expérience, l’ancienneté, la durée du service, l’évaluation au mérite […] ».

[95]        Elle fait valoir, du même souffle, que tous les employés qui jouissent d’un contrat à durée déterminée sont traités de la même façon. Elle ajoute que le Tribunal a commis une erreur manifeste et déterminante en appréciant le témoignage de Mme Annie Dubois, conseillère en ressources humaines chez l’appelante, pour en retenir que la durée des services ne constitue pas la source de la distinction salariale existant entre les étudiants et les autres employés. L’appelante plaide aussi que la Loi sur l’équité salariale[115] « exclut expressément les étudiants qui travaillent durant leurs vacances ».

[96]        Selon l’intimée, il est erroné d’assimiler « durée de service » et « contrat à durée déterminée ». Elle est aussi d’avis que l’appelante n’a pas démontré une erreur manifeste et déterminante dans l’appréciation par le Tribunal de l’ensemble de la preuve et, particulièrement, du témoignage de Mme Annie Dubois.

[97]        Le mis en cause observe que la période limitée du contrat de travail (le contrat à durée déterminée) des étudiants ne doit pas être confondue avec le concept de « durée de service » puisque la durée fixe du contrat de travail des étudiants n’a aucune incidence sur leur capacité et compétence à exécuter leur travail. Il ajoute que la preuve établit clairement, comme l’a retenu le Tribunal, que la durée de service de tous les salariés de l’appelante n’a jamais été un critère retenu pour déterminer le taux de salaire payé aux employés de l’usine.

[98]        Voici comment le Tribunal rejette l’argument de l’appelante fondé sur l’exception de « durée de service » :

[396]  ABI réfère ensuite à la notion de « durée de service » prévue au deuxième alinéa de l’article 19 de la Charte. Annie Dubois a pourtant écarté ce critère comme étant à la source du salaire moindre payé aux étudiants.

[397]  L’argument mis de l’avant par ABI que tous les employés qui ont un contrat à durée déterminée sont traités de la même façon est circulaire, comme la théorie du separate but equal rejetée par la Cour suprême[116], puisque — sauf quant à la situation exceptionnelle de 2011 — les seuls employés qui ont des contrats à durée déterminée sont les étudiants.

[398]  Certes, les étudiants sont engagés pour des contrats dont la durée est déterminée à la suite de négociations avec le Syndicat, mais ils gagnaient le même salaire que les réguliers jusqu’au 31 décembre 1994. La réduction de leur rémunération a été amenée de façon unilatérale par ABI lors du dépôt d’une offre finale visant à conclure les négociations afférentes au renouvellement des conventions collectives, non pas sur la base du contrat à durée déterminée, mais sans motif ou, suivant l’argument avancé par ABI durant l’instruction, que les étudiants effectuent seulement 85 % des tâches des réguliers.

[399]  Ce dernier argument est moins que convaincant et n’est pas retenu pour plusieurs raisons.

[400]  Le seul témoin qui a fait allusion au fait que le motif d’ABI pour proposer de réduire le salaire horaire des étudiants à partir de 1995 était le pourcentage des tâches qu’ils font par rapport à celles que font les réguliers, confirme que l’Aluminerie n’a peut-être pas partagé son raisonnement avec le Syndicat lorsqu’elle a intégré cet élément dans l’offre finale de négociation.

[401]  Le Syndicat soutient quant à lui qu’ABI ne lui a fait part d’aucune raison pour inclure la réduction du salaire des étudiants dans son offre finale.

[402]  La preuve sur ce point est donc peu probante et conduit le Tribunal à écarter le témoignage du seul témoin qui aurait souvenir de cette justification. Mais il y a plus.

[403]  Si tel avait été le cas, ABI aurait certainement commandé une analyse du pourcentage des tâches que les étudiants effectuent aux postes auxquels ils sont assignés. Or, elle n’allègue pas qu’une telle analyse ait été réalisée. Il est de plus permis de penser que si une telle analyse avait été faite, le Syndicat aurait été mis au courant et invité à valider les données colligées, ce qui n’a pas été fait.

[404]  Enfin, la preuve ne permet pas de conclure que les étudiants font 85 % des tâches des postes auxquels ils sont affectés alors que :

1.    Ils effectuent 100 % des tâches de certains postes ;

2.    Sauf pour certaines tâches (ex. : changement de scie, replacer les anodes dans la pyramide, nettoyage du bain et grenailleuse, et intervention sur les gros mégots), la preuve est silencieuse quant au pourcentage du temps de chacune des tâches d’un poste par rapport à une journée normale de travail, de sorte que le Tribunal ne peut évaluer si effectivement les étudiants font 85 % des tâches ;

3.    En dehors de la théorie selon laquelle les étudiants ne peuvent effectuer une partie de tâche d’un poste (ex. : changer la scie, replacer une anode dans la pyramide, nettoyage du bain et grenailleuse, et intervention sur les gros mégots), la preuve n’a pas établi que cette partie de tâche du poste a réellement dû être effectuée par un autre employé alors qu’un étudiant était assigné à la tâche ;

4.    Sauf exception, les étudiants effectuent 100 % de la tâche des employés qu’ils remplacent ;

5.    Pour la majorité des postes, le nombre de tâches du poste que les étudiants peuvent effectuer par rapport au nombre total des tâches du poste représente moins de 85 % des tâches du poste, ce pourcentage allant jusqu’à 22 % pour le poste d’opérateur manutention — transport. La preuve n’a pas établi que le nombre de tâches qu’ils effectuent représente 85 % du temps du quart de travail d’un employé régulier ou occasionnel qui occupe le poste aux tâches duquel un étudiant est affecté, et n’a pas traité de ce point.

[…]

[412]  La différence de traitement n’est pas fondée sur l’expérience (comme nous l’avons vu plus haut), sur l’ancienneté — qui réfère à la durée d’emploi chez un même employeur — ou sur le mérite — comme le permet l’article 19 de la Charte — puisque dès sa première journée de travail, un occasionnel gagne plus qu'un étudiant qui en est à sa quatrième période d’emploi estival et a peut-être travaillé à autant de reprises durant la période des fêtes.

[413]  La différence n'est pas non plus basée sur les heures supplémentaires puisque lorsqu’ils travaillent des heures supplémentaires, les étudiants sont payés au tarif des occasionnels.

[414]  ABI n’invoque pas que la rémunération moindre payée aux étudiants soit en lien avec leur productivité.[117]

[Soulignements ajoutés; références omises]

[99]        L’article 19 alinéa 2 de la Charte québécoise prévoit qu’il n’y a pas de discrimination lorsque la différence de salaire a pour fondement la « durée de service » ou dans la version anglaise « years of service ». Il faut, en outre, que ce critère soit commun à tous les employés qui œuvrent au sein de l’entreprise.

[100]     Chacune des parties cherche à tirer profit d’un jugement rendu par la Cour du Québec, en 1982, dans Ferme de la poulette grise Inc.[118]. Dans cette affaire, l’employeur avait embauché trois étudiants pour la période estivale et les rémunérait à un salaire moindre que les autres employés, et cela, pour un travail équivalent. Il plaidait que la courte durée de leur emploi ne permettait pas aux étudiants d’acquérir une compétence et un rendement comparables à ceux des employés réguliers.

[101]     Le Tribunal retient ce qui suit de l’affaire Ferme de la poulette grise Inc. :

[416]  Dans cette affaire, la Cour provinciale conclut que les étudiants ne font pas les mêmes tâches que les employés réguliers et que la courte période durant laquelle ils travaillent l’été ne leur permet pas d’acquérir une compétence et un rendement comparable à celui des réguliers.

[417]  Il n’en est pas ainsi chez ABI : les étudiants sont non seulement exposés aux mêmes risques que les occasionnels et les réguliers, mais ils effectuent le même travail qu’eux aux tâches des employés qu’ils remplacent.[119]

[102]     Le commentaire du Tribunal n’est pas rigoureusement exact puisque le juge de la Cour du Québec avait écrit :

Il apparaît à la Cour, selon la preuve faite, que la différence de traitement est basée sur la durée du service, mais ce critère est-il commun à tous les membres du personnel? Il est évident que le salaire payable à un étudiant, qui a un engagement à durée limitée, n’est pas semblable au salaire reçu par les autres employés de la défenderesse, mais il est le même pour tous les employés qui ont un contrat de louage d’ouvrage à durée limitée, du moins aucune preuve du contraire n’a été faite devant la Cour. Il existe dans l’entreprise différents taux de salaire selon que le contrat de louage d’ouvrage est à durée limitée ou non, mais il n’y a pas de discrimination au sens de l’article 19 de la Charte si les mêmes salaires sont payés à tous les employés dont le contrat est à durée limitée et exécutant un travail équivalent.[120]

[Soulignement ajouté]

[103]     Cette méprise du Tribunal n’a toutefois pas de conséquence sur le sort du litige. Après analyse de la preuve, le Tribunal observe que la différence de traitement dont il est question ici n’est pas basée sur l’expérience, sur l’ancienneté ou sur la durée de l’emploi des employés. Les occasionnels touchent un salaire supérieur à celui payé aux étudiants dès le premier jour de leur emploi et les grilles de salaire comportent un taux unique, indépendamment de la durée de service des employés. À cet égard, le témoignage de Mme Annie Dubois révèle que, pour l’ensemble du personnel, le salaire est lié au poste occupé et n’a aucun lien avec la « durée de service »[121].

[104]     Le Tribunal retient aussi, de son appréciation de l’ensemble du témoignage d’Annie Dubois, que ce n’est pas en raison du critère de la « durée de service » que les étudiants reçoivent un salaire moindre. Ce témoignage indique que les étudiants sont embauchés pour une période déterminée et qu’ils « ont un salaire différent parce qu’ils sont pour des contrats à durée déterminée, ils ne font pas l’ensemble des tâches d’un poste donné »[122]. Le témoignage de Mme Annie Dubois, considéré dans son ensemble, est ambigu relativement à la justification de la distinction entre le salaire versé aux étudiants et celui payé aux réguliers et occasionnels. Conséquemment, on ne peut pas reprocher au Tribunal d’avoir retenu de la preuve que ce n’est pas en raison de leur contrat à durée déterminée que les étudiants se sont vu imposer ce différentiel de salaire. Selon le Tribunal, il s’agit d’ailleurs d’un prétexte derrière lequel l’appelante se retranche pour justifier sa décision :

[405]  Si ABI ne donne pas de justification au moment où elle choisit de modifier les conditions salariales des étudiants, elle ne peut en élaborer une après le fait.[123]

[105]     L’appelante soutient que l’expression « durée de service » réfère au caractère déterminé de la durée du contrat de travail. La version anglaise de l’article 19 de la Charte québécoise utilise les termes « years of service » ce qui permet de dissiper toute ambiguïté et de lier la notion de « durée de service » au concept de rattachement temporel du travailleur à l’entreprise plutôt qu’à la nature de son contrat d’emploi. Cette interprétation s’accorde avec les autres motifs de justification (l’expérience, l’ancienneté, l’évaluation au mérite, la quantité de production ou le temps supplémentaire) qui ont un lien avec la productivité d’un employé. C’est d’ailleurs en ce sens que la doctrine aborde l’exception prévue par l’article 87.2 de la Loi sur les normes du travail[124] qui utilise les mêmes termes :

L’article 87.2 L.N.T. établit qu’une condition de travail fondée sur l’ancienneté ou la durée du service ne contrevient pas à l’interdiction formulée à l’article 87.1 de la Loi. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une exception ou d’une dérogation. En effet, l’interdiction formulée à l’article 87.1 L.N.T. porte sur la date d’embauche elle-même comme unique fondement d’une distinction. La considération de l’ancienneté ou de la durée du service, que l’article 87.2 L.N.T. déclare légitime, tient compte du temps écoulé depuis la date d’embauche plutôt que de cette dernière en elle-même et uniquement.[125]

[Soulignements ajoutés]

[106]     L’appelante plaide que l’exclusion de l’étudiant à l’article 8 paragraphe 2o de la Loi sur l’équité salariale[126] constate la volonté du législateur québécois de reconnaître qu’il n’est pas discriminatoire de rémunérer à un taux moindre des étudiants embauchés durant la période des vacances. Si l’on suit ce raisonnement, il faudrait conclure que la discrimination serait permise dans tous les cas d’exclusions prévues dans la loi : étudiant, stagiaire, cadre supérieur, policier, pompier, travailleur autonome, etc. Ce raisonnement doit être écarté. L’objet de cette loi est de « corriger les écarts salariaux dus à la discrimination systémique fondée sur le sexe à l’égard des personnes qui occupent des emplois dans des catégories d’emplois à prédominance féminine »[127]. Le législateur a certes décidé de ne pas assujettir certaines catégories d’employés aux mécanismes prévus dans cette loi pour corriger des écarts salariaux résultant d’une discrimination fondée sur le sexe et rétablir une équité salariale, mais cela ne signifie pas qu’il a autorisé un employeur à compromettre le droit de ces personnes d’obtenir sans discrimination un salaire égal pour un travail équivalent ni qu’il entendait les priver du secours d’une loi d’ordre public.

[107]     L’appelante n’a pas démontré que le Tribunal a commis une erreur manifeste et déterminante en décidant que la preuve ne permettait pas de constater que la différence de traitement était fondée sur la durée de service des étudiants.

[108]     Ce moyen d’appel de l’appelante doit être rejeté.

*****

[109]     En conclusion, sur les questions de l’existence d’une distinction et de la justification de la distinction, l’analyse de la preuve par le Tribunal est tout aussi soignée qu’imparable. Il scrute minutieusement tous les faits et établit une assise factuelle très forte pour sa détermination de l’existence d’une distinction et, qui plus est, d’une distinction injustifiée par des différences réelles entre les tâches effectuées par les réguliers et les occasionnels et celles remplies par les étudiants ou par d’autres considérations liées à leur productivité ou à un des motifs prévus à l’article 19 alinéa 2 de la Charte québécoise. Ces conclusions hautement factuelles ne peuvent être remises en question, faute d’erreur manifeste et déterminante.

4.5-     Le Tribunal a-t-il erré en octroyant des dommages moraux?

[110]     Ce moyen d’appel est assujetti à une norme de contrôle de déférence élevée puisqu’il repose largement sur l’appréciation de la crédibilité des témoins. Le tribunal reconnaît que la seule atteinte à un droit garanti par la Charte ne suffit pas pour donner lieu à une indemnisation pour un préjudice moral, même symbolique. Il conclut cependant, après analyse de la preuve dont il cite des extraits, que la discrimination dont les étudiants ont fait l’objet a entraîné une atteinte à leur dignité : ils se sont sentis victimes d’injustice, rabaissés, diminués, etc. ce qui justifie l’octroi de dommages-intérêts de 1 000 $ chacun pour le préjudice moral subi, comme la Cour l’a reconnu dans l’affaire Université de Sherbrooke c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse[128].

4.6-     Le Tribunal a-t-il erré en refusant de reconnaître la responsabilité solidaire du mis en cause?

[111]     Le Tribunal n’a commis aucune erreur révisable en concluant que le mis en cause n’est pas responsable de la situation discriminatoire vécue par les étudiants. Après une revue exhaustive de la preuve au sujet de laquelle l’appelante n’a fait valoir aucune erreur manifeste et déterminante, il conclut :

[501]  Il appert de la preuve que le Syndicat n’a jamais voulu une différence salariale pour les étudiants. Cette mesure a été amenée unilatéralement par ABI à la table de négociations en 1994 comme partie d’une offre finale qui, depuis et même après le dépôt par le Syndicat d’une plainte à la Commission, a refusé de la retirer des conventions collectives adoptées subséquemment.

*****

POUR CES MOTIFS, LA COUR :

[112]     REJETTE l’appel, avec les frais de justice.

 

 

 

 

FRANCE THIBAULT, J.C.A.

 

 

 

 

 

JACQUES J. LEVESQUE, J.C.A.

 

 

 

 

 

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

 

Me Louise Laplante

Me Caroline Jodoin

Norton Rose Fulbright Canada

Me Audrey Boctor

IMK

Pour l’appelante

 

Me Stéphanie Fournier

Me Christine Campbell

Bitzakidis, Clément-Major

Pour l’intimée

 

Me Katherine Sarah B. Larouche

Philion Leblanc

Pour le mis en cause

 

Date d’audience :

8 décembre 2020

 



[1]     Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Beaudry et autres) c. Aluminerie de Bécancour inc., 2018 QCTDP 12 [Jugement entrepris].

[2]     Jugement entrepris, paragr. 3.

[3]     Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12 [Charte québécoise].

[4]     Jugement entrepris, paragr. 20.

[5]     Il est arrivé, de façon exceptionnelle, que certains d’entre eux travaillent à d’autres périodes. Témoignage de Mme Annie Dubois, 20 mars 2017, p. 122. Voir aussi : Pièce D-9, Lettre du 31 janvier 2011 de Mme Bastien à M. Masse, où l’appelante demande de pouvoir faire travailler des étudiants à l’extérieur des périodes prévues, ce à quoi le mis en cause répond qu’« à chaque année vous refaites la même demande concernant l’utilisation des étudiants » (Pièce D-10, Lettre du 1er février 2011, réponse de M. Masse à Mme Bastien, p. 1-2 de la pièce non paginée).

[6]     Témoignage de Mme Annie Dubois, 20 mars 2017, p. 60-67.

[7]     Mémoire réamendé de la défenderesse Aluminerie Bécancour inc., 6 juillet 2017, p. 3, paragr. 17.

[8]     Tableau D-21B, Tableau comparatif des tâches régulières vs étudiants vs occasionnels modifié, p. 1-15; Jugement entrepris, paragr. 63-214.

[9]     Témoignage de M. Clément Masse, 17 novembre 2016, p. 109; Jugement entrepris, paragr. 56-57.

[10]    Pièce D-30, Extrait de la convention collective 1994-2000, Lettre d’entente, étudiants, p. 98.

[11]    Pièce D-30A, Convention collective 1994-2000 (livret de la petite convention), Annexe I, p. 80-81.

[12]    Témoignage de M. Clément Masse, 17 novembre 2016, p. 109-110.

[13]    Témoignage de M. Pierre Champagne, 3 avril 2017, p. 17-19.

[14]    Id., p. 19.

[15]    Jugement entrepris, paragr. 402.

[16]    Pièce D-33, Convention collective (2000-2004) (livret), Lettre d’entente, étudiants, p. 132.

[17]    Témoignage de M. Clément Masse, 17 novembre 2016, Représentations, p. 191-192.

[18]    Jugement entrepris, paragr. 485; Témoignage de M. Clément Masse, 17 novembre 2016, Représentations, p. 197-204; Pièce IN-3, Convention collective de travail entre Aluminerie de Bécancour inc. et le Syndicat des Métallos, section locale 9700 - Opération et Entretien (2009-2012), Lettre d’entente, p. 142-143.

[19]    Jugement entrepris, paragr. 58 et 485.

[20]    Pièce D-36, Convention collective de travail Opération et Entretien (2012-2017) (grosse), Annexe I, p. 110.

[21]    Jugement entrepris, paragr. 63-90.

[22]    Id., paragr. 91-125.

[23]    Id., paragr. 126-163.

[24]    Id., paragr. 164-179.

[25]    Id., paragr. 180-188.

[26]    Id., paragr. 189-194.

[27]    Id., paragr. 195-199.

[28]    Id., paragr. 200-204.

[29]    Id., paragr. 205-214.

[30]    Id., paragr. 331.

[31]    Id., paragr. 423.

[32]    Id., paragr. 424-426.

[33]    Id., paragr. 427.

[34]    Id., paragr. 432-437.

[35]    Id., paragr. 445.

[36]    Charte québécoise, supra, note 3, art. 10 et 19.

[37]    Ford c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 712, paragr. 78, référant à : Forget c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 90, paragr. 10.

[38]    Forget c. Québec (Procureur général), supra, note 37, paragr. 10.

[39]    Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39.

[40]    Id., paragr. 64.

[41]    Id., paragr. 50-52.

[42]    Québec (Ville de) c. Commission des droits de la personne du Québec, [1989] R.J.Q. 831, 1989 CanLII 613 (C.A.).

[43]    Université Laval c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2005 QCCA 27, paragr. 57. Il faut noter que l’existence d’un système de rémunération discriminatoire était admise par l’Université (paragr. 24).

[44]    Henri Brun, Guy Tremblay et Eugénie Brouillet, Droit constitutionnel, 6e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2014, nXII-7.103.

[45]    Jean-Yves Brière et al., Le droit de l’emploi au Québec, 4e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2010, nIII-106.

[46]    Linda Bernier et al., Les droits de la personne et les relations du travail, Cowansville, Yvon Blais, 1997 (feuilles mobiles, mise à jour no 46, 2020), nos 7.3274 et 7.3279.

[47]    Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33.

[48]    Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65, paragr. 37.

[49]    Charte des droits et libertés de la personne, supra, note 3, art. 132.

[50]    Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, paragr. 65 et 67.

[51]    R. c. Kapp, 2008 CSC 41, paragr. 25.

[52]    Québec (Procureur général) c. A., 2013 CSC 5.

[53]    Université de Sherbrooke c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2015 QCCA 1397.

[54]    Québec (Procureur général) c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, 2013 QCCA 141.

[55]    Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11.

[56]    R. c. Kapp, supra, note 51, paragr. 25.

[57]    Fraser c. Canada (Procureur général), 2020 CSC 28, paragr. 81.

[58]    Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), supra, note 39.

[59]    Id., paragr. 35-37 [Références omises].

[60]    Id., paragr. 53-54.

[61]    Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), 2015 CSC 16, paragr. 64, 83, 86, 120-121.

[62]    H. Brun, G. Tremblay et E. Brouillet, supra, note 44, no XII-7.48.

[63]    Id., no XII-7.57-7.61.

[64]    Daniel Proulx, « Droit à l’égalité », dans JurisClasseur Québec, vol. « Droit constitutionnel », fasc. 9, Montréal, Lexis Nexis, 2018, paragr. 118.

[65]    Université de Sherbrooke c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, supra, note 53.

[66]    Québec (Procureur général) c. Commission des droits de la personne et de la jeunesse, supra, note 54.

[67]    Québec (Procureur général) c. A, supra, note 52.

[68]    Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, supra, note 48.

[69]    Université de Sherbrooke c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, supra, note 53, paragr. 54.

[70]    Québec (Procureur général) c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, supra, note 54.

[71]    Id., paragr. 30-43.

[72]    Id., paragr. 61-75.

[73]    Id., paragr. 77-86.

[74]    Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), supra, note 39, paragr. 42-43 et 52-53; Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), 2000 CSC 27, paragr. 84; Commission scolaire régionale de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 R.C.S. 525, p. 538; Forget c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 90, paragr. 10.

[75]    Jugement entrepris, paragr. 331; George c. Fonds d’aide aux recours collectifs, [2002] T.A.Q. 637, 2002 CanLII 55213, paragr. 92 (T.A.Q.).

[76]    R. c. Barton, 2019 CSC 33, paragr. 107 et 196-200; R. c. Ewanchuk, [1999] 1 R.C.S. 330, paragr. 82-96 (motifs de la j. L’Heureux-Dubé) et paragr. 103 (motifs de la j. McLachlin); R. c. Gladue, [1999] 1 R.C.S. 688, paragr. 65; R. c. Williams, [1998] 1 R.C.S 1128, paragr. 54; R. c. Ipeelee, 2012 CSC 13, paragr. 59-60 et 67.

[77]    Lévesque c. Québec (Procureur général), [1988] R.J.Q. 223, 1987 CanLII 964 (C.A.); Johnson c. Commission des affaires sociales, [1984] C.A. 61, AZ-84011055, p. 21.

[78]    Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Mercier et une autre) c. Dion, 2008 QCTDP 9; Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Fondation Abbé Charles-Émile Gadbois, J.E. 2001-1792 (T.D.P.); D’Aoust c. Vallières, J.E. 94-85, AZ-94171005 (T.D.P.); Commission des droits de la personne c. J.M. Brouillette Inc., J.E. 94-801, 1994 CanLII 191 (T.D.P.); Commission des droits de la personne c. Gauthier, [1994] R.J.Q. 253, 1993 CanLII 8751 (T.D.P.). Voir aussi les décisions administratives suivantes : M.B. c. Québec (Procureur général), 2010 QCTAQ 06614; Aide sociale — 134, [1997] C.A.S. 432, AZ-97051085.

[79]    Commission des droits de la personne c. Centre hospitalier St-Vincent de Paul de Sherbrooke, C.S. St-François, 450-05-000856-78, le 7 septembre 1978, cité dans Lévesque c. Québec (Procureur général), [1988] R.J.Q. 223, 1987 CanLII 964 (C.A.).

[80]    Commission des droits de la personne c. Gauthier, supra, note 78.

[81]    Dans Johnson c. Commission des affaires sociales, supra, note 77, p. 21-22.

[82]    Ordre des comptables agréés du Québec c. Québec (Procureur général), [2004] R.J.Q.1164, 2004 CanLII 20542, paragr. 69 (C.A.).

[83]    Lévesque c. Québec (Procureur général), supra, note 77.

[84]    Québec (Procureur général) c. Champagne, [2003] J.Q. no 13948, 2003 CanLII 72172 (C.A.).

[85]    Loi sur l’aide sociale, L.R.Q., c. A-16.

[86]    Lévesque c. Québec (Procureur général), supra, note 77.

[87]    Affaires sociales — 413, [2000] T.A.Q. 77.

[88]    Loi sur l’assurance automobile, L.R.Q., c. A-25.

[89]    Affaires sociales — 413, [2000] T.A.Q. 77, paragr. 32-38.

[90]    Champagne c. Tribunal administratif du Québec, [2001] R.J.Q. 1788, J.E. 2001-1435 (C.S.).

[91]    Québec (Procureur général) c. Champagne, supra, note 84.

[92]    Béliveau St-Jacques c. Fédération des employées et employés de services publics inc., [1996] 2 R.C.S. 345, paragr. 116; Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), supra, note 74, paragr. 28-29. Notons que cet arrêt portait sur l’étendue d’un des motifs prohibés prévus à l’article 10. La Cour suprême a ainsi élargi la définition de « handicap » pour déterminer que ce motif inclut un volet subjectif, soit « la perception d’un handicap ».

[93]    Loi sur l’aide sociale, supra, note 85.

[94]    D. Proulx, supra, note 64, paragr. 100.

[95]    Ordre des comptables généraux licenciés du Québec c. Québec (Procureur général), [2004] R.J.Q. 1164, 2004 CanLII 20542, paragr 69-70 (C.A.).

[96]    Loi sur les comptables agréés, L.R.Q., c. C-48.

[97]    Ordre des comptables généraux licenciés du Québec c. Québec (Procureur général), supra, note 82, paragr. 69-70 (C.A.).

[98]    Voir Québec (Procureur général) c. A, supra, note 67, paragr. 336.

[99]    Fraser c. Canada (Procureur général), supra, note 57, paragr. 86-87.

[100]   Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), supra, note 74, paragr. 43-52.

[101]   Loi sur les droits de la personne, L.T.N.-O. 2002, c. 18, art. 1.

1. (1)  In this Act,

 

"social condition", in respect of an individual, means the condition of inclusion of the individual, other than on a temporary basis, in a socially identifiable group that suffers from social or economic disadvantage resulting from poverty, source of income, illiteracy, level of education or any other similar circumstance; (condition sociale)

1. (1)  Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

« condition sociale » Condition d’un individu résultant de son inclusion, autrement que de façon temporaire, au sein d’un groupe social identifiable et socialement ou économiquement défavorisé pour des causes liées à la pauvreté, à la source de revenu, à l’analphabétisme, au niveau d’instruction ou à d’autres circonstances similaires. (social condition)

 

[102]   Loi sur les droits de la personne, L.R.N.-B. 2011, c. 171, art. 2.

2  The following definitions apply in this Act.

 

“social condition”, in respect of an individual, means the condition of inclusion of the individual in a socially identifiable group that suffers from social or economic disadvantage on the basis of his or her source of income, occupation or level of education. (condition sociale)

2  Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

« condition sociale » La condition d’un individu résultant de son inclusion au sein d’un groupe social identifiable et socialement ou économiquement défavorisé fondée sur sa source de revenu, sa profession ou son niveau d’instruction. (social condition)

Voir aussi Commission des droits de la personne du Nouveau-Brunswick, Ligne directrice sur la condition sociale, 2019, p. 4-5, en ligne : https://www2.gnb.ca/content/dam/gnb/Departments/hrc-cdp/PDF/Lignedirectricesurlaconditionsociale.pdf (page consultée le 4 janvier 2021).

[103]   Code des droits de la personne, C.P.L.M., c. H175, art. 9 (2.1).

[104]   Loi canadienne des droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6.

[105]   Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), supra, note 74, paragr. 43-52.

[106]   C’est le cas des techniciens au sous-secteur hygiène et production du secteur Laboratoire et du technicien à la captation et du magasinier au secteur approvisionnement.

[107]   Jugement entrepris, paragr. 360-371, 383, 393 et 404.

[108]   George c. Québec (Procureur général), 2006 QCCA 1204.

[109]   George c. Québec (Procureur général), J.E. 2004-1425, 2004 CanLII 8979, paragr. 1 (C.S.). 

[110]   George c. Québec (Procureur général), supra, note 109, paragr. 28-30 (C.S.).

[111]   George c. Québec (Procureur général), supra, note 108, paragr. 41-42.

[112]   H. Brun, G. Tremblay et E. Brouillet, supra, note 44, no XII-7.103.

[113]   Jugement entrepris, paragr. 367.

[114]   Jugement entrepris, paragr. 361-392. Voir aussi, entre autres : Témoignage de M. Daniel Sicard, 14 novembre 2016, p. 210; Témoignage de M. Denis Dallaire, 15 novembre 2016, p. 121; Témoignage de Mme Laurie Pelletier, 16 novembre 2016, p. 41-42; Témoignage de M. Maxime Thibeault, 16 novembre 2016, p. 56; Témoignage de M. David-Vincent Auger, 16 novembre 2016, p. 155-156.

[115]   Loi sur l’équité salariale, RLRQ, c. E-12.001, art. 8.

[116]   Y.Z. c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 892; Hendricks c. Québec (Procureur général), 2002 CanLII 23808 (C.S.).

[117]   Jugement entrepris, paragr. 396-404 et 412-414.

[118]   Commission des droits de la personne du Québec c. Ferme de la poulette grise Inc., [1982] C.P. 79, J.E. 82-112.

[119]   Jugement entrepris, paragr. 416-417.

[120]   Commission des droits de la personne du Québec c. Ferme de la poulette grise Inc, supra, note 118, p. 10.

[121]   Témoignage de Mme Annie Dubois, 21 mars 2017, p. 15-16.

[122]   Témoignage de Mme Annie Dubois, 21 mars 2017, Observations, p. 119-120.

[123]   Jugement entrepris, paragr. 405.

[124]   Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N -1.1.

[125]   Robert P. Gagnon et Langlois Kronström Desjardins, s.e.n.c.r.l., Le droit du travail du Québec, 7e éd., Cowansville, Yvon Blais, 2013, n699.

[126]   Loi sur l’équité salariale, supra, note 115, art. 8.

[127]   Id., art. 1.

[128]   Université de Sherbrooke c. Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, supra, note 53, paragr. 62 et 63.

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