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[1] Le 3 décembre 2004, monsieur Raymond Lévesque (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 26 novembre 2004 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST déclare que la lettre de la CSST datée du 23 juillet 2004 ne constitue pas une décision et déclare irrecevable la demande de révision du travailleur du 2 septembre 2004 parce que déposée hors délai.
[3] Cette décision indique que l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles attribuées par le docteur Du Tremblay au rapport d’évaluation médicale du 22 septembre 1997 sont permanentes et que seule une aggravation de la condition physique attribuable à l’accident du travail ferait en sorte que la CSST étudierait à nouveau le dossier du travailleur.
[4] Les parties ont été dûment convoquées à une audience qui s’est tenue à Québec le 4 mars 2005; le travailleur et C.H. Robert Giffard (l’employeur) sont présents et représentés.
[5] La présente cause a été mise en délibéré le 6 avril 2005 après la réception des documents demandés par la Commission des lésions professionnelles à l’audience.
LES OBJETS DE CONTESTATION
[6] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la demande de révision du 2 septembre 2004 est recevable puisqu’elle a été déposée dans le respect du délai de 30 jours imparti par le législateur.
[7] Le travailleur, dans l’hypothèse où la Commission des lésions professionnelles décide que la lettre de la CSST du 23 juillet 2004 constitue une décision, demande d’infirmer cette décision et d’ordonner à la CSST de donner suite aux rapports médicaux qui lui ont été expédiés aux mois de juin et de juillet 2004 conformément aux prescriptions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi)
[8] Le travailleur, dans le contexte où il admet que la lettre de la CSST du 23 juillet 2004 ne constitue pas une décision, formule une requête incidente en vertu des articles 429.28 et 429.20 subsidiairement aux mêmes effets que l’ordonnance précitée.
[9] La Commission des lésions professionnelles a pris cette requête sous réserve et en disposera après avoir examiné les questions de la recevabilité de la demande de révision et de compétence dont elle dispose dans la présente affaire.
L’AVIS DES MEMBRES
[10] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis que la demande de révision du travailleur du 2 septembre 2004 est recevable parce que déposée dans les 30 jours de la notification de celle-ci.
[11] Ils sont également d’avis que la lettre du 23 juillet 2004 constitue une décision sur la recevabilité des rapports médicaux des mois de juin et juillet 2004 remplis par le docteur Du Tremblay, le médecin qui a charge du travailleur.
[12] Enfin ils sont d’avis que la preuve, tant factuelle que médicale, est prépondérante selon laquelle le travailleur, compte tenu de circonstances exceptionnelles, a réussi à retrouver la complète fonctionnalité de son épaule droite et qu’à compter du 16 juillet 2004 la lésion professionnelle subie le 26 février 1996 n’entraîne plus de limitations fonctionelles.
LES FAITS
[13] Le travailleur maintenant âgé de 50 ans occupe un emploi de moniteur en réadaptation, métier artisanal, chez l’employeur depuis près de 23 ans, lorsque le 26 février 1996 il subit un accident du travail et s’inflige une tendinite sévère de l’épaule droite. Il est gaucher.
[14] Le 25 octobre 1996, le docteur P. Du Tremblay, le médecin qui a charge du travailleur, procède à une acromioplastie. Le diagnostic préopératoire est celui de « rupture de la coiffe des rotateurs » et le post-opératoire est : « dégénérescence de la coiffe des rotateurs ». Le docteur Du Tremblay mentionne que l’exploration révèle une dégénérescence de la coiffe des rotateurs près de son insertion mais sans signe de rupture, qu’il y a des signes de bursite chronique également et un petit ostéophyte au niveau de la tubérosité humérale, que devant les faits il a effectué une acromioplastie à l’aide d’un ostéotome, qu’il a retiré la partie antérieure et inférieure de l’acromion et sectionné le ligament coraco-acromial et que l’exploration de l’acromion claviculaire ne révèle aucun ostéophyte.
[15] La lésion professionnelle est consolidée le 21 août 1997 avec une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et des limitations fonctionnelles.
[16] Le 22 août 1997, le docteur Du Tremblay remplit un rapport d’évaluation médicale; le travailleur se plaint d’une perte de mouvements et de force avec raideur au niveau de l’épaule droite, de difficultés de tolérance à l’effort avec douleur nocturne occasionnelle et raideur matinale. À l’examen objectif de l’épaule droite le médecin rapporte une abduction de 140 degrés en passif et de 160 degrés en actif, une rotation externe de 90 degrés, une rotation interne de 70 degrés, une élévation antérieure de 160 degrés et une extension de 60 degrés. L’examen local de l’épaule droite révèle, outre la perte de mouvements notée, un phénomène douloureux à la région sous-deltoïdienne mais sans accrochage franc. Il existe un phénomène « d’abduction » à ce niveau.
[17] En conclusion le médecin s’exprime comme suit :
« (…)
Il s’agit donc d’un patient qui, à la suite d’un traumatisme subi à son travail, a présenté une tendinite de l’épaule droite avec dégénérescence de la coiffe des rotateurs sans rupture pour laquelle une chirurgie de décompression a été effectuée avec ankylose résiduelle. »
[18] À la rubrique des séquelles actuelles, le docteur Du Tremblay attribue un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour rupture ou dégénérescence de la coiffe des rotateurs avec séquelles fonctionnelles, de 2 % pour 140 degrés d’abduction maintenus, 1 % pour 160 degrés d’élévation antérieure maintenus et 2 % pour 20 degrés de rotation interne perdus en comparaison avec le membre supérieur gauche.
[19] Le docteur Du Tremblay attribue les limitations fonctionnelles suivantes : éviter tout travail nécessitant une élévation du bras plus que la hauteur des épaules (90 degrés d’abduction), de garder le bras en position statique d’élévation et d’abduction même inférieure à 90 degrés, d’effectuer des mouvements de rotation et de soulever des poids de plus de 25 kilos.
[20] Le docteur Du Tremblay rapporte également que le travailleur a déjà subi une subluxation acromio-claviculaire de l’épaule gauche et qu’il présente une cicatrice chirurgicale ancienne de 8 cm à cette épaule.
[21] Le 17 février 1998, la CSST, après avoir admis le travailleur en réadaptation, détermine un emploi convenable d’aide en alimentation chez l’employeur et rend une décision concernant la capacité de ce dernier de l’exercer à compter du 11 janvier 1998.
[22] Le 9 février 2001, la Commission des lésions professionnelles rend une décision et déclare que les coûts relatifs à la lésion professionnelle subie par le travailleur le 26 février 1996 doivent être répartis de la manière suivante : 60 % à l’ensemble des employeurs et 40 % au dossier financier de l’employeur.
[23] Le 4 mai 2004, le travailleur reçoit une lettre de madame Hélène Thibault, chef de secteur, activités commerciales, chez l’employeur, qui l’informe de la fermeture prochaine, mais pas avant quatre semaines compte tenu des dispositions de la convention collective, du poste d’aide en alimentation qu’il occupe à la cantine Le Liseron, qu’il peut se prévaloir des dispositions relatives au déplacement et à la mise à pied prévues à l’article 14 de cette convention et qu’il sera informé de la pocédure à suivre afin d’exercer un choix lorsqu’il recevra la liste de choix de supplantation.
[24] Le 7 juin 2004, le docteur Du Tremblay remplit un rapport final, pose un diagnostic de « tendinite de l’épaule droite améliorée ++ » et prévoit procéder à une nouvelle évaluation; il indique que la lésion professionnelle entraîne une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles qui n’ont pas aggravé les limitations antérieures.
[25] Le même jour une radiographie des épaules révèle ce qui suit :
« EPAULE DROITE
Aspect osteo-articulaire dans les limites de la normale.
EPAULE GAUCHE
Léger pincement de l’espace sous-acromial. Légère arthrose acromio-claviculaire. Pas de calcification periarticulaire visible. »
[26] Le 16 juillet 2004, le docteur Du Tremblay remplit un rapport d’évaluation médicale après avoir procédé à l’examen du travailleur le 14 juillet 2004. Il pose le diagnostic préévaluation de « séquelles de tendinopathie au niveau de l’épaule droite ». À la rubrique « Plaintes et problèmes reliés à la lésion professionnelle », le médecin note ce qui suit :
« (…)
Monsieur Lévesque actuellement se dit complètement asymptomatique au niveau de cette épaule. Les mouvements sont complets. Il est capable d’effectuer des efforts sans douleurs, même en abduction et en rotations.
Il a pu reprendre ses activités sportives d’avant l’accident, ce qu’il était incapable de faire, il y a quelques années, et il peut jouer, entre autres, à la balle et faire autres sports.
Au niveau de l’épaule gauche, il a présenté également une tendinite post-traumatique aux sports et il est actuellement asymptomatique au niveau de cette épaule.
(…) »
[27] À l’examen physique, l’abduction de l’épaule droite est à 180 degrés, la rotation externe à 90 degrés, la rotation interne de 40 degrés, l’élévation antérieure à 180 degrés et l’extension à 60 degrés. Il n’y a aucun accrochage. Les tests de Neer, Jobe et Hawkins sont négatifs. La mise en tension de la coiffe est non douloureuse.
[28] Le docteur Du Tremblay conclut comme suit :
« Il s’agit donc d’un patient qui, à la suite d’un traumatisme subi à son travail, a présenté une tendinite au niveau de l’épaule droite, traitée chirurgicalement avec limitations fonctionnelles qui avaient été émises, mais cependant, avec le programme à long terme de réhabilitation, la symptomatologie est disparue et l’examen clinique aujourd’hui est tout à fait normal et nous croyons que les limitations fonctionnelles devraient être retirées. »
[29] Le 19 juillet 2004, madame Marie-Claude Lavoie, responsable de l’administration du régime d’assurance salaire chez l’employeur, adresse une lettre au travailleur dans laquelle elle confirme avoir reçu le billet médical de son médecin daté du 14 juillet 2004, et rappelle notamment les différentes décisions rendues par la CSST depuis la lésion professionnelle du 26 février 1996 qui, n’ayant pas été contestées, sont devenues finales et lient toutes les parties. Elle conclut qu’elle ne peut, par conséquent, appliquer le billet médical de son médecin puisque les limitations fonctionnelles ont été émises de façon permanente et demeurent applicables. Elle ajoute que le travailleur doit référer à la CSST pour le traitement de ce rapport médical et faire les démarches qu’il croit utiles. Elle attendra les décisions de la CSST et effectuera le suivi si nécessaire et se réserve le droit de les contester si cela s’avérait nécessaire.
[30] Le même jour, madame Lavoie adresse également une lettre à l’agente d’indemnisation responsable du dossier du travailleur à la CSST pour l’informer de la lettre qu’elle a expédiée au travailleur. Après avoir rappelé l’essentiel du contenu de la lettre adressée au travailleur, elle ajoute que l’employeur s’oppose à tout changement quant aux limitations fonctionnelles du travailleur vu la réadaptation et la détermination de l’emploi convenable. Elle mentionne qu’il est important de savoir que l’emploi d’aide en alimentation au Liseron qu’occupait le travailleur sera coupé et qu’il devra alors être replacé sur un autre poste respectant les limitations fonctionnelles émises. Les pièces jointes sont la lettre du travailleur et le billet médical.
[31] Le 23 juillet 2004, la CSST expédie une lettre au travailleur qui se lit comme suit :
« Monsieur Raymond Lévesque
37, Duplessis
Beauport (Québec) G1C 3A5
Travailleur : Raymond Lévesque
No dossier : 1 1119 440 3
Date d’événement : 26 février 1996
Monsieur,
Veuillez trouver ci-joint copie du dossier ci-haut mentionné. Nous l’avions fait pour que vous le donniez vous-même au docteur Du Tremblay.
De plus, nous joignons à notre envoi le rapport d’évaluation médicale faite par le docteur Du Tremblay le 14 juillet 2004.
Nous tenons à vous mentionner que le REM du 22 septembre 1997, également fait par docteur Du Tremblay, établissait que vous demeurez avec une atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique qui entraînait des restrictions fonctionnelles. Un processus de réadaptation a alors été entrepris et la lettre de monsieur Nolet, du 17 février 1998, vous avisait que vous étiez en mesure d’occuper l’emploi convenable déterminé depuis le 11 janvier 1998.
Veuillez prendre note que les séquelles et les restrictions mentionnées en 1998 sont permanentes : seule une aggravation de votre condition physique attribuable à votre accident de travail ferait en sorte que nous étudierions à nouveau votre dossier.
N’hésitez surtout pas à communiquer avec nous si de plus amples informations vous étaient nécessaires.
Raymonde Brière, agente d’indemnisation
Direction des Activités spécialisées
(418) 266-4130 »
[32] Une note à l’entête de la CSST est produite; elle est adressée au travailleur par madame R. Brière, l’agente d’indemnisation de la CSST signataire de la lettre du 23 juillet 2004; la date qui y apparaît est le 30 août 2004. Cette dernière y indique notamment que la lettre, adressée à son ancienne adresse, est jointe. L’enveloppe comporte également l’entête de la CSST et est adressée à la nouvelle adresse du travailleur soit le 51 Boul. François Xavier Beauport (Québec) G1C 2B7 et est oblitérée de la même date que la note soit du 30 août 2004.
[33] À l’audience, le travailleur explique le contexte de l’évolution des limitations fonctionnelles émises à la suite de la lésion professionnelle subie en 1996.
[34] Il confirme que les plaintes énoncées au rapport d’évaluation médicale du 22 septembre 1997 étaient bien celles qui y sont rapportées. Lorsque son médecin lui a confirmé la date à laquelle aurait lieu cette évaluation médicale, il ne pouvait pas croire qu’il allait demeurer avec de telles restrictions jusqu’à la fin de ses jours d’autant plus qu’il avait toujours été sportif.
[35] Environ 1 an plus tard, alors qu’il n’est pas beaucoup mieux, il rencontre un collègue de travail, éducateur physique chez l’employeur, un spécialiste dans le domaine; ce dernier lui donne des exercices à faire et l’incite à perdre du poids, lequel oscille autour de 200 livres.
[36] À la fin de son quart de travail, tous les jours, une heure et demie par jour, le travailleur effectue ces exercices au gymnase du Centre hospitalier Robert-Giffard, sauf en 2000, année où il a fait une dépression.
[37] À compter du printemps 2003, il considère qu’il a complètement récupéré; il s’adonne à nouveau au badminton une fois par semaine et au jogging comme il en avait l’habitude avant l’accident du travail. Il joue à la balle-molle dans une ligue organisée depuis quelques années avec des joueurs tous plus jeunes que lui.
[38] Il n’y a eu aucun suivi médical concernant l’épaule droite depuis le rapport d’évaluation médicale du 22 septembre 1997.
[39] Il fait encore régulièrement de la bicyclette et du banc d’exercices (bench); pour cette activité il commence léger avec 135 livres, effectue 3 séries de 10 ou de 15 livres et se rend à 155 livres graduellement; il effectue 3 séries de 10 à 45 degrés avec des poids de 20 livres chacun; il fait également « l’oiseau », soit 3 séries de 10, avec 15 livres de chaque côté ainsi que des mouvements d’avant-arrière le plus loin possible avec des poids de 25 livres, 3 séries de 10.
[40] Il compare la situation actuelle à celle qui prévalait avant l’accident du travail en indiquant qu’il était beaucoup plus gros et qu’il n’effectuait pas un entraînement aussi intensif et, bien qu’il était en forme il ne l’était pas autant que maintenant.
[41] Il ne ressent aucune douleur aux épaules que ce soit en jouant au badminton ou à la balle-molle.
[42] Il revoit le docteur Du Tremblay au mois de juin 2004 après avoir appris l’abolition du poste qu’il occupe à la cantine Le Liseron, poste qu’il avait finalement accepté d’occuper après quelques années. C’est dans ce contexte que des amis lui ont conseillé de faire réévaluer son épaule afin qu’il puisse postuler à un plus grand nombre de postes offerts. Il a appris cette abolition environ deux mois avant de recevoir la lettre du 4 mai 2004.
[43] Son médecin n’en revient tout simplement pas de constater à quel point il a récupéré. Il qualifie cette récupération d’exceptionnelle et il le félicite pour les efforts effectués ayant rarement vu une telle situation.
[44] Sur réception de la liste des postes disponibles (aide en alimentation, préposé aux bénéficiaires, préposé à la stérilisation, agent d’intervention) il constate qu’il y en a plusieurs qu’il ne peut occuper à cause des limitations fonctionnelles; madame Jean, après avoir communiqué avec le service de santé chez l’employeur, lui mentionne que le seul poste qu’il peut exercer compte tenu des limitations fonctionnelles est celui de préposé à la lingerie distribution de jour, celui-ci étant considéré par ses collègues de travail comme le pire poste. S’il n’accepte pas ce poste il devra rester chez-lui. Le travailleur était formé pour le poste d’agent d’intervention.
[45] Il occupe ce poste sans difficulté depuis le 4 octobre 2004 qui consiste essentiellement à se rendre chercher des chariots de trois étagères remplis de linge et à en redistribuer le contenu sur les chariots des étages que le personnel de chaque étage vient chercher. Il remplit 18 ou 19 chariots de linge par quart de travail pesant entre 500 et 800 livres qu’il tire avec le bras droit pour les déplacements sur les surfaces planes. Pour monter les pentes, un tracteur est utilisé. Il lève le membre supérieur droit au dessus de l’épaule pour charger et décharger les tablettes supérieures des chariots.
[46] La description d’emploi fournie par l’employeur comprend notamment les informations suivantes :
« (…)
2. Sommaire de l’emploi :
Personne qui, au service de lingerie, accomplit un travail général tel que préparer les chariots à être livrés aux unités de soins.
3. Description des tâches :
RÉCEPTION DES CHARIOTS DE LINGE DU FOURNISSEUR
Prendre les chariots livrés au débarcadère et les transporter à la lingerie
PRÉPARATION DES CHARIOTS
Préparer les chariots de linge à être livrés sur les unités selon leurs besoins (formule quotas).
Compter et noter les articles de lingerie ajoutés dans le chariot sur la formule quotas.
S’assurer que le linge personnel des usagers soit acheminé aux unités désignées.
Garer les chariots à l’endroit désigné de la lingerie.
CUEILLETTE DU LINGE
Conduire le véhicule intérieur servant à la cueillette du linge souillé et à la livraison du linge propre.
Acheminer les chariots de linge souillé, avec le véhicule intérieur des chutes à linge, jusqu’à la zone de réception.
Respecter et faire respecter les mesures de protection contre les infections (linge souillé).
Appliquer les mesures de sécurité dans la cueillette du linge et dans la conduite du véhicule intérieur et des chariots.
Être responsable de l’entretien et de l’opération d’un véhicule intérieur.
DIVERS
Faire des livraisons sur demande.
Répondre aux appels d’urgence de besoins en literie.
Maintenir de l’ordre dans les différents locaux de travail.
Garder ses locaux propres selon les normes d’asepsie en vigueur dans l’établissement.
Effectuer à la demande du supérieur immédiat toutes autres tâches connexes.
(…)
4.5 HABILETÉS PERSONNELLES REQUISES :
(…).
Capacité à travailler debout sur une longue période et avec effort pour déplacer les chariots de lingerie.
(…) »
[47] Il occupe également un poste de nuit chez un deuxième employeur soit préposé aux bénéficiaires dans un autre établissement de santé; il a convaincu le médecin de cet employeur qu’il était capable d’exercer cet emploi qui exige que les bénéficiaires soient tournés pendant la nuit.
[48] Monsieur André Dubé témoigne à la demande du travailleur. Détenteur d’un baccalauréat en éducation physique, il occupe un poste d’éducateur physique chez l’employeur auprès des bénéficiaires internes et externes à plein temps depuis 1989.
[49] Il a connu le travailleur à la balle-molle. Ce dernier est venu le rencontrer au cours de l’année 1998 parce qu’il avait perdu de la force et ressentait encore des douleurs à la suite de la blessure et de la chirurgie subies à l’épaule droite. Il se sentait diminué par cet handicap et se demandait s’il avait des chances de récupérer au moins en partie. Il lui a donc montré comment s’entraîner et lui a proposé un programme global pour l’épaule en lui expliquant que si son membre supérieur droit devenait plus fort, son épaule et son dos travailleraient moins. Par la suite, il le voyait régulièrement au gymnase.
[50] Il dépose sous la cote T1 les résultats de l’évaluation globale de la condition physique du travailleur qu’il a effectuée le 28 février 2005 alors que le poids de ce dernier est de 152 livres.
[51] Il veut, par cette évaluation, vérifier la capacité physique du travailleur. Il augmente donc le nombre de répétitions tant et aussi longtemps qu’il constate que ce dernier est capable de les faire. Le nombre d’extension des bras (push up) évalue la force. Les exercices effectués sollicitaient tous les muscles de l’épaule dans tous les axes. L’utilisation du banc d’exercices implique la sollicitation partielle de la coiffe des rotateurs et si le travailleur avait eu des problèmes à ce site il aurait ressenti des douleurs. Ce test ne met pas directement la coiffe des rotateurs en action mais la met à contribution; il sollicite directement les triceps et surtout les pectoraux.
[52] Les résultats obtenus sont les suivants :
« Bench-pect. 155 lbs x 15 rép. ¸ 66.2 % = 234 lbs
Deltoïdes 88 lbs x 10 rép. ¸ 74.4 % = 118 lbs
Dorsaux 132 lbs x 10 rép. ¸ 74.4 % = 177 lbs
Rhomboïdes 132 lbs x 10 rép. ¸ 74.4 % = 177 lbs
Push-up extension des bras : 30 rép. » (sic)
[53] Le témoin mentionne que moins de 5 % de la population soulève 118 livres en sollicitant les deltoïdes. De plus, les muscles de la coiffe des rotateurs sont également mis à contribution lorsqu’il sollicite les muscles dorsaux et les rhomboïdes pour soulever 177 livres au bout des bras.
[54] Il compare les résultats obtenus par le travailleur aux « Normes relatives aux aptitudes musculosquelettiques (hommes) Normes et catégories de bénéfices-santé, selon le groupe d’âge »[2]; il donne comme exemple que le travailleur fait 30 répétitions d’extension des bras (push up) alors que les hommes de 50 à 59 ans, groupe d’âge du travailleur, sont excellents s’ils font 21 répétitions ou plus. La performance du travailleur est équivalente à une performance excellente du groupe d’âge des hommes de 30 à 39 ans. En référant au Tableau 1 intitulé « Prédiction du maximum absolu à partir d’un nombre maximal de répétitions inférieur à 20 »[3] le témoin explique que compte tenu du poids de la personne, si celle-ci est capable de soulever 10 fois son poids, elle est considérée très forte; le travailleur étant en mesure de soulever 234 livres 15 fois, il considère que sa force est « très très » respectable.
[55] Monsieur Dubé mentionne que les résultats de cette évaluation ne sont en rien comparables à ceux du rapport d’évaluation médicale du mois de septembre 1997. Le travailleur ne serait pas en mesure de soulever 88 livres à 10 reprises s’il ressentait encore de la douleur. Il n’y a plus non plus de perte de mouvements et la force déployée par le travailleur est de beaucoup supérieure à la moyenne des hommes de son groupe d’âge. Il n’a pas évalué spécifiquement l’amplitude qu’est la rotation de l’épaule droite quoiqu’elle soit légèrement impliquée lors de l’utilisation du banc d’exercices. Il peut cependant confirmer que les mouvements de l’épaule droite du travailleur sont complets.
[56] Il conclut que le travailleur n’est aucunement limité dans ses mouvements des épaules et qu’il n’y a aucune contre-indication à leur utilisation.
[57] Il n’a pas procédé à une telle évaluation en 1998 ni en cours de route mais il l’a cependant conseillé bénévolement. Il a laissé l’évaluation des amplitudes au médecin traitant du travailleur. L’exercice de « l’oiseau » sollicite effectivement la coiffe des rotateurs.
[58] Le témoin est effectivement un peu surpris des résultats obtenus par le travailleur quoiqu’il les ait déjà obtenus également avec une autre personne. Interrogé à ce sujet, le témoin indique qu’il ne fait pas beaucoup de programme d’exercices pour des personnes ayant subi une chirurgie à l’épaule mais qu’il en fait régulièrement pour celles aux prises avec des tendinites et/ou des bursites.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[59] Le travailleur ayant démontré par une preuve prépondérante que la date de notification de la lettre du 23 juillet 2004 est le 30 août 2004, la Commission des lésions professionnelles conclut que la demande de révision du 2 septembre 2004 est recevable puisque déposée dans le respect du délai de 30 jours conformément à l’article 358 de la loi.
[60] Par ailleurs, les articles 369, 358, 359 et 359.1 de la loi définissent les recours qui donnent compétence à la Commission des lésions professionnelles ainsi que les matières sur lesquelles porte cette compétence. Ils se lisent comme suit :
369. La Commission des lésions professionnelles statue, à l'exclusion de tout autre tribunal:
1° sur les recours formés en vertu des articles 359, 359.1, 450 et 451;
2° sur les recours formés en vertu des articles 37.3 et 193 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1).
__________
1985, c. 6, a. 369; 1997, c. 27, a. 24.
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2.
__________
1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14.
359. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358 peut la contester devant la Commission des lésions professionnelles dans les 45 jours de sa notification.
__________
1985, c. 6, a. 359; 1992, c. 11, a. 32; 1997, c. 27, a. 16.
359.1. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en application de la section III du chapitre VII peut la contester devant la Commission des lésions professionnelles dans les 45 jours de sa notification.
__________
1997, c. 27, a. 17.
[61] Bien que le travailleur admette que la lettre du 23 juillet 2004 ne constitue pas une décision, la Commission des lésions professionnelles rappelle qu’il s’agit d’une question de droit qui relève de sa compétence et que par conséquent elle ne peut faire l’objet d’une admission de la part d’une des parties.
[62] Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si elle est valablement saisie de la contestation d’une décision de la CSST, à savoir si le document émanant de la CSST et daté du 23 juillet 2004 constitue une décision au sens de l’article 354 de la loi qui se lit comme suit :
354. Une décision de la Commission doit être écrite, motivée et notifiée aux intéressés dans les plus brefs délais.
__________
1985, c. 6, a. 354.
[63] La Commission des lésions professionnelles constate qu’à sa face même la lettre du 23 juillet 2004 présente les informations habituellement présentes au début d’une décision de la CSST soit le nom du travailleur, le numéro de dossier et la date de l’événement mais que la rubrique « objet » n’y apparaît pas ni l’information concernant les droits d’appel.
[64] Les deux premiers paragraphes portent sur les documents que l’agente d’indemnisation fait parvenir au travailleur soit son dossier et le rapport d’évaluation médicale du docteur Du Tremblay émis le 14 juillet 2004.
[65] Le troisième paragraphe constitue un rappel du cheminement du dossier du travailleur à compter de la production du rapport d’évaluation médicale du 22 septembre 1997.
[66] Au quatrième paragraphe, elle demande au travailleur de prendre note que les « séquelles et les restrictions » mentionnées en 1998 sont permanentes et que « seule une aggravation de votre condition physique attribuable à votre accident ferait en sorte que nous étudierions à nouveau votre dossier. »
[67] La Commission des lésions professionnelles conclut dans le sens des prétentions de l’employeur à cet égard, à savoir que la lettre du 23 juillet 2004 constitue une décision. Il s’agit d’une décision refusant de modifier les « séquelles et restrictions » attribuées en 1998; il s’agit d’un écrit adressé au travailleur, dont les paragraphes 3e et 4e constituent la motivation, et qui a été notifié aux intéressés quelques jours à peine après la réception du rapport d’évaluation médicale du 17 juillet 2004 et après la réaction de l’employeur datée du 19 juillet précédent.
[68] Compte tenu de cette conclusion, la Commission des lésions professionnelles conclut que la requête incidente du travailleur est devenue sans objet. De plus, la Commission des lésions professionnelles considère qu’elle dispose d’une preuve prépondérante, tant factuelle que médicale, lui permettant d’accueillir la contestation du travailleur au fond. Dans ce contexte retourner le dossier à la CSST ne participerait pas à une saine administration de la justice.
[69] En l’espèce, la Commission des lésions professionnelles dispose pleinement des pouvoirs prévus aux articles 377 et 378 de la loi pour exercer sa compétence; ces articles de la loi se lisent comme suit :
377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.
Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.
__________
1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.
378. La Commission des lésions professionnelles et ses commissaires sont investis des pouvoirs et de l'immunité des commissaires nommés en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête (chapitre C-37), sauf du pouvoir d'ordonner l'emprisonnement.
Ils ont en outre tous les pouvoirs nécessaires à l'exercice de leurs fonctions; ils peuvent notamment rendre toutes ordonnances qu'ils estiment propres à sauvegarder les droits des parties.
Ils ne peuvent être poursuivis en justice en raison d'un acte accompli de bonne foi dans l'exercice de leurs fonctions.
__________
1985, c. 6, a. 378; 1997, c. 27, a. 24.
[70] Le tribunal peut donc en l’espèce rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu à la suite de la production par le travailleur de rapports médicaux indiquant que sa condition physique avait changé pour le mieux.
[71] De plus, la jurisprudence[4] a déjà établi que la production d’une attestation ou d’un rapport médical suffit pour permettre la réouverture du dossier d’un travailleur et que la CSST n’a pas à attendre le dépôt du formulaire de réclamation du travailleur pour contester le rapport du médecin qui a charge. Lorsque la CSST reçoit une attestation ou un rapport médical sans réclamation, elle doit chercher à connaître la raison pour laquelle celui-ci lui est envoyé si celle-ci n’est pas évidente.
[72] Comme l’indique également la jurisprudence[5] mais à contrario, la production par le médecin qui a charge du travailleur d’un deuxième rapport final indiquant clairement que la lésion professionnelle s’est significativement améliorée et que par conséquent, il prévoit procéder à une nouvelle évaluation, suffit pour permettre la réouverture du dossier, non pas pour une rechute, récidive ou aggravation, mais pour vérifier à quel point la condition de santé de l’épaule droite du travailleur s’est améliorée et entraîne des conséquences pour ce dernier, l’objet même de la loi, inscrit à son article 1, étant la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires.
[73] De plus, la preuve documentaire révèle que l’employeur a non seulement été informé du dépôt des rapports médicaux et de la demande du travailleur mais qu’il s’est également opposé à tout changement quant aux limitations fonctionnelles du travailleur.
[74] L’employeur ayant été informé de la teneur de la demande du travailleur et de celle des rapports de son médecin avait tout le loisir d’agir conformément à l’article 209 de la loi ce qu’il n’a pas fait. Il a plutôt adopté une attitude attentiste au lieu de donner suite au deuxième rapport final équivalant à une réclamation du travailleur.
[75] Il en est de même pour la CSST.
[76] L’employeur a plaidé la variation du diagnostic au rapport d’évaluation médicale 2004 par rapport à celui de 1997 et a également fait valoir qu’une condition de dégénérescence avait été reconnue par la CSST lors de l’acceptation d’un partage de coûts. Il a également fait valoir que le travailleur ne peut contester les conclusions de son médecin dans un contexte de coupure de poste ce qui équivaut à faire indirectement ce qu’il ne peut faire directement.
[77] Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles ne donne pas suite à la demande de l’employeur de préserver ses droits quant au délai de contestation de tels rapports médicaux prévu par la loi puisque cette demande a été faite dans le contexte où le tribunal ferait droit à la requête incidente du travailleur. Or, la Commission des lésions professionnelles a déclaré ci-dessus que cette requête était devenue sans objet.
[78] Enfin, la Commission des lésions professionnelles doit maintenant déterminer si la production d’un deuxième rapport final et d’un deuxième rapport d’évaluation médicale par le même médecin qui a charge du travailleur, sept ans après la consolidation de la lésion est recevable, et si oui, quels en sont les effets juridiques.
[79] La jurisprudence[6] déposée par l’employeur à l’audience s’avère tout à fait pertinente en l’espèce puisqu’elle fournit les critères développés en pareille matière.
[80] Le dépôt de cette jurisprudence par l’employeur démontre bien qu’il était bien au fait des prétentions du travailleur dès l’été 2004 et qu’il a choisi de ne pas contester les nouvelles conclusions médicales en utilisant le processus d’évaluation médicale prévu à la loi.
[81] Le tribunal doit aussi se demander si la production de deuxièmes rapports médicaux constitue une façon pour ce dernier de contester les conclusions émises par son médecin en 1997 ce qu’il ne peut faire selon la jurisprudence constante interprétant les articles de loi 203,224 et 358 2e alinéa, sauf dans les cas où elles ne sont pas conformes au règlement.
[82] En l’espèce, le travailleur ne demande pas de faire rétroagir la portée du rapport final du 7 juin 2004 et ne prétend pas non plus que la lésion professionnelle dont il a souffert n’a jamais entraîné de limitations fonctionnelles. Il ne demande donc pas à la Commission des lésions professionnelles de pouvoir faire indirectement ce qu’il ne peut faire directement en application de la loi et de la jurisprudence. Il n’a pas contesté les décisions qui ont fait suite au rapport d’évaluation médicale du 22 septembre 1997 parce qu’à l’époque il était effectivement aux prises avec les limitations fonctionnelles attribuées par son médecin traitant.
[83] La jurisprudence[7] a cependant également établi que les circonstances particulières permettant au médecin qui a charge du travailleur de modifier son rapport final sont une erreur matérielle manifeste qui doit être corrigée, ou une évolution exceptionnelle et inattendue de l’état de santé du travailleur qui justifie une modification des conclusions médicales déjà bien établies.
[84] En l’espèce il ne s’agit pas d’une erreur matérielle manifeste.
[85] Cependant la preuve, tant factuelle que médicale, est prépondérante selon laquelle l’état de santé du travailleur a connu une évolution exceptionnelle et inattendue, sept ans après s’être vu attribuer des limitations fonctionnelles qu’il a eu de la difficulté à accepter, et ce, à force d’efforts soutenus et en faisant preuve d’une discipline à toute épreuve.
[86] La preuve démontre les circonstances exceptionnelles qui ont présidé à la récupération du travailleur : la rencontre avec un collègue compétent dans le domaine et généreux de conseils professionnels, la disponibilité sur les lieux de son travail d’un gymnase qui lui facilite l’entraînement et surtout une volonté de tous les instants de la part du travailleur de s’y rendre une heure et demie chaque jour pendant plusieurs années.
[87] Le tribunal n’a pas été convaincu, comme l’a laissé entendre l’employeur, de la production par le médecin qui a charge du travailleur de rapports de complaisance. Le tribunal ne voit rien de complaisant dans le fait que le médecin traitant du travailleur, constatant de visu une amélioration importante qu’il mentionne sur le rapport final dès le 7 juin 2004, y confirme également la présence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles sans toutefois annoncer des additionnelles, et qu’au moment du rapport d’évaluation médicale qui fait suite à un examen complet, conclut à l’absence de telles limitations. Le fait que le docteur Du Tremblay demande également une radiographie des épaules dont il aura pris connaissance avant de procéder à l’examen du 14 juillet 2004 démontre également le sérieux de la démarche médicale.
[88] L’apparente contradiction entre le rapport final et le rapport d’évaluation médicale n’est pas déterminante et ne peut à elle seule participer au renversement de la preuve tant factuelle que médicale par ailleurs prépondérante.
[89] La preuve révèle que le docteur Du Tremblay a, par la suite, effectué un examen complet démontrant que le travailleur avait complètement récupéré les mouvements de l’épaule droite; cet examen contrairement à la prétention de l’employeur n’est nullement superposable à celui du 22 août 1997. À l’époque du premier rapport d’évaluation médicale le travailleur présentait une perte de 20 degrés en rotation interne en comparaison avec le membre supérieur gauche alors qu’au deuxième rapport du mois de juillet 2004 celle-ci est de retour à la normale pour les deux membres supérieurs. Quant à la diminution des amplitudes cervicale et lombaire soulignée par l’employeur, elle n’est pas pertinente en l’espèce.
[90] Or, la Commission des lésions professionnelles n’est pas saisie de la correction du rapport d’évaluation médicale produit en 1997 mais bien du sérieux de la démarche effectuée par le travailleur et son médecin traitant quant à l’évaluation de la condition physique de ce dernier qui, après plusieurs années d’efforts, constate qu’il peut utiliser normalement l’épaule droite lésée en 1996.
[91] Par ailleurs, contrairement à la prétention de l’employeur, le tribunal n’a pas de difficulté à identifier le long programme de réhabilitation auquel le docteur Du Tremblay réfère dans la conclusion de son rapport d’évaluation médicale car il s’agit, selon toute probabilité, des exercices auxquels le travailleur s’est astreint quotidiennement pendant une heure trente minutes tous les jours à compter de 1998, et ce, pendant près de 5 ans, avant de commencer à en récolter les résultats tangibles et pouvoir s’adonner à nouveau à des activités sportives prisées antérieurement à l’accident du travail de février 1996.
[92] La Commission des lésions professionnelles conclut qu’elle dispose d’une preuve suffisamment sérieuse et prépondérante pour accueillir la requête du travailleur. Peu importe le contexte qui a conduit ce dernier à effectuer une démarche de réévaluation médicale et peu importe qu’il ait attendu environ un an avant de l’initier alors qu’il avait constaté qu’il était en mesure de reprendre les activités sportives qu’il avait dû délaisser à cause des conséquences de son accident du travail. Ce ne sont pas des considérations qui entachent le sérieux de la démarche entreprise par le travailleur.
[93] La Commission des lésions professionnelles est tout autant préoccupée de la stabilité des décisions que l’employeur et elle ne saurait conclure à l’élimination de limitations fonctionnelles émises sept ans auparavant sans être convaincue qu’il s’agit d’un cas d’espèce rare comme le docteur Du Tremblay s’en est ouvert au travailleur même.
[94] Pour ce qui est de l’atteinte permanente attribuée au travailleur en 1997 et pour laquelle le travailleur a touché une indemnité pour dommages corporels, la Commission des lésions professionnelles considère qu’au moment où cette décision a été prise personne, ni le travailleur, ni son médecin et ni la CSST, ne pouvait prévoir les circonstances exceptionnelles qui se dérouleraient sur plusieurs années et qui conduiraient à une récupération complète de la condition de santé de ce dernier. La preuve prépondérante est à l’effet qu’il s’agit d’un cas rare et le régime d’assurance dont les employeurs du Québec se sont dotés en matière de lésions professionnelles doit à l’occasion servir à assumer ce type de risque.
[95] La Commission des lésions professionnelles est dans ce contexte tout à fait en accord avec la commissaire dans l’affaire Foyer Chanoine Audet inc. (Centre de santé Paul Gilbert) et CSST-Chaudière-Appalaches et Lévesque[8] qui notait qu’il faut procéder à l’analyse des faits et circonstances ayant mené à la modification de l’opinion du médecin pour bien apprécier la validité de la seconde opinion émise et que les circonstances doivent être suffisamment sérieuses pour que l’on retienne la seconde opinion du médecin ayant charge quant à l’existence des limitations fonctionnelles en relation avec le fait accidentel.
[96] La présente Commission des lésions professionnelles conclut qu’en l’espèce la levée des limitations fonctionnelles a eu lieu à la suite de plusieurs années d’entraînement spécifique du site lésé, de la reprise pendant quelques années de la pratique de sports le sollicitant, d’une évaluation par un professsionnel en éducation physique et d’une évaluation médicale du médecin traitant du travailleur. Tous ces éléments font preuve d’une démarche des plus sérieuses.
[97] Quant au fait que le travailleur ait été atteint de dégénérescence de la coiffe des rotateurs près de son insertion, laquelle a été constatée lors de l’acromioplastie pratiquée en 1997 par le docteur Du Tremblay, la Commission des lésions professionnelles rappelle à l’employeur qu’à cet égard il a déjà été en quelque sorte compensé, un partage de coûts ayant été obtenu.
[98] Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles conclut que la prépondérance de preuve est à l’effet que la lésion professionnelle du travailleur n’entraîne plus de limitations fonctionnelles à compter du 16 juillet 2004.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Raymond Lévesque, le travailleur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 26 novembre 2004 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE la demande de révision du 2 septembre 2004 recevable;
DÉCLARE quela lettre de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du 23 juillet 2004 constitue une décision;
DÉCLARE que la lésion professionnelle du travailleur subie le 26 février 1996 n’entraîne plus de limitations fonctionnelles à compter du 16 juillet 2004.
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Lise Langlois |
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Commissaire |
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Monsieur Georges-Étienne Tremblay |
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C.S.N. |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] L.R.Q. c. A-3.001
[2] 7-48 « Guide du conseiller en condition physique et habitudes de vie »,3e Édition; Figure 7-18.
[3] Poliquin, 1986.
[4] D’Ascoli et Atco
international (fermé), 179066-61-0202, 30 janvier 2003, B.Lemay; CSST et Sears
Canada inc., 48778-05-9302, 12 décembre 1996, B. Roy; Villeneuve et St-Raymond Paper, 19779-02-9006, 93-12-14, P.
Brazeau; Bélisle et Ross Finlay ltée,
58768-08-9405, 95-12-06, Y. Tardif; Wal-Mart
Canada inc. et Lamontagne, 149724-03B-0011, 01-03-
[5] Sœurs de Ste-Croix (Pavillon St-Joseph) et Cadorette, [2003] C.L.P. 917 .
[6] Rivard et Hydro-Québec, C.L.P.,
212822-61-0307, 22 mars
[7] Voir
notamment : Talbot et C.H.
[8] Foyer Chanoine Audet inc. (Centre de Santé Paul Gilbert) et Lévesque et CSST, C.L.P., 136386-03B-0004, 30 novembre 2001, C. Lessard;
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