Décision

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Lasseter c. 9377-7845 Québec inc.

2021 QCCQ 12610

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BEAUHARNOIS

LOCALITÉ DE

SALABERRY-DE-VALLEYFIELD

« Chambre civile »

 :

760-32-701647-200

 

 

 

DATE :

23 septembre 2021

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

CLAUDE MONTPETIT, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

JANINE LASSETER

 

Demanderesse

 

c.

 

9377-7845 QUÉBEC INC.

 

Défenderesse

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]                La demanderesse Lasseter demande la résolution du contrat de vente d’un véhicule de marque GMC Terrain 2011 acheté de la défenderesse le 21 octobre 2019 (contrat – pièce P-1), le remboursement du prix de vente ainsi que des frais subséquents, le tout pour un total de 7 988,12$ et des dommages punitifs de 2 000,00$.

[2]                La demanderesse allègue avoir découvert à l’été suivant l’achat, en juin 2020, que le châssis du véhicule était complètement rouillé, percé, non sécuritaire et impropre à circuler sur les routes du Québec et que ce châssis avait été manipulé et maquillé afin d’obtenir les approbations (certificat de vérification mécanique) de la Société d’assurance automobile du Québec (ci-après appelée la « SAAQ »).

[3]                La défenderesse, représentée par son président Yannick Ragennass, rejette toute responsabilité et refuse de reprendre le véhicule de la demanderesse au motif qu’elle n’a commis aucune faute et qu’elle a offert de réparer le véhicule.

[4]                S’il existe une responsabilité, dit-elle, celle-ci appartient à la firme Adeza qui lui a vendu le véhicule GMC Terrain 2011 provenant de l’Ontario lors d’un encan.

[5]                Il ajoute que le véhicule a réussi l’examen d’inspection obligatoire de la SAAQ afin de pouvoir circuler sur les routes du Québec (certificat de vérification mécanique – pièce D-2).

QUESTION EN LITIGE

[6]                La demanderesse a-t-elle prouvé que le véhicule de marque GMC Terrain 2011 acheté de la défenderesse était affecté de vices graves au châssis structural lors de l’achat du 21 octobre 2019 et qu’elle a droit à la résolution de la vente et à l’octroi de dommages-intérêts?

LE CONTEXTE

[7]                Au mois d’octobre 2019, la demanderesse est à la recherche d’un véhicule et se rend chez la défenderesse et parle avec un vendeur du nom de Jacques Zarife qui est autorisé par la défenderesse pour la vente des voitures et camions en inventaire.

[8]                Après avoir choisi un véhicule, le prix de vente convenu est de 4 500,00$ plus les taxes fédérales (225,00$) et provinciales (448,88$).

[9]                La somme de 4 725,00$ est payée à la défenderesse et les taxes provinciales sont payées à la SAAQ lors du transfert des immatriculations.

[10]           La garantie de bon fonctionnement est d’un mois ou 5 000 kilomètres.

[11]           Le 10 juin 2020, après un peu plus de sept mois d’utilisation, la demanderesse amène le véhicule chez son garagiste habituel, Richard Loignon, pour la réparation des freins qui sont usés et bruyants.

[12]           Dès qu’il tente de soulever le véhicule sur le monte-charge (lift), monsieur Loignon éprouve des difficultés à trouver des endroits solides (points d’appui) pour appuyer les pattes du monte-charge, le châssis étant littéralement absent.

[13]           Une fois le véhicule soulevé, il constate sous le véhicule de multiples perforations recouvertes de goudron ou de mastic et que le véhicule est dangereux, représente un risque imminent d’accident et doit être retiré de la route.

[14]           Il recommande à la demanderesse de ne faire aucune réparation et de remiser le véhicule.

[15]           À son rapport d’inspection, il note les observations suivantes (pièce P-13A) :

« Observations :

 

Le « trailing arm » arrière n’est pas fixé correctement au châssis du véhicule car le longeron est beaucoup trop rouillé pour permettre l’ancrage des boulons.

Le châssis du véhicule présente plusieurs perforations causées par la corrosion.

Ces perforations ont fait l’objet d’une “ réparation  totalement inadéquate : elles ont été remplies de papier journal et recouvertes de mastic ou de goudron.

Notez que les nombreuses perforations du châssis de ce véhicule datent de plusieurs années.

 

Il ne fait aucun doute que ce véhicule n’aurait pas été jugé conforme au code de la sécurité routière lors d’une vérification mécanique, effectuée par un mandataire de la SAAQ, si les perforations n’avaient pas été camouflées tel que décrit, ce véhicule ne pourrait pas être immatriculé au Québec.

 

L’utilisation de ce véhicule est dangereuse et représente un risque d’accident imminent. Les réparations à effectuer sur le véhicule serait donc beaucoup trop excessive.

 

À notre avis le véhicule n’est pratiquement pas réparable. Les coûts seraient beaucoup trop excessif dû à l’état du véhicule.

 

Vous trouverez en pièces jointes les photos du châssis du véhicule que nous avons prises.

 

(s) Richard Loignon

Mécanicien

Propriétaire Atelier Mécanique RS »

[Reproduction intégrale]

[16]           En annexe à son rapport, monsieur Loignon joint plusieurs photos explicites qui démontrent clairement le maquillage du châssis (8 photos en liasse pièce P-13A).

[17]           Suite à ce constat, madame Lasseter amène le véhicule chez la défenderesse et rencontre son vendeur, Jacques Zarife, qui soulève le véhicule dans le garage et déclare que celui-ci n’est pas dangereux et qu’il n’a rien à lui offrir.

[18]           La demanderesse suit le conseil de son garagiste et cesse d’utiliser le véhicule qu’elle fait inspecter chez un concessionnaire Chevrolet Buick GMC qui confirme que le châssis est très rouillé, doit être rebâti et que le véhicule ne doit pas être mis en circulation étant très dangereux (pièce P-4).

[19]           Les coûtes de reconstruction du châssis sont également évalués par la firme Procolor Prestige Valleyfield à 14 550,63$ (soumission – pièce P-5).

[20]           Par lettre de dénonciation et de mise en demeure datée du 16 juin 2020, la demanderesse réclame la résolution de la vente, le remboursement du prix payé et de toutes les dépenses subséquentes.

[21]           Le 27 juin 2020, la défenderesse répond qu’elle pourrait à titre de « geste commercial » réparer le véhicule (pièce D-1) ce que la demanderesse refuse au motif qu’elle a consulté trois experts qui confirment la perte totale du véhicule. Elle veut être remboursée et remettre le véhicule.

[22]           Devant le refus de la défenderesse, la demanderesse entreprend le présent recours en date du 17 juillet 2020.

LE DROIT

[23]           Les articles pertinents du Code civil du Québec et de la Loi sur la protection du consommateur (RLRQ, chap. P-40.1) se lisent comme suit :

« Code civil du Québec :

1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.

Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

 

1728. Si le vendeur connaissait le vice caché ou ne pouvait l’ignorer, il est tenu, outre la restitution du prix, de réparer le préjudice subi par l’acheteur.

 

1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur.

 


Loi sur la protection du consommateur :

38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

228. Aucun commerçant, fabricant ou publicitaire ne peut, dans une représentation qu’il fait à un consommateur, passer sous silence un fait important.

 

272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:

a)  l’exécution de l’obligation;

b)  l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;

c)  la réduction de son obligation;

d)  la résiliation du contrat;

e)  la résolution du contrat; ou

f)  la nullité du contrat,

sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs. »

ANALYSE

[24]           En matière de vices cachés, le Tribunal doit, pour conclure à la présence d’un vice caché, déceler les quatre critères suivants :

  • Le vice est grave, c’est-à-dire qu’il cause des inconvénients sérieux à l’usage du bien et que l’acheteur n’aurait pas payé le prix convenu s’il l’avait connu;
  • Le vice est inconnu de l’acheteur au moment de la vente;
  • Le vice est caché, c’est-à-dire qu’il ne peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans devoir recourir à un expert;
  • Le vice est antérieur à la vente puisque la garantie porte sur l’état du bien au moment de la vente.

[25]           Or, la demanderesse a prouvé par prépondérance de preuve par son témoignage crédible et celui de son témoin expert, monsieur Richard Loignon, que le 21 octobre 2019 lors de l’achat du véhicule GMC Terrain 2011 de la défenderesse celui-ci était affecté de vices cachés au niveau du châssis qui comportait des problèmes de rouille et de perforations majeurs, lesquels avaient été maquillés afin d’obtenir le certificat de vérification mécanique obligatoire de la SAAQ.

[26]           Le Tribunal retient le témoignage très clair et précis du témoin expert Loignon qui après avoir soulevé le véhicule le 10 juin 2020 a découvert immédiatement les traces de goudron, de mastic et même de papier journal introduit dans des trous du châssis afin de soutenir le goudron et faire ainsi disparaître ces trous.

[27]           Que ces travaux de maquillage aient été effectués par la défenderesse ou par un propriétaire précédent n’a pas d’importance. De toute façon, la défenderesse n’a pas exercé un recours en garantie contre son propre vendeur, la firme Adeza.

[28]           La défenderesse se devait d’effectuer un examen sérieux du véhicule avant de la vendre à madame Lasseter, ce qui de toute évidence elle n’a pas fait.

[29]           Le Tribunal accorde en conséquence la résolution de la vente et la remise en état des parties selon les dispositions de l’article 272 de la Loi sur la protection du consommateur.

LES DOMMAGES

[30]           En premier lieu, la demanderesse a droit au remboursement du prix de vente qu’elle a payé (4 500,00$) ainsi que les taxes fédérales et provinciales pour un total de 5 173,88$ que la défenderesse devra supporter.

[31]           Le Tribunal n’accorde pas les frais d’immatriculation que la demanderesse a supportés pendant la période où elle a utilisé le véhicule. Elle pouvait obtenir un remboursement au moment où elle a cessé d’utiliser le véhicule, ce qu’elle n’a pas fait.

[32]           Le Tribunal n’accorde pas les coûts d’achat de pneus d’hiver et de jantes, la demanderesse a décidé de vendre les pneus et de conserver les jantes.

[33]           Les frais de soumission de 57,49$ et de 56,32$ sont accordés pour un total de 113,81$ ainsi que le coût d’une moulure de capot qui a été incorporé au véhicule, soit 466,90$ (pièce P-7A).

[34]           Quant aux ennuis et inconvénients subis par la demanderesse, le Tribunal accorde une somme de 750,00$ pour les démarches effectuées et la perte de disponibilité du véhicule pendant cinq semaines, tel qu’elle l’a affirmé dans son témoignage.

LES DOMMAGES PUNITIFS

[35]           Le Tribunal a déjà conclu que la défenderesse aurait dû découvrir l’état réel du véhicule avant de le vendre à madame Lasseter.

[36]           La défenderesse n’a pas renversé la présomption de connaissance du vice affectant le véhicule tel que prévu par l’article 1729 du Code civil du Québec.

[37]           N’ayant pas respecté les dispositions de l’article 38 et de l’article 218 de la Loi sur la protection du consommateur, la défenderesse devra supporter un montant de 500,00$ de dommages punitifs à titre dissuasif afin d’éviter de répéter ce genre de vente expéditive sans véritable examen sérieux du véhicule.

RÉCAPITULATIF

[38]           Le Tribunal accorde la résolution de la vente et ordonne à la défenderesse d’aller récupérer le véhicule à ses frais à l’adresse qui lui sera indiquée par madame Lasseter, et ce, une fois que toutes les sommes accordées par le présent jugement seront entièrement payées en capital, intérêts et frais.

[39]           Les sommes accordées totalisent 6 504,59$ avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle de l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de l’assignation du 6 août 2020 (5 173,88$ + 113,81$ + 466,90$ + 750,00$).

[40]           La défenderesse devra également supporter les frais de taxation de l’expert Richard Loignon pour un montant de 80,00$ plus 40 kilomètres de frais de déplacement à 00,48$ le kilomètre, pour un total de 99,20$ payable directement au greffe de la Cour du Québec, division des petites créances, du district judiciaire de Beauharnois, pour être ensuite acheminé à l’expert Richard Loignon.

[41]           Finalement, le défendeur devra supporter des dommages punitifs de 500,00$ ainsi que les frais de justice de 193,00$.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE la demande en partie;

PRONONCE la résolution du contrat de vente d’un GMC Terrain 2011 conclu entre les parties le 21 octobre 2019 (contrat – pièce P-1);

CONDAMNE la défenderesse 9377-7845 Québec Inc. à payer à la demanderesse la somme de 6 504,59$ avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle de l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de l’assignation du 6 avril 2020;

CONDAMNE la défenderesse à payer la somme de 500,00$ à titre de dommages punitifs et les frais de justice de 193,00$;

CONDAMNE la défenderesse à payer la somme de 99,20$ pour les frais de taxation de l’expert Richard Loignon à être payée au greffe de la Cour du Québec, division des petites créances, du district judiciaire de Beauharnois, au 74, rue Académie, à Salaberry-de-Valleyfield, J6T 0B8;

ORDONNE à la défenderesse 9377-7845 Québec Inc. de reprendre possession à ses frais du GMC Terrain 2011 à l’adresse indiquée par la demanderesse Janine Lasseter avec préavis de 72 heures minimum, et ce, seulement lorsque tous les montants prévus au présent jugement auront été entièrement payés en capital, intérêts et frais de justice.

 

 

 

__________________________________

CLAUDE MONTPETIT, J.C.Q.

 

 

Date d’audience : 17 septembre 2021

 

AVIS AUX PARTIES

 

SECTION III

 

EXTRAIT DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE DU QUÉBEC

 

LE DÉPÔT DES ACTES DE PROCÉDURE ET LA PRODUCTION DE DOCUMENTS.

 

108 (2) Tout document ou élément matériel de preuve produit au dossier à titre de pièce doit y demeurer jusqu’à la fin de l’instance, à moins que toutes les parties ne consentent à son retrait. Les parties doivent, une fois l’instance terminée, reprendre possession des pièces qu’elles ont produites; à défaut, le greffier, un an après la date du jugement passé en force de chose jugée ou de l’acte qui met fin à l’instance, peut les détruire. Dans l’un et l’autre cas, le juge en chef du tribunal concerné peut surseoir à la destruction des pièces s’il considère qu’elles peuvent encore être utiles.

 

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