Décision

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COMITÉ DE DISCIPLINE

Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

No:

33-17-2027

 

DATE :

15 novembre 2017

 

 

LE COMITÉ :

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

Mme Marie-Andrée Dupras, courtier immobilier

Membre

M. Abdel Arzik, courtier immobilier

Membre

 

 

SYLVIE JACQUES, ès qualités de syndique adjointe de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec

Partie plaignante

c.

LUC GUINDON, (F0489)

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ

 

 

[1]       Le 19 octobre 2017, le Comité de discipline de l’OACIQ se réunissait pour procéder à l’audition de la plainte numéro 33-17-2027 ;

 

[2]       La syndique adjointe était alors représentée par Me Marc-Antoine Bondu et, de son côté, l’intimé assurait seul sa défense ;

 

 

I.          La plainte

 

[3]       L’intimé fait l’objet d’une plainte comportant deux (2) chefs d’accusation, soit :

 

1.   Concernant l'immeuble sis au […] à Les Coteaux, l'Intimé a:

 

a.   le ou vers le 29 août 2016, rencontré le vendeur Marie-Ève Asselin relativement à la mise en marché dudit immeuble;

 

b.   le ou vers le 31 août 2016, publicisé ou permis que soient publicisés sur Facebook ses services de courtier immobilier;

 

et ce, alors que son permis faisait l'objet d'une suspension, commettant ainsi, à chacune de ces occasions, une infraction à l'article 17 du Règlement sur la délivrance des permis de courtier ou d'agence et aux articles 62 et 69 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité.

 

2.   Le ou vers le 1er septembre 2016, concernant l'immeuble sis au […], à Les Coteaux, l'Intimé a indiqué ou permis qu'il soit indiqué que le contrat de courtage CCV 85044 avait été signé le 2 septembre 2016, alors qu'il savait ou aurait dû savoir que cela ne représentait pas la réalité, commettant ainsi une infraction aux articles 62 et 69 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité.

 

 

[4]       L’intimé ayant choisi de ne pas plaider coupable aux infractions reprochées, les parties ont alors procédé à la présentation de leur preuve respective ;

 

 

II.         Les faits

 

[5]       Les faits à l’origine du présent dossier sont relativement simples ;

[6]       L’intimé, suite à une première décision disciplinaire[1], fut suspendu pour une période de 30 jours, soit du 2 août au 31 août 2016 ;

[7]       D’ailleurs, une lettre[2] lui fut acheminée afin de lui confirmer sa période de suspension et lui rappelant qu’il n’était pas autorisé à effectuer des opérations de courtage durant cette période ;

[8]       Finalement, le 2 septembre 2016, l’intimé recouvrait son droit de pratique[3] ;

[9]       Essentiellement, la plainte lui reproche d’avoir effectué des opérations de courtage durant sa période de suspension (chefs 1a) et 1b)) et d’avoir signé un contrat de courtage en indiquant une fausse date de signature (chef 2) ;

 

III.        Motifs et dispositif

 

A)        Chef 1a)

 

[10]    Le chef 1a) reproche à l’intimé d’avoir rencontré la vendeuse de l’immeuble situé au […], à Les Coteaux, le 29 août 2016, relativement à la mise en marché de cette propriété ;

[11]    La preuve est contradictoire relativement à ce chef d’accusation ;

[12]    Mme Asselin, la vendeuse, affirme avoir rencontré l’intimé à la date précise du 29 août 2016, soit durant la période de suspension de l’intimé ;

[13]    De son côté, l’intimé nie catégoriquement la survenance même de cette rencontre ;

[14]    Il prétend que Mme Asselin a confondu une rencontre avec un simple coup de téléphone ;

[15]    Qu’en est-il au juste ?

[16]    Dans un premier temps, le Comité considère que Mme Asselin a donné un compte-rendu très détaillé de cette rencontre, alors que l’intimé s’est limité à nier l’existence de celle-ci ;

[17]    D’autre part, suite à une admission des parties, il fut reconnu par l’intimé que si le conjoint de Mme Asselin devait témoigner, celui-ci viendrait corroborer la version donnée par Mme Asselin ;

[18]    À cela s’ajoute le fait que, dans sa demande d’assistance[4] rédigée, préparée et signée le 13 septembre 2016, soit à peine deux (2) semaines après cette rencontre, Mme Asselin fait état de celle-ci et des circonstances dans lesquelles elle s’est déroulée ;

[19]    À ce sujet, le Comité estime qu’il est de mise de se référer aux enseignements de la Cour d’appel dans l’arrêt Salomon c. Québec[5] :

[87]            Je rappelle à ce sujet que, règle générale, la version offerte de façon très contemporaine à la survenance des faits jouit d’une sorte de présomption de fiabilité parce que donnée à un moment où la mémoire est la plus fraîche. Le témoin qui entend répudier cette version tout en préservant sa crédibilité doit en principe expliquer de façon satisfaisante la cause de l’erreur qu’il a commise dans la version initiale.

 

[20]    De la même façon, le Comité considère qu’il doit accorder plus de crédibilité au témoignage de Mme Asselin qu’à celui de l’intimé, lequel a reconnu, lors de l’audition, avoir indiqué une fausse date sur le contrat de courtage[6] ;

[21]    À cet égard, il convient de citer certains extraits de l’affaire Simard[7] :

31  D'autre part, le Comité avait beaucoup d'autres éléments en mains dont il n'a pas spécifiquement fait état et qui avaient pour résultat de discréditer l'appelant. Ce dernier a effectivement admis avoir rempli une deuxième proposition en l'absence de son client, d'avoir imité la signature du client ainsi que celle de son épouse. De plus, la deuxième proposition avait été complétée en l'adaptant aux nouvelles circonstances telles que décrites à la page 9 du Mémoire de l'intimé.

32  Je crois sincèrement que le Comité pouvait considérer la crédibilité de l'appelant sérieusement atteinte lorsque celui-ci admettait judiciairement avoir contrefait deux signatures, rempli un document sans autorisation et complété le tout par un chèque sans provision.

33  Dans le Précis de la preuve:

509. Lorsqu'il s'agit d'apprécier la valeur d'un témoignage, ce sont les facteurs qui régissent la crédibilité des témoins qui importent et notamment les facteurs suivants: les moyens de connaissance du témoin, son sens d'observation, ses raisons de se souvenir, son expérience, la fidélité de sa mémoire et son indépendance par rapport aux parties en cause. Il incombe à celui qui cite un témoin de faire apparaître les facteurs favorables à sa crédibilité et à la partie adverse de mettre en lumière les facteurs défavorables. Ces facteurs défavorables peuvent se rapporter, entre autres, à la moralité du témoin. Ainsi, dans une affaire particulière, un tribunal a retenu comme facteur défavorable à la crédibilité d'un témoin sa propension à chercher à se soustraire à ses obligations fiscales.

510. [...] Toutefois, si un témoin se contredit et même admet avoir donné une réponse erronée, il y a là une raison suffisante, pour le juge, d'écarter son témoignage en l'absence de corroboration ( Chevalier c. Wilson , [1896] 10 C.S. 59)

34  À titre d'exemple, la crédibilité d'un témoin fut appréciée de façon négative dans la circonstance suivante:

Vu le maintien et l'attitude du demandeur lorsqu'il a donné son témoignage; vu, en outre, les signes d'intelligences habilement dissimulés qu'il a alors faits; vu, au surplus, la nature de son témoignage, les réticences, équivoques, contradictions, croyances et suppositions qui l'émaillent, la Cour en vient à la conclusion qu'elle ne peut ajouter foi à sa version;10

35  Dans l'affaire Smith Transport ltd c. Lalonde 11, le juge de la Cour supérieure, traitant de la crédibilité d'un témoin, s'exprime de la façon suivante:

[...] lorsqu'un témoin a été convaincu d'erreurs et de mensonge sur des faits importants susceptibles d'être contrôlés, peut-on ensuite ajouter foi à d'autres faits énoncés par ce même témoin, sans corroboration, et qu'il est impossible de contrôler; nous répondons dans la négative;

36  Ainsi donc, ce Tribunal est d'opinion que le Comité était amplement justifié, vu la preuve proposée, de tirer une inférence négative sur la crédibilité de l'appelant avec toutes les conséquences que cela pouvait avoir sur la crédibilité donnée aux affirmations de ce dernier.  (Nos soulignements)

 

 

[22]    Cela dit, Mme Asselin a confirmé, lors de son témoignage, que l’intimé lui avait fait état des comparables dans son quartier et qu’il avait discuté de la valeur du condo afin d’établir éventuellement un prix de vente pour la mise en marché de l’immeuble ;

[23]    En conséquence, le Comité est dans l’obligation de conclure que l’intimé s’est prêté à des « opérations de courtage »[8] durant la période de suspension de son permis ;

[24]    Dans les circonstances, l’intimé sera reconnu coupable du chef 1a) pour avoir contrevenu à l’article 17 du Règlement sur la délivrance des permis de courtier ou d’agence (RLRQ, c. C-73.2, r.3) ;

[25]    Par ailleurs, conformément à la règle interdisant les condamnations multiples, un arrêt conditionnel des procédures[9] sera prononcé à l’encontre des autres dispositions réglementaires alléguées au soutien du chef 1a) ;

 

B)       Chef 1b)

 

[26]    Le chef 1b) reproche à l’intimé d’avoir, le 31 août 2016, publicisé ou permis que soient publicisés sur Facebook, ses services de courtier immobilier ;

[27]    Les faits reprochés à ce chef d’accusation ne sont pas niés par l’intimé ;

[28]    D’ailleurs, la preuve documentaire est claire et précise sur ce sujet[10] ;

[29]    La défense de l’intimé consiste à prétendre que cette publicité a été faite à son insu et hors de sa connaissance ;

[30]    Suivant sa version des faits, ce sont les administrateurs de son compte Facebook (commercial) qui ont affiché cette publicité ;

[31]    Bref, il ne nie pas la publication mais rejette la responsabilité sur les gestionnaires de son compte Facebook ;

[32]    Par ailleurs, il reconnaît avoir approuvé cette publicité, sans toutefois avoir émis une réserve quant à la date de sa publication ;

[33]    De l’avis du Comité, la défense de l’intimé doit être rejetée pour les motifs ci-après exprimés ;

[34]    Selon l’arrêt Chauvin c. Beaucage[11], lorsqu’un professionnel mandate un tiers pour accomplir une partie de ses obligations professionnelles, il devient alors responsable des faits et gestes de ce dernier :

[68]           À l'instar de la théorie de l'alter ego en droit criminel, qui a permis aux tribunaux d'attribuer une mens rea à une personne morale à la suite d'actes commis par son âme dirigeante, cette même théorie en droit disciplinaire permet d'imputer la responsabilité au professionnel pour les actes qu'il délègue à des tiers.  À ce sujet, Me Chantal Perreault écrit ce qui suit :

Les obligations prévues aux différents codes de déontologie et aux lois régissant les ordres professionnels sont des obligations qui incombent au professionnel. S’il les délègue, cela ne peut atténuer sa propre responsabilité.

 [69]           Comme l'a noté le Tribunal des professions dans l'affaire Champagne, la théorie de l'alter ego en droit disciplinaire permet d'attribuer une responsabilité directe et non une responsabilité pour autrui :

Il ne s’agit pas, à proprement parler, d’une responsabilité pour autrui, mais de la responsabilité personnelle du professionnel découlant de la délégation d’autorité pour des actes et des devoirs à lui attribués par la loi. Cette délégation d’autorité est établie par un mandat à l’employé de l’administration de ce qui est du devoir du professionnel d’accomplir. L’employé devient alors l’«alter ego ».[15]

[71]           La décision du Tribunal des professions dans l'affaire Bond est au même effet :

Tous les éléments nécessaires permettant la levée du voile corporatif étaient donc établis. Cependant, cela était-il vraiment nécessaire? Quand un professionnel décide de mandater un tiers, personne physique ou morale, pour effectuer en tout ou partie ses activités professionnelles, peut-il éviter de répondre au syndic et de lui fournir des documents en soulevant la personnalité juridique autonome du tiers?

[…]

Quand un professionnel mandate un tiers pour accomplir une partie de ses obligations professionnelles, il peut s’attendre à devoir rendre des comptes à cet égard.

[87]           En l'espèce, si les trois employés « 547 » ont posé des actes réservés cela découle d'abord de la décision de leur employeur de leur confier ces tâches.  Il y a en conséquence une responsabilité directe des dirigeants du cabinet pour les fautes déontologiques commises par ces employés.  Le fait que la loi autorise ces employés à poser des actes réservés ne modifie pas la nature juridique et n'atténue pas la responsabilité déontologique du dirigeant.  Reste à examiner les moyens de défense dont dispose le membre recherché en discipline en pareilles circonstances.  (Nos soulignements)

 

 

[35]    Pour ces motifs, l’intimé sera reconnu coupable du chef 1b) pour avoir contrevenu à l’article 17 du Règlement sur la délivrance des permis de courtier ou d’agence (RLRQ, c. C-73.2, r.3) ;

[36]    En conséquence, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’encontre des autres dispositions réglementaires alléguées au soutien du chef 1b) ;

 

C)       Chef 2

 

[37]    Le chef 2 reproche à l’intimé d’avoir indiqué sur le contrat de courtage[12] que celui-ci avait été signé le 2 septembre 2016 alors qu’en réalité, celui-ci fut signé le 1er septembre 2016 ;

[38]    Lors de l’audition, l’intimé a reconnu que le contrat de courtage fut conclu le 1er septembre 2016 lors d’une rencontre au domicile de Mme Asselin ;

[39]    Sa défense est de deux (2) ordres ;

 

           Levée de la suspension

[40]    Premièrement, suivant son interprétation de la décision sur sanction, il considère que dès le 1er septembre 2016, soit le lendemain de la fin de sa suspension, il pouvait reprendre ses activités professionnelles ;

[41]    À cela s’ajoute le fait qu’il considère avoir rempli toutes les formalités nécessaires pour la reprise de son droit de pratique en acquittant le montant des amendes et des frais, le 30 août 2016[13] ;

[42]    À vrai dire, son permis n’est redevenu valide qu’au moment où celui-ci a complété et fait parvenir à l’OACIQ le formulaire intitulé « Demande de levée de suspension de permis » [14], le 2 septembre 2016 ;

[43]    À cet égard, il y a lieu de souligner que le simple paiement des amendes et/ou de l’envoi du formulaire prescrit n’est pas suffisant, encore faut-il que l’organisme confirme à l’individu que celui-ci est maintenant titulaire d’un permis en règle ;

[44]    En effet, l’absence de confirmation constitue plus qu’une simple irrégularité administrative, seul un document officiel peut constater la remise en vigueur du permis[15] ;

[45]    Quoi qu’il en soit, le chef 2 de la plainte ne reproche pas à l’intimé d’avoir exercé illégalement, le 1er septembre 2016, mais plutôt d’avoir indiqué faussement sur le contrat de courtage la date du 2 septembre 2016, alors que celui-ci avait été conclu le 1er septembre 2016 ;

[46]    En conséquence, ce premier moyen de défense sera rejeté ;

 

           Travaux de rénovations

[47]    Comme deuxième moyen de défense, l’intimé plaide qu’il désirait avoir un dossier complet avant de procéder à la mise en marché de la propriété ;

[48]    C‘est ainsi qu’il prétend que certains travaux de rénovations devaient être complétés au sous-sol de la maison afin d’améliorer ses chances de vente ;

[49]    D’ailleurs, ceux-ci n’ont pu être complétés en temps opportun puisque même le photographe n’a pas inclus de photos du sous-sol dans sa série d’épreuves ;

[50]    Ce moyen de défense ne tient pas la route pour plusieurs raisons ;

[51]    Premièrement, il était illusoire de croire que ces travaux de rénovations pouvaient être complétés à l’intérieur de 24 heures ou même d’un week-end ;

[52]    De plus, au risque de nous répéter, il ne s’agit pas de l’accusation à laquelle l’intimé doit répondre ;

[53]    En effet, peu importe les motifs ayant justifié l’intimé d’inscrire une fausse date sur le contrat de courtage, il demeure néanmoins que cette date du 2 septembre 2016 ne reflète pas la réalité et équivaut à la fabrication d’un faux ;

 

           Conclusion

[54]    À cet égard, il y a lieu de rappeler les enseignements de la Cour d’appel dans le célèbre arrêt Pigeon c. Daigneault[16] :

[52]           Le Comité de discipline a utilisé des mots très forts pour décrire les gestes posés par Daigneault: stratagème, maquillage, faux et usage de faux.   Et, avec égards pour l'avis de la juge de première instance, il a eu raison.   La distinction proposée par la juge ne tient pas la route.   Il est de l'essence même d'un faux d'être fabriqué dans l'intention qu'il soit employé ou qu'on y donne suite, de quelque façon que ce soit, comme authentique, au préjudice de quelqu'un.   C'est exactement ce qui s'est passé ici puisque les documents ont servi à l'obtention d'un prêt hypothécaire dépassant le prix de vente de l'immeuble.   D'ailleurs, Daigneault ne s'en cachait pas:  le prix de vente était artificiellement gonflé pour faciliter la tâche des acheteurs en vue d'obtenir du financement.

[53]           Le fait que les acheteurs aient eu l'intention de rénover la bâtisse, pour, éventuellement, en faire grimper la valeur au prix indiqué de 125 000 $, ne change rien ni au fait que le prix réel de la vente était de 92 000 $ ni au caractère blâmable du stratagème mis à exécution par Daigneault et les autres.

[54]           De plus, au-delà de l'institution prêteuse, que dire du public?   Comme le souligne avec à-propos le Comité de discipline, le public en général, vendeurs, acheteurs et investisseurs, est floué puisque les données de référence qu'utilisent les autres agents immobiliers comme comparables sont faussées.

(Nos soulignements)

 

[55]    Dans le même ordre d’idées, la Cour d’appel déclarait, dans l’arrêt Courchesne c. Castiglia[17] :

[24]        Les articles 1 et 13 des Règles de déontologie sont rédigés en termes généraux; ils s'inscrivent dans un encadrement déontologique visant à sanctionner tout acte ou pratique de nature à porter préjudice au public ou à miner la confiance de celui-ci envers la profession de courtier ou d'agent immobilier.

[25]        Il ne serait ni raisonnable ni réaliste d'exiger que le règlement décrive avec précision toutes les situations, toutes les pratiques et tous les actes que l'utilisation des mots prudence, diligence, compétence, probité, courtoisie, esprit de collaboration, honneur et dignité de la profession vise à circonscrire.

[26]        À l'évidence, le fait d'attester faussement une signature et celui de dissimuler la véritable nature de l'opération achat-revente en cours constituent des actes ou des pratiques de nature à miner la confiance du public envers la profession de courtier ou d'agent immobilier.   C'est ce que le comité de discipline a décidé et, ce faisant, il n'a certes pas créé une infraction que la LCI et la réglementation pertinente ne prévoyaient pas déjà.

[30]        Mais, selon moi, il ne saurait être question d'exiger une telle preuve lorsque, comme en l'espèce, la norme s'impose d'elle-même.   Est-il vraiment nécessaire de faire entendre des experts en courtage immobilier pour établir qu'il est contraire aux bonnes pratiques de la profession d'attester la signature d'une personne que l'on sait pertinemment ne pas être celle qui signe le document?   Est-il vraiment nécessaire de faire entendre des experts pour établir qu'il est contraire aux bonnes pratiques de la profession de cacher au client et à un collègue ou agent la véritable nature de l'opération immobilière et commerciale en cours?   Est-il vraiment nécessaire de faire entendre des experts pour comprendre que ces comportements sont totalement étrangers au devoir qu'ont les membres de l'ACAIQ d'exercer leur profession avec probité?   Je ne le crois pas.   La réponse à ces questions s'impose à tous, sans qu'il soit nécessaire d'avoir l'opinion d'un expert en courtage immobilier.

[37]        Quant au premier, j'ai déjà écrit que le comité de discipline n'avait pas besoin d'un expert pour lui dire que le fait d'attester faussement une signature et celui de dissimuler la véritable nature de l'opération achat-revente en cours constituent des actes ou des pratiques de nature à miner la confiance du public envers les professionnels du courtage immobilier.

[50]        Quant au quatrième reproche, il n'est pas plus fondé que les trois premiers.   L'« attestation », c'est l'« affirmation, par un tiers, de l'existence d'un fait ou d'une obligation »[5].   En signant comme témoin de la signature de Linda Goulet, l'appelant « affirmait » que celle-ci avait signé les documents en sa présence.   Or, cela était faux.   Je ne vois pas d'erreur dans le raisonnement du juge de la Cour du Québec, siégeant en appel, à ce sujet.

 

[56]    Bref, peu importe sous quel angle on examine le contrat de courtage, il demeure néanmoins que la date de signature inscrite par l’intimé est fausse ;

[57]    De plus, l’intimé, en y apposant sa signature, atteste faussement « en avoir reçu une copie » le 2 septembre 2016, alors qu’en réalité, le contrat de courtage fut conclu et reçu le 1er septembre 2016 ;

[58]    Pour l’ensemble de ces motifs, l’intimé sera reconnu coupable du chef 2 pour avoir contrevenu à l’article 69 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité (RLRQ, c. C-73.2, r.1) ;

[59]    En conséquence, un arrêt conditionnel des procédures sera prononcé à l’encontre des autres dispositions réglementaires alléguées au soutien du chef 2 ;

 

PAR CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs 1a) et 1b) pour avoir contrevenu à l’article 17 du Règlement sur la délivrance des permis de courtier ou d’agence (RLRQ, c. C-73.2, r.3) ;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des autres dispositions réglementaires alléguées au soutien des chefs 1a) et 1b) ;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef 2 pour avoir contrevenu à l’article 69 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité (RLRQ, c. C-73.2, r.1) ;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’encontre des autres dispositions réglementaires alléguées au soutien du chef 2;

DEMANDE à la secrétaire du Comité de discipline de convoquer les parties pour l’audition sur sanction ;

LE TOUT, frais à suivre.

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Patrick de Niverville, avocat

Président

 

 

____________________________________

Mme Marie-Andrée Dupras, courtier immobilier

Membre        

 

 

____________________________________

M. Abdel Arzik, courtier immobilier

Membre

 

 

Me Marc-Antoine Bondu

Procureur de la partie plaignante

 

M. Luc Guindon

Partie intimée (non représentée)

 

Date d’audience : 19 octobre 2017

 



[1]        Pièce P-3 : OACIQ c. Guindon, 2016 CanLII 48180 (QC OACIQ);

[2]        Pièces P-4 et I-2;

[3]        Pièces P-1 et P-5;

[4]        Pièce P-10;

[5]        2008 QCCA 1832 (CanLII);

[6]        Chef 2 de la plainte;

[7]        Simard c. Comité de surveillance de l’Association des intermédiaires en assurance de personnes du Québec, 2001 CanLII 40112 (QC CQ);

[8]        OACIQ c. Samedi, 2016 CanLII 78373 (QC OACIQ);

[9]        Kineapple c. R., 1974 CanLII 14 (CSC);

[10]      Pièce P-8;

[11]      2008 QCCA 622 (CanLII), voir également Belzil c. Cayer, 2017 QCCQ 926 (CanLII);

[12]      Pièce P-6;

[13]      Pièce I-2;

[14]      Pièce P-5;

[15]      Comité de surveillance de l’Association des intermédiaires en assurance de personne du Québec c. Murphy, 2007 QCCA 578 (CanLII);

[16]      2003 CanLII 32934 (QC CA);

[17]      2009 QCCA 2303 (CanLII);

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