[1] L’appelante se pourvoit contre un jugement de la Cour du Québec, rendu le 8 avril 2015, lequel acquitte l’intimée des accusations d’homicide involontaire coupable et d’avoir, par négligence criminelle, causé la mort d’une personne.
[2] Pour les motifs du juge Gagnon, auxquelles souscrivent les juges Hilton et Marcotte.
LA COUR :
[3] ACCUEILLE l’appel;
[4] SUBSTITUE au verdict d’acquittement une déclaration de culpabilité à l’accusation d’homicide involontaire coupable et RENVOIE le dossier à la Cour du Québec pour la détermination de la peine appropriée;
[5] ORDONNE la tenue d’un nouveau procès sur l’accusation d’avoir, par négligence criminelle, causé la mort de Roger Matern.
TABLE DES MATIÈRES |
4. LA NORME D’INTERVENTION LORS D’UN APPEL D’UN VERDICT D’ACQUITTEMENT
5. LES PRINCIPES JURIDIQUES APPLICABLES
6. LES MOYENS SOULEVÉS PAR L’APPELANTE
6.1 Le fardeau de preuve relatif à la mens rea de l’homicide involontaire coupable
6.2 Les conclusions de droit devant être tirées des faits non contestés
6.2.1 L’acte objectivement dangereux et la mens rea de l’homicide involontaire coupable
6.2.2 L’écart marqué et important
6.3 Les caractéristiques personnelles et les expériences professionnelles de l’intimée
7. LES MOYENS SOULEVÉS PAR L’INTIMÉE
7.1 Le lien causal entre la conduite reprochée et le décès
7.1.1 Le rejet d’une requête en exclusion de la preuve
7.1.2 Le témoignage d’Annie Sauvageau (experte en pathologie judiciaire)
7.1.3 L’application d’une norme juridique erronée
7.2 Inopérabilité des
articles
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MOTIFS DU JUGE GAGNON |
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[6]
L’appelante se pourvoit contre un jugement de la Cour du Québec du
district de Montréal (l’honorable Louise Villemure), rendu le 8 avril 2015, qui
acquitte l’intimée de deux chefs d’accusation d’homicide involontaire coupable
(art.
[7] Roger Matern a 79 ans lorsqu’en 2005 il subit une chirurgie pour remplacer une valve aortique. L’intervention a cependant peu d’effet bénéfique sur sa condition cardiaque et pulmonaire. Il ressort de cette expérience éprouvante affaibli et déçu.
[8] Même s’il est suivi sur une base régulière depuis 2006 par l’équipe médicale de la Clinique de l’insuffisance cardiaque de l’Institut de cardiologie (CLIC), Roger Matern déplore sa piètre qualité de vie et est constamment à la recherche de solutions alternatives pour l’améliorer.
[9] Le 11 juin 2008, il consulte le cardiologue Normand Racine dans le cadre du suivi régulier. Le médecin ajuste alors la dose quotidienne de Lasix (un diurétique destiné à aider le patient à éliminer les liquides excédentaires) et constate que, bien que le patient se plaigne constamment d’être essoufflé, sa condition cardiaque (3 sur une échelle de 4) est stable et similaire à celle de sa visite précédente.
[10] Convaincu de n’avoir plus rien à espérer de la médecine traditionnelle et désireux de passer un été agréable à son chalet, Roger Matern contacte la clinique de l’intimée pour devancer un rendez-vous originalement prévu pour le 21 août 2008.
[11] Il s’y présente pour la première fois le 12 juin 2008 à 10 h, en compagnie de sa conjointe, pour une consultation. Il répond d’abord à un questionnaire sur son état de santé général, comprenant notamment l’énoncé de la liste des médicaments qui lui sont prescrits. Il rencontre ensuite l’intimée en présence de sa conjointe durant environ une heure.
[12] Roger Matern souhaite des résultats rapides et insiste pour recevoir le jour même une injection intraveineuse de nutriments, même s’il est avisé par l’intimée que son protocole thérapeutique prévoit que ce traitement n’est pas dispensé lors de la première consultation.
[13] L’intimée acquiesce tout de même à cette demande. Elle prépare donc la seringue contenant les diverses substances (L-Taurin, L.Carnitine, chlorure de manganèse, magnésium et potassium) et fixe l’aiguille dans le bras de Roger Matern, puis quitte la salle de traitement en laissant ce dernier sous la surveillance de son adjointe administrative pendant la durée de la perfusion veineuse.
[14] Lorsque celui-ci se plaint soudainement de chaleur, l’intimée revient dans la salle et retire l’aiguille de son bras. Roger Matern se met alors à grelotter. L’intimée lui recommande de boire du thé, que ce dernier régurgite aussitôt.
[15] Appelée par sa mère inquiète au chevet de son père, Gabrielle Matern se présente à son tour à la clinique. Elle trouve celui-ci assis à la réception se tenant le visage dans les mains. Soupçonnant que l’état de son patient puisse résulter du fait qu’il n’ait pas suffisamment mangé avant le traitement, l’intimée demande qu’on lui serve du miel et du jus d’orange auxquels sont ajoutés des échinacées.
[16] L’état de Roger Matern ne s’améliore toutefois pas et ce dernier doit être supporté pour se rendre à la salle de bain où il démontre des comportements inquiétants (désorienté, difficultés à marcher, incapable de déboutonner son pantalon).
[17] Roger Matern quitte la clinique vers 15 h pour rentrer chez lui. L’intimée, qui est demeurée auprès de lui jusqu’à son départ, lui conseille, vu son état, de prendre une bonne nuit de sommeil, puis porte assistance à la conjointe et à la fille de son client pour le raccompagner jusqu’à son véhicule, Roger Matern ne pouvant y parvenir par ses propres moyens.
[18] Rendu chez lui, l’état de Roger Matern se dégrade davantage (motricité réduite, confusion, lèvres bleues, agitation). Consultée durant la soirée, l’intimée réitère à Gabrielle Matern que son père doit se reposer. Jusque-là, celui-ci a refusé d’être conduit à l’hôpital, mais, à 3 h le 13 juin 2008, sa condition inquiète suffisamment ses proches pour justifier son transfert d’urgence dans un établissement hospitalier.
[19] Peu de temps après son admission, les médecins constatent qu’il ne répond plus à aucun stimulus, que sa tension artérielle est très basse et que ses reins ne fonctionnent plus.
[20] D’avis que l’origine d’un tel effondrement physiologique est de nature septique, l’urgentologue de garde débute un traitement aux antibiotiques. On note alors une amélioration sensible de son état. Il est alors mieux orienté et répond adéquatement aux questions.
[21] Au changement de quart, l’urgentologue, qui entre au travail à 8 h, confirme le diagnostic de son prédécesseur. Il poursuit, par conséquent, le traitement entrepris, mais constate rapidement qu’au lieu de continuer à s’améliorer, la condition de Roger Matern se détériore au point où son état devient extrêmement critique. Les proches de ce dernier doivent alors se résoudre à l’inévitable et renoncer à l’application des mesures de réanimation. Roger Matern décède peu de temps après.
[22] Six jours plus tard, les policiers se présentent à la clinique de l’intimée pour procéder à une perquisition des lieux et à son arrestation. Ils y saisissent notamment un dossier tenu par l’intimée portant le nom de Roger Matern ainsi que les quatre fioles contenant les substances administrées à ce dernier le 12 juin 2008.
[23] Ces fioles sont alors conservées dans un réfrigérateur (à l’exception d’une période durant laquelle elles furent sorties pour être photographiées) jusqu’à ce que leur contenu soit analysé le 25 juin 2008.
[24] L’analyse effectuée par la « Direction générale des produits de santé et des aliments » révèle que la première (#5504-01797) contient du magnésium dans laquelle aucune bactérie ne fut détectée. La seconde (#5502-01795) dont le septum comporte trois perforations, bien qu’il s’agisse d’une fiole unidose, renferme du L-Carnitine dans laquelle fut détectée la présence de 9 700 000 bactéries (la norme acceptable pour un produit injectable étant de 0) et 62 500 endotoxines bactériennes (la norme acceptable se situant entre 1 et 10). La troisième fiole (#5503-01796) contient du chlorure de manganèse dans laquelle aucune bactérie ne fut décelée, mais présentant une quantité d’endotoxine bactérienne inférieure à 1.25. L’analyse de la quatrième (#5501-01794) révèle la présence de L-Taurin ne comportant aucune bactérie, mais dans laquelle fut détectée une quantité de 2.5 endotoxines bactériennes.
[25] La preuve permet, par ailleurs, de comprendre que la fiole unidose contenant le L-Carnitine avait servi, le 12 juin 2008, à injecter deux autres patients de l’intimée avant que la même substance soit administrée à Roger Matern. Les témoins entendus établissent, en outre, que, contrairement au flacon multidose, la fiole unidose ne contient aucun agent de conservation destiné à détruire les bactéries introduites inopinément dans le produit.
[26] Les analyses microbiennes effectuées le 25 juin 2008 démontrent également que la fiole contenant le L-Carnitine (un produit qui, en principe, ne peut être administré que sur prescription médicale) était contaminée par 9 700 000 unités de Pantoea, une bactérie vivante que l’on peut retrouver sur les plantes ou sur divers objets de la vie courante et qui est susceptible d’être à l’origine d’infection ou de maladie, notamment chez les personnes dont le système immunitaire est affaibli. C’est à la mort de cette bactérie que les endotoxines bactériennes sont libérées (62 500 de ces endotoxines sont retrouvées dans la fiole de L-Carnitine analysée).
[27] L’expert en infectiologie et microbiologie, le Dr Richard Marchand, estime, au moyen d’un rétrocalcul, qu’au jour de l’injection administrée à Roger Matern, entre 2 000 et 7 000 unités d’endotoxines par millilitre étaient présentes dans la substance injectée et que, compte tenu de l’âge de Roger Matern et de sa condition physique, une quantité de 125 à 150 unités fut amplement suffisante pour causer son décès.
[28] Au terme d’un procès ayant duré 39 jours, au cours duquel pas moins de 18 experts ont été entendus de part et d’autre, le juge a retenu de la preuve que :
1. L’intimée est crédible;
2. Elle sait qu’elle n’était pas autorisée à poser des actes médicaux;
3. Les témoignages des experts appelés par le ministère public, les Drs White, Racine, Liskowski et Marchand sont crédibles et fiables;
4. Roger Matern est décédé des suites d’un choc endotoxique provoqué par la présence de Pantoea dans une substance (L-Carnitine) que lui a injectée l’intimée le 12 juin 2008;
5. N’eût été cette contamination, les solutions de nutriments injectées sont appropriées à la condition cardiaque et pulmonaire de Roger Matern et sont susceptibles d’améliorer son état;
6. N’ayant pas le luxe du temps, Roger Matern désire avoir sur-le-champ la version la plus efficace du traitement, soit l’injection des nutriments par voie intraveineuse;
7. Sachant que l’intimée n’est pas médecin, Roger Matern et son épouse ont accepté les risques inhérents à la forme de traitement administré par l’intimée;
8. La réglementation applicable au Québec ne permet pas à un pharmacien de collaborer avec une naturopathe non assujettie au Code des professions[1]. L’intimée achète donc les mélanges de nutriments de pharmaciens-préparateurs certifiés en Ontario. Le choix de ces fournisseurs répond, par ailleurs, au plus haut standard de qualité;
9. Le Pantoea a manifestement été introduit dans la substance injectée après la seconde injection du produit puisé dans la fiole unidose, puisque les deux premiers patients n’ont présenté aucun symptôme similaire à ceux de la victime;
10. Les mesures d’asepsie mises en place par l’intimée, sans être en tous points conformes à celles prévalant dans les hôpitaux, sont satisfaisantes;
11. Comme le souligne l’expert Marchand, Roger Matern est, en raison du nombre d’endotoxines (2 000 à 7 000) présentes dans la solution administrée, condamné à compter de l’injection;
12. Les actes illégaux posés par l’intimée, notamment l’injection par voie intraveineuse, ne sont pas objectivement dangereux en ce qu’une personne raisonnable n’aurait pas compris qu’ils présentent un risque de préjudice;
13. L’intimée n’est pas autorisée par la loi et la réglementation québécoise à administrer des substances par injection intraveineuse, mais a acquis les connaissances pour le faire. De fait, elle procède à de telles injections sur une base régulière depuis 1992 sans y être légalement autorisée.
[29] Ces constats sont à l’origine des verdicts d’acquittement prononcés sur les deux chefs de l’acte d’accusation.
[30]
L’appelante formule quatre questions litigieuses au soutien de sa
demande d’infirmer le jugement dont appel (questions 1 à 4) auxquelles
l’intimée ajoute quatre autres questions (questions 5 à 8) dont les trois
premières militent, à son avis, en faveur du maintien des verdicts
d’acquittement et une quatrième au moyen de laquelle elle requiert une
déclaration d’inopérabilité des dispositions du Code criminel qui
servent à l’incriminer au motif qu’elles violent les articles
1. La juge du procès a-t-elle erré en droit quant à un élément essentiel de l’homicide involontaire coupable en considérant qu’une prévisibilité objective de la mort était requise alors que seule la prévisibilité objective de lésions corporelles est exigée?
2. La juge du procès a-t-elle erré en droit en omettant de qualifier juridiquement les actes de l’intimée d’acte illégal objectivement dangereux, selon la preuve non contredite ou avérée au procès, relativement au chef d’accusation d’homicide involontaire coupable au moyen d’un acte illégal?
3. La juge du procès a-t-elle erré en droit quant au critère objectif de la personne raisonnable en tenant compte de caractéristiques et d’expériences personnelles de l’intimée?
4. La juge du procès a-t-elle erré en droit quant à la notion de négligence criminelle en omettant de constater que la conduite de l’intimée, selon la preuve non contredite ou avérée au procès, constituait en droit un écart marqué et important par rapport à la norme de la personne raisonnable?
5. La juge du procès a-t-elle erré en droit en n’excluant pas les résultats des analyses par Santé Canada?
6. La juge du procès a-t-elle erré en droit en ne tenant pas compte du témoignage de l’experte pathologiste Anny Sauvageau qui se rapportait à la question ultime de la culpabilité ou de l’innocence?
7. La juge du procès a-t-elle erré en droit en appliquant la mauvaise norme juridique pour conclure à la cause du décès?
8. Les articles 220b), 234 et 236 du Code criminel
sont-ils inapplicables à l’intimée parce que portant atteinte aux articles
[31] Après avoir discuté de la norme d’intervention et des éléments essentiels des accusations reprochées, je traiterai d’abord des moyens soulevés par l’appelante et ensuite de ceux qu’invoque l’intimée, après quoi je m’attarderai finalement sur le remède approprié.
[32] L’appel, par le poursuivant, d’un verdict d’acquittement prononcé par un tribunal d’instance à l’égard de procédures par acte d’accusation peut être introduit devant la Cour pour tout motif portant sur une question de droit seulement[2].
[33] Pour réussir, l’appelante doit non seulement démontrer que le juge a commis une erreur de droit, mais également établir avec un degré raisonnable de certitude que celle-ci a eu une incidence significative sur le verdict prononcé. Elle n’est toutefois pas tenue d’établir que, n’eût été l’erreur, le verdict aurait nécessairement été différent[3].
[34] Le juge Gascon rappelle récemment à cet égard :
[27] […] Notre Cour a formulé de différentes façons le degré d’importance que doit présenter une erreur pour qu’une cour d’appel soit justifiée d’intervenir dans un recours intenté par le ministère public contre un acquittement. Une « possibilité abstraite ou purement hypothétique » ne suffit pas (Graveline, par. 14). Une erreur qui « aurait nécessairement » eu une incidence substantielle sur le verdict dépasse ce seuil (Ibid., par. 14-15; R. c. Morin, [1998] 2 R.C.S. 345, p. 374 « Morin »). Une erreur dont l’importance présente un « degré raisonnable de certitude » correspond au seuil requis (Graveline, par. 14-15; Morin, p. 374).
[28] […] À mon avis, il n’était pas possible de conclure avec un degré raisonnable de certitude que les inférences controversées du juge du procès avaient un caractère substantiel dans son verdict. Il s’ensuit donc que, même si ces inférences avaient constitué des erreurs de droit, elles ne justifieraient pas l’intervention de la Cour d’appel.[4]
[35] Lorsqu’une cour d’appel retient que l’erreur de droit commise est telle qu’il est possible de conclure avec un degré raisonnable de certitude que celle-ci a eu un effet substantiel ou significatif sur le verdict, le remède usuel est l’ordonnance de nouveau procès. Dans R. c. S.B.[5], la Cour suprême confirme les motifs dissidents du juge en chef Green qui soulignait à cet égard :
[92] Paragraph
[Soulignement ajouté]
[36]
Le sous-paragraphe 686(4)b)ii) C.cr. et le paragraphe
[37] La substitution d’un verdict d’acquittement n’est toutefois appropriée que pour les procès qui se sont déroulés devant un juge siégeant seul[7], (1) dans les cas les plus clairs[8], (2) lorsque le juge a tiré toutes les conclusions de fait justifiant une déclaration de culpabilité et (3) que ces conclusions de fait ne sont pas contestées[9].
[38] Je retiens, par ailleurs, que le droit d’un accusé à un procès équitable pose l’exigence que ces trois critères soient soumis à une application stricte.
[39] Il m’apparaît également opportun de rappeler certains principes qui régissent les deux accusations portées contre l’intimée et pour lesquelles elle a été acquittée.
[40]
L’homicide involontaire coupable, perpétré selon le mode prévu à
l’alinéa
a) une conduite constituant un acte illégal constitutionnellement valide et objectivement dangereux;
b) l’acte illégal n’est pas assujetti au régime de la responsabilité absolue;
c) l’intention requise pour commettre l’infraction criminelle sous-jacente;
d) une personne raisonnable aurait prévu le risque de causer des lésions corporelles à autrui (la prévisibilité objective de lésions corporelles).
e) l’acte illégal a causé la mort d’un être humain;
[41] Chacun de ces éléments essentiels a fait l’objet de nombreux débats. C’est notamment le cas du dernier, mais depuis l’arrêt Creighton, le principe selon lequel la prévisibilité objective de lésions corporelles constitue l’état d’esprit requis pour commettre l’homicide involontaire coupable est désormais solidement ancré dans le droit criminel canadien. Écrivant pour la majorité, la juge McLachin (telle qu’elle était alors) souligne dans cet arrêt phare :
Il s’ensuit qu’au Canada,
comme au Royaume-Uni, le critère pour la détermination de la mens rea
dans le cas de l’homicide involontaire coupable résultant d’un acte illégal est
(outre l’existence de la mens rea requise pour l’infraction
sous-jacente) celui de la prévisibilité objective (dans le contexte d’un
acte dangereux) du risque de lésions corporelles qui ne sont ni sans importance
ni de nature passagère. La prévisibilité du risque de mort n’est pas nécessaire.
La question est donc de savoir si ce critère viole les principes de justice
fondamentale visés à l’art.
[Soulignement ajouté]
[…]
L’analyse qui précède m’amène à conclure qu’il n’y a aucune violation des principes de justice fondamentale qui résulte de ce que la mens rea en matière d’homicide involontaire coupable exige la prévisibilité d’un risque de préjudice plutôt que la prévisibilité d’un risque de mort. En dernière analyse, la faute morale requise dans le cas de l’homicide involontaire coupable est proportionnelle à la gravité de l’infraction et aux peines qu’elle entraîne, et elle ne choque aucun principe de justice fondamentale. Se pose donc ensuite la question de la nature du critère objectif servant à établir la prévision de lésions corporelles, et c’est cette question que j’aborde maintenant.[11]
[42]
Je rappelle que la preuve révélait que Creighton avait passé une partie
de la nuit à consommer de la drogue et de l’alcool avec la victime à qui il a
injecté, avec le consentement de celle-ci, une certaine quantité de cocaïne. La
victime est soudainement prise de violentes convulsions et manifeste des difficultés
respiratoires importantes. Elle décède, peu de temps après, d’un arrêt
cardiaque provoqué par l’injection. Plutôt que de faire appel aux services
d’urgence, Creighton place la victime sur son lit, s’empresse d’effacer toutes
traces de son passage dans la pièce avant de prendre la fuite. C’est par le
biais de l’alinéa
[43]
Dans Charbonneau c. R.[12],
notre Cour a appliqué cette même norme juridique à une accusation d’homicide
involontaire coupable commis par le moyen prévu à l’alinéa
[44] Dans le cas d’une accusation d’homicide involontaire coupable, l’acte illégal (dans le cas d’une infraction criminelle) objectivement dangereux et l’état mental requis pour commettre l’infraction sont soumis à l’application de la même norme juridique : la prévisibilité raisonnable de lésions corporelles qui ne sont pas passagères ou sans importance. La preuve, hors de tout doute raisonnable, de l’actus reus emporte généralement la conclusion d’une preuve de la mens rea satisfaisant au même standard.
[45] Le droit criminel canadien reconnaît également la possibilité que l’acte illégal objectivement dangereux sous-jacent à l’homicide involontaire coupable consiste en une infraction statutaire fédérale ou provinciale de responsabilité stricte, auquel cas se soulèvent des questions particulières.
[46] En effet, dans le cas de ces infractions, le poursuivant n’a pas à présenter de preuve quant à l’élément moral, celui-ci étant présumé. Il incombe alors au défendeur de démontrer, selon la balance des probabilités, qu’il n’a pas été négligent.
[47] Il est, à mon avis, inapproprié d’exiger un tel fardeau de celui qui est accusé d’avoir commis un homicide involontaire coupable en perpétrant une infraction statutaire ou réglementaire. Je partage à cet égard l’opinion du professeur Wilson qui, commentant la décision Curragh[13] de la Cour provinciale de Nouvelle-Écosse, souligne que le fardeau de prouver la faute en matière d’homicide coupable doit demeurer sur les épaules du poursuivant :
Thus, in those cases where the predicate offence is a strict liability offence the burden of proof will remain with the Crown. Further, the Crown must establish fault beyond a reasonable doubt. Finally, the fault element for the predicate offence also changes — it is no longer “due diligence” or simple negligence. Rather, the fault element becomes the two-tiered fault element established in the Creighton case. The same approach would occur if absolute liability offences were allowed to serve as predicate offences. There would be a fault element, as set out in Creighton, and the Crown would be required to prove that fault element beyond a reasonable doubt.[14]
[48] La Cour suprême n’a pas été confrontée à cette problématique dans Creighton puisque l’acte criminel sous-jacent (trafic de cocaïne) ne constituait pas une infraction assujettie au régime de la responsabilité stricte, mais une infraction dite de mens rea. La juge McLachlin (telle qu’elle était alors) souligne néanmoins que lorsque l’acte illégal sous-jacent à un homicide coupable se caractérise par un manque de prudence ou de diligence, le comportement en cause doit représenter un écart marqué avec celui d’une personne raisonnablement prudente ou diligente pour satisfaire à l’élément de faute exigé.
[49] Les actes illégaux reprochés à l’intimée (des contraventions à la Loi médicale québécoise) sont assujettis au régime de la responsabilité stricte et comportent, dans la mesure où ils sont objectivement dangereux, une composante de négligence chez ceux qui les commettent.
[50]
Dans l’arrêt J.F.[15],
un enfant de quatre ans est décédé des suites de nombreux traumatismes crâniens
causés par un objet contondant. Son père nourricier est inculpé de deux chefs
d’homicide involontaire coupable reposant sur des actes illégaux sous-jacents
distincts; dans un cas, la négligence criminelle (art.
[51] Les deux chefs ciblaient toutefois la même omission de la part de l’appelant, soit d’avoir fait défaut de protéger l’enfant d’un préjudice prévisible subi aux mains de sa conjointe.
[52] Soulignant que l’élément de faute requis par une déclaration de culpabilité était, pour l’essentiel, commun aux deux chefs de l’accusation, le juge Fish souligne le degré d’écart différent propre à chacun des deux actes illégaux sous-jacents :
[8] Quant au chef
reposant sur l’omission de fournir les choses nécessaires à l’existence, il
incombait au ministère public d’établir que l’omission de protéger l’enfant
placé en famille d’accueil constituait « un écart marqué par
rapport à la conduite d’un parent raisonnablement prudent dans des
circonstances où il était objectivement prévisible que l’omission de fournir
les choses nécessaires à l’existence risquerait de mettre en danger la
vie de l’enfant ou d’exposer sa santé à un péril permanent » R. c.
Naglik,
[9] Quant au chef
alléguant la négligence criminelle, le ministère public devait démontrer que la
même omission constituant un écart marqué et important (par opposition
à un écart marqué) par rapport à la conduite d’un parent raisonnablement
prudent dans des circonstances où l’accusé soit a eu conscience d’un risque
grave et évident pour la vie de son enfant, sans pour autant l’écarter, soit ne
lui a accordé aucune attention : R. c. Tutton,
[Soulignement ajouté]
[53] À mon avis, le cadre d’analyse retenu par le juge Fish convient également aux deux chefs d’accusation reprochés à l’intimée. Le comportement de celui qui cause la mort doit constituer un écart marqué par rapport à la norme de prudence d’une personne raisonnable placée dans la même situation, alors que pour l’homicide coupable résultant de négligence criminelle, l’écart doit être marqué et important.
[54] À l’instar du juge Guy Cournoyer dans R. c. Fournier[17], j’en conclus que, lorsque l’infraction sous-jacente fondant un homicide involontaire coupable consiste en une infraction de responsabilité stricte, le ministère public doit établir hors de tout doute raisonnable :
1) la perpétration d’une infraction de responsabilité stricte constitutionnellement valide et objectivement dangereuse;
2) la conduite de l’accusé constitue un écart marqué par rapport à celle d’une personne raisonnablement prudente placée dans les mêmes circonstances;
3) une personne raisonnable aurait prévu le risque de causer des lésions corporelles que posait son comportement;
4) la conduite a causé la mort d’un être humain.
[55] Je rappelle, en outre, que le comportement qui constitue un écart par rapport à la norme à laquelle on s’attendrait voir se conformer une personne raisonnablement prudente sert de fondement à la négligence civile et à la négligence pénale.
[56] Toutefois, contrairement à la négligence civile qui s’intéresse à la répartition d’un préjudice, la négligence pénale vise à sanctionner un comportement blâmable.
[57] Ainsi, un simple écart par rapport à la norme respectée par une personne raisonnablement prudente satisfait à la norme préliminaire de la négligence civile, mais n’est pas suffisant pour établir la responsabilité pénale, un écart marqué étant minimalement nécessaire[18]. Ce n’est que lorsque le comportement satisfait à ce critère plus élevé qu’un tribunal peut, sur la base de ce seul comportement, conclure à l’existence d’un état d’esprit blâmable[19]. Il est dès lors essentiel de prêter une attention particulière à l’élément de faute pour éviter de criminaliser le comportement d’une personne ayant simplement agi de façon imprudente.
[58] En somme, le tribunal ne peut inférer du simple fait d’un comportement objectivement dangereux le degré de diligence requis pour constituer un écart marqué par rapport à la norme que respecterait une personne raisonnablement prudente placée dans les mêmes circonstances. Le juge Cromwell exprime cette exigence :
[…] Autrement dit, la preuve de l’actus reus de l’infraction ne permet pas à elle seule de conclure raisonnablement à l’existence de l’élément de faute requis. La conduite constituant un écart marqué par rapport à la norme est le seul facteur qui peut étayer raisonnablement cette conclusion.[20]
[59] Les inférences tirées de l’ensemble de la preuve permettront généralement de déterminer si l’état d’esprit blâmable a été prouvé. Comme l’indiquait la juge Charron dans Beatty, le juge des faits doit considérer la totalité de la preuve, y compris les éléments relatifs à l’état d’esprit véritable de l’accusé[21].
[60]
Le fait de causer la mort d’un être humain en faisant preuve de
négligence criminelle peut, par ailleurs, être incriminé ou sanctionné de trois
façons, soit par le biais des articles
[61] La Cour rappelle alors au sujet de ces dispositions :
[61] Le mode de
perpétration de l’homicide coupable prévu par l’alinéa
[62] Cela dit,
causer la mort par négligence criminelle (art.
[63] Dans R. v. M.R., le juge O’Connor souligne les composantes communes à l’homicide involontaire coupable commis en posant un acte illégal et à l’infraction de causer la mort par négligence criminelle, notamment en ce qui concerne l’état d’esprit blâmable :
[31] An additional question concerns what mental element is required to establish liability as a principal offender for criminal negligence causing death as related to the consequence of the criminally negligent act: the death. In R. v. Creighton, at pp. 41-45, the majority of the Supreme Court of Canada dealt with this issue in relation to a charge of unlawful act manslaughter. The court held that the test is objective foreseeability of the risk of bodily harm which is neither trivial nor transitory. As stated by McLachin J., at p. 75, the question is “whether the reasonable person in all the circumstances would have foreseen the risk of bodily harm”. I see no reason why the reasoning in Creighton on this issue should not apply equally to the offence of criminal negligence causing death. The offences of unlawful act manslaughter and criminal negligence causing death have much in common. Importantly, for present purposes, both involve a dangerous or unlawful act that causes death. From both a logical and policy standpoint, it makes sense that the mental element relating to the consequence of the offending conduct be the same for both offences.
[64] Quelques années plus tard, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, sous la plume de la juge Neilson, adopte également le point de vue selon lequel l’homicide involontaire commis selon le mode prévu par l’alinéa 222(5)b C.cr. exige la prévisibilité objective de lésions corporelles qui ne sont pas sans importance ni de nature passagère :
[36] I
agree with the Crown that the judge’s reference to “a risk of bodily harm”
instead of “a risk to life and safety” appears to originate from R. v.
Creighton, 1993 CanLII 61 (SCC),
[Références omises] [Soulignement ajouté]
[62]
L’infraction de causer la mort par négligence criminelle, prévue aux
articles
a) un comportement (acte ou omission de faire une chose qu’il est de son devoir d’accomplir) qui dénote une insouciance téméraire ou déréglée pour la vie d’autrui ou la sécurité (actus reus)[23];
b) révélant un écart marqué et important par rapport à la norme que respecterait une personne normalement prudente dans les circonstances où l’auteur a eu conscience du risque grave sans pour autant l’écarter ou ne lui a accordé aucune attention (prévisibilité objective de lésions corporelles) (mens rea); et
c) qui cause la mort d’un être humain.
[63]
Bien que la mens rea requise pour une déclaration de culpabilité
en vertu des articles
[64] La juge McLachin souligne à cet égard dans Creighton :
Cela ne veut toutefois
pas dire que la question de la culpabilité se tranche dans un vide factuel. Quoique
l’obligation légale incombant à l’accusé ne soit pas particularisée par ses
caractéristiques personnelles autres que l’incapacité, elle se particularise
dans les faits par la nature de l’activité et les circonstances entourant
l’omission de l’accusé de faire preuve de la diligence requise. Comme le
fait remarquer le juge McIntyre dans l’arrêt R. c. Tutton,
[Soulignement ajouté]
[65] La preuve de l’état d’esprit véritable de l’accusé, si elle est disponible, comme en l’espèce, doit également être prise en compte pour déterminer si elle permet de douter raisonnablement qu’une personne raisonnable placée dans la même situation aurait été consciente du risque créé par le comportement de l’accusé.
[66] Enfin, pour l’une ou l’autre des accusations portées contre l’intimée, (1) une analyse contextuelle s’impose et (2) la nécessité d’une preuve, hors de tout doute raisonnable, que la conduite du délinquant est à tous égards hors norme.
[67] Cela dit, passons à l’examen des questions litigieuses que soulève l’appelante.
[68] Les moyens soulevés par l’appelante ciblent des erreurs qu’aurait commises la juge relativement (1) au fardeau de preuve indu qui lui a été imposé pour établir la faute morale de l’accusation d’homicide involontaire coupable, (2) à l’omission de conclure, à partir de la preuve non contestée, à la présence d’un acte objectivement dangereux posé par l’intimée, (3) à l’omission de conclure, à partir des faits non contestés, à l’existence d’un écart marqué et important entre la conduite de l’intimée et celle d’une personne raisonnablement prudente et (4) à la prise en compte des caractéristiques et des expériences personnelles de l’intimée dans l’application de la norme objective.
[69] Les moyens 2 et 3 qui sont fondés sur la même base factuelle (les circonstances non contestées) seront, malgré certaines particularités qui les distinguent, traités ensemble.
[70] L’appelante reproche dans un premier temps à la juge d’avoir erronément retenu que la mens rea de l’homicide involontaire coupable commis au moyen d’un acte illégal nécessite la démonstration d’une prévisibilité objective de la mort. L’argument tire sa source des paragraphes 338 et 450 du jugement dont appel où la juge écrit :
[338] Les éléments essentiels de l’homicide involontaire sont énoncés dans l’arrêt Creighton :
34. Par
conséquent, si l’on veut respecter les exigences de l’art.
a) que l’accusé a commis un acte illégal qui a causé la mort de la victime;
b) que cet acte illégal est objectivement dangereux (c.-à-d. en ce sens qu’une personne raisonnable comprendrait qu’il présente un risque de préjudice);
c) qu’existait l’exigence en matière de faute relative à l’infraction sous-jacente, laquelle ne saurait être une infraction de responsabilité absolue;
d) qu’une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé aurait prévu le risque de mort que comportait l’acte illégal.
35. Le deuxième élément de l’homicide involontaire coupable résultant d’un acte illégal nécessite qu’on décide si, comme question de droit, l’acte illégal sous-jacent présente objectivement un danger. En ce qui concerne le quatrième élément, toutefois, le juge des faits doit mettre la personne raisonnable dans la même situation que l’accusé afin de décider si ce dernier pouvait objectivement prévoir le risque de mort que comportait l’acte illégal. Je passe donc maintenant à un énoncé détaillé du critère à appliquer dans chaque cas où s’impose en droit criminel une telle détermination objective de la faute.
[…]
[450] La poursuite n’a pas prouvé, hors de tout doute raisonnable, les éléments essentiels énoncés dans l’arrêt Creighton :
que l’acte illégal est objectivement dangereux, en ce sens qu’une personne raisonnable comprendrait qu’il présente un risque de préjudice,
et qu’une personne raisonnable, dans la même situation, aurait vu le risque de mort.
[Références omises] [Soulignement ajouté]
[71] Manifestement, la juge cite et retient alors l’opinion du juge en chef Lamer qui souligne, pour la minorité dans Creighton, que l’élément mental de l’infraction d’homicide involontaire coupable nécessite une prévisibilité objective de la mort.
[72] Or, ce point de vue ne représente pas l’état du droit au Canada sur cette question. En effet, depuis près d’un quart de siècle maintenant, les tribunaux canadiens retiennent plutôt l’opinion de la majorité de la Cour suprême, exprimée par la juge McLachlin dans ce même arrêt, selon laquelle, en matière d’homicide coupable, une prévisibilité objective de blessures qui ne sont pas sans importance ou de nature passagère suffit[26]. C’est d’ailleurs cette voie qu’a suivie notre Cour dans les arrêts Cook[27], Lareau[28], Solomon[29], Fils[30], Plante[31] et Charbonneau[32].
[73] L’erreur a, en l’espèce, pour effet d’imposer un fardeau de preuve indu à l’appelante qui l’oblige à démontrer qu’une personne raisonnable placée dans la même situation que l’intimée aurait prévu que sa conduite risquait de causer la mort d’un être humain, fardeau qu’elle n’a, de toute évidence, pu surmonter à la satisfaction de la juge d’instance.
[74] L’appelante a donc raison de soutenir que la juge a commis une erreur de droit. Compte tenu de l’impact de l’erreur sur le fardeau de preuve que devait assumer l’appelante, je suis d’avis, avec un degré raisonnable de certitude, que l’erreur commise a influé sur le verdict d’acquittement sur le chef d’homicide involontaire coupable et qu’en l’absence de celle-ci le verdict sur ce chef de l’accusation aurait pu être différent.
[75] Selon l’appelante, cette première erreur a également eu des répercussions sur la qualification de l’acte illégal sous-jacent à l’homicide involontaire coupable et a donc engendré une seconde erreur de droit. Elle prétend, en effet, que la juge applique également le critère de la prévisibilité objective de la mort au lieu de celui de la prévisibilité objective de lésions corporelles à la question de déterminer si le comportement illégal de l’intimée est objectivement dangereux.
[76] Elle rappelle, à cet égard, que le comportement illégal de l’intimée constitue une contravention à l’article 31 de la Loi médicale[33] qui prévoit notamment que le diagnostic, la prescription de traitements médicaux, de médicaments et autres substances, l’utilisation de techniques ou de traitements invasifs ou présentant des risques de préjudice sont des actes réservés aux médecins. Certaines exceptions sont prévues, mais aucune de celles-ci n’est établie en faveur des naturopathes.
[77] Résumant les arguments de l’appelante relativement aux composantes de l’acte illégal sous-jacent à l’homicide coupable reproché, la juge écrit au paragraphe 441 du jugement entrepris :
[441] Sur le chef d’homicide involontaire, la poursuite identifie cinq actes illégaux qui ont causé le décès de Roger Matern soit :
1) la violation des règles d’asepsie;
2) les actes médicaux posés sans le consentement éclairé de la victime;
3) la violation de la loi provinciale en ce qui concerne les fioles ontariennes;
4) l’injection;
5) les actes posés réservés aux médecins : examen, diagnostic et traitements médicaux.
[78]
Il n’est, par ailleurs, pas contesté que les contraventions à l’article
[79] Dans Creighton, la juge McLachlin rappelle à cet égard :
La structure de
l’infraction d’homicide involontaire coupable tient à la perpétration d’une
infraction sous-jacente sous forme d’acte illégal ou de négligence criminelle,
laquelle infraction doit être assortie d’un homicide. Il est maintenant établi
que ce n’est pas parce qu’une infraction dépend de l’existence d’une infraction
sous-jacente qu’elle est inconstitutionnelle, pourvu que l’infraction
sous-jacente comporte un acte dangereux, qu’elle ne soit pas une infraction
de responsabilité absolue et qu’elle ne soit pas elle-même inconstitutionnelle :
R. c. DeSousa,
[Soulignement ajouté]
[80] L’acte illégal qui cause le décès doit, en outre, être objectivement dangereux. La juge McLachlin souligne à ce sujet dans Creighton que « [l]’acte illégal doit présenter un danger objectif, c’est-à-dire, être de nature à causer des blessures à une autre personne »[35]. Dans l’arrêt DeSousa, le juge Sopinka précise que l’acte illégal doit être « de nature à soumettre une autre personne à un risque de préjudice ou de lésions corporelles » qui « ne sont pas sans importance ou de nature passagère »[36].
[81] S’inspirant encore une fois des motifs dissidents dans Creighton, la juge conclut, au paragraphe 450 du jugement entrepris, que l’appelante a failli à son obligation de prouver deux des quatre éléments essentiels de l’infraction énoncés par le juge Lamer :
[450] La poursuite n’a pas prouvé hors de tout doute raisonnable les éléments essentiels énoncés dans l’arrêt Creighton :
que l’acte illégal est objectivement dangereux en ce sens qu’une personne raisonnable comprendrait qu’il présente un risque de préjudice;
et qu’une personne raisonnable dans la même situation, aurait vu le risque de mort.
[Soulignement ajouté]
[82] S’il est manifeste du passage cité au paragraphe précédent du jugement dont appel que la juge erre en réitérant que la mens rea de l’homicide involontaire coupable dépend de la prévisibilité objective de la mort, la définition qu’elle retient de l’acte objectivement dangereux n’est pas, contrairement à ce que soutient l’appelante, porteuse de la même erreur de droit et correspond plutôt à l’idée d’un acte objectivement dangereux considérée par le juge Sopinka dans DeSousa[37], soit la prévisibilité objective d’un « risque de préjudice ou de lésions corporelles [qui] ne doivent pas être de nature passagère ou sans importance » qui, selon la juge McLachlin, convient tout à fait à l’accusation d’homicide involontaire coupable :
Le critère énoncé par le
juge Sopinka (à la p. 961) relativement à l’acte illégal exigé aux fins de
l’art.
[83] L’emploi par la juge du critère de la prévisibilité objective d’un risque de préjudice fait manifestement référence à un danger à l’intégrité physique de la personne qui n’exige pas que le préjudice causé soit la mort, mais qui ne l’exclut pas non plus.
[84] J’estime, en conséquence, que l’argument selon lequel la juge a, de façon inappropriée, transporté l’erreur commise relativement à l’état mental requis pour commettre l’homicide involontaire coupable à la détermination de l’acte illégal objectivement dangereux, ne peut être retenu.
[85] L’appelante soutient, de plus, que nous sommes en présence de l’une des quatre situations décrites dans les arrêts Morin[39] et J.M.H.[40] où une appréciation déficiente de la preuve constitue une erreur de droit et que la Cour suprême énonce ainsi :
(2) L’effet juridique des conclusions de fait ou des faits incontestés soulève une question de droit
[28] Il s’agit d’un
type de situations énumérées dans l’arrêt R. c. Morin,
Si un juge du procès conclut à l’existence de tous les faits nécessaires pour tirer une conclusion en droit et que, pour tirer cette conclusion, ces faits peuvent simplement être tenus pour avérés, une cour d’appel peut ne pas partager la conclusion tirée sans empiéter sur la fonction de recherche des faits conférée au juge du procès. Le désaccord porte sur le droit et non sur les faits ni sur les conclusions à tirer de ceux-ci. Le même raisonnement s’applique si les faits sont acceptés ou incontestés.
En bref, la cour d’appel n’a qu’à appliquer les bons principes juridiques aux conclusions de fait du juge du procès; on peut établir en toute sûreté un lien entre l’erreur du juge, s’il en est, et une question de droit plutôt qu’une question de pondération adéquate de la preuve.[41]
[86] L’appelante souligne à bon droit l’existence d’une preuve incontestée de tous les faits nécessaires pour conclure en droit (1) que l’acte illégal posé par l’intimée est objectivement dangereux, (2) que sa conduite constitue un écart marqué avec celle qu’adopterait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances et (3) qu’une personne raisonnable aurait prévu le risque qu’elle faisait courir à la victime en agissant ainsi.
[87] Pour illustrer son point de vue, l’appelante dresse à l’audition du pourvoi une liste comprenant 18 circonstances qui devraient être tenues pour avérées et invite la Cour à en inférer la prévisibilité raisonnable de dangerosité de l’acte illégal et une conduite hors norme de la part de l’intimée :
1. L’intimée n’est pas une médecin et ne l’a jamais été;
2. L’intimée a administré de la L-Carnitine non prescrite par un médecin, ce qui est interdit par la Loi sur les aliments et les drogues;
3. La fiole de L-Carnitine n’indique aucune date d’expiration ou de fabrication;
4. Sur l’étiquette, il n’y avait aucune inscription quant au médecin traitant ou au patient ni de DIN (drug identification number);
5. La concentration affichée sur l’étiquette ne représente pas la concentration réelle;
6. Trois usages d’une fiole à usage unique sur trois patients différents. L’intimée admet qu’elle savait qu’il s’agit d’une fiole à usage unique;
7. Trois ponctions sachant qu’il n’y a pas d’agents préservatifs;
8. L’intimée admet n’avoir jamais suivi le cours de certification ontarien;
9. À la suite de la réaction de la victime, l’intimée a administré à la victime du thé, du miel et du jus d’orange et n’a jamais appelé les services d’urgence;
10. L’intimée a continué à administrer des IV après le décès de la victime (notamment le jour de son arrestation);
11. Sa pratique est non réglementée et elle n’a aucune obligation de formation continue;
12. La salle de préparation des IV ne possède pas de hotte ou de filtre pour contrôler la qualité de l’air;
13. Les IV sont préparées à côté d’un évier et d’une éponge;
14. L’intimée ne porte pas de vêtements spéciaux (sarrau) lors de la préparation et l’administration des IV;
15. Il y a un tapis vieux de 10 ans dans la salle d’administration des IV et des plantes;
16. Aucune infirmière ne travaille à sa clinique. Une secrétaire de trois mois d’expérience surveille les clients pendant la durée de la perfusion veineuse;
17. La secrétaire Trommer témoigne à l’effet que l’intimée lui a avoué n’avoir aucune idée de ce qui arrive à la victime;
18. L’intimée admet savoir qu’elle n’avait pas le droit d’administrer des IV (admissions à la police et au père d’un de ses patients).
[88] Ces faits peuvent être regroupés en quatre catégories ayant trait (a) à l’illégalité de la situation professionnelle et des actes de l’intimée (#1, 2, 3, 4, 8, 10, 11, 18), (b) à la qualité et à la nature des substances administrées (#15), (c) aux mesures d’asepsie (#12, 13, 14, 15) et (d) au procédé d’injection (#6, 7, 16, 17, 18).
[89] Je souligne, dans un premier temps, que seules les catégories (a) et (d) énoncent des faits qui ne furent pas contestés au procès et que les catégories (b) et (c) ont fait l’objet de preuves contradictoires et d’une appréciation au terme desquelles la juge a conclu :
1) Même si l’intimée a déjà administré des traitements similaires à 4 000 ou 5 000 patients, elle sait que les lois du Québec ne l’autorisent pas à poser des actes réservés aux médecins et, par exception, à certains autres professionnels de la santé dont elle ne fait pas partie.
2) L’intimée achète les substances injectées en Ontario et ses critères dans le choix des fournisseurs respectent les plus hauts standards de qualité. Elle est, par ailleurs, autorisée à acheter des nutriments en Ontario où son statut de docteure en naturopathie est reconnu.
3) Malgré certaines variantes avec les mesures préconisées par les témoins de l’appelante et généralement appliquées dans les établissements hospitaliers, l’asepsie est une préoccupation constante de l’appelante qui est soucieuse d’appliquer des normes assurant la mise en place des conditions requises pour administrer les injections. Les mesures d’asepsie appliquées à sa clinique sont, en conséquence, satisfaisantes.
4) L’utilisation d’une fiole unidose à plus d’une reprise durant une même journée n’est pas recommandée par les experts entendus qui sont toutefois conscients que cette pratique est, par souci d’économie, parfois utilisée dans certains établissements publics. La juge souligne à cet égard que Roger Matern était le troisième client injecté le 12 juin 2008 à partir de la fiole de L-Carnitine, mais ne tire aucune autre inférence de ces usages multiples que celle de la contamination du contenu de la fiole subséquemment à la seconde injection.
[90] Avant d’être considérée aux fins de l’exercice auquel me convie l’appelante, la liste des circonstances pouvant être tenues pour avérées doit être épurée pour en retirer les éléments contestés ou non retenus.
[91] L’appelante soutient à cet égard que l’injection par voie intraveineuse constitue, quelle que soit la substance injectée, un acte objectivement dangereux au sens où l’entend la juge McLachlin dans Creighton parce que l’introduction d’une solution liquide directement dans les vaisseaux sanguins d’un individu contourne son système digestif, la barrière naturelle le protégeant des effets nocifs des endotoxines sur l’organisme.
[92] Les conclusions factuelles servant de fondement à cet argument ne sont pas contestées: (1) l’intimée n’est pas autorisée par les lois québécoises à administrer des nutriments par voie intraveineuse à un être humain, (2) l’intimée a administré des substances contaminées à Roger Matern par voie intraveineuse, (3) les substances contaminées n’ont pas été filtrées par le système digestif de ce dernier, (4) l’intimée n’est pas en mesure de reconnaître les symptômes des complications prévisibles associées aux injections par voie intraveineuse ou de réagir adéquatement lorsqu’ils se manifestent.
[93] L’injection par voie intraveineuse comporte pour l’être humain des dangers inhérents, notamment en matière d’infection causée par l’introduction inopinée de microbes et de bactéries dans l’organisme.
[94] Ce danger raisonnablement prévisible de causer à autrui des lésions corporelles qui ne sont ni passagères ni sans importance n’est pas étranger au fait que ce procédé thérapeutique constitue un acte réservé par le législateur provincial à un groupe restreint de professionnels de la santé (1) assujettis aux règles et aux exigences strictes d’un ordre professionnel lequel est chargé de protéger le public, de sanctionner les inconduites et d’encadrer la formation professionnelle continue et (2) formés pour identifier rapidement les complications liées à ces traitements et pour y remédier. Au Québec, les naturopathes ne font pas partie du groupe restreint d’individus qui sont autorisés à procéder à des injections par voie intraveineuse.
[95] Bien que la juge ait, en l’espèce, retenu comme avérés tous les faits utiles pour conclure en droit que l’acte illégal posé par l’intimée était objectivement dangereux, elle a fait défaut de tirer cette conclusion de droit qui s’imposait.
[96] La conclusion selon laquelle il était raisonnablement prévisible que l’acte illégal de l’intimée cause à Roger Matern des lésions corporelles qui ne sont ni passagères ni sans importance aurait également dû amener la juge à conclure, en appliquant la norme juridique appropriée, à la présence d’une preuve concluante selon laquelle une personne raisonnable placée dans la même situation que l’intimée aurait prévu le risque de lésions corporelles qu’elle faisait courir à la victime.
[97] Force est ainsi de constater avec une certitude raisonnable que ces erreurs de droit ne sont pas inoffensives et que, n’eussent été celles-ci, le verdict aurait sans doute été différent.
[98]
L’appelante soutient de la même façon l’existence d’une preuve
incontestée de tous les faits utiles pour conclure, hors de tout doute
raisonnable, que la conduite de l’intimée, le 12 juin 2008, constitue un écart
marqué et important par rapport à celle d’une personne raisonnablement prudente
placée dans les mêmes circonstances et conséquemment à une preuve hors de tout
doute raisonnable de la faute requise pour commettre l’infraction de causer la
mort par négligence criminelle (art.
[99] La conclusion de la juge à cet égard est tout autre :
[438] Dans le cadre de l’analyse contextuelle, la conduite de Mitra Javanmardi ne révèle pas un écart marqué par rapport à la norme de diligence raisonnable qu’une personne raisonnable respecterait dans la même situation.
[…]
[439] La poursuite n’a pas prouvé hors de tout doute raisonnable que le comportement de Mitra Javanmardi est hors norme à tous égards et constitue donc un écart marqué de comportement.
[Soulignement ajouté]
[100] La juge commet toutefois une erreur de droit significative relativement à la qualification de l’écart à la norme de diligence requis en matière d’homicide causé par négligence criminelle.
[101] La juge retient, en effet, erronément des arrêts Beatty[42] et Salame[43] que la preuve d’un écart marqué de la norme de diligence raisonnable suffit à établir l’élément mental de cette infraction alors qu’en réalité la preuve d’un écart marqué et important est nécessaire.
[102] L’exigence
d’un écart marqué avec le comportement d’une personne raisonnablement prudente
convient bien à l’accusation de conduite dangereuse (art.
[103] Citant avec approbation le juge Doherty de la Cour d’appel d’Ontario dans l’arrêt Willock, la juge Charron souligne dans Beatty :
[47] Une façon de
considérer la chose serait de dire que la mens rea subjective de l’acte
consistant à créer intentionnellement un danger pour les autres usagers de la
route au sens de l’art.
[Traduction] Je pense qu’on ne pourrait raisonnablement affirmer que le comportement de l’appelant, pendant les deux ou trois secondes en cause, constituait un écart marqué et important par rapport au comportement auquel on s’attendrait de la part d’un conducteur raisonnable, que si l’appelant avant délibérément donné un brusque coup de volant afin de faire faire une embardée au véhicule, sans doute pour en mettre plein la vue à ses jeunes passagers ou pour les effrayer. S’il avait été possible de tirer raisonnablement cette conclusion de la preuve, l’appelant aurait pu légitimement être déclaré coupable de négligence criminelle, vu son incapacité à conserver la maîtrise du véhicule avant que celui-ci franchisse la ligne médiane et entre en collision avec le véhicule circulant vers l’ouest. Comme je l’ai indiqué, j’estime, à la lecture de ses motifs, que le juge du procès a tiré cette conclusion. Or pour ma part, je ne pense pas que cette conclusion pouvait raisonnablement être tirée eu égard à l’ensemble de la preuve.[46]
[Soulignement ajouté]
[104] L’appelante reproche à la juge une utilisation inappropriée des caractéristiques personnelles et des expériences professionnelles de l’intimée pour apprécier l’existence d’un écart entre la conduite de l’intimée et celle d’une personne raisonnable placée dans la même situation.
[105] Elle cible particulièrement, à cet égard, les paragraphes 433 à 440 du jugement dont appel où la juge souligne la formation universitaire en naturopathie de l’intimée ainsi que les cours suivis par cette dernière en pharmacologie, notamment ceux relatifs à l’interaction entre les nutriments et les médicaments et aux techniques d’injection par intraveineuse. L’appelante souligne également l’accent mis par la juge sur l’expérience acquise par l’intimée depuis 1992.
[106] La juge écrit à cet égard :
[433] Tel que mentionné précédemment, Mitra Javanmardi a une formation universitaire en naturopathie. Sa formation comprend notamment une année sur la base de la médecine traditionnelle et un de ses stages cliniques comprend l’administration d’IV. Toutes les techniques sont enseignées.
[434] Elle a suivi un cours de trois jours en Ontario sur l’IV. Cette province réglemente la naturopathie. De plus, elle a suivi trois cours en pharmacologie et un cours sur l’interaction des nutriments et de la médication.
[435] Puisque la naturopathie n’est pas réglementée au Québec, Mitra Javanmardi décide d’exercer sa profession en respectant les règlements en vigueur dans une des provinces qui règlemente la profession de naturopathie.
[436] Mitra Javanmardi a injecté à Roger Matern du L.Carnitine. Pour ce faire, Mitra Javanmardi a mis en application les connaissances reçues de son enseignement universitaire et l’expérience acquise depuis 1985.
[437] Plus particulièrement depuis 1992, elle administre des IV à dix patients par semaine. Malheureusement, la fiole contenait du Pantoea et Roger Matern est décédé.
[438] Dans le cadre de l’analyse contextuelle, la conduite de Mitra Javanmardi ne révèle pas un écart marqué par rapport à la norme de diligence raisonnable qu’une personne raisonnable respecterait dans une même situation.
[439] En considérant la preuve présentée, la conduite et le comportement de Mitra Javanmardi, le tribunal n’est pas convaincu, hors de tout doute raisonnable, que la personne raisonnable, dans les circonstances, aurait été consciente du risque et du danger inhérent à son comportement.
[440] La poursuite n’a pas prouvé hors de tout doute raisonnable que le comportement de Mitra Javanmardi est hors norme à tous les égards et constitue donc un écart marqué de comportement.
[107] La juge McLachlin précise dans l’arrêt Creighton qu’à l’exception de l’incapacité d’apprécier le risque ou de l’incapacité d’éviter de le créer, les qualités personnelles que sont l’expérience ou le niveau d’instruction ne sont pas pertinentes à l’application du critère objectif modifié :
Pour résumer, les prémisses fondamentales sur lesquelles repose notre droit criminel commandent que les caractéristiques personnelles qui ne se rapportent pas directement à un élément de l’infraction ne servent d’excuses que si elles établissent l’incapacité, que ce soit l’incapacité à comprendre la nature et la qualité de sa conduite dans le contexte de crimes intentionnels, ou celle à apprécier le risque que comporte sa conduite dans le cas de crimes d’homicide involontaire coupable ou de négligence pénale. C’est tout ce qu’exige le principe suivant lequel les personnes moralement innocentes ne doivent pas être déclarées coupables d’une infraction.[47]
[108] En matière de négligence criminelle, un tribunal doit, pour conclure à la présence de l’état d’esprit blâmable (que le comportement dangereux constitue un écart marqué et important par rapport à la norme de diligence raisonnable), considérer l’ensemble de la preuve, comprenant l’état d’esprit véritable de l’accusé, si une telle preuve existe. La juge Charron précise, à cet égard, dans Beatty :
[49] Si le comportement ne constitue pas un écart marqué par rapport à la norme que respecterait un conducteur raisonnablement prudent, il n’est pas nécessaire de poursuivre l’analyse. L’infraction n’aura pas été établie. En revanche, si le juge des faits est convaincu, hors de tout doute raisonnable, que la conduite objectivement dangereuse constitue un écart marqué par rapport à la norme, il devra considérer la preuve relative à l’état d’esprit véritable de l’accusé — si une telle preuve a été présentée — pour déterminer si elle permet de douter raisonnablement qu’une personne raisonnable, placée dans la même situation que l’accusé, aurait été consciente du risque créé par ce comportement. En l’absence d’une telle preuve, le tribunal pourra déclarer l’accusé coupable.[48]
[109] C’est donc dire que l’appréciation de l’élément mental d’une infraction de négligence ne se tranche pas dans un vide factuel. L’obligation de diligence se particularise dans les faits par la nature de l’activité et les circonstances dans lesquelles elle s’exerce.
[110] Dans une affaire où de l’alcool (arak), fabriqué de façon artisanale, est servi à des convives parmi lesquels plusieurs seront sévèrement intoxiqués et l’un d’entre eux qui en décédera, le juge Gendreau écrit relativement à la nature particulière de l’activité et les circonstances de son exercice dans le cadre de la détermination de l’état d’esprit coupable :
[51] Comme la juge Charron le fait remarquer dans l’arrêt Beatty, « l’état mental de l’accusé est pertinent dans une affaire criminelle » et elle ajoute : « il faut modifier le critère objectif pour accorder à l’accusé le principe du doute raisonnable relatif à la question de savoir si une personne raisonnable aurait apprécié le risque ou encore aurait pu faire quelque chose pour éviter de créer le danger et l’aurait fait ». En l’espèce, j’estime, avec égards pour son opinion, que le juge de première instance n’a pas proprement pris en compte la mens rea. Certes, mentionne-t-il que Salame n’a pas voulu le résultat obtenu ni non plus « cherché à nuire à ces gens », mais il n’a pas considéré ni surtout apprécié ce constat et les autres éléments relatifs à l’état mental de l’accusé avant de se former une opinion sur la faute criminelle.
[52] Une personne raisonnable placée dans des circonstances identiques, aurait-elle pu être consciente du risque créé par cette fabrication de l’arak? À mon avis, la preuve, telle qu’elle est présentée, permet d’en douter très sérieusement. La description de l’état d’esprit de l’accusé au jugement entrepris démontre que celui-ci avait la certitude que sa conduite ne mettait pas en danger sa propre santé ni celle de ses proches ou du public. Cela découle de trois faits non contredits. D’abord, il a toujours suivi le même procédé de fabrication que celui que lui avaient enseigné des personnes auxquelles il avait des motifs suffisants d’accorder confiance. Deuxièmement, il a chaque fois goûté son produit et en a servi à ses proches et personne ne fut incommodé, au contraire. Troisièmement, l’expérience de sa ou ses premières fabrications (il n’est pas clair s’il a fabriqué sa boisson deux ou trois fois) ne pouvait que le conforter dans sa conviction d’agir correctement et de fournir une boisson saine en décembre 1990. À mon sens, une personne placée dans un tel contexte peut avoir la conviction objective raisonnable d’agir sans mettre en danger la sécurité d’autrui même si les contenants affichaient un pictogramme démontrant le danger de l’alcool de bois. Je note ici que Salame n’a pas été interrogé sur la présence de ce pictogramme sur les contenants d’alcool.
[53] Le juge distingue la production de l’arak à des fins strictement domestiques de celui vendu à un ami et considère la vente d’un alcool de fabrication artisanale un élément important de la qualification de la conduite de l’accusé comme un écart marqué de comportement. À mon sens, la négligence criminelle, dans notre affaire, est en relation avec le fait de servir une eau-de-vie dangereuse que l’on sait ou devrait savoir l’être. L’identité proprement dite de celui ou celle à qui l’on sert le produit est sans pertinence : l’infraction sera commise que la victime soit un membre de la famille ou un tiers.
[54] En somme, la conduite de George Salame a été imprudente et négligente, mais elle ne constitue pas un écart marqué par rapport à celle d’une personne raisonnable placée dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles il se trouvait en décembre 1990 et, à mon avis, l’élément moral nécessaire à tout acte criminel est ici absent.[49]
[Soulignement ajouté]
[111] Il est manifeste, en l’espèce, que la conclusion de la juge relative à l’absence d’une preuve hors de tout doute raisonnable d’un « écart marqué » par rapport à la norme de prudence que respecterait une personne raisonnable dans les mêmes circonstances considère de façon significative et inappropriée la formation de l’intimée.
[112] Le texte des paragraphes 433 à 440 du jugement est, à mon avis, le reflet de la place prépondérante qu’accorde la juge à ce volet de la preuve au moment de conclure à l’insuffisance de la preuve relative à l’élément mental de l’infraction d’avoir causé la mort par négligence criminelle.
[113] La situation est, à mon avis, quelque peu différente en ce qui concerne la prise en compte des injections que l’intimée administre à ses clients depuis 1992 qui, comme le souligne le juge Gendreau dans Salame au sujet des préparations antérieures de l’arak, se rattache essentiellement à la nature de l’activité, aux circonstances dans lesquelles elle s’exerce de même qu’à l’état d’esprit véritable de l’accusé.
[114] Cela dit, la considération de la formation académique de l’intimée dans ce contexte constitue certes une erreur de droit qui permet de croire avec une certitude raisonnable que la conclusion retenue aurait été différente sans cette erreur et si la norme juridique adéquate et plus exigeante avait été appliquée.
[115] L’appréciation de l’existence d’un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable placée dans la même situation nécessite d’être abordée en posant deux questions :
[…] La première est de savoir si, compte tenu de tous les éléments de preuve pertinents, une personne raisonnable aurait prévu le risque et pris les mesures pour l’éviter si possible. Le cas échéant, la deuxième question et de savoir si l’omission de l’accusé de prévoir le risque et de prendre les mesures pour l’éviter si possible constitue un écart marqué par rapport à la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé.[50]
[116] Il ne fait pas de doute dans mon esprit que la preuve des faits incontestés établit qu’une personne raisonnable aurait prévu le risque qu’un comportement similaire à celui de l’intimée faisait subir à la victime et aurait agi de façon différente afin de l’éviter.
[117] L’omission de l’intimée constitue dans ce contexte un écart marqué de conduite par rapport à celle qu’adopterait une personne raisonnablement prudente dans la même situation.
[118] Or, il ressort du jugement dont appel que la juge n’a pas procédé à un examen en profondeur de la question de savoir dans quelle mesure l’intimée s’est écartée de la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable placée dans la même situation.
[119] En réalité, l’absence d’une telle analyse résulte essentiellement de la conclusion erronée voulant que le comportement de l’intimée n’ait pas été objectivement dangereux.
[120] Or, non seulement la conduite de l’intimée est-elle objectivement dangereuse, mais les faits incontestés établissent, selon le standard requis en matière criminelle, que celle-ci s’écarte de façon marquée de celle d’un naturopathe normalement prudent qui, placé dans les mêmes circonstances, n’aurait pas :
- injecté, sans la prescription médicale exigée, un produit par voie intraveineuse à son client, mais aurait plutôt procédé à l’administration de substances autorisées par voie buccale conformément aux dispositions de la Loi médicale québécoise;
- puisé à trois reprises dans une fiole unidose, un produit injecté par la suite à trois clients différents;
- dérogé à son protocole thérapeutique normal plutôt que de s’en écarter en succombant à l’insistance d’un patient qu’elle voyait pour la première fois;
- confié à un membre non formé de son personnel administratif la surveillance du client durant un tel traitement;
- recommandé à un patient, présentant des réactions inquiétantes dans les minutes suivant le début du traitement (chaleurs subites suivies de grelottements, état confus, comportement erratique, vomissements et faiblesse généralisée), d’ingurgiter du thé, du miel ou un jus sucré ou encore de lui faire un massage;
- omis, en présence de symptômes inconnus d’elle, de diriger son client vers les soins d’un médecin;
- fait défaut, lorsque prévenue quelques heures plus tard que l’état de son patient s’aggravait, de recommander qu’il soit transporté dans un établissement hospitalier.
[121] Il faut dès lors conclure que la juge a erré en ne retenant pas, à partir des conclusions factuelles incontestées, que la conduite de l’intimée est blâmable, qu’elle franchit les limites de la négligence civile et qu’elle satisfait aux critères de la négligence pénale.
[122] Comme je
le soulignais précédemment, si le critère de l’écart marqué par rapport à la
norme de la personne raisonnable suffit à l’homicide involontaire coupable
commis au moyen d’une infraction statutaire de responsabilité stricte,
l’homicide commis par négligence criminelle (art.
[123] Ce qui distingue « l’écart marqué » de « l’écart marqué et important » dépend du degré de négligence qui caractérise le comportement en cause. Cette détermination est tributaire de la preuve du contexte dans lequel l’actus reus survient.
[124] Parfois, la qualification de l’écart peut émerger des conclusions factuelles incontestées, mais ce n’est pas nécessairement toujours le cas. Celle-ci nécessite généralement une appréciation globale de la preuve comprenant à la fois les faits contestés et incontestés. La juge Charron écrit à cet égard dans Beatty :
[…] Dans son appréciation, le juge des faits doit être convaincu, à la lumière de l’ensemble de la preuve, y compris la preuve relative à l’état d’esprit véritable de l’accusé, si une telle preuve existe, que le comportement en cause constituait un écart marqué par rapport à la norme de diligence raisonnable que respecterait une personne raisonnable dans la même situation que l’accusé. En outre, si l’accusé offre une explication, il faut alors, pour qu’il y ait déclaration de culpabilité, que le juge des faits soit convaincu qu’une personne raisonnable dans des circonstances analogues aurait dû être consciente du risque et du danger inhérents au comportement de l’accusé.[51]
[125] En l’espèce, la preuve des faits incontestés permet certes de conclure à un degré de négligence constituant un écart marqué par rapport à la norme, mais la faute requise pour commettre un homicide coupable par négligence criminelle (l’écart marqué et important) nécessite, en l’espèce, un examen approfondi de l’ensemble de la preuve en fonction de la norme juridique appropriée. Une telle analyse relève du juge des faits et est ici absente.
[126] Il s’agit là d’une question mixte de droit et de fait pour laquelle l’appelante n’a pas le droit d’appeler et que la Cour ne saurait dans ce contexte trancher.
[127] En plus de contester l’effet déterminant de tous les moyens de l’appelante, l’intimée soutient que des erreurs commises par la juge sont significatives et justifient à elles seules de ne pas infirmer les verdicts d’acquittement. Elle cible ainsi (1) l’admission erronée en preuve des résultats d’analyse du contenu des quatre fioles saisies, (2) l’absence de considération du témoignage de l’experte en pathologie judiciaire Annie Sauvageau et (3) l’application d’une norme juridique erronée à la cause du décès. Ces trois erreurs minent, à son avis, de façon irrémédiable le raisonnement et la conclusion de la juge relatifs à la cause du décès de Roger Matern, un élément essentiel aux deux accusations portées. Si elle a raison à cet égard, aucune des deux accusations n’est fondée.
[128] Tel que
souligné précédemment, elle requiert également une déclaration selon laquelle
les dispositions du Code criminel, dont se sert le ministère public pour
l’incriminer, violent les articles
[129] La juge a rejeté la requête de l’intimée qui avait pour objectif d’exclure les résultats des analyses faites sur le contenu des quatre fioles desquelles furent puisés les nutriments administrés à Roger Matern le 12 juin 2008. Elle conclut que cette preuve est pertinente pour établir la cause du décès et que sa valeur probante surpasse le préjudice causé à l’intimée.
[130] L’intimée remet en question la fiabilité des résultats de l’analyse aux motifs que (1) les policiers qui ont saisi les 4 fioles n’ont pas pris les précautions élémentaires pour prévenir la contamination de leur contenu, (2) les fioles n’ont pas été conservées adéquatement et (3) les analyses des substances ont été faites 13 jours après la saisie, une période durant laquelle les bactéries ont continué de se multiplier.
[131] Elle soutient, en conséquence, l’impossibilité de savoir si le contenu des fioles a été contaminé avant ou après l’injection administrée à Roger Matern et, conséquemment, à une valeur probante très faible des résultats d’analyse et à un préjudice important que subit l’intimée en raison de leur admission en preuve au procès.
[132] Lorsque l’admissibilité d’un élément de preuve pertinent dépend d’une mise en balance entre la valeur probante et le préjudice subi, les cours d’appel doivent accorder de la déférence aux conclusions du juge d’instance dans la mesure où celles-ci sont raisonnables[52].
[133] La pertinence des résultats de l’analyse et de l’expertise en infectiologie est, en l’espèce, manifeste. Par ailleurs, l’intimée ne démontre pas que les conclusions de la juge, selon lesquelles la procédure de saisie et de conservation des fioles n’a pas compromis la fiabilité des résultats (qui ont, en conséquence, une grande valeur probante qui surpasse le préjudice subi), sont porteuses d’une erreur manifeste et déterminante ou qu’elles sont déraisonnables.
[134] La Cour doit donc s’abstenir d’intervenir à cet égard.
[135] L’intimée prétend à ce sujet que, contrairement aux enseignements des arrêts Morin[53] et J.M.H.[54], la juge a omis de prendre en compte ce témoignage d’expert portant sur la cause du décès, un élément de preuve qui se rapporte à la question ultime de sa culpabilité ou de son innocence.
[136] Elle a tort. La juge consacre, en effet, les paragraphes 317 à 325 et 394 du jugement entrepris à résumer le témoignage d’Annie Sauvageau et à énoncer la thèse de cette dernière selon laquelle la cause du décès de Roger Matern demeure indéterminée, mais qu’il est probable que la maladie sévère, dont ce dernier souffrait, ait entraîné son décès.
[137] La juge écarte toutefois cette opinion et retient plutôt que Roger Matern est décédé des suites d’un choc endotoxique provoqué par l’injection d’une substance contaminée par le Pantoea.
[138] La preuve relative à la cause du décès est, en l’espèce, contradictoire. Mais contrairement à ce que soutient l’intimée, la juge n’a pas oblitéré l’opinion de la Dre Sauvageau, mais a plutôt conclu que celle-ci n’était pas suffisamment fiable et crédible pour susciter dans son esprit un doute raisonnable quant à la cause du décès de la victime. Cette détermination est au cœur de l’expertise du juge d’instance qui a l’opportunité de voir et d’entendre les témoins.
[139] La Cour n’intervient pour réviser l’appréciation de la preuve faite par le juge du procès que si elle est en présence d’une erreur manifeste et déterminante que l’intimée fait défaut de pointer du doigt ici.
[140] L’intimée soulève également l’insuffisance des motifs du jugement à cet égard en ce que la juge n’a fourni aucune explication pour écarter le témoignage de l’experte Sauvageau. Or, les termes du jugement sont sans équivoque. La juge a retenu les opinions des médecins Brissette, Marchand, Dagenais et Liskowski, White et Racine qu’elle estime crédibles, mais a écarté ceux des docteurs Becker (qu’elle juge non crédible) et Sauvageau. À mon avis, elle n’avait pas à faire plus.
[141] J’estime, en conséquence, que les motifs relatifs à l’appréciation de la cause du décès ne sont pas déficients, car ils démontrent de façon générale et manifeste que lorsque la preuve d’expert de l’appelante et celle de l’intimée se contredisaient, la juge a retenu celle de l’appelante[55].
[142] L’intimée soutient, en outre, que la juge a apprécié la preuve de la cause du décès en fonction d’une norme juridique inappropriée : la balance des probabilités.
[143] L’argument tire sa source du paragraphe 375 du jugement dont appel où la juge écrit « qu’il est plausible que le 12 juin 2008, le L-Carnitine contenait du Pantoea en quantité suffisante pour causer le décès de Roger Matern ». La formulation et la présentation de cette assertion par l’intimée ont toutefois pour effet d’isoler ces propos de ceux tenus aux paragraphes 395, 396 et 431 du même jugement dans lesquels la juge précise :
[395] La preuve révèle hors de tout doute raisonnable que Roger Matern est décédé des suites d’un choc endotoxique.
[396] Pour tous ces motifs le tribunal conclut que Roger Matern est décédé des suites d’un choc endotoxique provoqué par l’injection d’une substance contaminée soit le L-Carnitine contaminée par le Pantoea, administré par Mitra Javanmardi.
[…]
[431] Roger Matern est décédé des suites d’un choc endotoxique après l’injection administrée par Mitra Javanmardi […].
[Soulignement ajouté]
[144] Examinés contextuellement, ces paragraphes permettent de dissiper l’impression que suggère une analyse hors contexte du paragraphe 375 et de conclure raisonnablement que la juge a clairement résolu la question relative à la cause du décès de Roger Matern et celle du nécessaire lien causal en fonction du standard de preuve applicable en droit criminel canadien.
[145] La juge ajoute aux paragraphes 451 et 452 du jugement :
[451] En considérant soit chacun des cinq actes qualifiés d’illégaux par la poursuite, soit l’effet combiné de ceux-ci, la poursuite n’a pas prouvé hors de tout doute raisonnable qu’ils ont provoqué le décès de Roger Matern.
[452] Ce volet qui a été traité dans l’analyse de la négligence criminelle s’applique aussi à ce chapitre. Suivant la preuve et l’analyse faite précédemment sur ce volet, le tribunal arrive à la même conclusion, soit que la poursuite n’a pas présenté une preuve hors de tout doute raisonnable.
[146] L’appelante est d’opinion que les paragraphes 451 et 452 réfèrent à la causalité juridique au sens des arrêts Nette[56], Maybin[57] et Kippax[58] et les paragraphes 395 et 396 (cités plus tôt) à la causalité factuelle.
[147] Je ne partage pas cette vision des choses même si, comme l’appelante, je suis d’avis que la contradiction qui semble émerger d’une lecture hors contexte de ces cinq paragraphes n’est qu’apparente et ne contient pas d’erreur révisable.
[148] Le juge Watt est sans doute celui qui définit le mieux la nature du lien causal et la distinction entre la causalité factuelle et juridique. Après avoir revu la jurisprudence pertinente à cet égard, il écrit dans Kippax :
[21] To
determine whether a person can be held responsible for causing a particular
result, in this case death or bodily harm, we must determine whether the person
caused that result not only in fact but also in law : R. v. Nette,
[22] Factual causation involves an inquiry about how the victim died or suffered bodily harm, in a medical, mechanical or physical sense, and an accused’s contribution to that result : Nette, at para. 44.
[23] Factual
causation involves a determination of whether A caused B. The answer to the
question of whether A caused B is resolved in a criminal case by the
evidence of witnesses, those who testify about facts and others who offer
relevant opinions : R. v. Smithers, 1977 CanLII 7 (SCC),
[24] To
prove factual causation, the Crown does not have proved that an
accused’s conduct was either the direct or predominant contributing cause of
the prohibited consequence, whether death or bodily harm. It is no defence for
an accused to say that the conduct of another was a greater or more substantial
cause of the death or injuries. The Crown need only prove that an accused’s
conduct was a significant contributing cause of the death or injuries or, said
another way, that the accused’s conduct was “at least a contributing cause…
outside the de minimis range”: Smithers, at p. 519; Nette,
at paras. 70-71; and R. v. Hugues,
[25] Factual
causation, as the term itself would indicate, is a question of fact, reviewable
only in accordance with a standard of palpable and overriding error : Hugues,
at para. 65; and R. v. Shepherd,
[26] Legal causation, on the other hand, has to do with whether an accused should be held responsible in law for a prohibited consequence of his or her conduct, for example, death or bodily harm: Nette, at para. 45. In legal causation, the inquiry is directed at the question or whether an accused should be held criminally responsible for the consequences that occurred: Nette, at para. 45; R. v. Shilon (2006), 2006 CanLII 41280 (ONCA), 240 C.C.C. (3d) 401 (Ont. C.A.), at para. 32. In the analysis of legal causation in negligence-based offences, like dangerous driving, reasonable foreseeability of harm is a relevant consideration : Shilon, at para. 33.
[27] Conduct that is inherently dangerous and carries with it a reasonably foreseeable risk of immediate and substantial harm satisfies the standard required for legal causation: Shilon, at para. 38. Where the conduct of another is a reasonably foreseeable consequence of the conduct of an accused, the accused may be liable as a principal for the conduct of that other person: Shilon, at para. 54. A person may be liable as a principal if she or he actually does or contributes to the actus reus with the required mens rea: Hugues, at para. 77.[59]
[Soulignements ajoutés]
[149] La distinction entre la cause factuelle et la cause juridique n’allège cependant en rien le fardeau de l’appelante qui doit établir, hors de tout doute raisonnable, que la conduite (l’acte illégal objectivement dangereux ou un comportement faisant montre d’une insouciance téméraire et déréglée pour la vie d’autrui) a causé le décès.
[150] Les paragraphes du jugement entrepris dans lequel la juge affirme que l’appelante n’a pas démontré, hors de tout doute raisonnable, que les actes illégaux de l’intimée ont provoqué le décès de Roger Matern ne remettent pas en cause, à mon avis, le lien causal entre la conduite reprochée et le résultat fatal, mais constituent plutôt un constat beaucoup plus général quant à l’insuffisance des éléments tendant à établir la culpabilité de l’intimée.
[151] Il ressort clairement d’un examen de l’ensemble du jugement dont appel que l’appelante s’est adéquatement affranchie du fardeau de démontrer, hors de tout doute raisonnable, que Roger Matern est décédé des suites d’un choc septique causé par l’injection d’une substance contaminée par le Pantoea que lui a administré l’intimée le 12 juin 2008. Cette conclusion satisfait à la norme juridique applicable et est étayée par la preuve.
[152] L’argument de l’intimée à cet égard est infondé.
[153] L’intimée
prétend que les articles 220b), 234 et 236 C.cr., qui servent de
fondement aux deux accusations qui lui sont reprochées, doivent être déclarés
inopérants car ils contreviennent aux droits que lui garantissent les articles
[154] Pour la mise en cause, l’intimée remet en question les choix légitimes faits par le législateur québécois à l’intérieur de son champ de compétence. Même s’il ressort que la pratique de la naturopathie varie d’une province à l’autre en fonction des choix politiques et sociaux des législatures provinciales, rien n’établit de façon concluante qu’en date du 12 juin 2008, l’une des provinces canadiennes avait légalisé l’administration d’injection par voie intraveineuse par un naturopathe.
[155] La mise en
cause ajoute que, contrairement à ce que prétend l’intimée, la jurisprudence
canadienne reconnaît que les différences dans l’application d’une loi fédérale
ne constituent pas une atteinte à l’article
[156] Compte tenu des verdicts d’acquittement rendus sur les deux chefs d’accusation, la juge s’est prévalue de la réserve judiciaire[60] et n’a pas tranché la question constitutionnelle soulevée par l’intimée.
[157] Je suis d’avis que la demande de déclaration d’inconstitutionnalité formulée par l’intimée ne peut être accueillie et voici pourquoi.
[158] Dans l’arrêt Turpin, citant avec approbation les propos du juge McIntyre dans l’arrêt Andrews[61], la Cour suprême souligne que le caractère discriminatoire d’une norme doit s’évaluer en fonction des caractéristiques personnelles d’un individu ou d’un groupe :
J'affirmerais alors que la discrimination peut se décrire comme une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe d'individus, qui a pour effet d'imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d'autres ou d'empêcher ou de restreindre l'accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages offerts à d'autres membres de la société. [62]
[159] Puisque le lieu du domicile d’une personne ou l’endroit où elle pratique une activité ne constitue pas une caractéristique personnelle, ni l’un ni l’autre ne peut constituer un motif analogue de discrimination au sens de l’art. 15 de la Charte[63]. N’étant pas une caractéristique immuable, le statut professionnel doit être considéré de la même façon[64].
[160] Le paragraphe
[161] C’est ainsi que la Cour suprême a jugé constitutionnelle l’obligation d’être membre d’une association professionnelle pour exercer le métier de comptable[67].
[162] Au Canada,
il existe un principe de justice fondamentale garanti par l’article
78. L'appelant a
fait valoir que la règle énoncée dans l'arrêt Leary transforme
l'infraction d'agression sexuelle causant des lésions corporelles en crime de
responsabilité absolue, en ce sens que le ministère public est dispensé d'avoir
à prouver l'intention requise pour qu'il y ait perpétration de l'infraction. Il
prétend donc que l'arrêt Leary va à l'encontre de l'art. 7 et de l'al.
11d) de la Charte. Dans le Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B.,
[Soulignement ajouté]
[163] En matière d’homicide coupable commis au moyen d’un acte illégal ou par négligence criminelle, cet état mental se traduit par un écart marqué ou un écart marqué et important avec la norme d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances[69], sans qu’il soit nécessaire de démontrer qu’un accusé a l’intention que se réalisent les conséquences liées au comportement objectivement dangereux[70]. L’homicide involontaire coupable nécessite, à cet égard, la prévisibilité objective de lésions corporelles qui ne sont ni passagères ni sans importance.
[164] Enfin, comme
je le soulignais plus tôt, l’« acte illégal » visé par l’alinéa
Selon une bonne
interprétation de l'art. 269 du Code, la notion d'acte illégal tel
qu'elle est utilisée dans cette disposition ne vise que les infractions
fédérales ou provinciales. N'entrent pas dans cette catégorie générale
d'infractions celles qui sont fondées sur la responsabilité absolue et qui, en
soi, comportent des éléments moraux insuffisants sur le plan constitutionnel.
En outre, le terme «illégalement», tel qu'employé dans cet article, exige un
acte qui est au moins objectivement dangereux. Ainsi interprété, l'art. 269 est
conforme aux exigences de l'art.
[Soulignement ajouté]
[165] J’estime
que la question soulevée par l’intimée est ici théorique. En date du 12 juin
2008, l’administration d’injections intraveineuses par des naturopathes était
illégale à l’échelle du pays[73].
Cela étant, l’argument de l’intimée, selon lequel l’article
[166] J’estime donc
que le présent litige ne met pas en jeu le droit à l’égalité devant la loi
prévu à l’art.
[167] De plus, l’absence d’une réglementation de la naturopathie au Québec, combinée à l’existence d’une réglementation régissant la majorité des professionnels de la santé, n’affectent en rien la liberté de circulation de l’intimée. Plus précisément, le Code des professions et la Loi médicale sont des lois provinciales qui réglementent une sphère particulière d’activité économique, en respect des limites constitutionnelles des législatures provinciales[74]. En choisissant de s’établir et de gagner sa vie au Québec, l’intimée a également fait le choix de respecter les lois applicables dans cette province[75].
[168] Je suis,
en outre, d’avis que l’intimée fait fausse route lorsqu’elle déclare qu’il
serait contraire à l’art.
[169] En effet, la violation d’une disposition statutaire ou réglementaire est certes l’une des composantes essentielles de l’infraction d’homicide involontaire coupable, ce n’est toutefois que lorsque la violation est objectivement dangereuse qu’elle sera qualifiée d’acte illégal au sens de l’alinéa 222(5)a) C.cr.[77]. D’autre part, la mens rea de l’homicide coupable commis en perpétrant une infraction statutaire objectivement dangereuse nécessite que le comportement reproché constitue un écart marqué par rapport à celui d’une personne raisonnablement prudente qui aurait prévu le risque de lésions corporelles qu’elle faisait courir à la victime[78]. Ainsi, contrairement à ce que prétend l’intimée[79], ce n’est pas la culpabilité à l’égard de l’infraction provinciale qui entraîne la responsabilité criminelle, mais plutôt le danger objectif lié à la conduite d’un accusé combiné à la prévisibilité objective des conséquences de l’acte ou à un écart marqué par rapport à la conduite adoptée par une personne raisonnablement diligente confrontée à la même situation.
[170] Dans un autre ordre d’idées, l’intimée avance que, puisque l’acte reproché est légal dans d’autres provinces[80], cela démontre que pour certains législateurs aucun risque de mort n’y est associé[81]. Ainsi, l’absence d’un « permis d’exercice » de la naturopathie au Québec n’augmenterait pas le risque de décès[82].
[171] Cet argument doit également échouer.
[172] En effet, il est erroné d’affirmer que l’absence d’un permis d’exercice (« license ») n’augmente pas le risque de décès. D’abord, cet argument est vicié, à première vue, par l’application de la mauvaise norme juridique, soit la prévisibilité de la mort[83]. Ensuite, l’intimée oublie que le corollaire de la réglementation est le contrôle. Au Québec, ce « contrôle » s’exerce principalement par le biais des ordres professionnels, dont la principale raison d’être est d’assurer la protection du public[84]. En l’espèce, l’absence d’un organisme chargé d’assurer la qualité des services dispensés au public par un naturopathe et d’encadrer la formation professionnelle de ceux qui la pratiquent, augmente considérablement les risques qu’un incident grave se produise. De fait, un hypothétique « Ordre des naturopathes » aurait vraisemblablement pour mission d’imposer des balises[85] relatives à la formation continue de ses membres, aux règles d’asepsie et au consentement des patients, de même qu’à l’élaboration d’un code d’éthique et de déontologie[86]. L’absence de réglementation et d’un organisme de surveillance accroît, à mon avis, le risque de préjudice causé aux patients. En l’absence d’un tel contrôle, ceux qui pratiquent l’activité agissent suivant les normes qu’ils déterminent eux-mêmes trop souvent, comme en l’espèce, au détriment de ceux qui requièrent leurs services.
[173] Enfin, je suis d’avis que déclarer inopérante la disposition du Code criminel portant sur l’homicide involontaire coupable dérogerait au principe de la séparation des pouvoirs. Selon la Loi constitutionnelle de 1867[87], le droit criminel est de compétence fédérale[88], tandis que la réglementation d’une pratique professionnelle est du ressort des provinces[89]. L’argument de l’intimée invite la Cour à permettre à la législature d’une province de décriminaliser, à la grandeur du pays, une activité par ailleurs prohibée dans certaines provinces du Canada. Ce faisant, cette province s’accaparerait indûment le pouvoir fédéral de légiférer en matière criminelle.
[174] J’ajoute
finalement que depuis près d’un quart de siècle, il est juridiquement reconnu qu’un
acte illégal au sens où l’entend l’alinéa
[175] En
conclusion, j’estime que les articles 234 et 236, de même que le paragraphe 220b)
C.cr., ne doivent pas être déclarés inopérants, puisque l’intimée fait
défaut de démontrer que ces dispositions législatives contreviennent aux droits
conférés par les articles
[176] J’ai déjà eu l’occasion de souligner les erreurs de droit commises par la juge relativement à la norme juridique requise pour déterminer l’état d’esprit requis pour commettre l’homicide involontaire coupable, à l’omission de conclure à la commission par l’intimée d’un acte illégal objectivement dangereux ayant causé le décès de la victime et un comportement représentant un écart marqué par rapport à celui que respecterait un naturopathe raisonnable dans les mêmes circonstances.
[177] J’ai aussi retenu qu’il est possible de conclure avec un degré raisonnable de certitude que ces erreurs de droit ont eu un effet significatif sur le verdict d’acquittement rendu sur le chef d’homicide involontaire coupable.
[178] J’estime, par ailleurs, être en présence de conditions exceptionnelles permettant de substituer au verdict d’acquittement une déclaration de culpabilité sur le chef d’homicide involontaire coupable.
[179] En effet, il m’apparaît clairement que la juge aurait dû, à partir des conclusions factuelles incontestées, conclure que tous les éléments essentiels de l’infraction d’homicide involontaire coupable sont, en l’espèce, établis hors de tout doute raisonnable.
[180] La situation en ce qui concerne le chef d’accusation d’avoir causé la mort de Roger Matern par négligence criminelle m’apparaît toutefois être différente.
[181] En effet, la juge a erronément retenu que la norme juridique applicable à la détermination de l’élément mental de l’infraction était celle de l’écart marqué entre le comportement reproché et celui de la personne raisonnable placée dans la même situation. Était également inappropriée la prise en compte de la formation professionnelle de l’intimée et d’en faire un élément déterminant de sa conclusion selon laquelle la poursuite n’avait pas démontré, hors de tout doute raisonnable, que la conduite de l’intimée était « hors norme à tous les égards ».
[182] Il est, par ailleurs, permis de conclure avec un degré raisonnable de certitude que ces erreurs de droit, qui portent sur un élément essentiel de l’infraction, ont eu un impact significatif sur le verdict d’acquittement.
[183] J’estime toutefois ne pas être, à cet égard, en présence de circonstances exceptionnelles permettant de substituer au verdict d’acquittement une déclaration de culpabilité d’avoir causé la mort par négligence criminelle.
[184] La conclusion que la conduite en cause constitue un écart marqué et important en fonction de celle de la personne raisonnablement prudente nécessite, à mon avis, une évaluation globale de la preuve comprenant les faits contestés et incontestés en fonction de la norme juridique appropriée. Cet examen relève de l’expertise du juge qui a l’opportunité de voir et d’entendre les témoignages et d’apprécier la fiabilité et la crédibilité des témoins. Mais en l’espèce, la juge a omis de faire cet examen approfondi de la preuve. Je ne m’estime pas en mesure de le faire à sa place.
[185] C’est pourquoi, je propose de substituer au verdict d’acquittement une déclaration de culpabilité sur le chef d’homicide involontaire coupable et la tenue d’un nouveau procès sur le chef d’homicide coupable commis par négligence criminelle, tout en étant conscient qu’un verdict de culpabilité sur cette dernière infraction mettrait en jeu la règle prohibant les condamnations multiples[91] puisque les deux chefs d’accusation visent à sanctionner le même comportement de l’intimée.
[186] Il y aurait, en conséquence, lieu de retourner le dossier à la Cour du Québec pour que la peine appropriée soit déterminée.
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CLAUDE C. GAGNON, J.C.A. |
[1] RLRQ c. C-26.
[2] Art.
[3]
R. c. Briscoe,
[4] R. c. George,
[5] R. c. S.B.,
[6] R. c. S.B.,
[7] Art. 686(4)b)ii) C.cr.
[8]
Pierre Béliveau et Martin Vauclair,Traité général de preuve et de
procédure pénales, 23e éd., Montréal, Yvon Blais, 2016, no°
3088, p. 1413; R. c. Cassidy,
[9]
R. c. Katigbak,
[10] R. c. Creighton,
[11] Id., p. 57-58.
[12]
R. c. Charbonneau,
[13] R. c. Curragh (1994), 25 C.R. (4th) 377 (Prov. Ct. N.S.).
[14] Larry C. Wilson, « Too Many Manslaughter », (2006) 52 Crim. L.Q. 433, p. 460.
[15] R. c. J.F., [2008] 1 R.C.S. 2015,
[16] Id., paragr. 8 et 9.
[17]
R. c. Fournier,
[18] R. c. Roy,
[19] R. c. Beatty, [2018] 1 R.C.S. 49,
[20] R. c. Roy, supra, note 18, paragr. 42.
[21] R. c. Beatty, supra, note 19, paragr. 43.
[22] Charbonneau c. R., supra, note 12, paragr. 61-64.
[23] R. c. Kerr,
[24] R. c. Ubhi (1994), 27 C.R. (4th) 332 (C.A. C.-B.).
[25] R. c. Creighton, supra, note 10, p. 71.
[26]
Dans R. c. Ibanescu,
[27] Cook c. La Reine, 1997 CanLII 17441EYB 1997-00124 (C.A.).
[28]
Lareau c. La Reine,
[29]
R. c. Solomon,
[30]
R. c. Fils,
[31]
R. c. Plante,
[32] Charbonneau c. R., supra, note 12.
[33] RLRQ, c. M-9.
[34] R. c. Creighton, précité, note 10.
[35] Ibid.
[36] R. c. DeSousa, infra, note 70, p. 961.
[37] R. c. DeSousa, infra, note 70, p. 961.
[38] R. c. Creighton, supra, note 10, p. 44.
[39] R. c. Morin,
[40] R. c. J.M.H.,
[41] Id., paragr. 28.
[42] R. c. Beatty, supra, note 19.
[43]
Salame c. R.,
[44] R. c. J.F., supra, note 15; R. c. Kerr, supra, note 21.
[45]
R. c. Czornobaj,
[46] R. c. Beatty, supra, note 19.
[47] R. c. Creighton, supra, note 10, p. 65.
[48] R. c. Beatty, supra, note 19, paragr. 49.
[49] Salame c. R., supra, note 4, paragr. 51-54.
[50] R. c. Roy, supra, note 16, paragr. 36.
[51] R. c. Beatty, supra, note 19, paragr. 43.
[52] R. c. Shearing,
[53] R. c. Morin, supra, note 39.
[54] R. c. J.M.H., supra, note 40.
[55] R. c. Vuradin, [2013] 2 R.C .S. 639,
[56]
R. c. Nette,
[57] R. c. Maybin,
[58]
R. c. Kippax,
[59] Id., paragr. 21 à 27.
[60]
Phillips c. Nouvelle-Écosse (Commission d'enquête sur la tragédie de la
mine Westray),
[61]
Andrews c. Law Society of British Columbia,
[62] R. c. Turpin,
[63]
Siemens c. Manitoba (Procureur général),
[64]
Baier c. Alberta,
[65]
Law society of Upper Canada c. Skapinker,
[66]
Office canadien de commercialisation des oeufs c. Richardson,
[67]
Walker c. Île-du-Prince-Édouard,
[68]
R. c. Bernard,
[69] R. c. Beatty, supra, note 19,
[70]
R. c. DeSousa,
[71] Id., p. 956.
[72] Id., p. 968.
[73] À la date de l’injection litigieuse, aucune province n’avait légalisé l’administration d’injection par voie intraveineuse par les naturopathes. En Colombie-Britannique, en Alberta et en Ontario, les règlements autorisant ce traitement n’étaient pas encore en vigueur. Au Manitoba et en Saskatchewan, la loi ne prévoit pas ce droit pour les naturopathes. En Nouvelle-Écosse, la Naturopathic Doctor’s Act n’est entrée en vigueur que le 2 juillet 2008. Pour ce qui est du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve, la pratique de la naturopathie n’est pas encore réglementée, comme au Québec.
[74]
La réglementation de la pratique d’une profession découle de l’art.
[75] Black c. Law Society of Alberta,
[76] A.I.C.Q., paragr. 32.
[77] R. c. Creighton, supra, note 10, paragr. 43; Charbonneau c. R., supra, note 12, paragr. 60.
[78] R. c. Creighton, supra, note 10, paragr. 45; R. v. Haas (CJ), 2016, MBCA 42, paragr. 32.
[79] A.I.C.Q., paragr. 25.
[80] Je tiens toutefois à souligner que l’intimée n’a jamais démontré qu’en date de l’injection, cette pratique était légale au Canada.
[81] A.I.C.Q., paragr. 33.
[82] A.I.C.Q., paragr. 33.
[83] R. c. Creighton, supra, note 10, paragr. 43.
[84]
Art.
[85]
Art.
[86] L’intimée admet ne pas être soumise à un code d’éthique et de déontologie approuvé par le gouvernement : Témoignage de Mitra Javanmardi, M.A., vol. 14, p. 5610-5611.
[87] Loi constitutionnelle de 1867 (R.-U.), 30 & 31 Vict., c. 3, reproduite dans L.R.C. 1985, annexe II, no 5.
[88] Loi constitutionnelle de 1867 (R.-U.), 30 & 31 Vict., c. 3, reproduite dans L.R.C. 1985, annexe II, no 5, art. 91(27).
[89] Loi constitutionnelle de 1867 (R.-U.), 30 & 31 Vict., c. 3, reproduite dans L.R.C. 1985, annexe II, no 5, art. 92(13).
[90] R. c. DeSousa, supra, note 70, p. 956.
[91]
Kienapple c. R.,
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