Décision

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Section des affaires sociales

Désignée comme étant une commission d'examen au sens des articles 672.38 et suivants du Code criminel

 

 

Date : 8 août 2011

Référence neutre : 2011 QCTAQ 07636

Dossier  : SAS-Q-152267-0901

Devant les juges administratifs :

MÉDARD SAUCIER

JEAN AUDET

LOUIS ROY

 

T… S…
L'accusé

et

LE RESPONSABLE DU CSSS A

et

DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES

 

 


MOTIFS AU SOUTIEN DE LA DÉCISION
RENDUE LE 15 Mars 2011


 



[1]              Il s'agit d’une audience, la quatrième, de ce Tribunal siégeant en Commission d'examen des troubles mentaux aux termes de l'article 19 de la Loi sur la justice administrative (LRQ Chapitre J-3), de l’article 2.1 de l’Annexe I de cette même Loi et de l'article 672.81 du Code criminel, révision annuelle[1].

[2]              L’accusé est âgé de 24 ans.

[3]              Il a, le 13 janvier 2009, fait l'objet d'un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux en regard d'actes criminels commis le 20 octobre 2008, savoir :

 

·               voies de fait sur la personne de E… G...;

·               tentative d'enlèvement;

·               tentative d'agression sexuelle.

 

Il appert, selon le précis des faits colligés par les policiers que l'accusé aborde sur la rue une dame qui lui est inconnue et il lui demande de venir chez lui pour jaser, le tout, dans l'idée non avouée d'avoir des relations sexuelles avec elle. La dame refuse et s'en va. L'accusé la suit, l'agrippe par les cheveux et la traîne de quelques pas vers l'arrière. La dame chute et crie à l'aide. Un passant s'amène au secours de la dame et l’accusé lâche prise. Elle quitte les lieux avec le bon samaritain.

[4]              À l’audience, le psychiatre traitant, docteur Rachid Saïb, dépose et fait lecture d’un rapport préparé pour la circonstance. De ce rapport, ce Tribunal retient ce qui suit :

« (…)

Nous ne reviendrons pas sur l'histoire et les antécédents personnels de M. [l’accusé] bien documentés au dossier par les équipes aussi bien du Centre hospitalier A où M. [l’accusé] a eu ses premiers contacts avec la psychiatrie dès 2006 ainsi que du Centre hospitalier B où il a été suivi suite au verdict de non-responsabilité criminelle en janvier 2009.

Notons cependant que plusieurs diagnostics avaient été soulevés (psychoses toxiques; psychoses brèves; trouble de personnalité; délire somatique; mauvaise observance au traitement, etc....) mais c'est le diagnostic de schizophrénie paranoïde chronique qui semble avoir été retenu, notamment après son séjour à l'Institut C et surtout après un wash out thérapeutique qui a objectivé un retour de symptômes psychotiques positifs et négatifs et qui se sont résolus à la faveur d'une reprise de la médication antipsychotique.

Rappelons que durant son hospitalisation à l'Institut C, M. [l’accusé] a bénéficié d'une évaluation psychosexuelle du Dr Dasilva (26/07/2009) qui concluait à une « absence de paraphilie » chez M. [l’accusé] et considérait que son « passage à l'acte (pour lequel il était jugé) semble survenir dans le contexte d'un trouble du jugement lié à l'épisode psychotique ».

Notons également une 1ere tentative de réinsertion sociale dans son milieu naturel (notamment chez sa mère) suite à son hospitalisation de janvier 2009 au CH B soldée par un échec et le retour de M. [l’accusé] au CH A où il a séjourné environ 10 mois avant son transfert de nouveau à notre centre hospitalier le 17 janvier 2011 dans une perspective de soins en réadaptation pour tenter un autre retour dans son milieu naturel. M. [l’accusé] a bénéficié de sorties libres durant tout son séjour au CH A et son état a été jugé stable et asymptomatique durant cette hospitalisation à ville A.

Depuis son retour à notre centre hospitalier, M. [l’accusé] démontre une collaboration du mieux qu'il peut. Il présente une certaine tendance au retrait sur soi et à exprimer le besoin et son droit à faire seulement des activités qui présentent un intérêt pour lui. Il apparait plutôt gêné, voire présenter des craintes de se trouver mêlé aux autres patients ou circuler seul en ville à ville B. Ces craintes semblent réactiver des assauts qu'il dit avoir subis à l'Institut C auprès de la clientèle de santé mentale avec laquelle il ne croit pas partager de problèmes de santé mentale. Le personnel nursing note un certain déficit au niveau de l'hygiène personnelle et une absence de mobilisation spontanée, ce qui a été objectivé par l'évaluation de l'ergothérapeute (05 mars 2011). En outre, M. [l’accusé] ne participe pas à toutes les activités qui lui sont proposées sur l'unité. Il préfère attendre dit-il son congé définitif de l'hôpital pour faire ses affaires. II dit qu'il fonctionne bien sur l'unité et fait les activités pour lesquelles il a un intérêt (magasinage; cinéma).

Il exprime le désir imprécis d'apprendre à être autonome pour retourner dans sa communauté et surtout de se libérer du Tribunal administratif du Québec. Cependant, il exprime aussi une certaine crainte à être seul dans un loyer et conçoit le besoin d'être avec un colocataire. Il demeure évasif voire défensif quand nous abordons son fonctionnement antérieur et exprime clairement sa décision de ne pas mêler ses parents à des rencontres avec nous pour de telles évaluations. Il accepte par ailleurs non sans une certaine réticence les évaluations que nous demandons pour vérifier objectivement son fonctionnement avec une ergothérapeute et sur un autre plan, la dangerosité qui pourrait être éventuellement liée à la sphère pulsionnelle de sa sexualité. Il accepte et préfère se soumettre à une évaluation psychosexuelle au mieux en Abitibi sinon à l'Institut C mais avec une extrême appréhension en rapport avec un vécu traumatique lié à son séjour dans cette hôpital.

L'évaluation en ergothérapie du 5 mars 2011 faite par Mme Carole Bruneau, même partielle, concluait à la « difficulté de se prononcer sur la capacité de M. [l’accusé] de se prendre en charge et de gérer l'ensemble de ses responsabilités ». Elle notait également l'attitude nonchalante, une légère diminution des fonctions cognitives, une certaine rigidité de la pensée et une légère diminution de la capacité d'organisation qui pourraient devenir problématique si M. [l’accusé] devait vivre éventuellement en appartement sans encadrement. Nous joignons copie de cette évaluation à son dossier du Tribunal administratif du Québec.

L'évaluation psychosexuelle à venir vise également à vérifier de façon objective si M. [l’accusé] a commis son acting out seulement dans le contexte d'un épisode psychotique comme l'affirmait Dr Dasilva d'autant plus que l'autocritique de M. [l’accusé] demeure aléatoire par rapport à cet épisode ou si au contraire son contrôle pulsionnel pourrait présenter des risques particuliers de récidives.

Au niveau du chapitre de consommation des substances psychoactives, il nous est présentement impossible de se prononcer quoique M. [l’accusé] soit soumis à des tests aléatoires de recherche de drogues dans les urines.

Examen mental

Le contact s'établit assez facilement avec M. [l’accusé] qui présente une certaine nonchalance et même une certaine tendance à faire de la dérision et de l'humeur ironique sur sa situation. Il peut présenter une attitude défensive quand il est confronté à certains reflets en lien avec ses antécédents ou son fonctionnement personnel ou relationnel mais il maintient le contact y compris visuel et participe du mieux qu'il peut aux évaluations. On ne peut pas à franchement parler d'hypervigilance mais M. [l’accusé] apparait très attentif à nos questions et questionnement et dit à plusieurs reprises savoir répondre ce que les intervenants veulent entendre. Il est très soucieux de son propos qu'il choisit avec attention et recherche. Il est alerte et bien orienté dans les trois sphères. Son affect est congruent, mobilisable. On ne note pas de discordance idéoaffective. Il est euthymique. Il ne présente pas de perturbations notables au niveau des sphères végétatives/cognitives et de la psychomotricité. Il ne présente pas de trouble formel de la pensée sinon le caractère magique de celle-ci. Il n'y a pas d'évidence pour l'existence d'un trouble perceptuel ni de symptômes psychotiques. Pas de velléités auto ni hétéroagressives. Son jugement est limité et son autocritique partielle pour ne pas dire aléatoire.

Médication actuelle

Risperdal 4 mg au coucher.

Impression diagnostique

Trouble psychotique chronique versus schizophrénie paranoïde chronique.

Abus de substances psycho actives, en rémission prolongée

Traits de personnalité schizoïde et narcissique.

Condition médicale stable.

Hospitalisations longues depuis janvier 2009; Isolement social.

Fonctionnement global moyen.

Conclusion et recommandations

M. [l’accusé] est un jeune homme de 24 ans présentant un trouble psychotique chronique versus un trouble schizophrénique paranoïde associé à un abus de substances psycho actives en rémission prolongée et des traits de personnalité schizoïde et narcissique. Il a été transféré de nouveau à notre centre hospitalier depuis le 17 janvier 2011 sur ordonnance du Tribunal administratif du Québec et en continuité d'une hospitalisation qui aura duré 10 mois au Centre hospitalier A. Ce transfert à notre centre hospitalier a pour objectif d'offrir des soins en réadaptation pour faciliter une amélioration du fonctionnement de M. [l’accusé] et l'aider à approfondir sa connaissance de lui-même et partant de ses propres besoins pour une réinsertion sociale dans son milieu naturel.

Bien que M. [l’accusé] présente un potentiel intrinsèque de désorganisation lié à sa santé mentale et pouvant avoir un impact sur la sécurité du public, il nous apparait pertinent de souligner l'importance du cadre extérieur à M. [l’accusé] et qu'il nous faut travailler avec l'équipe qui prendra en charge ce cadre dans son milieu naturel.

Pour toutes ces raisons, nous croyons que M. [l’accusé] doit bénéficier d'une ordonnance de détention avec modalités. Considérant la possibilité d'un travail avec l'équipe du suivi dans son milieu naturel et de possibles congés temporaires à Rouyn Noranda, nous croyons pertinent de solliciter une délégation de pouvoir pour resserrer le cadre si nécessaire. » (sic)

[5]              Docteur Saïb précise que l’accusé est un gars brillant qui comprend bien les choses. Docteur Saïb a néanmoins des craintes du fait, entre autres, de l’attitude passive de l’accusé. Ce dernier a besoin d’aide pour dégager une certaine confiance.

[6]              Interrogé sur les épisodes de comportements sexuels de l’accusé depuis son retour à Malartic, docteur Saïb répond qu’il n’y en a pas eu et qu’il n’y a pas eu non plus de comportement hétéroagressif. L’accusé a plutôt de la difficulté à se prendre comme malade. Il est par ailleurs d’accord avec la médication prescrite et n’est pas opposé à la poursuite de la détention dans le cadre où elle lui est proposée.

[7]              Témoignant, l’accusé accrédite le rapport du docteur Saïb, rapport qu’il considère comme le plus clair depuis qu’il est sous mandat de la Commission d’examen. C’est ainsi qu’il est conscient de l’existence chez lui d’un trouble d’ordre mental compte tenu de ses agirs passés et qu’il a des progrès à faire.

[8]              À l’instar du diabétique, il comprend que si les symptômes disparaissent parce qu’il est fidèle au traitement, la maladie (trouble mental) demeure.

 

[9]              Considérant l’article 672.54 du Code criminel qui énonce :

« 672.54       Pour l’application du paragraphe 672.45(2) ou de l’article 672.47, le tribunal ou la commission d’examen rend la décision la moins sévère et la moins privative de liberté parmi celles qui suivent, compte tenu de la nécessité de protéger le public face aux personnes dangereuses, de l’état mental de l’accusé et de ses besoins, notamment de la nécessité de sa réinsertion sociale :

a)      lorsqu’un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux a été rendu à l’égard de l’accusé, une décision portant libération inconditionnelle de celui-ci si le tribunal ou la commission est d’avis qu’il ne représente pas un risque important pour la sécurité du public;

b)      une décision portant libération de l’accusé sous réserve des modalités que le tribunal ou la commission juge indiquées;

c)      une décision portant détention de l’accusé dans un hôpital sous réserve des modalités que le tribunal ou la commission juge indiquées. »

[10]           Considérant le rapport du psychiatre traitant, rapport que l’accusé accrédite par son témoignage;

[11]           Considérant que l’accusé fait montre d’une certaine autocritique face à sa situation dans la mesure où il commence à comprendre qu’il est atteint d’un trouble d’ordre mental;

[12]           Considérant par ailleurs l’importance de cette maladie;

[13]           Considérant la gravité des gestes posés;

[14]           Considérant que l’accusé est d’accord avec la recommandation du psychiatre traitant voulant que la détention avec modalités se poursuivre;

[15]           Considérant l’ensemble de la preuve, ce Tribunal demeure convaincu que l’accusé, en raison de son état mental, continue de représenter un risque important pour la sécurité du public, il ne peut donc être libéré de façon inconditionnelle.

[16]           Considérant par ailleurs que la réinsertion sociale commande la possibilité pour l’accusé d’intégrer éventuellement une ressource d’hébergement approprié par son état.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ORDONNE la détention de l'accusé au CSSS A, pavillon A sous réserve des modalités suivantes : que la personne accusée bénéficie de sorties, avec ou sans accompagnement, dont la durée, la fréquence et les modalités seront déterminées par l’équipe traitante en fonction de son état clinique, de son comportement et du plan de traitement, incluant des essais d’intégration dans une ressource d’hébergement appropriée à son état. Si l’intégration dans la ressource d’hébergement s’avère positive, la Commission devra être rappelée pour statuer en conséquence.

[17]           Cette décision, rendue à l'unanimité, a été communiquée aux parties séance tenante à l’audience.

 

 


 

 

MÉDARD SAUCIER, j.a.t.a.q.

Président délégué


 

Mme Jocelyne Martineau

Représentante de l'Hôpital responsable

 

Me Marie-Chantal Brassard

Procureure aux poursuites criminelles et pénales


 



[1]  À son audience précédente tenue le 12 mai 2010, ce Tribunal avait ordonné la détention de l’accusé au CSSS B jusqu’à son transfert au CSSS A, pavillon A et qu’il puisse bénéficier de sorties avec ou sans accompagnement, dont la durée, la fréquence et les modalités devaient être déterminées par l’équipe traitante en fonction de son état clinique et de son comportement. Le Tribunal ordonnait également le transfert du CSSS B au CSSS A.

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