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[1] Le 8 mars 2004, monsieur Haroldo Pineda (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 11 février 2004, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST déclare irrecevable la demande de révision du travailleur, datée du 2 septembre 2003 mais reçue le 5 septembre 2003 à l’encontre de la décision initiale du 11 juin 2003 qui suspend le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 12 juin 2003.
[3] L’audience est tenue à Montréal. Elle débute le 20 août 2004 et se poursuit le 28 janvier 2005, afin que le travailleur se constitue un nouveau procureur, le premier procureur ne pouvant à la fois représenter le travailleur et être témoin dans la cause. La cause est prise en délibéré le 28 janvier 2005.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] Le travailleur demande d’annuler la suspension du paiement de son indemnité de remplacement du revenu pour la période s’étendant du 12 juin au 3 août 2003.
QUESTION PRÉLIMINAIRE
[5] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la demande de révision du travailleur respecte le délai de contestation et si, le cas échéant, la preuve démontre un motif raisonnable.
L’avis des membres
[6] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis que la demande de révision ne respecte pas le délai de contestation mais qu’il y a lieu de relever le travailleur des conséquences de son défaut de respecter ce délai, vu la preuve d’un motif raisonnable, soit l’erreur de son procureur et le fait que le travailleur a été normalement diligent dans les circonstances.
Les faits et les motifs
[7] L’article 358 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit un délai de trente (30) jours de la décision pour en demander la révision :
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2.
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1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14.
[8] Selon les notes évolutives au dossier, le travailleur est avisé par l’agente de la CSST, le 10 juin 2003, que le versement de son indemnité de remplacement du revenue sera cessé à compter du 12 juin 2003.
[9] Le 11 juin 2003, la CSST rend la décision en ce sens. À l’audience, le travailleur confirme avoir reçu cette décision dans les jours qui suivent.
[10] La demande de révision logée le 5 septembre 2003 ne respecte donc pas le délai de 30 jours prévu à la loi.
[11] En ce cas, l’article 358.2 de la loi permet à la CSST de relever une personne des conséquences de son défaut de respecter ce délai si cette personne démontre n’avoir pu le faire en raison d’un motif raisonnable :
358.2. La Commission peut prolonger le délai prévu à l'article 358 ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que la demande de révision n'a pu être faite dans le délai prescrit pour un motif raisonnable.
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1997, c. 27, a. 15.
[12] En l’espèce, la preuve révèle que le travailleur communique avec son procureur, Me Martin Savoie, aussitôt qu’il apprend que la CSST suspendra le paiement de son indemnité. Lorsqu’il reçoit copie de la décision du 11 juin 2003, il se rend au bureau de son procureur et la remet à sa secrétaire afin qu’elle soit contestée, selon ce qui avait été convenu avec son procureur.
[13] Le procureur communique avec l’agente de la CSST, fait des représentations après avoir fait des démarches pour devancer le rendez-vous de son client avec son médecin spécialiste traitant. Me Savoie croit alors que la décision du 11 juin 2003 sera reconsidérée par la CSST, en raison des démarches qu’il a faites. Me Savoie quitte ensuite pour ses vacances estivales sans avoir logé de demande de révision. Il est absent du bureau du 11 juillet au 21 août 2003.
[14] Durant cette période, le travailleur affirme être certain que son procureur a contesté la décision. Il sait que cela prend des mois avant d’obtenir une réponse. Toutefois, durant cette période, il tente de rejoindre Me Savoie pour apprendre qu’il est en vacances.
[15] Au début de septembre 2003, Me Savoie contacte son client puis le rencontre le 2 septembre 2003, pour s’apercevoir que la suspension du paiement de l’indemnité est toujours en cours et que la décision n’est pas contestée. À l’audience, Me Savoie reconnaît son erreur.
[16] Le 2 septembre 2003, Me Savoie rédige une demande de révision qu’il fait parvenir à la CSST, par télécopieur, le 5 septembre 2003. Il explique que le délai encouru pour l’envoi de la décision est imputable à des difficultés rencontrées au bureau, en raison de l’absence de la secrétaire permanente et du manque d’expérience de celle qui la remplace.
[17] La Commission des lésions professionnelles estime que la preuve démontre, de façon prépondérante, l’erreur du procureur de n’avoir pas contesté, dans le délai prévu à la loi, la décision du 11 juin 2003, qu’il avait en sa possession et ce, afin de préserver les droits de son client, nonobstant les représentations qu’il avait faites.
[18] Cette erreur ne doit pas porter préjudice au travailleur normalement diligent qui, bien à l’intérieur du délai prévu à l’article 358 de la loi, a donné mandat à son procureur de contester la décision.
[19] À ce moment, le travailleur croit que son procureur a contesté et il sait qu’il doit attendre un certain délai avant d’obtenir une réponse de la CSST. Par ailleurs, le travailleur tente de rejoindre son procureur pour apprendre qu’il est en vacances.
[20] La Commission des lésions professionnelles estime que le fait que le travailleur ait attendu que son procureur le rappelle après ses vacances n’est pas un comportement négligent dans le contexte de l’attente d’une réponse de la CSST, dans un certain délai, et de la période estivale des vacances.
[21] La Commission des lésions professionnelles considère donc que la démonstration a été faite d’un motif raisonnable permettant de relever le travailleur de son défaut de respecter le délai prévu à l’article 358 de la loi. Sa demande de révision est recevable.
FOND DU LITIGE
L’AVIS DES MEMBRES
[22] La membre issue des associations syndicales est d’avis d’accueillir la requête au motif que le travailleur, assisté de son procureur, a fait ce que la CSST lui demandait, a fait des démarches pour devancer son rendez-vous auprès de son médecin spécialiste et, entre-temps, a consulté un omnipraticien. Elle estime que le travailleur a été diligent et que la CSST n’aurait pas dû suspendre le versement de son indemnité de remplacement du revenu.
[23] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis de rejeter la requête au motif que le travailleur n’a pas été diligent, que certains éléments contradictoires de la preuve entachent sa crédibilité quant à l’envoi des notes cliniques de son médecin.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[24] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la CSST était justifiée de suspendre le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période s’étendant du 12 juin au 3 août 2003.
[25] Le 6 mai 1999, le travailleur subit une lésion professionnelle dont le siège de lésion est le dos.
[26] Le 29 mai 2000, la CSST refuse de reconnaître l’existence d’une relation causale entre de nouveaux diagnostics et cet événement. L’instance de révision confirme cette décision.
[27] Le 6 février 2003, la Commission des lésions professionnelles infirme cette décision et déclare que l’événement du 6 mai 1999 a entraîné une hernie discale au niveau L4-L5, qui n’est pas encore consolidée.
[28] La CSST reçoit copie de cette décision et, dans le but de sa mise en application, fait parvenir au travailleur, le 18 février 2003, une lettre demandant divers renseignements dont les coordonnées du médecin consulté.
[29] Le 21 février 2003, le travailleur téléphone à l’agente de la CSST, signataire de la lettre du 18 février 2003, madame Bergeron. Il lui donne les renseignements demandés. Il lui dit que son médecin est le docteur Yves Bergeron, physiatre, et lui donne les coordonnées. Il lui dit qu’il ne l’a pas vu depuis un an en raison d’un litige avec la compagnie d’assurances Sun Life. Après le refus de la CSST, le travailleur aurait fait une réclamation en assurance-invalidité qui aurait été refusée.
[30] À cette époque, le travailleur croit, à tort, qu’il ne peut rencontrer le docteur Bergeron en raison de ce litige. Ce n’est que plus tard, après avoir téléphoné au procureur de la Sun Life, Me St-Pierre, que le travailleur comprend qu’il n’y a plus de litige car il a eu gain de cause à la Commission des lésions professionnelles.
[31] À l’issue de la conversation téléphonique du 21 février 2003, madame Bergeron avise le travailleur qu’elle autorise les paiements.
[32] Le 15 mai 2003, puis le 23 mai 2003, une autre agente, madame Chevalier tente de rejoindre le travailleur qui n’est pas chez lui.
[33] Le 2 juin 2003, l’agente demande au médecin-conseil de la CSST s’il y a lieu de faire un bilan avec le médecin du travailleur. Le médecin-conseil lui répond d’insister auprès du travailleur pour qu’il obtienne un rendez-vous avec son médecin.
[34] Le 9 juin 2003, madame Chevalier s’entretient avec le travailleur, qui a rendez - vous avec le docteur Bergeron le 24 septembre 2003. Il ne veut pas voir un autre médecin. Elle l’avertit que la CSST va devoir suspendre le paiement de ses indemnités s’il ne voit aucun médecin. Par dépit, il lui répond qu’elle peut le suspendre.
[35] Le 10 juin 2003, madame Chevalier téléphone au travailleur pour l’aviser de la suspension du paiement de son indemnité de remplacement du revenu à compter du 12 juin 2003.
[36] Le même jour, le travailleur la rappelle et l’informe qu’il a pu devancer son rendez-vous avec le docteur Bergeron au 4 août 2003, mais ne peut le devancer plus tôt car le médecin est en vacances.
[37] Le 10 juin 2003, madame Chevalier s’entretient avec Me St-Pierre, procureur de la Sun Life, et ce dernier l’informe que le travailleur a vu régulièrement les docteurs Tuyen Vovan et Ghassan Boubez. À noter que les coordonnées du docteur Vovan sont déjà au dossier, ce dernier ayant fait parvenir ses notes cliniques à la CSST, le 31 mars 2000.
[38] Le 12 juin 2003, madame Chevalier téléphone au bureau du docteur Bergeron pour valider l’information concernant le rendez-vous du travailleur. On lui répond que le docteur Bergeron est effectivement en vacances et qu’il n’y a pas de rendez-vous avant août, mais qu’il y a d’autres médecins disponibles.
[39] Le 13 juin 2003, madame Chevalier reçoit l’appel téléphonique Me Savoie qui lui déclare qu’il n’a pu obtenir de rendez-vous pour son client avant le 4 août 2003, et ce, même avec un autre médecin de la même clinique. C’est effectivement Me Savoie qui a fait les démarches afin d’aider son client. Me Savoie réitère ces faits au cours de son témoignage. Il précise aussi qu’à cette époque, la CSST ne veut pas simplement un suivi mais un bilan médical, ce qui est normalement fait par le médecin traitant.
[40] Par contre, aux notes évolutives du 13 juin 2003, madame Chevalier ne semble pas le confronter avec les résultats de sa propre démarche, à savoir que d’autres médecins de la même clinique seraient disponibles avant le 4 août 2003. Madame Chevalier ne mentionne pas non plus avoir été informée du fait que le travailleur aurait consulté d’autres médecins.
[41] Le 4 août 2003, le docteur Bergeron revoit son patient, complète un rapport médical et prescrit de la physiothérapie. Les documents sont reçus par la CSST le 5 août 2003. En outre, le 4 août 2003, le docteur Bergeron adresse une note de consultation au docteur Vovan, médecin de famille du travailleur.
[42] Le 18 août 2003, madame Chevalier demande au médecin-conseil s’il y a lieu de « faire bilan md ou IMC au md traitant », soit un appel téléphonique fait par le médecin‑conseil au médecin traitant, soit l’envoi du formulaire demandant des informations complémentaires au médecin traitant.
[43] Le 4 septembre 2003, le formulaire « Information médicale complémentaire écrite » est expédié au docteur Bergeron qui y répond le 18 septembre 2003, en faisant référence à sa note du 4 août 2003, adressée au docteur Vovan. Selon le docteur Bergeron, la lésion n’est pas consolidée.
[44] Le 6 octobre 2003, la CSST envoie une lettre au travailleur lui demandant des renseignements concernant ses consultations médicales.
[45] Le 9 octobre 2003, le travailleur téléphone à l’agente qui lui a envoyé cette lettre, madame Bergeron. Il lui explique qu’il consulte deux médecins : son médecin de famille, le docteur Vovan, et son spécialiste, le docteur Bergeron.
[46] Le 10 octobre 2003, la CSST envoie une lettre au docteur Vovan lui demandant de faire parvenir ses notes cliniques.
[47] Le 30 octobre 2003, par télécopieur, la CSST reçoit les notes cliniques du docteur Vovan, des mois de février et mars 2002, ainsi que les 12 et 21 février, 17 juin et 5 septembre 2003. Toutes ces consultations mentionnent un problème de lombalgie.
[48] L’article 142 de la loi permet à la CSST de réduire ou suspendre le paiement d’une indemnité, en l’occurrence l’indemnité de remplacement du revenu, dans l’une ou l’autre des circonstances énumérées :
142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité:
1° si le bénéficiaire:
a) fournit des renseignements inexacts;
b) refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;
2° si le travailleur, sans raison valable:
a) entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;
b) pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;
c) omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;
d) omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;
e) omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180;
f) omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274.
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1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.
[49] La décision initiale du 11 juin 2003 ne précise pas le paragraphe de l’article 142 en vertu duquel la suspension est faite. Les motifs invoqués sont les suivants :
(…). Nous n’avons aucun rapports médicaux au dossier. Vous n’avez pas de suivi médical et de traitements de prescrit.
Nous pourrons reprendre le versement de l’indemnité dans la mesure où le motif qui en a justifié la suspension n’existera plus.
[…]
[50] Les circonstances de la présente affaire n’entrent nullement dans le cadre du second paragraphe de l’article 142.
[51] Il semble donc que la CSST s’appuie sur l’alinéa b) du premier paragraphe de l’article 142 de la loi pour suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu du 12 juin au 3 août 2003.
[52] Le 4 août 2003, la CSST reprend le versement de l’indemnité car le travailleur se présente à son rendez-vous auprès du docteur Bergeron.
[53] À la suite de la décision de la Commission des lésions professionnelles du 6 février 2003, concluant que le travailleur souffre d’une hernie discale L4-L5 non consolidée, la CSST doit reprendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu car le travailleur bénéficie de la présomption de l’article 46 de la loi :
46. Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée.
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1985, c. 6, a. 46.
[54] La CSST doit par ailleurs voir à compléter le dossier en obtenant copie des notes cliniques des médecins consultés entre-temps, copie des dossiers hospitaliers, etc..
[55] Pour ce faire, elle demande au travailleur les renseignements nécessaires à l’actualisation de son dossier. La CSST peut ensuite obtenir elle-même les documents, puisqu’elle possède les pouvoirs qui lui permettent de demander aux médecins, aux cliniques, aux centres hospitaliers, etc., de lui expédier les documents requis.
[56] Ainsi, deux situations peuvent se présenter.
[57] Dans un premier temps, la CSST doit procéder à l’actualisation du dossier médical en obtenant tout document médical pertinent depuis le dernier document médical produit au dossier.
[58] Dans un deuxième temps, la CSST doit s’assurer que le travailleur est suivi par un médecin durant la période de consolidation médicale de sa lésion.
[59] En l’espèce, les interventions de la CSST apparaissent confuses.
[60] En février 2003, une agente, madame Bergeron, semble se satisfaire de la déclaration du travailleur à l’effet que son médecin est le docteur Bergeron et elle autorise le versement de l’indemnité de remplacement du revenu. Aucune actualisation du dossier ne semble faite par cette agente.
[61] En mai puis juin 2003, une autre agente, madame Chevalier, fait des démarches auprès du travailleur car aucun rapport médical n’est produit à son dossier. Le travailleur attend son rendez-vous, prévu en septembre 2003, auprès du docteur Bergeron. Le procureur du travailleur fait des démarches pour faire devancer ce rendez-vous en août 2003. Le docteur Bergeron n’est pas disponible avant, étant en vacances.
[62] Le docteur Bergeron est le spécialiste traitant du travailleur. Ce dernier a tout à fait le droit de continuer de le consulter, tel que le prévoit l’article 192 de la loi :
192. Le travailleur a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix.
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1985, c. 6, a. 192.
[63] La Commission des lésions professionnelles rappelle qu’aucune disposition de la loi ne permet à la CSST de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu parce que le travailleur est en attente de consulter un médecin spécialiste.
[64] Par ailleurs, il est de connaissance judiciaire que l’attente peut parfois être longue avant de pouvoir consulter un médecin spécialiste. Durant cette période, qui s’inscrit à l’intérieur de la période de consolidation médicale de la lésion, la CSST est justifiée de demander au travailleur de consulter un médecin omnipraticien de son choix afin d’effectuer un suivi médical durant l’attente de consulter le médecin spécialiste.
[65] Dans le cas du travailleur toutefois, la Commission des lésions professionnelles s’interroge sur la cohérence des interventions de la CSST.
[66] Avant la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu, tout tourne autour du rendez-vous auprès du docteur Bergeron. Les deux agentes ne semblent pas se demander si le travailleur est suivi par un médecin omnipraticien.
[67] Or, il appert que le travailleur est suivi par le docteur Vovan, son médecin de famille, qui a déjà fait parvenir des notes cliniques à la CSST, en mars 2000.
[68] Malgré que madame Chevalier ait été informée, avant l’émission de la décision du 11 juin 2003, des consultations auprès du docteur Vovan, par le procureur de la Sun Life, elle n’exploite pas cette piste d’informations et procède à la suspension des indemnités, alors que le travailleur est simplement en attente de voir son spécialiste.
[69] Plus tard, l’information du suivi par le docteur Vovan est, de nouveau, portée à l’attention de la CSST par le biais du formulaire « Information complémentaire écrite » du docteur Bergeron. La CSST envoie une lettre au travailleur, qui y répond promptement, et elle demande les notes cliniques du docteur Vovan, ce qu’elle aurait pu faire bien avant. Dès le début, en questionnant correctement le travailleur à savoir s’il avait un médecin de famille, la CSST aurait pu avoir l’information.
[70] En effet, les notes évolutives rédigées avant la suspension des indemnités ne font pas état d’un questionnement fait par l’agente pour savoir si le travailleur consulte un médecin de famille.
[71] L’agente lui demande pourquoi il ne consulte pas un autre médecin que le docteur Bergeron et le travailleur répond qu’il ne veut pas consulter un autre médecin que son médecin traitant. La note est rédigée comme si l’agente voulait que le travailleur change de médecin et non pour lui suggérer de voir son médecin de famille en attendant le spécialiste.
[72] Dans les circonstances de cette affaire, la CSST n’est pas justifiée de suspendre le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur, puisque ce dernier ne refuse pas ni ne néglige de fournir les renseignements qu’elle requiert. Avant de suspendre le versement des indemnités, la CSST n’a pas clairement requis du travailleur les renseignements concernant le suivi par son médecin de famille.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Haroldo Pineda;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 11 février 2004, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE recevable la demande de révision du travailleur logée le 5 septembre 2003, à l’encontre de la décision initiale du 11 juin 2003;
ANNULE la suspension du paiement de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 12 juin au 3 août 2003;
DÉCLARE que pour la période du 12 juin au 3 août 2003, le travailleur avait droit à l’indemnité de remplacement du revenu.
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Me Lina Crochetière |
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Commissaire |
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Me Daniel Thimineur |
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TEAMSTERS QUÉBEC (C.C. 91) |
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Représentant de la partie requérante |
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AVIS :
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