DÉCISION
DOSSIER : 183367-63-0205
[1] Le 1er mai 2002, monsieur André Perreault (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 16 avril 2002, à la suite d’une révision administrative. Le représentant précise cette requête dans une lettre transmise au tribunal le 7 octobre 2002.
[2] Bien que la révision administrative traite de trois décisions rendues antérieurement, la requête du travailleur ne vise que la décision rendue le 9 octobre 2001 déclarant qu’il ne peut refaire l’emploi qu’il occupait lors de la survenance de sa lésion professionnelle et qu’il est capable d’exercer l’emploi convenable de chauffeur de camion sans manutention à compter du 3 octobre 2001 à un revenu équivalent à celui qu’il tirait de l’emploi qu’il occupait au moment de la survenance de sa lésion. (Dossiers DRA : 119869824-00002 et 00005)
[3] Dans sa décision du 16 avril 2002, la réviseure déclare irrecevable la demande de révision logée par le travailleur le 12 mars 2002 à l’encontre de la décision rendue initialement le 9 octobre 2001 en précisant que le travailleur avait déjà demandé la révision de la décision le 2 novembre 2001 mais qu’il s’est désisté de cette demande le 15 novembre 2001. La réviseure conclut que la demande de révision aurait pu être faite dans le délai prescrit à la loi et qu’aucun motif valable n’a été soumis permettant de prolonger ce délai.
DOSSIER : 183408-63-0205
[4] Le 2 mai 2002, l’employeur, Malo Transport (1971) inc., dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste, lui aussi, la décision rendue par la CSST le 16 avril 2002 à la suite d’une révision administrative traitant de trois décisions rendues antérieurement.
[5] La révision administrative confirme une première décision rendue initialement le 9 octobre 2001 déclarant que le travailleur ne peut refaire l’emploi qu’il occupait lors de la survenance de sa lésion professionnelle, qu’il n’y a pas d’autre emploi disponible chez son employeur, qu’il est capable d’exercer l’emploi convenable de chauffeur de camion sans manutention à compter du 3 octobre 2001, que le revenu de cet emploi est équivalent à celui qu’il tirait de l’emploi qu’il occupait au moment de la survenance de sa lésion professionnelle et que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu se poursuit au plus tard jusqu’au 2 octobre 2002.
[6] Devant la révision administrative, l’employeur ne contestait que la mention relative à l’absence d’emploi convenable disponible dans son entreprise et la poursuite du versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
[7] Dans sa décision du 16 avril 2002, la réviseure déclare irrecevable la demande de révision portant sur l’absence d’emploi convenable disponible chez l’employeur au motif que la décision du 9 octobre 2001 ne faisait que reprendre les termes d’une décision rendue le 17 septembre 2001 traitant de cette question, décision qui n’a pas été contestée par l’employeur. En conséquence, la réviseure confirme la décision du 9 octobre 2001 relative à la poursuite du versement de l’indemnité de remplacement du revenu. (Dossier DRA : 119869824-00002)
[8] La révision administrative confirme de plus la décision rendue initialement le 20 novembre 2001 et déclare que la CSST était bien fondée de refuser de reconsidérer sa décision du 9 octobre 2001 dans la mesure où aucun fait essentiel nouveau n’a été soumis permettant la reconsidération. (Dossier DRA : 119869824-00003)
[9] La révision administrative déclare finalement que la décision rendue initialement le 23 août 2001 traitant de l’atteinte permanente à l’intégrité physique et de l’indemnité pour dommages corporels est devenue sans effet et la demande de révision de l’employeur sans objet, cette décision ayant été remplacée par celle du 12 décembre 2001 suite à un avis rendu par le membre du Bureau d’évaluation médicale le 5 décembre 2001. En conséquence, la révision administrative conclut que la demande de révision de l’employeur est irrecevable. (Dossier DRA : 119869824-00004)
[10] À l’audience, le représentant de l’employeur se désiste de cette requête.
QUESTION PRÉLIMINAIRE
DOSSIER : 183408-63-0205
[11] Au début de l’audience, le représentant du travailleur a soulevé la question de la recevabilité des demandes de révision formulées par l’employeur à l’encontre des décisions rendues initialement par la CSST les 9 octobre 2001 et 20 novembre 2001, soit les décisions portant les numéros 119869824-00002 et 119869824-00003 de la révision administrative.
[12] Il a été convenu que dans un premier temps, les représentants des parties procéderaient, par argumentation, uniquement sur cette question.
Dossier DRA : 119869824-00002
[13] Dans ce dossier, l’employeur demande la révision de la partie de la décision traitant de l’absence d’emploi convenable disponible chez l’employeur.
[14] Le représentant du travailleur soumet que la CSST avait déjà rendu une décision à cet effet le 17 septembre 2001, sur la base de renseignements émanant directement de l’employeur. Cette décision du 17 septembre 2001 n’ayant pas été contestée par l’employeur, celui-ci tente illégalement de le faire en demandant la révision de la décision rendue le 9 octobre 2001 y faisant référence.
[15] Le représentant du travailleur soumet que dans la décision du 9 octobre 2001, la CSST ne fait que mentionner l’absence d’emploi convenable disponible chez l’employeur afin de préciser le contexte dans lequel elle détermine l’emploi convenable que le travailleur serait capable d’occuper ailleurs sur le marché du travail. Dans ces circonstances, il demande au tribunal de conclure que cette demande de révision de l’employeur est irrecevable.
Dossier DRA : 119869824-00003
[16] Dans ce dossier, l’employeur conteste une décision par laquelle la CSST refuse de reconsidérer sa décision du 9 octobre 2001.
[17] Le représentant du travailleur soumet que l’article 358 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit qu’une telle décision ne peut être contestée.
[18] Il soumet de plus que ce n’est qu’après la décision rendue par la CSST le 9 octobre 2001 déterminant un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail que l’employeur a proposé d’adapter un poste pour le travailleur. Or, cet emploi n’existait pas lorsque la décision a été rendue par la CSST le 9 octobre 2001 et en conséquence, il ne peut s’agir d’un fait inconnu donnant ouverture à une reconsidération en vertu du deuxième alinéa de l’article 365 de la loi.
[19] Pour sa part, le représentant de l’employeur soumet que la Commission des lésions professionnelles peut rendre la décision qui aurait dû être rendue et corriger les décisions erronées de la CSST.
[20] Il considère que le but des articles 236 et 240 de la loi est de permettre au travailleur d’occuper le premier emploi convenable disponible chez l’employeur dans les 24 mois suivant le début de son absence du travail.
[21] Il reconnaît que lors de l’analyse initiale de cette question en septembre 2001, il n’y avait pas de poste disponible chez l’employeur et qu’en conséquence, l’employeur n’avait pas de raison de contester la décision du 17 septembre 2001. Toutefois, un poste a par la suite été identifié et la CSST aurait dû reconnaître qu’il s’agissait d’un emploi convenable.
L'AVIS DES MEMBRES
DOSSIER : 183408-63-0205
Dossier DRA : 119869824-00002
[22] La membre issue des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que la requête déposée par l’employeur, à l’encontre de la décision rendue par la révision administrative de la CSST traitant de la non disponibilité d’un emploi convenable chez l’employeur, est irrecevable.
[23] Les membres retiennent que cette question avait déjà fait l’objet d’une décision spécifique de la part de la CSST le 17 septembre 2001, décision qui n’a pas été contestée par l’employeur puisqu’elle était basée sur les renseignements qu’il avait lui-même fournis. Cette décision est devenue finale à l’expiration du délai de contestation et le seul rappel de la non disponibilité d’un emploi convenable chez l’employeur dans une décision subséquente ne crée pas un nouveau droit de contestation.
Dossier DRA : 119869824-00003
[24] La membre issue des associations syndicales est d’avis que la requête déposée par l’employeur, à l’encontre de la décision rendue par la CSST refusant de reconsidérer une décision, est irrecevable. Ce membre retient que l’article 358 de la loi prévoit spécifiquement qu’une telle décision ne peut être contestée.
[25] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que cette requête de l’employeur est recevable. Il considère qu’il ne s’agit pas d’une décision concernant le seul refus de reconsidérer puisqu’elle traite de l’appréciation de l’emploi convenable proposé par l’employeur et que dans ce contexte, l’employeur doit avoir la possibilité de faire valoir ses arguments.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[26] La Commission des lésions professionnelles doit se prononcer sur la recevabilité des demandes de révision logées par l’employeur à l’encontre de la décision rendue par la CSST le 16 avril 2002 concernant la non disponibilité d’un emploi convenable chez l’employeur et le refus de reconsidérer une décision déterminant un emploi convenable que le travailleur est capable d’exercer ailleurs que chez l’employeur.
[27] Le travailleur s’est infligé, le 4 décembre 2000, une tendinite de l’épaule droite en exécutant ses tâches de camionneur chez l’employeur. La décision de la CSST d’accepter cette réclamation du travailleur a été confirmée par la Commission des lésions professionnelles dans une décision[2] rendue le 28 novembre 2001.
[28] Dans un rapport d’évaluation médicale signé le 10 août 2001, le docteur Guy Le Bouthillier, chirurgien-orthopédiste, évalue à 3 % le déficit anatomo-physiologique résultant de cette lésion et décrit des limitations fonctionnelles. Cette évaluation est confirmée par le docteur David Wiltshire, orthopédiste, dans un avis signé le 5 décembre 2001 à titre de membre du Bureau d’évaluation médicale.
[29] Suite à la réception du rapport d’évaluation médicale signé par le docteur Le Bouthillier, la CSST a statué, dans une décision rendue le 5 septembre 2001, sur le droit du travailleur à la réadaptation en précisant que son poste de travail serait évalué.
[30] Dans le cadre de l’exercice du droit de retour au travail prévu aux articles 234 et suivants de la loi, une rencontre a eu lieu chez l’employeur le 11 septembre 2001 à laquelle assistaient le travailleur, monsieur Alain Beaudry, représentant de l’employeur, monsieur Claude Bougie, ergothérapeute mandaté par la CSST et monsieur Claude Gouger, conseiller en réadaptation.
[31] Les notes évolutives de la CSST rédigées par monsieur Gouger précisent que le but de la rencontre est de statuer sur la capacité du travailleur à refaire l’emploi qu’il occupait au moment de sa lésion à la lumière des limitations fonctionnelles retenues. Après une simulation du travail, tous les participants à cette réunion conviennent que cet emploi est incompatible avec les limitations fonctionnelles retenues et que le travail ne peut être adapté ou modifié. Monsieur Gouger ajoute que l’employeur affirme ne pas avoir d’autres activités de camionnage respectant les limitations fonctionnelles du travailleur. Il ajoute que les postes de mécanicien et commis aux pièces dans l’entreprise ne respectent pas les limitations fonctionnelles et qu’aucun poste de répartiteur ou de commis n’est disponible.
[32] Il est donc convenu que le travailleur ne peut refaire son emploi de chauffeur et qu’il n’y a aucun autre emploi disponible dans l’entreprise. Le conseiller en réadaptation informe les participants qu’une décision sera rendue reprenant ces conclusions.
[33] Dans une décision rendue le 17 septembre 2001, la CSST conclut que suite à la rencontre qui a eu lieu chez l’employeur le 11 septembre 2001 au cours de laquelle le poste de travail a été évalué, le travailleur ne peut plus exercer l’emploi qu’il occupait chez l’employeur au moment de la survenance de sa lésion. La CSST ajoute que cette rencontre a permis de constater qu’il n’y a aucun emploi convenable disponible chez l’employeur et conclut qu’il faudra évaluer les possibilités professionnelles du travailleur. Cette décision n’a pas été contestée par l’employeur.
[34] Le 3 octobre 2001, le travailleur rencontre le conseiller en réadaptation. Aux notes évolutives, celui-ci mentionne qu’ils ont révisé les types de camionnage que le travailleur pourrait effectuer et que monsieur Perreault reconnaît que le travail de chauffeur de camion sans manutention est un emploi convenable qui présente des possibilités raisonnables d’embauche et que le revenu qu’il pourrait tirer de cet emploi est équivalent à celui qu’il recevait lors de sa lésion.
[35] Dans une décision rendue le 9 octobre 2001, la CSST détermine l’emploi convenable que le travailleur est capable d’occuper. Compte tenu de la nature du litige dont il est saisi, le tribunal juge utile de reproduire intégralement le premier paragraphe de cette décision :
Comme nous en avions convenu, nous avons entrepris des démarches auprès de votre employeur. Ces démarches nous ont permis de conclure que vous ne pouvez pas refaire votre emploi de chauffeur de camion à cause des diverses manutentions requises, et qu’il n’y a pas d’autre emploi disponible chez votre employeur. Tel que nous en avons discuté lors de nos rencontres, nous désirons vous informer qu’après avoir analysé les conséquences de votre lésion professionnelle du 4 décembre 2000, nous considérons que vous êtes capable, à compter du 3 octobre 2001, d’occuper un emploi convenable de chauffeur de camion sans manutention. Cet emploi vous rapportera un revenu équivalent à votre emploi pré-lésionnel.
[36] Les notes évolutives du 23 octobre 2001 réfèrent à un appel téléphonique de l’employeur qui demande à rencontrer le conseiller en réadaptation parce qu’il aurait peut-être un emploi convenable à offrir au travailleur. Une rencontre est prévue le 7 novembre 2001.
[37] Le 24 octobre 2001, le conseiller en réadaptation rencontre le travailleur. Le but de cette rencontre est de faire le suivi sur la recherche d’emploi et de regarder la possibilité d’un emploi convenable chez l’employeur. Le conseiller en réadaptation indique qu’avant de mettre en place une mesure de support en recherche d’emploi, il veut d’abord discuter d’une autre possibilité, soit un emploi convenable chez l’employeur où est survenue la lésion. Le travailleur se dit ouvert à une telle solution.
[38] Le 31 octobre 2001, l’employeur conteste la décision rendue par la CSST le 9 octobre 2001 en ce qui a trait à l’absence d’emploi convenable disponible dans son entreprise et à la poursuite du versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
[39] L’article 358 de la loi prévoit dans quel délai une partie peut demander la révision d’une décision rendue par la CSST. Cet article se lit comme suit :
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.
Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2.
________
1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14.
[40] La Commission des lésions professionnelles constate que par sa demande de révision du 31 octobre 2001, l’employeur ne s’attaque pas à l’emploi convenable de camionneur sans manutention retenu par la CSST mais plutôt à la mention relative à la non disponibilité d’un emploi convenable dans son entreprise.
[41] Or, le 17 septembre 2001, la CSST a rendu une décision traitant spécifiquement de cette question, décision qui n’a pas été contestée par l’employeur. Le tribunal rappelle que cette décision a été prise en tenant compte des renseignements fournis par l’employeur lors d’une rencontre ayant pour but d’évaluer la capacité du travailleur d’exercer l’emploi qu’il occupait au moment de sa lésion professionnelle.
[42] Lors de cette rencontre, il a été déterminé que cet emploi était incompatible avec les limitations fonctionnelles retenues, qu’il n’était pas possible d’adapter ce poste et l’employeur a indiqué sans équivoque qu’il n’avait pas d’autre emploi disponible pour le travailleur.
[43] Dans ces circonstances, il est compréhensible que l’employeur n’ait pas contesté la décision rendue le 17 septembre 2001 puisqu’elle décrivait fidèlement l’état du dossier et la situation qui prévalait dans son entreprise. Cette décision n’ayant pas été contestée, elle est devenue finale et elle produit des effets juridiques. La première conséquence d’une telle décision est que la CSST doit, en application de l’article 171 de la loi, déterminer un emploi convenable que le travailleur est capable d’occuper ailleurs sur le marché du travail, ce qui, dans le présent dossier, s’est concrétisé par la décision rendue le 9 octobre 2001.
[44] Dans ce contexte, la Commission des lésions professionnelles conclut que l’employeur ne pouvait, en utilisant le préambule de la décision du 9 octobre 2001 statuant sur un emploi convenable ailleurs que dans l’entreprise où était survenue la lésion, remettre en question la décision du 17 septembre 2001. En effet, la mention dans la décision du 9 octobre 2001 de l’absence d’emploi disponible chez l’employeur ne constitue qu’un rappel du processus ayant mené la CSST à statuer sur la capacité du travailleur d’occuper un emploi convenable ailleurs que dans l’entreprise où était survenue la lésion. L’employeur ne peut utiliser ce texte pour demander la révision d’une décision qu’il n’a pas contestée en temps utile.
[45] Compte tenu de ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles conclut que la demande de révision soumise par l’employeur le 31 octobre 2001, à l’encontre de la décision rendue par la CSST le 9 octobre 2001, est irrecevable.
[46] La Commission des lésions professionnelles doit maintenant statuer sur la recevabilité de la demande de révision soumise par l’employeur le 23 novembre 2001, à l’encontre de la décision rendue par la CSST le 20 novembre 2001, refusant de reconsidérer la décision du 9 octobre 2001.
[47] L’article 365 de la loi prévoit dans quelles circonstances la CSST peut reconsidérer une de ses décisions. Cet article se lit comme suit :
365. La Commission peut reconsidérer sa décision dans les 90 jours, si celle - ci n'a pas fait l'objet d'une décision rendue en vertu de l'article 358.3, pour corriger toute erreur.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel, reconsidérer cette décision dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.
Avant de reconsidérer une décision, la Commission en informe les personnes à qui elle a notifié cette décision.
Le présent article ne s'applique pas à une décision rendue en vertu du chapitre IX.
________
1985, c. 6, a. 365; 1992, c. 11, a. 36; 1997, c. 27, a. 21; 1996, c. 70, a. 43.
[48] La jurisprudence[3] a établi que le pouvoir de reconsidération de la CSST prévu à l’article 365 de la loi constitue une disposition d’exception qui doit être interprété restrictivement puisqu’il risque de porter atteinte au principe de la stabilité et de l’irrévocabilité des décisions
[49] La Commission des lésions professionnelles rappelle que l’article 358 de la loi prévoit qu’une partie ne peut demander la révision d’une décision par laquelle la CSST refuse de reconsidérer une décision rendue en vertu du premier alinéa de l'article 365 de la loi pour corriger toute erreur.
[50] Le tribunal considère, dans la mesure où le conseiller en réadaptation a analysé une proposition formulée par l’employeur, que la décision rendue par la CSST le 20 novembre 2001 a plutôt été rendue en vertu du deuxième alinéa de l’article 365 de la loi qui prévoit que la CSST peut, de sa propre initiative ou à la demande d’une partie, reconsidérer une décision rendue avant que soit connu un fait essentiel.
[51] Dans ces circonstances, la Commission des lésions professionnelles rejette la requête en irrecevabilité formulée par le représentant du travailleur en application de l’article 358 de la loi.
[52] Le tribunal doit maintenant statuer sur la requête en irrecevabilité au motif que la CSST ne pouvait reconsidérer sa décision puisque la proposition de l’employeur n’existait pas lorsqu’elle s’est prononcée, le 17 juillet 2001, sur l’absence d’emploi disponible dans l’entreprise et qu’il en était de même lorsqu’elle a statué, le 9 octobre 2001, sur la capacité du travailleur d’exercer l’emploi convenable de camionneur sans manutention ailleurs que chez l’employeur.
[53] Pour répondre à cette question, le tribunal croit utile de résumer la façon dont la CSST a traité la proposition d’emploi convenable formulée par l’employeur en novembre 2001.
[54] Le 7 novembre 2001, une rencontre a lieu chez l’employeur à laquelle participent messieurs Alain Beaudry et Gérald Corneau, représentants de l’employeur et le conseiller en réadaptation. Le but de cette rencontre est d’analyser la proposition d’emploi convenable faite par l’employeur, soit celui de chauffeur de camion-citerne. Le conseiller en réadaptation note que cet emploi avait été analysé lors de l’évaluation précédente et qu’il ne respectait pas les limitations fonctionnelles du travailleur en ce qui a trait aux manoeuvres exigées pour débloquer le tuyau d’évacuation. L’employeur affirme qu’il existe une nouvelle technique qui permettrait au travailleur d’exécuter cet emploi et il est convenu qu’un complément d’analyse sera demandé à monsieur Bougie qui avait fait la première évaluation.
[55] Le lendemain de cette rencontre, le conseiller en réadaptation discute avec le travailleur de cette proposition de l’employeur. Le travailleur se dit intéressé mais précise qu’il ne peut travailler de nuit à cause d’un problème de somnolence et ajoute qu’il a toujours refusé de faire des voyages sur de longues distances parce qu’il a de jeunes enfants et qu’il veut revenir à son domicile tous les jours.
[56] De plus, le travailleur doute que l’efficacité de la nouvelle technique proposée soit telle que l’utilisation de la barre métallique pour débloquer les tuyaux ne soit jamais nécessaire.
[57] Le 12 novembre 2001, une rencontre a lieu chez l’employeur à laquelle participent le travailleur, les représentants de l’employeur et le conseiller en réadaptation. Le but de cette rencontre est d’analyser l’offre d’emploi de chauffeur de camion-citerne.
[58] À cette occasion, l’employeur précise qu’il ne peut offrir de travail régulier en transport local seulement sur des quarts de jour parce qu’il doit respecter l’ancienneté des autres chauffeurs. Le conseiller en réadaptation informe les parties que la CSST étudiera l’emploi offert afin de déterminer s’il y a lieu de reconsidérer la décision rendue le 9 octobre 2001 traitant de l’emploi convenable.
[59] Le 12 novembre 2001, l’employeur transmet au conseiller en réadaptation de la CSST une offre d’emploi adapté pour le travailleur reprenant les modalités discutées lors de la rencontre, soit un poste de chauffeur de camion-citerne sans utilisation de la méthode de déblocage manuel. Il s’agit d’un emploi à temps plein, de jour, de soir ou de nuit, selon la disponibilité des voyages, et le travailleur sera appelé à travailler localement et sur de longs trajets au Canada et aux États-Unis. Cet emploi est disponible à compter du 14 novembre 2001 à un salaire équivalent ou supérieur à celui prévalant lors de la survenance de la lésion professionnelle.
[60] Le 14 novembre 2001, le conseiller en réadaptation analyse cette proposition de l’employeur en regard de la définition d’un emploi convenable édictée à l’article 2 de la loi qui se lit comme suit :
« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion.
[61] Le conseiller en réadaptation rappelle que l’emploi de camionneur que le travailleur occupait chez l’employeur lors de son accident du travail de décembre 2000 était déjà un emploi convenable déterminé suite à la consolidation d’une autre lésion professionnelle.
[62] Il précise que dans le cadre de la formation qui avait été autorisée pour le rendre capable d’exercer cet emploi convenable, la partie du programme traitant du transport aux États-Unis avait été retirée et l’emploi convenable retenu était celui de chauffeur de camion local seulement. Il ajoute que le travailleur est unilingue francophone et qu’il n’a jamais accepté de faire du transport autre que local. L’employeur, pour sa part, confirme que lorsqu’un voyage est disponible, les chauffeurs sont contactés selon leur ancienneté; si un chauffeur refuse cette affectation, il s’expose à des sanctions administratives pouvant aller jusqu’au congédiement.
[63] Après analyse de ces éléments, le conseiller en réadaptation conclut que le poste proposé par l’employeur n’est pas convenable pour le travailleur parce qu’il ne respecte pas la réalité de celui-ci et ses caractéristiques personnelles.
[64] Dans une décision rendue le 20 novembre 2001, le conseiller en réadaptation refuse de reconsidérer la décision du 9 octobre 2001 concernant la détermination d’un emploi convenable et la capacité du travailleur de l’exercer. Il précise que l’analyse du dossier et les éléments fournis ne justifient pas une reconsidération de cette décision puisque l’emploi offert n’est pas approprié pour le travailleur qui ne possède pas toutes les qualifications professionnelles nécessaires à l’exercice de cet emploi.
[65] La jurisprudence[4] a établi que pour considérer qu’un fait est essentiel au sens du deuxième alinéa de l’article 365 de la loi, il doit être existant au moment où fut rendue la décision qu’une partie veut faire reconsidérer.
[66] Dans le présent dossier, au moment où la CSST statue le 17 septembre 2001 sur le fait qu’il n’y a pas d’emploi disponible pour monsieur Perreault chez l’employeur, plusieurs postes ont été envisagés mais aucun n’a été retenu. Le poste de chauffeur de camion-citerne avait été analysé mais avait été écarté puisqu’il était incompatible avec les limitations fonctionnelles retenues et que, selon l’employeur, il ne pouvait être adapté.
[67] Lorsque la CSST statue le 9 octobre 2001 sur la capacité du travailleur d’exercer un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail, l’employeur n’a toujours pas identifié d’emploi que le travailleur pourrait occuper dans son entreprise. Ce n’est que lors de la conversation téléphonique du 23 octobre 2001 qu’il informe le conseiller en réadaptation d’une possibilité d’emploi, laquelle ne sera analysée que le 12 novembre 2001.
[68] Le tribunal rappelle que le processus de détermination d’un emploi convenable que le travailleur est capable d’occuper ailleurs que dans l’entreprise où est survenue sa lésion est prévu aux articles 166 à 178 de la loi.
[69] Dans le présent dossier, le conseiller en réadaptation s’est assuré, dans un premier temps, qu’il n’y avait pas d’emploi disponible pour monsieur Perreault chez l’employeur où était survenue la lésion. Il a alors vérifié s’il était possible d’adapter l’emploi que monsieur Perreault occupait au moment de sa lésion et si l’employeur avait un poste quelconque à offrir au travailleur. Ayant répondu à ces questions par la négative, le conseiller en réadaptation devait identifier un emploi que le travailleur était capable d’occuper ailleurs sur le marché du travail. Cette façon de procéder est conforme à ce que prévoit la loi.
[70] Dans ces circonstances, la Commission des lésions professionnelles conclut qu’à compter du 9 octobre 2001, le processus de réadaptation professionnelle devant mener à une décision déterminant un emploi convenable que le travailleur était capable d’occuper était terminé.
[71] À compter de ce moment, si l’employeur désirait proposer un emploi au travailleur, celui‑ci devait être analysé non pas dans le contexte de l’exercice du droit de retour au travail prévu à la loi mais comme tout autre emploi que le travailleur était susceptible d’occuper.
[72] En effet, bien que l’employeur ait fait cette proposition à l’intérieur du délai prévu à l’article 240 de la loi qui prévoit la période au cours de laquelle le travailleur victime d’une lésion professionnelle peut exercer son droit de retour au travail, le tribunal rappelle qu’il ne s’agit pas ici d’un emploi convenable identifié chez l’employeur qui devient disponible dans le délai prévu à l’article 240 de la loi et que le travailleur revendique.
[73] Les articles 236 et 240 de la loi encadrent le droit du travailleur de retourner, de façon prioritaire, chez l’employeur où il a subi une lésion professionnelle.
[74] Ces dispositions ne peuvent être alléguées par l’employeur qui a reconnu qu’il n’y avait aucun emploi disponible pour le travailleur au moment où cette analyse est faite dans le cadre du processus de réadaptation lorsque, par la suite et pour des raisons financières reliées aux coûts de la réadaptation, il considère qu’il serait dans son intérêt que le travailleur reprenne un emploi dans l’entreprise.
[75] Il était bien sûr possible pour l’employeur de proposer un nouvel emploi au travailleur après la détermination par la CSST d’un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail, ce qui aurait eu comme conséquence de limiter les coûts générés par la lésion professionnelle de cet employé. En effet, si cet emploi avait été accepté par le travailleur, la CSST aurait tenu compte des conditions de travail applicables et se serait prononcée sur le droit du travailleur à l’indemnité de remplacement du revenu.
[76] Or, dans le présent dossier, le travailleur n’a pas accepté l’offre d’emploi qui lui était faite et l’employeur n’ayant pas contesté en temps utile les décisions qui ont mené à la détermination d’un emploi convenable par la CSST, il ne peut invoquer les dispositions relatives au droit de retour au travail pour faire modifier celles-ci.
[77] La situation dans le présent dossier s’apparente à une demande faite par un employeur de modifier, en vertu de l’article 146 de la loi, le plan individualisé de réadaptation élaboré par la CSST en invoquant une conjoncture économique qui, lui étant favorable, l’amenait à proposer un emploi convenable. Dans une décision[5] rendue le 11 juillet 2002, la Commission des lésion professionnelles rappelle que l’employeur n’ayant pas contesté la décision de la CSST déterminant un emploi convenable et une mesure de réadaptation en vue de rendre la travailleuse capable d’occuper cet emploi, cette décision est devenue finale et devait être appliquée.
[78] Le fait que l’employeur ait par la suite réalisé les coûts engendrés par la détermination de l’emploi convenable et, dans le but de réduire ses cotisations, ait décidé d’offrir un poste à la travailleuse ne constitue pas, de l’avis du tribunal, une circonstance nouvelle au sens de l’article 146 de la loi qui fait référence aux besoins de la travailleuse susceptibles d’entraîner une modification de plan de réadaptation. Les extraits suivants de cette décision sont pertinents à la solution du présent litige :
[80] À quoi sert alors l’article 146 de la loi ? Les circonstances nouvelles ne font pas en sorte qu’un employeur qui connaît une reprise économique pourrait faire rouvrir et revoir un plan individualisé de réadaptation. Tel n’est pas le libellé privilégié par le législateur, pas plus d’ailleurs que l’interprétation jurisprudentielle que l’on doit retenir de cette loi qui n’a certes pas pour objet de permettre à la CSST de rendre des décisions déterminant des emplois convenables qu’elle pourrait modifier tout au long d’une période de plusieurs mois, se croyant justifiée de le faire puisqu’il n’y a pas de décision rendue sur la capacité à exercer l’emploi convenable.
[81] De l'avis du tribunal, cela va à l’encontre du principe fondamental relatif à la stabilité juridique des décisions rendues par un organisme public, comme la CSST. Ainsi, la CSST ne pouvait pas modifier le premier plan individualisé de réadaptation puisque ce plan correspondait au critère prévu à l’article 146 de la loi et qu’en ce faisant, la CSST permettait effectivement à l’employeur de contester hors délai la décision du 8 janvier 2001, ce qu’il n’a pas fait initialement.
[82] Des circonstances nouvelles ne font pas en sorte que la CSST puisse revoir son plan de travail au fur et à mesure des événements qui se présentent. D’autant plus, qu’une conjoncture économique peut, tant pour la travailleuse que pour un employeur, varier au fil des mois selon les aléas de l’économie.
[79] Compte tenu de ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles conclut que l’employeur ne pouvait, en proposant un éventuel emploi convenable disponible dans son entreprise, demander à la CSST de reconsidérer sa décision statuant sur la capacité du travailleur d’exercer un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
DOSSIER : 183408-63-0205
ACCUEILLE le moyen préliminaire soulevé par le représentant du travailleur, monsieur André Perreault;
Dossier DRA : 119869824-00002
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 16 avril 2002, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE irrecevable la demande de révision soumise le 31 octobre 2001 par l’employeur, Malo Transport (1971) inc, à l’encontre de la décision rendue par la CSST le 9 octobre 2001;
Dossier DRA : 119869824-00003
DÉCLARE irrecevable la demande de révision soumise par l’employeur le 23 novembre 2001 à l’encontre de la décision rendue par la CSST le 20 novembre 2001; et
Dossier DRA : 119869824-00004
PREND ACTE du désistement de l’employeur.
DOSSIER : 183367-63-0205
Compte tenu de la décision rendue par le tribunal dans le dossier 183408-63-0205, ce dossier sera entendu le 18 août 2003 avec l’accord des parties.
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DIANE BESSE |
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Commissaire |
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LAPORTE ET LAVALLÉE (Me André Laporte) |
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Représentant du travailleur |
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GCO SANTÉ ET SÉCURITÉ INC. (M. Gérald Corneau) |
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Représentant de l’employeur |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Malo Transport (1971) inc. et André Perreault, C.L.P. 161227-63-0105, 28 novembre 2001, R.‑M. Pelletier.
[3] Ville de Montréal et Caron, [1989] C.A.L.P. 382 ; Doiron et Briques Citadelle inc., [1991] C.A.L.P. 133 ; Girard et Aliments Culinar, [1992] C.A.L.P. 107 ; Charette et Général Motors du Canada ltée, [1995] C.A.L.P. 1106 ; Hydro-Québec et C.S.S.T., [1996] C.A.L.P. 1609 .
[4] Turenne et Sako Électrique (1986) ltée, C.A.L.P. 52603-60-9307, 26 août 1994, L. Boucher; Marenger et Développement Minier Canada, C.A.L.P. 41337-08-9205, 31 mars 1995, T. Giroux.
[5] McRae et Industries C.P.C. inc. et C.S.S.T., C.L.P. 172570-72-0111, 11 juillet 2002, D. Lévesque.
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