DÉCISION
[1] Le 10 avril 2002, monsieur Domenico Rocchi (le travailleur) dépose une requête auprès de la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative le 28 mars 2002.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision rendue initialement le 15 août 2001 et considère que le travailleur n’a pas été victime d’une lésion professionnelle sous forme d’une récidive, rechute ou aggravation le 2 mai 2001.
[3]
Par cette décision, la CSST confirme aussi une deuxième
décision rendue le 21 décembre 2001 et estime qu’à la suite de la demande du
travailleur du 10 décembre 2001 il n’y a pas lieu d’appliquer, en sa faveur,
l’article
[4] Une audience a lieu à Montréal le 24 septembre 2002 à laquelle assiste le travailleur représenté par Me Simone Bonenfant.
[5] Une date de fin d’enquête est fixée au 7 octobre 2002, à la demande de la procureure du travailleur qui désire produire une lettre déjà demandée au docteur Jean Lévesque et non disponible au moment de l’audience. Cette lettre ayant été déposée dans le délai imparti, la Commission des lésions professionnelles rend maintenant sa décision.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[6] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative le 28 mars 2002.
[7]
En premier lieu, le travailleur recherche comme conclusion de
déclarer qu’il a droit à l’application en sa faveur de l’article
[8] Subsidiairement, le travailleur demande de reconnaître qu’il a subi une lésion professionnelle le 2 mai 2001 sous forme d’une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale du 4 août 1998.
LES FAITS
[9] Le 4 août 1998, le travailleur fait une chute en bas d’une échelle. La même journée, il consulte le docteur Jean Lévesque qui diagnostique des contusions multiples.
[10] Le 11 avril 1999, le docteur Sylvain Gagnon, membre du Bureau d’évaluation médicale, retient comme diagnostic de la lésion professionnelle une entorse lombaire avec hernie discale lombaire au niveau de L5-S1 gauche, une contusion de l’épaule gauche et au poignet gauche résolue. Il s’agit d’une aggravation d’une condition personnelle de spondylolyse et spondylolisthésis avec une maladie dégénérative multiétagée.
[11] Le docteur Jean Lévesque émet un rapport médical final retenant le 25 septembre 1999 comme date de consolidation. Il prévoit une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[12] Le 12 octobre 1999, le docteur Morris Duhaime, chirurgien orthopédiste, complète un rapport d’évaluation médicale. Son examen clinique fait état des constatations médicales suivantes :
Examen de la colonne lombaire :
A l’examen de la colonne lombaire, il n’y a pas d’évidence de spasme musculaire.
A l’examen de la mobilité de la charnière lombo-sacrée, la flexion antérieure est limitée à 70°, l’extension est normale, les flexions latérales droite et gauche sont normales et les rotations droite et gauche sont également normales.
Le patient peut marcher sur la pointe des pieds et sur les talons sans difficulté.
Examen des membres inférieurs
En position assise sur le bord de la table d’examen, les réflexes ostéo-tendineux rotuliens et achilléens sont présents et symétriques.
En décubitus dorsal, l’élévation de la jambe gauche à 40° provoque une douleur dans le territoire du sciatique, commençant à la région lombaire, s’étendant à la région postérieure de la fesse gauche de même qu’au niveau du creux poplité et se prolongeant jusqu’au bord externe de la jambe. Il n’y a pas d’irradiation de la douleur au niveau du pied gauche.
Nous n’avons pas pu mettre en évidence de déficit de la sensibilité à la piqûre ou à la palpation.
[sic]
(Dossier C.L.P. pages 189 et 190)
[13] Le docteur Duhaime octroie un déficit anatomo-physiologique de 2% pour une hernie discale L5-S1 non opérée et de 3% pour une limitation de la flexion antérieure de la charnière lombo-sacrée à 70o. Il émet des limitations fonctionnelles qui se lisent ainsi :
Les limitations fonctionnelles sont les suivantes :
-éviter la position debout prolongée;
-éviter de monter et descendre des escaliers;
-éviter de monter dans des échelles, escabeaux et échafauds;
-éviter les mouvements de flexion/rotation de la charnière lombo-sacrée;
-éviter les mouvements d’extension/rotation de la charnière lombo-sacrée;
-éviter de lever des charges de plus de 20 kg.
(Dossier C.L.P. page 192)
[14] Le docteur Lévesque, dans un rapport complémentaire, daté du 1er novembre 1999, exprime son accord avec les conclusions du docteur Duhaime.
[15] Dans une décision rendue le 13 décembre 1999, la CSST reconnaît un pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique du travailleur de 5.75 % lui donnant droit à une indemnité pour dommages corporels.
[16] Le 10 décembre 1999, le travailleur est admis en réadaptation. La première rencontre avec sa conseillère en réadaptation a lieu le 17 décembre 1999. Il est dirigé vers un conseiller en orientation, monsieur Normand Leduc, qui produit un rapport d’orientation. Le 9 avril 2001, le travailleur téléphone à son agente de la CSST. Il se dit d’accord pour rencontrer un spécialiste dans le soutien de la recherche d’emploi au plus tard le 3 mai 2001, date de la fin de son année de recherche d’emploi.
[17] Puis, le 14 avril 2000, le travailleur est recommandé pour une évaluation pour formation et emploi dans le domaine de vente et représentation. Finalement, avec la collaboration et l’accord du travailleur, le 3 mai 2000, la CSST rend une décision, non contestée, retenant l’emploi de commis vendeur à titre d’emploi convenable que le travailleur est capable d’occuper à compter du 3 mai 2000. Le travailleur est également avisé que la CSST réduira, à compter du 2 mai 2001, son indemnité de remplacement du revenu.
[18] À l’audience, le travailleur témoigne qu’à la suite de la détermination de son emploi convenable de commis vendeur dans le domaine de la construction, il a entrepris plusieurs démarches d’emploi auprès de différents employeurs. À la fin avril 2001, il est embauché chez Rona comme commis vendeur dans le service de la peinture, à temps plein, à raison de 37 heures par semaine (pièce T - 1).
[19] Le 2 mai 2001, lors de sa première journée de travail depuis son accident du travail du 4 août 1998, le travailleur effectue son travail de commis vendeur dans le service de la peinture chez Rona. Lors de l’audience, le travailleur a décrit les tâches de travail exécutées. Il devait travailler debout, se pencher fréquemment pour aller chercher des gallons de peinture par terre ainsi qu’aller chercher des gallons de peinture sur des tablettes nécessitant de monter et descendre des marches sur un escabeau mobile très lourd. C’est dans ce contexte qu’à la fin de sa journée de travail, le travailleur témoigne que ses douleurs avaient augmenté considérablement, qu’il était « tout en sueur », qu’il ressentait des engourdissements et une « sorte de choc électrique dans tout le pied ». Il précise avoir terminé son horaire de travail[3]. Toutefois, il a de la difficulté à se rendre à son véhicule pour aller consulter à l’urgence de l’hôpital.
[20] Les notes de triage de l’urgence font état des constats suivants :
Dit avoir rechute de CSST du 4 août 1998… était suivi à la polyclinique Dr J. Lévesque…est venu ici cette nuit car souffrant…a recommencé à travailler hier et après sa journée avait mal au dos...
lombaire G bas...et irradiation épaule G ad cheville.
(Dossier C.L.P. page 199)
[21] On retrouve un examen clinique détaillé effectué par ce médecin démontrant, en position debout, une démarche sur les talons et la pointe des pieds normale ainsi que la présence d’une lombosciatalgie gauche avec un spasme musculaire lombo-sacré gauche. En position assise, les réflexes rotuliens et achilléens sont négatifs. En décubitus dorsal, le Lasègue semble à gauche à 20° bien que le tripode soit négatif. Les examens moteur et segmentaire sont normaux. Ce médecin indique à la case du diagnostic « entorse lombaire...rechute CSST...98-08-04 ? ». Il lui recommande de revoir son médecin, le docteur Lévesque, avant le 10 mai.
[22] Le 3 mai 2001, le travailleur consulte le docteur Jean-Claude Richer qui diagnostique une entorse lombaire. Il prescrit un arrêt de travail.
[23] Le 8 mai 2001, le docteur Lévesque indique qu’il ne veut pas prendre pas charge le travailleur. Il le dirige à un autre professionnel, le docteur Blanchard (pièce T-2).
[24] Le 10 mai 2001, le travailleur rencontre le docteur Blanchard, tel qu’il appert des notes déposées à l’audience (cote T-2 en liasse). Ce dernier note que le travailleur est suivi par le docteur Lévesque pour une entorse lombaire depuis 1998. Il souligne que le travailleur a repris un nouvel emploi de commis-vendeur le 2 mai 2001 et que ce retour s’est fait à la suite de la recommandation de la CSST. Son examen clinique fait état d’un Lasègue équivoque. Il écrit quant à la conduite dans ce dossier « cas tribunal CSST probable ». Puis, il le dirige vers le docteur Lévesque qui est son médecin.
[25] Le 15 mai 2001, le docteur Lévesque écrit dans son rapport médical : « rechute entorse et ITT indéterminée ». Il lui recommande de consulter un autre médecin.
[26] Le travailleur témoigne être retourné voir le docteur Lévesque qui l’a alors dirigé vers le docteur Larouche qu’il a rencontré le 28 mai 2001 (pièce T-2 en liasse). Ce dernier diagnostique une entorse lombaire. Le travailleur témoigne que ce médecin aurait également refusé de le prendre en charge puisqu’il ne « faisait pas de cas de CSST ». Il l’aurait de nouveau retourné consulter le docteur Lévesque.
[27] À ce sujet, le dossier révèle que le 22 juin 2001, l’agente de la CSST communique avec le docteur Larouche qui lui mentionne que le travailleur lui fut recommandé par le docteur Lévesque. Or, il ne connaissait pas son dossier CSST. Ce médecin mentionne qu’il a tenté pendant trois semaines de rejoindre le travailleur chez lui, sans y parvenir. Il se questionnait quant au fait que : « si le travailleur était souffrant, comment pouvait-il ne pas être chez lui pendant tout ce temps? » À cette date, la CSST informe le docteur Larouche qu’elle n’a toujours pas de réclamation du travailleur pour traiter d’un événement puisque le travailleur lui avait déclaré que le 2 mai 2001, alors qu’il était chez Rona, « en montant au troisième barreau d’une échelle, il a barré ».
[28] Interrogé à savoir que le docteur Larouche aurait tenté de le rencontrer à plusieurs reprises, comme il est mentionné dans les notes évolutives, le travailleur mentionne que jamais ce médecin n’aurait laissé de message sur son répondeur ou même tenté de le rejoindre.
[29] Le 28 juin 2001, le docteur Lévesque confirme de nouveau ne pas vouloir s’occuper de son dossier CSST.
[30] Le 18 juillet 2001, l’agente de la CSST écrit dans ses notes évolutives que l’employeur lui a téléphoné dans le but d’avoir un suivi du dossier, car il n’a aucune nouvelle du travailleur. Celui-ci indique que le travailleur aurait travaillé de 16 h à 21 h 13, le 2 mai 2001, et aurait signifié qu’il avait de la « misère à rester debout sur du ciment » sans décrire aucun fait accidentel.
[31] Le 7 août 2001, l’agente de la CSST note aussi dans le dossier que lorsque le travailleur s’est trouvé un emploi chez Rona, il n’a pas parlé de son dossier CSST ni mentionné ses limitations fonctionnelles à cet employeur.
[32]
Le 14 août 2001, le travailleur discute avec sa conseillère en
réadaptation de l’emploi convenable ainsi que de l’application de l’article
[33] Le 14 août 2001, le médecin régional de la CSST, le docteur M. Sklar, conclut à l’absence de signe objectif d’aggravation. Il considère que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 2 mai 2001.
[34] Le 15 août 2001, la CSST rend une décision dans laquelle elle considère que le travailleur n’a pas été victime de lésion professionnelle le 2 mai 2001 sous forme de récidive, rechute ou aggravation. Cette décision est maintenue à la suite d’une révision administrative le 28 mars 2002. Elle fait l’objet du premier litige.
[35] Puis, le travailleur téléphone à la FATA qui le dirige vers l’UTAM. Le travailleur témoigne que le 25 septembre 2001 la FATA l’avait référé à l’UTAM qui lui avait alors donné le nom d’un médecin afin d’assurer le suivi médical de son dossier. C’est ainsi qu’il a consulté le docteur Maurice Caron.
[36] Le 4 septembre 2001, le travailleur témoigne avoir rencontré le docteur Caron (qui ne produit aucun rapport médical sur un formulaire destiné à la CSST à cette date)[4]. Les 27 septembre 2001 et 24 octobre 2001, le docteur Caron produit des rapports médicaux pour des diagnostics de hernie discale au niveau de L5-S1 gauche et une lombosciatalgie gauche.
[37] Le 6 novembre 2001, le docteur Caron estime que le travailleur n’est pas en mesure d’occuper l’emploi convenable de commis-vendeur. Il considère que ses tâches de travail supposent d’être capable de rester debout durant de longues périodes et que, de plus, le travailleur devait monter et descendre des escabeaux. Ces deux éléments vont à l’encontre de ses limitations fonctionnelles et justifie l’abandon par le travailleur de son emploi de commis-vendeur .
[38] L’examen clinique du docteur Caron révèle :
Monsieur Rocchi demeure avec une ankylose en flexion antérieure (-30o) et en extension (5o). Le tripode se réalise à 90o à droite et à 80o à gauche. L’élévation de la jambe tendue atteint 50o à gauche et 65o à droite. On note une hypoesthésie à la face antérieure du pied gauche. Les douleurs sont augmentées par la station debout, les flexions, extensions et torsions du tronc. Monsieur Rocchi accuse de plus d’une lomboscialgie gauche avec choc électrique ressenti à la cuisse, à la jambe et à la cheville gauche.
(Dossier C.L.P. pages 203 et 204 )
[39]
Le 21 décembre 2001, la CSST refuse d’appliquer en faveur du
travailleur l’article
[40] Le 8 janvier 2002, à la demande du docteur Caron, le docteur R. Morcos, neurologue, avant de procéder à l’électromyographie fait état des constatations et de l’examen clinique suivants :
[…]
Le patient rapporte des lombalgies suite à la chute et une semaine plus tard à la marche ou lorsqu'il est debout, il note une sensation électrique en latéral du membre inférieur gauche jusqu’à la cheville et il rapporte aussi des engourdissements avec diminution de sensation au fessier haut du côté gauche. Depuis six mois, il note aussi l’apparition lorsqu’il est debout de façon prolongée de symptômes de sensation électrique et de malaises irradiant en latéral du membre inférieur droit à la cuisse mais pas plus distalement. Il ne décrit pas de déficit du tact superficiel à ce niveau. Il ne note pas de faiblesse musculaire aux membres inférieurs.
À l’examen physique aujourd’hui, on note une légère relâche de contraction au tibialis antérior gauche et à un degré moindre droit aux tentatives de marche sur les talons. Il parvient à marcher sur le bout des pieds et à se relever d’une position semi-accroupie. Les réflexes ostéo-tendineux sont présents et symétriques aux rotuléens et aquiléens gauches et droits. Le sens proprioceptif est bien préservé aux gros orteils littéralement. Il y a réduction de sensation au tact è tous les segments du membre inférieur gauche par rapport au côté droit et à l’aiguille aux segments sous le niveau du genou gauche par rapport au côté droit.
(Dossier C.L.P. page 206)
[41] Le docteur Morcos interprète ainsi l’étude électromyographique pour un diagnostic de « lombosciatalgie bilatérale » :
IMPRESSION : Cette étude électrophysiologique démontre des conductions nerveuses sensitivomotrices et des latences des ondes F normales et comparables de tous les segments des membres inférieurs gauche et droit. L’analyse électromyographique des divers muscles étudiés aux membres inférieurs gauche et droit n’a révélé aucune dénervation pour suggérer la présence d’une lésion radiculaire ou périphérique destructive. L’activité de dénervation légère précédemment enregistrée au tibialis antérior gauche n’est pas observée à l’examen d’aujourd’hui.
(Dossier C.L.P. page 207)
[42] Le travailleur témoigne que le 2 mai 2001 son état de santé était différent de celui présent lors de son accident de travail. À compter de cette date, son endurance était moindre et il devait s’asseoir fréquemment. La douleur arrêtait avant au genou tandis qu’après mai 2001 elle irradiait jusqu’au pied. Enfin, il a constaté la présence, nouvelle, d’engourdissements au fessier droit.
L’AVIS DES MEMBRES
[43]
Le membre issu des associations d’employeurs est d'avis que le
travailleur ne remplit pas les trois conditions prévues à l’article
[44]
Le membre issu des associations syndicales est d’avis que les
critères de l’article
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[45] En l’instance, la Commission des lésions professionnelles doit décider des deux objets en litige dont elle est présentement saisie.
1. Lésion alléguée en date du 2 mai 2001
[46] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle sous forme d’une récidive, rechute ou aggravation le 2 mai 2001.
[47]
La Commission des lésions professionnelles se réfère à la
définition de lésion professionnelle que l'on retrouve à l’article
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
«lésion professionnelle»: une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, rechute ou l'aggravation;
[48] Toutefois, les notions de récidive, rechute ou aggravation ne sont pas définies dans la loi. La jurisprudence[6] de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel), reprise par celle de la Commission des lésions professionnelles, précise qu’il y a lieu de retenir le sens courant des termes, soit une « reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes ».
[49] La jurisprudence a également établi qu’il y a lieu de démontrer, par une preuve prépondérante de nature médicale, la relation causale entre la récidive, rechute ou aggravation et l’événement d’origine.
[50] Pour permettre de déterminer l’existence d’une telle relation, la jurisprudence[7] a identifié plusieurs critères qui, sans être limitatifs et exhaustifs, peuvent se résumer ainsi :
1. La gravité de la lésion initiale;
2. La continuité de la symptomatologie;
3. L’existence ou non d’un suivi médical;
4. Le retour au travail avec ou sans limitations fonctionnelles;
5. La présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique;
6. La présence ou l’absence d’une condition personnelle;
7. La compatibilité de la symptomatologie alléguée lors de la récidive, rechute ou aggravation avec la nature de la lésion initiale; et
8. Le délai entre la récidive, rechute ou aggravation alléguée et la lésion initiale.
[51] La jurisprudence a également précisé qu’aucun de ces critères n’est, à lui seul, déterminant et qu’il n’est pas possible de les graduer selon une échelle de valeur puisque chacun a une valeur pouvant différer d’un dossier à l’autre[8].
[52] À la suite de l’examen de la preuve médicale, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le travailleur n’a pas démontré avoir été victime d’une lésion professionnelle le 2 mai 2001 avec sa lésion professionnelle initiale du 4 août 1998.
[53] La Commission des lésions professionnelles retient de la preuve deux faits non contestés :
1) Après une absence d’environ 34 mois du marché du travail (soit plus de 2 ¾ ans après son accident du travail), le travailleur retourne au travail le 2 mai 2001;
2) Le 2 mai 2001, constitue la date à laquelle son indemnité de remplacement du revenu est réduite.
[54] La preuve révèle également que le diagnostic de la lésion professionnelle initiale du 4 août 1998 est celui d’« entorse lombaire avec hernie discale au niveau de L5-S1 gauche accompagnée d'une aggravation d’une condition personnelle de spondylolyse et spondylolisthésis avec une maladie discale dégénérative multiétagée ». Cette lésion est consolidée par le médecin qui a charge, le docteur Lévesque, le 25 septembre 1999.
[55] Le 12 octobre 1999, dans son rapport d’évaluation médicale, le docteur Duhaime octroie un déficit anatomo-physiologique de 5 % ainsi que des limitations fonctionnelles.
[56] Du 12 octobre 1999 jusqu’à l’arrêt de travail du 2 mai 2001, le tribunal constate l’absence d’un suivi médical pendant plus de 18 mois.
[57] De plus, la Commission des lésions professionnelles constate qu’à compter du 2 mai 2001, il n’y a aucun traitement prescrit.
[58] Le tribunal constate également que de façon contemporaine à l’arrêt de travail du 2 mai 2001, le premier examen clinique n’apporte aucun élément permettant de constater une aggravation de l’état du travailleur en mai 2001. Le médecin de l’urgence avait conseillé au travailleur de revoir le docteur Lévesque qui, le 15 mai 2001, n’apporte aucun élément additionnel dans le dossier pour conclure à la présence d’une aggravation objective de l’état du travailleur.
[59] La Commission des lésions professionnelles retient comme étant prépondérant l’examen clinique, effectué le 2 mai 1999, qui s’est révélé négatif sauf pour la présence d’un spasme musculaire qui, en l’absence d’autres données, notamment des amplitudes de mouvements limités, est insuffisant pour conclure à un état d’aggravation dans le dossier. Cet examen clinique est d’ailleurs superposable à celui effectué par le docteur Duhaime, le 12 octobre 1999, lorsqu’il a évalué les séquelles découlant de la lésion professionnelle initiale.
[60] Examinons maintenant l’expertise du docteur Caron datée du 6 novembre 2001. Démontre-t-elle la présence d’une aggravation de l’état du travailleur en date du 2 mai 2001? La Commission des lésions professionnelles répond négativement à cette question pour les motifs suivants :
1. L’examen clinique du docteur Caron, effectué le 6 novembre 2001, a été réalisé plus de six mois après que le travailleur ait cessé le travail alléguant avoir subi une récidive, rechute ou aggravation le 2 mai 2001.
2. Le but de cette expertise était de démontrer que le travailleur n’était pas en mesure d’occuper son emploi convenable étant donné que les limitations fonctionnelles n’étaient pas respectées. Or, ceci ne constitue pas une preuve de la présence d'une récidive, rechute ou aggravation au moment de la cessation du travail le 2 mai 2001.
3. Dans son examen clinique, le docteur Caron mentionne que les douleurs du travailleur sont augmentées par une station debout et flexions, extensions et torsions du tronc. Deux remarques s’imposent, la première à savoir que le docteur Caron n’a pas noté d’amplitudes limitées dans les mouvements qui auraient pu justifier l’augmentation des séquelles. Il faut constater d’ailleurs que le docteur Caron n’a pas augmenté les séquelles initiales. La deuxième remarque découle du fait que la douleur rapportée par le travailleur relève d’une constatation purement subjective et non objective. Ceci ne constitue pas un critère d’aggravation objective de la lésion professionnelle initiale.
4. Le docteur Caron rapporte la présente d’une hypoesthésie à la face antérieure du pied gauche, ce qui est contredit par la prépondérance de la preuve médicale, notamment par l’examen du 2 mai 2001 qui démontrait que le travailleur avait une démarche normale sur les talons et la pointe des pieds. En outre, le 8 janvier 2002, le docteur Morcos, neurologue, mentionnait que le travailleur parvenait à marcher sur le bout des pieds ainsi qu’à se relever d’une position semi-accroupie, tout comme l’avait d’ailleurs noté le docteur Duhaime à la suite de la lésion professionnelle initiale.
5. Le docteur Caron parle maintenant d’une douleur irradiant du côté droit qui ne constitue pas le même site de la lésion professionnelle initiale en novembre 2001 que celui noté en 1999. Par ailleurs, le docteur Morcos, en janvier 2002, concluait à une étude électrophysiologique normale pour tous les segments des membres inférieurs et aucune dénervation pour suggérer la présence d’une lésion radiculaire ou périphérique destructive. Tout au plus, note-t-il une légère dénervation, précédemment enregistrée au « tibialis antérior » gauche qu’il n’a toutefois pas pu constater à son examen à cette date.
[61] Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur, n'ayant pas subi de «reprise évolutive, de réapparition ou de recrudescence de sa lésion professionnelle initiale ou de ses symptômes» le 2 mai 2001, n’a donc pas été victime d’une lésion professionnelle admissible à titre de rechute, récidive ou aggravation à cette date.
[62]
De l’avis du tribunal les commentaires du docteur Caron, dans
son expertise médicale, visaient plutôt à démontrer que le travailleur n’était
pas en mesure d’occuper son emploi convenable étant donné que les limitations
fonctionnelles n’étaient pas respectées.
À l’audience, le travailleur invoque d’ailleurs son incapacité
d’effectuer l’emploi convenable en raison de ses limitations
fonctionnelles Ainsi, à compter du 2
mai 2001, vu l’absence de preuve objective d’aggravation, le tribunal estime
qu’il s’agit en fait d’une demande, non pas relative à une récidive, rechute ou
aggravation le 2 mai 2001, mais plutôt d’une demande en vertu de l’article
2. L’application
de l’article
[63] En l’instance, la Commission des lésions professionnelles va décider si le travailleur a droit aux bénéfices de l’application de l’article 51 en sa faveur.
[64]
L’article
51. Le travailleur qui occupe à plein temps un emploi convenable et qui, dans les deux ans suivant la date où il a commencé à l'exercer, doit abandonner cet emploi selon l'avis du médecin qui en a charge récupère son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 et aux autres prestations prévues par la présente loi.
Le premier alinéa ne s'applique que si le médecin qui a charge du travailleur est d'avis que celui‑ci n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper cet emploi convenable ou que cet emploi convenable comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur.
________
1985, c. 6, a. 51.
[65] Le premier critère consiste à déterminer si le travailleur occupait un emploi convenable. La preuve révèle que le 3 mai 2000, la CSST a rendu une décision retenant l’emploi de commis-vendeur à titre d’emploi convenable que le travailleur était capable d’occuper à compter du 3 mai 2000. Cette décision n’a pas été contestée par le travailleur. Le témoignage du travailleur révèle qu’il aurait été embauché chez Rona à la fin d’avril 2001 à titre de commis-vendeur dans le service de la peinture. De cette preuve, le tribunal conclut que le travailleur occupait effectivement un emploi convenable.
[66] Quant au deuxième critère, la Commission des lésions professionnelles est d'avis que le travailleur occupait un emploi convenable « à temps plein » le 2 mai 2001. D’une part, la preuve démontre que le travailleur a effectué une seule journée de travail complète à titre de commis-vendeur, selon sa déclaration et celle de l’employeur au dossier, corroborées par le dépôt de la pièce T-1. D’autre part, selon la preuve dont dispose le tribunal, le travailleur avait effectivement été embauché pour un emploi à temps plein chez Rona.
[67] Toutefois, le troisième critère n’est pas rencontré puisque le travailleur doit abandonner son emploi en fournissant un avis de son médecin qui a charge afin de récupérer son droit aux indemnités de remplacement du revenu. Cet avis doit indiquer que le travailleur n’est pas raisonnablement en mesure d’occuper cet emploi convenable ou que cet emploi convenable comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique du travailleur.
[68]
À ce sujet, le tribunal retient cinq motifs qui se dégagent de
la preuve permettant de conclure qu’il n’y a eu aucun avis, conforme à
l'article
1. Le 2 mai 2001, de son arrêt de travail, le travailleur n’avait pas demandé l’avis de son médecin qui a charge ni à quelque autre médecin mentionnant qu’il pouvait abandonner son emploi convenable en raison du fait que le travailleur n’était pas raisonnablement en mesure d’occuper cet emploi convenable, ou que cet emploi convenable comportait un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique.
2. Le 15 mai 2001, le travailleur consulte le docteur Lévesque, jusque-là son médecin qui a charge, qui n’émet aucun avis conforme à l’article 51 puisqu’à cette date, il recommande au travailleur de consulter un autre médecin. La preuve est claire voulant que le docteur Lévesque ait refusé de continuer d’être le médecin qui a charge du travailleur, telle que confirmée par le dépôt après l’audience de sa lettre (datée du 30 septembre 2002).
3. Tous les médecins consultés à compter du 2 mai 2001, soit les médecins de l’urgence, les docteurs Richer, Blanchard et Larouche, le retournent au docteur Lévesque puisque aucun d’eux ne veut prendre charge du travailleur. De plus, aucun de ces médecins n’émet un avis conforme à l’article 51.
4. Du 28 juin 2001 au 24 septembre 2001[9], il y a absence de suivi médical. Pourtant, pendant cette période, le travailleur disposait d’environ trois mois pour obtenir un avis afin de justifier son arrêt de travail en vertu de l’article 51.
5. C’est seulement, le 6 novembre 2001, soit plus de six mois après que le travailleur ait cessé le travail (le 2 mai 2001), qu’un médecin, le docteur Caron, pour la première fois estime que le travailleur n’est pas raisonnablement en mesure d’occuper un emploi convenable de commis-vendeur et que cet emploi convenable comporte un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique vu le non respect des limitations fonctionnelles.
6. Cette opinion du docteur Caron du 6 novembre 2001 est soumise environ un mois et demi après que la CSST ait refusé, le 15 août 2001, d’appliquer l’article 51. Le 15 août, la CSST a refusé au motif qu’il n’y avait pas à cette date d’avis d’un médecin (qui a charge ou autre) et que, de plus, le travailleur n’occupait pas un emploi convenable à temps plein.
[69]
De ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles
estime que l'opinion du docteur Caron du 6 novembre 2001 ne constitue pas un
avis conforme à celui requis à l’article
[70]
La Commission des lésions professionnelles conclut que les
critères prévus à l’article
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Domenico Rocchi du 10 avril 2002;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative le 28 mars 2002;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas été victime d’une lésion professionnelle le 2 mai 2001; et
DÉCLARE qu’il
n’y a pas lieu d’appliquer en sa faveur l’article
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Me Doris Lévesque |
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Commissaire |
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DESROCHERS, MONGEON, BONENFANT (Me Simone Bonenfant) |
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Représentante de la partie requérante |
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[1] L.R.Q. c. A-3.001.
[2] Korn et Commission des Écoles
catholiques de Montréal, C.A.L.P.,
[3] Dans sa décision en révision administrative du 28 mars 2002, la CSST avait mentionné que le travailleur n'avait pas terminé sa journée de travail le 2 mai 2001 (voir à la page 243 du dossier CLP).
[4] Toutefois, il semble y avoir une confusion de la part du travailleur quant aux dates puisque si le travailleur affirme avoir consulté le docteur Caron le 4 septembre 2001, il n’a pu obtenir le nom de ce dernier médecin le 29 septembre 2001.
[5] L.R.Q., c. A-3.001.
[6] Voir les affaires Lapointe et
Compagnie minière Québec-Cartier
[7] Boisvert et Halco
[8] Voir Pelletier
et Pelletier & Associés
[9] Même si le travailleur mentionne avoir consulté le docteur Caron pour la première fois le 4 septembre 2001, il n’y a aucun rapport médical à cette date, qui d’ailleurs ne coïncide pas avec la trame des faits narrée par le travailleur à savoir que c’est à la fin de septembre 2001 que l’UTAM lui aurait suggéré de consulter le docteur Caron dont on dispose un rapport médical daté du 27 septembre 2001.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.