Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Yamaska

SAINT-HYACINTHE

 

Le

14 mai 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

176684-62B-0201

DEVANT la COMMISSAIRE :

Nicole Blanchard, avocate

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉe DES MEMBRES :

Nicole Généreux

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Lucy Mousseau

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

115738536

AUDIENCES TENUES LES :

30 octobre 2002

18 décembre 2002

 

 

 

 

 

EN DÉLIBÉRÉ LE :

28 janvier 2003

 

 

 

 

 

 

À :

SAINT-HYACINTHE

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ALAIN PION

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

BOIS JLP INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ

ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 22 janvier 2002, monsieur Alain Pion (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 28 décembre 2001 à la suite d’une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST confirme celles qu’elle a initialement rendues les 17 et 19 juillet 2001 et déclare que, puisque le travailleur lui a fourni des renseignements inexacts, il cesse de bénéficier de l’indemnité de remplacement du revenu (IRR) à compter du 17 juillet 2001. Aussi, le considérant capable d’exercer son emploi habituel depuis le 1er juin 2001, elle lui réclame la somme de 2 552,08 $, correspondant au montant perçu à titre d’IRR pour la période du 1er juin au 16 juillet 2001.

L'OBJET DE LA REQUÊTE

[3]               Le travailleur est d’avis qu’il n’a fourni aucun renseignement inexact à la CSST et qu’ainsi, la suspension de son IRR n’est pas fondée. Il maintient que, le 1er juin 2001, il était toujours incapable d’exercer son emploi de classificateur de bois chez l’employeur et qu’il n’a pas à rembourser quelque somme d’argent que ce soit à la CSST.

LES FAITS

[4]               Le 26 octobre 1998, alors que le travailleur occupe un poste de classificateur de bois fini chez l’employeur, il est victime d’un accident du travail. En déplaçant un convoyeur, il s’est infligé une hernie discale et il a subi une discoïdectomie le 11 juin 1999. Tout le suivi médical est au dossier de la CSST.

[5]               En octobre 2000, le docteur Line Jacques, neurochirurgienne, réfère le travailleur à madame Caroline Potvin, neuropsychologue, afin que celle-ci procède à une évaluation psychologique du travailleur et émette une opinion relativement au projet d’implantation d’un neurostimulateur épidural. Après questionnement du travailleur, madame Potvin conclut qu’il n’y a pas de contre-indication pour procéder à l’implantation du neurostimulateur. Ainsi, l’implantation a lieu le 16 octobre et à compter de cette date, et ce à tous les mois, le travailleur doit revoir le docteur Jacques pour procéder à l’ajustement du neurostimulateur.

 

[6]               Les 1er et 2 juin 2001, à la suite d’un appel anonyme mentionnant que le travailleur s’adonne à des activités incompatibles avec son état de santé, comme se promener en 4 roues, aller à la pêche, à la chasse, l’employeur donne mandat à une compagnie d’enquête afin de vérifier les allées et venues du travailleur.

[7]               Le rapport écrit de surveillance de Sec Pro inc. est daté du 8 juin 2001. Il est accompagné d’une cassette vidéo que la Commission des lésions professionnelles a visionnée lors de l’audience. Durant la première journée de la filature, entre autres, on voit le travailleur installer une boule de remorque à l’arrière de son véhicule. Une fois cette opération terminée, il tire une remorque avec un bateau dessus pour l’amener près de son véhicule et l’attacher à la boule de la voiture. Ensuite, il attache de façon sécuritaire le bateau à la remorque. L’opération complète, soit de l’installation de la boule au départ du véhicule pour mise à l’eau, est filmée de 10h47 à 11h05. Puis, on voit le travailleur conduire son véhicule jusqu’à la rivière Yamaska. Arrivée à destination, il met l’embarcation sur l’eau et il navigue. Pour procéder à un ajustement, il lèvera le moteur.

[8]               Lors de la deuxième journée, on voit le travailleur passer le coupe bordure autour de bâtiments, puis balayer le gazon accumulé sur les trottoirs. Une fois terminé, il nettoie ses bottes et son bas de pantalon. Toute l’opération est filmée de 10h57 à 11h19. Ensuite, il ouvre et ferme des portes de garage et corde du bois dans un garage durant une dizaine de minutes. Puis, à l’aide d’une scie à chaîne, il coupe une embarcation en morceau. À quelques reprises, il éprouve de la difficulté à faire démarrer la scie. On le voit alors tirer sur la corde de démarrage à plusieurs reprises. Aussi, si le morceau qu’il vient de couper ne cède pas, on le voit donner des coups de pied sur l’embarcation pour arriver à cette fin. Le bois qui vient d’être coupé est entré dans le garage. Ce démantèlement de la chaloupe a été filmé de 11h46 à 12h02 et de 13h40 à 14h50. 

[9]               Parallèlement à cette enquête, l’employeur a demandé au docteur Paul 0. Nadeau, orthopédiste, d’examiner le travailleur. Il avait comme mandat de se prononcer sur les cinq points de l’article 212 de la loi. Ce dernier conclut à un diagnostic de post-discoïdectomie L4-L5 gauche, consolidée à la date de son examen, soit le 26 juin 2001. Il est d’avis que la lésion professionnelle entraîne une atteinte permanente de 10 % et des limitations fonctionnelles de classe 1. Quoique ces conclusions diffèrent de celles du médecin traitant, il n’y a pas eu de demande d’évaluation médicale. Ce médecin écrit ceci à son rapport :

Activités quotidiennes actuelles :

Monsieur vit à la maison. Il ne fait aucune activité de la vie quotidienne. Il peut mettre les vidanges à l’occasion. Il ne fait aucun sport. Monsieur me dit qu’il faisait de la chasse. Il n’en fait plus. Il aura été quelques fois à la pêche. Il n’a aucun loisir et ne fait aucune activité physique.

[10]           Le 15 juin 2001, une rencontre a eu lieu entre le travailleur et son employeur, monsieur François Rochon. Un rapport écrit de cette rencontre, rédigé par monsieur Rochon, se trouve au dossier de la CSST. Interrogé sur sa condition physique, monsieur Rochon écrit que le travailleur lui mentionne prendre 11 sortes différentes de médicaments à tous les jours, dont de la morphine et que son neurostimulateur lui a permis de marcher, parce qu’avant de l’avoir, il a été trois mois au lit. Quant aux activités qu’il fait, monsieur Rochon écrit que le travailleur lui répond qu’il ne peut plus aller à la chasse. Quant à la pêche, il rapporte que le travailleur lui a dit en faire un peu, mais pas trop vite. À la question « Est-ce que tu es capable de faire des flexions », l’employeur écrit à son rapport que le travailleur lui a répondu « non, je ne suis pas capable ».

[11]           Le 11 juillet 2001, une rencontre a eu lieu entre l’employeur et la CSST. Après visionnement de la casette vidéo et lecture de l’expertise médicale du docteur Nadeau, la CSST a convoqué le travailleur à ses bureaux pour le 17 juillet. Le résumé de cette rencontre est reproduit aux notes évolutives du dossier. Il y est écrit que lors de cette rencontre, le travailleur a informé la CSST qu’il devrait passer d’autres examens au mois d’août qui mèneront possiblement à une autre intervention chirurgicale, puisque la première intervention et le neurostimulateur n’ont pas beaucoup amélioré sa condition, mis à part que cela lui a permis de marcher.

[12]           Questionné sur ses activités, l’agent rapporte à ses notes que le travailleur lui dit ne pas faire grand chose, principalement du repos et un peu de bateau à l’occasion. Il dit avoir trop de douleurs et limitations pour faire autre chose. Lorsque confronté au fait que des gens prétendent qu’il fait de la chasse et de la pêche, il dit être allé à la pêche une fois avec son fils, ne pouvant quand même pas rester au repos constamment. Lorsque la CSST lui indique qu’elle a entre ses mains une enquête démontrant qu’il est plus actif qu’il ne le prétend, il dit pouvoir s’activer un peu à l’occasion dans la mesure où il peut prendre des temps d’arrêt pour se reposer. Sur ce, il est question de la démolition du vieux bateau qu’il aurait faite avec une scie mécanique vers le 2 juin 2001. À ceci, le travailleur dit que ce travail n’a pas duré très longtemps alors que l’agent au dossier, écrit que, dans les faits, il a été en mesure de travailler aisément plusieurs heures.

[13]           À la suite de cette rencontre, une copie de la cassette vidéo a été envoyée au travailleur et une décision a été rendue, par laquelle la CSST suspend les IRR du travailleur à compter du 17 juillet. Comme elle considère que le travailleur lui a fourni des renseignements inexacts relativement à sa condition médicale, la CSST applique l’article 142 de la loi.

 

[14]           Le 19 juillet 2001, la CSST rend une autre décision. Considérant que le travailleur était en mesure d’exercer son emploi habituel en date du 1er juin 2001 et qu’il a omis d’informer la CSST de sa condition actuelle, elle lui réclame la somme de 2 552,08 $ couvrant la période du 1er juin au 16 juillet 2001.

[15]           Le 31 juillet 2001, le travailleur demande la révision des décisions de la CSST datées des 17 et 19 juillet 2001.

[16]           Le 2 août 2001, le docteur Jacques remplit le rapport final consolidant la lésion avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles. Elle retient le diagnostic de status post-discoïdectomie et syndrome douloureux chronique. Elle indique qu’elle produira le rapport d’évaluation médicale.

[17]           Le 28 décembre 2001, analysant la demande de révision du travailleur, la CSST, en révision administrative, confirme ses décision des 17 et 19 juillet 2001 et déclare que le travailleur, qui a fourni à la CSST des renseignement inexacts, cesse de bénéficier de l’IRR à compter du 17 juillet 2001. Il y est écrit : « Selon les éléments au dossier, il appert que le travailleur a omis de fournir les renseignements exacts liés à l’évolution réelle de son état de santé. En effet, ces éléments au dossier indiquent que le travailleur a recouvré une partie de ses moyens physiques au delà de ce que celui-ci laissait accroire. » (sic) Compte tenu de l’ensemble des éléments factuels au dossier et de la précédente décision, elle déclare aussi que le travailleur est capable d’exercer son emploi habituel depuis le 1er juin 2001 et qu’en conséquence, la CSST est bien fondée de lui réclamer le remboursement de la somme de 2 552,08 $, correspondant à l’IRR perçu durant la période du 1er juin au 16 juillet 2001.

[18]           Le 22 janvier 2002, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision rendue par la CSST le 28 décembre 2001 à la suite d’une révision administrative.

[19]           À l’audience, en plus de la cassette vidéo visionnée par la Commission des lésions professionnelles, le tribunal a entendu le témoignage de l’enquêteur, lequel a commenté son rapport et décrit les activités accomplies par le travailleur. Pour sa part, le travailleur a admis avoir accompli toutes les activités filmées sur le vidéo, mais il apporte les précisions suivantes. Concernant la remorque qu’il a installée sur son véhicule, il dit qu’il n’a eu à la déplacer que sur une distance de 5 ou 6 pieds et que cela ne lui a pris qu’environ 4 minutes pour faire cette installation. Pour ce qui est du bois qu’il a cordé, il mentionne qu’il s’agissait de planches et de petits rondins pas pesant du tout, le tout devant servir pour un foyer extérieur. Lorsqu’on le voit ouvrir et fermer la porte du garage, il fait remarquer que celle-ci est coulissante et qu’il n’a à fournir aucun effort, allant même jusqu’à dire que c’est si facile qu’un enfant peut même le faire.

[20]           Il précise que le coupe bordure qu’il utilisait est à essence et pèse entre 6 et 7 livres. Pour ce qui est de la scie à chaîne, elle pèse entre 7 et 8 livres. La chaloupe qu’il coupait, dit-il, était faite en vinyle avec une mince couche de fibre de verre. Il ajoute que s’il a été capable d’accomplir ces activités, c’est en raison de la prise de médicaments qui calme sa douleur. Il dit en prendre quotidiennement 11 sortes différentes. Certains jours, il dit être incapable de faire des flexions. Il a de bonnes journées et de mauvaises; celles filmées sont le reflet d’une bonne journée. Lorsqu’il accomplit une activité, il dit aller à son rythme. Son représentant a déposé une photocopie des reçus de pharmacie démontrant les médicaments qu’il prend et la description de chaque médicament provenant du Compendium des produits pharmaceutiques. Le travailleur témoigne du fait qu’il ne peut reprendre son travail chez l’employeur, compte tenu qu’il ne peut travailler sous l’influence de narcotiques. À cet effet, son représentant dépose copie de la politique de mesures disciplinaires chez l’employeur, où il est écrit que l’employeur ne peut maintenir à son emploi, un employé qui commet des manquements graves qui ont pour effet, entre autres, de compromettre la sécurité des personnes et la protection des biens de l’entreprise dont, entre autres, consommer ou posséder des boissons alcooliques et de la drogue sur les lieux du travail ou travailler sous l’effet de l’alcool ou de la drogue.

[21]           Le travailleur a aussi décrit son travail de classificateur exercé chez l’employeur, lequel consiste à trier des morceaux de bois séché soit des planches ou des baguettes pesant entre 2 ou 3 livres. Il explique que les morceaux se déplacent sur un convoyeur à chaîne situé devant lui et qu’il doit vérifier la qualité des morceaux et identifier ce qui doit être rejeté soit lorsqu’il constate que le bois a des nœuds ou qu’il est croche. Une fois ce tri fait, lui ou un autre travailleur doit retirer la planche ou la baguette qui ne respecte pas les critères de qualité.

[22]           À l’audience, le représentant du travailleur a aussi déposé copie du rapport d’évaluation médicale rédigé par le docteur Jacques, daté du 12 octobre 2002. Au niveau des plaintes du travailleur et problèmes reliés à la lésion professionnelle, elle écrit ceci :

Patient a subi une discectomie lombaire en L4-L5 et en résulte une douleur chronique et radiculaire et de la pachyméningite. Un stimulateur a été inséré. Il s’est amélioré et a diminué sa consommation de médicaments. Au bilan des séquelles, elle considère que le travailleur est porteur d’une atteinte permanente de 17 % et des limitations fonctionnelles de classe 3.

 

 

[23]           Les limitations fonctionnelles de classe 3 sont les suivantes :

En plus des restrictions des classes 1 et 2, éviter les activités qui impliquent de : soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges dépassant environ 5 kg, marcher longtemps, garder la même position (debout, assis) plus de 30 à 60 minutes, travailler dans une position instable  (ex : dans des échafaudages, échelles, escaliers) et effectuer des mouvements répétitifs des membres inférieurs (ex : actionner des pédales).

 

L'AVIS DES MEMBRES

[24]           Conformément aux dispositions de l'article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [1] (la loi), la commissaire soussignée a demandé aux membres qui ont siégé auprès d'elle leur avis sur la question faisant l'objet de la présente contestation.

[25]           Les membres issues des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis unanime d’accueillir la requête du travailleur, et ce, pour les mêmes motifs que ceux qui sont ci-après énoncés dans le cadre de cette décision. Elles ajoutent que le travailleur n'était pas apte à travailler puisqu'il prenait des médicaments qui étaient de nature à affecter sa vigilance.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[26]           D’abord, la Commission des lésions professionnelles doit décider si, à compter du 17 juillet 2001, la CSST était en droit de suspendre les indemnités de remplacement du revenu du travailleur et ensuite déterminer si, à compter du 1er juin 2001, le travailleur était capable d’exercer son emploi.

- suspension de l’indemnité de remplacement du revenu :

[27]           L’article 142 de la loi prévoit les cas où le versement de l’indemnité de remplacement du revenu peut faire l’objet d’une suspension ou d’une réduction . Il se lit comme suit :

142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :

 

1   si le bénéficiaire :

a)fournit des renseignements inexacts;

b)refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;

 

2   si le travailleur, sans raison valable :

a)entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;

b)pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;

c)omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;

d)omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;

e)omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180;

f)omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274.

________

1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.

[28]           Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles tient à préciser que la suspension ou la réduction concerne le paiement des indemnités et non le droit à celles-ci. Elle est une dérogation au principe général édicté à l’article 44 de la loi, lequel établit qu’un travailleur victime d’un lésion professionnelle a droit à une IRR s’il devient incapable d’exercer son emploi. La jurisprudence a déterminé que l’article 142 doit donc être analysé comme une mesure de dissuasion et qu’il doit être interprété restrictivement.

[29]           Dans la présente affaire, c’est en vertu de l’alinéa 1 a) que la CSST a suspendu, à compter du 17 juillet 2001, le paiement de l’IRR du travailleur. La raison, écrit-elle à la décision, est le fait que ce dernier aurait fourni des renseignements inexacts relativement à sa condition médicale. En réalité, la CSST a pris cette décision après que l’employeur lui ait remis une cassette vidéo où ce dernier a pris en filature le travailleur où on le voit accomplir certaines activités, qui aux dires de la CSST, indiquent que le travailleur aurait recouvré une partie de ses moyens physiques au delà de ce qu’il laisserait croire. À l’audience, le représentant de la CSST soutient que le travailleur n’a pas respecté l’une de ses obligations, soit celle imposée à l’article 278 de la loi, lequel prévoit qu’un bénéficiaire doit informer sans délai la CSST de tout changement dans sa situation qui peut influer sur un droit que la présente loi lui confère ou sur le montant d’une indemnité. En n’informant pas la CSST de sa capacité physique, le représentant de la CSST considère que le travailleur a donné par là un renseignement inexact, d’où l’application de l’article 142 de la loi.

[30]           Mais qu’est qu’un renseignement inexact ? Me Sylvana Markovi, s’est aussi posée cette question et dans un article[2] qu’elle a écrit, elle répond de la façon suivante :

Force est de constater que ce paragraphe est peu loquace sur la teneur des renseignements inexacts qui peuvent donner lieu à une suspension des indemnités de remplacement du revenu. Le terme « renseignement » est défini dans les dictionnaires comme une information, une indication, un éclaircissement ou plus simplement « ce qu’on porte à l’attention ou fait connaître à quelqu’un sur quelque chose ». Tout changement de situation qui peut influer sur un droit ou sur le montant des indemnités au sens de l’article 278 LATMP doit être dévoilé par le bénéficiaire. Ainsi, toute information ou indication sur la condition ou la capacité physique, le retour au travail, les activités sociales et même l’adresse et le numéro de téléphone ont été retenues par la jurisprudence pour les fins d’application de l’article 142 (1) a).

 

 

[31]           Ainsi, si tout changement sur sa capacité physique doit être dévoilé par un travailleur, puisque cela pourrait être de nature à influer sur un droit, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il faut aussi tenir compte d’un autre facteur soit la bonne ou la mauvaise foi du bénéficiaire.

[32]           Or, ici, après examen du dossier, visionnement de la casette vidéo et audition des témoignages du travailleur et de l’enquêteur, la Commission des lésions professionnelles estime que le travailleur n’a pas donné à la CSST des renseignement inexacts sur sa condition physique. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les réponses qu’il lui a données lorsqu’il a été questionné sur sa condition physique et se poser la question suivante : «  Est - ce que les déclarations du travailleur sont nettement incompatibles avec les gestes démontrés après le visionnement de la cassette vidéo ». Ici, la réponse négative s’impose.

[33]           Lorsque questionné sur ses activités, le travailleur répond ne pas faire grand chose, principalement du repos et un peu de bateau à l’occasion. On ne peut certes dire par cette réponse que le travailleur a donné des renseignements inexacts à la CSST, puisque cela relève de son appréciation de ce qu’il fait par rapport à celle qu’en a faite la CSST. Or, pour le travailleur aller à la pêche peut ne pas être grand chose par rapport à ce qu’il faisait antérieurement, puisqu’il pratiquait aussi la chasse avant. Il n’a jamais nié toujours en faire. Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles note que cette activité, tel que le travailleur dit l’avoir exercée, est nullement contraire aux limitations fonctionnelles que lui a octroyées son médecin.

[34]           Quand la CSST lui dit qu’une enquête démontre qu’il est plus actif qu’il ne le prétend, le travailleur dit pouvoir s’activer un peu à l’occasion, dans la mesure où il peut prendre des temps d’arrêt pour se reposer. Le travailleur n’a jamais prétendu ne pouvoir rien faire et rester constamment au lit. Il n’a encore une fois donné aucun renseignement inexact à la CSST.

[35]           Lorsque la CSST lui parle de la démolition d’un vieux bateau qu’il aurait fait à l’aide d’une scie mécanique, travail que la CSST qualifie de lourd et où on le voyait se pencher, le travailleur répond qu’il a effectivement fait cette activité, mais que cela n’a pas duré longtemps alors que la CSST dit que dans les faits, il a été en mesure de travailler aisément plusieurs heures. Or, cette activité de démantèlement de la chaloupe a été filmée de 11h46 à 12h02, puis de 13h40 à 14h50. Le travailleur a-t-il donné des renseignements inexacts lorsqu’il dit qu’il n’a pas travaillé longtemps. Encore une fois, la Commission des lésions professionnelles répond par non.

[36]           Le travailleur a-t-il donné des renseignements inexacts au médecin de l’employeur lorsque celui-ci écrit dans le chapitre des « activités quotidiennes actuelles » qu’il ne fait aucune activité de la vie quotidienne?

 

 

[37]           Encore une fois, cela relève de l’appréciation du travailleur et de la façon que lui ont été posées les questions par ce médecin. Si celui-ci lui avait posé des questions plus précises, il aurait certes eu aussi des réponses précises. Car, lorsque la travailleur répond qu’il ne fait aucun sport, pourquoi ensuite, le médecin écrit qu’il aurait été quelque fois à la pêche. Lui a-t-il posé cette question spécifique alors que pour les loisirs, il s’est contenté de lui demandé s’il faisait des loisirs. Comme le travailleur a répondu à la CSST, il ne peut quand même pas toujours rester au repos. En fait, il n’est pas une personne invalide. Donc, les questions posées par le médecin étant trop générales, la Commission des lésions professionnelles ne peut conclure que par là, il a donné des renseignements inexacts à la CSST.

[38]           Toujours lorsque le médecin de l’employeur le questionne sur son état et que le travailleur répond que lorsqu’il marche, il peut le faire pendant environ 10 minutes, qu’il reste assis environ 30 minutes et en position debout encore environ 30 minutes, est-ce que ces déclarations sont nettement incompatibles avec les gestes démontrés après le visionnement de la cassette vidéo. Non, répond la Commission des lésions professionnelles. Encore une fois, les réponses données par le travailleur sont une approximation de ce qu’il peut faire et surtout à l’audience, il a dit qu’il avait des bonnes et des mauvaises journées et qu’il pouvait des fois en faire plus avec la prise de médicaments.

[39]           Par ailleurs, le représentant de la CSST prétend que tout ce que le travailleur a fait pendant les 2 jours de la filature vont totalement à l’encontre de ses limitations fonctionnelles. Or, la Commission des lésions professionnelles n’est pas de cet avis puisque dans les limitations fonctionnelles qui lui ont été octroyées par son médecin, la notion de répétitivité et de fréquence entre toujours en ligne. Il doit éviter de faire des gestes de façon répétitive ou fréquente. Or, les activités exercées par le travailleur les 1er et 2 juin ne peuvent être qualifiées de répétitives ou de fréquentes. Certes, il a soulevé des poids, il a marché, il s’est penché, il a tiré des charges etc., mais encore, une fois, il a fait ces activités à son rythme et il a bénéficié de moments de repos.

[40]           La Commission des lésions professionnelles est d’avis que le présent cas est bien loin de l’affaire Fournelle et Touchette Automobiles ltée[3], où le travailleur alléguait que son état s’aggravait au point où il devait souvent se déplacer en fauteuil roulant et qu’il ne pouvait conduire son véhicule. Or, le vidéo des enquêteurs démontrait qu’il déneigeait le toit de sa résidence, effectuait le déglaçage de son cabanon, conduisait son véhicule et ne se servait de sa canne que lors des visites médicales. Si dans ce cas, il a été considéré que le travailleur avait donné des renseignements inexacts à la CSST, on ne peut en dire autant de monsieur Pion.

[41]           Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles note que jamais après le visionnement de la cassette vidéo le travailleur n’a senti qu’il avait mal agi en accomplissant les activités filmées. Pour lui, il était normal qu’il les accomplisse, puisqu’il s’en sentait capable. Il a plutôt été désemparé quand il a pris connaissance de la décision et même encore aujourd’hui, à l’audience. Cela reflète d’autant plus sa bonne foi à l’effet qu’il ne cachait rien à la CSST, qu’il ne lui donnait pas des renseignements inexacts. Dans le présent cas, on ne peut donc dire que le travailleur avait fait défaut d’informer la CSST de tout changement dans sa situation.

- capacité à exercer son emploi

[42]           Tel que déjà mentionné, le droit à l’IRR est édicté à l’article 44 de la loi.

44. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.

 

Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement.

________

1985, c. 6, a. 44.

 

 

[43]           Le fondement de ce droit repose donc sur l’incapacité du travailleur à exercer son emploi en raison de cette lésion. Selon l’article 46, une présomption d’incapacité à exercer l’emploi pré‑lésionnel existe tant que la lésion n’est pas consolidée.

46. Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée.

________

1985, c. 6, a. 46.

 

 

[44]           Dans le cas soumis, la lésion est consolidée par le docteur Jacques le 2 août 2001. Cette conclusion lie la CSST au sens de l’article 224 de la loi. La présomption d’incapacité à exercer l’emploi prélésionnel subsiste donc jusque là. Une telle présomption est toutefois réfragable et peut être renversée. La preuve soumise permet-elle, en l’espèce, un tel renversement ? La Commission des lésions professionnelles considère que non.

[45]           En ce qui concerne l’opinion qu’a exprimée le représentant de la CSST à l’effet que le travailleur avait fait la démonstration de sa capacité de faire son travail, en ce que les gestes qu’il exécute dans ses fonctions, il les a exécutés lors de sa filature, la Commission des lésions professionnelles rappelle qu’elle vient de déterminer que la preuve dont disposait la CSST pour suspendre le versement de l’IRR n’était pas suffisante. Elle ne l’est pas plus pour supporter la prétention de la CSST que le travailleur avait fait la preuve de sa capacité d’exercer son emploi par le simple fait de faire certaines activités.

[46]           À l’audience, le travailleur a expliqué en quoi consistait son emploi prélésionnel et la Commission des lésions professionnelles considère qu’au 1er juin 2001, il ne pouvait l’exercer. Il est aussi apparu important à la Commission des lésions professionnelles de tenir compte du fait qu’à cette date, le travailleur prenait une quantité impressionnante de médicaments qui peuvent certes avoir un effet sur sa capacité à exercer les responsabilités inhérentes à son emploi. Donc, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’en ce qui concerne la capacité du travailleur, ce dernier doit bénéficier de la présomption d’incapacité prévue à l’article 46 de la loi. Par ailleurs, un rapport d’évaluation médicale du docteur Jacques a été produit lors de l’audience. Il appartient maintenant à la CSST de donner les suites appropriées à cette évaluation.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Alain Pion :

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 28 décembre 2001 à la suite d’une révision administrative :

DÉCLARE que, le 17 juillet 2001, la Commission de la santé et de la sécurité du travail ne pouvait suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu en vertu de l’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ;

RÉTABLIT le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 17 juillet 2001 ;

DÉCLARE que le travailleur était incapable, le 1er juin 2001, d’exercer son emploi, qu’il a droit aux avantages prévus par la loi. En conséquence, il n’a pas à rembourser la somme de 2 552,08$.

 

 

 

Nicole Blanchard

 

Commissaire

 

 

 

 

R.A.T.T.A.C.Q.

M. Jacques Fleurent

 

Représentant de la partie requérante

 

 

PANNETON, LESSARD

Me Jean-Sébastien Noiseux

 

Représentant de la partie intervenante

 



[1]          L.R.Q. c, A-3.001

[2]    Sylvana MARKOVIC, «La suspension d'une indemnité en vertu de l'article 142 (1) L.A.T.M.P.», dans BARREAU DU QUÉBEC, SERVICE DE LA FORMATION PERMANENTE, Développements récents en droit de la santé et sécurité au travail (2002), coll. « Formation permanente », Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2002, p. 29-53

 

[3]          101878-63-9806, 1er mars 2000, J.M. Charrette, commissaire.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.