Décision

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[Texte de la décision]

Section des affaires sociales

En matière d'indemnisation

 

 

Date : 28 novembre 2011

Référence neutre : 2011 QCTAQ 11863

Dossier  : SAS-M-166742-0912

Devant les juges administratifs :

LUCIE LE FRANÇOIS

JOSÉE CARON

 

S… B…

Partie requérante

c.

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Parties intimées

et

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL (IVAC)

Partie mise en cause

 

 


DÉCISION




[1]              Le requérant conteste une décision conjointe rendue par la mise en cause la Commission de la santé et de la sécurité du travail, Direction de l’indemnisation des victimes d’actes criminels, (ci-après IVAC) et la Société de l’assurance automobile du Québec (ci-après SAAQ), du 25 novembre 2009.

[2]              Cette décision concerne l’incapacité permanente du requérant.

[3]              Le requérant est représenté par Me André Laporte.  Me Laporte a obtenu son mandat du Curateur public.

[4]              Le requérant est soumis à un régime de protection de tutelle à la personne et aux biens depuis le 14 mai 2008.

[5]              Le requérant a eu un accident d’automobile le 16 novembre 2002.  Concernant la SAAQ, il y a eu un accord de conciliation et il n’y a donc pas de litige devant le Tribunal quant à cet aspect de la décision.

[6]              Le 14 mai 2004, alors que le requérant était seul à sa résidence, un malfaiteur est entré par effraction.  Le requérant a été battu à coup de bâton de baseball.  Le requérant a été retrouvé ensanglanté et couché sur le plancher du salon plusieurs heures après l’agression.

[7]              Le requérant a eu un traumatisme facial évident : fracture de la mandibule et fracture complexe des os du visage à droite et à gauche.  Le requérant a subi aussi un traumatisme crânien.

[8]              Dans la décision du 25 novembre 2009, l’IVAC établit le taux du déficit anatomophysiologique (ci-après DAP) à 20%.  Un taux de 12.5% a été déterminé quant à l’inaptitude à reprendre le travail.

[9]              Un DAP de 5% a été accordé au niveau maxillo-facial.  On considère qu’il y a eu un traumatisme crânio-cérébral mineur suite à l’agression de mai 2004, lequel a laissé des séquelles (s’ajoutant déjà à celles préexistantes) qui correspond à un DAP de 15%.  Il s’agit d’une inscription au dossier.  Il n’y a aucune motivation qui explique le pourcentage attribué.

[10]           L’IVAC établit que par analogie aux barèmes de la SAAQ, le DAP total du requérant se situe probablement autour de 60% (environ 45% étant relié aux séquelles de l’accident de la route et 15% aux séquelles de l’agression).

[11]           Le Tribunal retient que le DAP de 5% en maxillo-facial n’est pas contesté.

[12]           Le requérant témoigne à l’audience.  Il confirme qu’avant l’agression de mai 2004, il avait fait une bonne progression suite à son accident d’automobile.

[13]           Depuis l’agression de 2004, il a des difficultés de mémoire et de concentration.  Il est privé du sens de l’odorat et il ne trouve presque plus de saveur aux aliments qu’il mange.

[14]           Depuis l’agression, il a perdu beaucoup de son autonomie.  Il a une personne ressource qui l’aide à gérer son budget.  On lui remet un montant hebdomadaire.  Il n’est pas capable de faire son épicerie seul.

[15]           Le requérant ne peut suivre ses rendez-vous seul.  Sans aide, il a été évincé de plusieurs logements.  Il a aussi de l’impulsivité.  Il n’a plus beaucoup d’activités.  Il fait du vélo.

[16]           Sa personne ressource le voit deux jours par semaine.

[17]           Le Tribunal a eu l’opportunité d’entendre madame Marie-Claude Harvey, M.A., neuropsychologue.  Suite à la présentation de son expérience, le Tribunal a déclaré madame Harvey témoin expert.

[18]           Madame Harvey a fait plusieurs expertises en matière d’assurance automobile, de santé sécurité au travail et d’indemnisation des victimes d’actes criminels.

[19]           Dans chacun de ces domaines, elle a évalué le traumatisme subi par les victimes et elle a déterminé les limitations fonctionnelles qui en découlent.

[20]           Madame Harvey a procédé à une première expertise du requérant en neuropsychologie le 6 mars 2008.  À ce moment, elle devait évaluer les capacités cognitives résiduelles du requérant afin notamment de voir s’il y avait matière à ouverture d’un régime de protection.

[21]           Un addendum au rapport d’expertise en neuropsychologie a été fait le 1er octobre 2010.  Il s’agissait alors pour madame Harvey de déterminer les séquelles, à cette date, du requérant en fonction des critères des barèmes applicables en matière d’assurance automobile et d’indemnisation de victimes d’actes criminels.  Elle devait aussi quantifier les séquelles secondaires à l’accident d’automobile et celles liées à l’agression.

[22]           La méthode d’évaluation de madame Harvey a consisté à consulter et à analyser une liste détaillée de documents médicaux qui sont tous relatés dans l’expertise.  Madame Harvey a aussi eu une entrevue formelle avec le requérant qui a duré quatre heures.

[23]           Madame Harvey détermine qu’en fonction des résultats obtenus, il apparaît clair que le deuxième traumatisme cranio-cérébral subi par le requérant en mai 2004, a produit un impact considérable sur son fonctionnement quotidien, en plus de réduire ses capacités fonctionnelles.  Elle ajoute que la revue des documents qui a suivi le deuxième accident décrit une aggravation de la condition, à tous les niveaux (c’est-à-dire cognitif, comportemental et relationnel du requérant).

[24]           C’est d’ailleurs à la suite du deuxième événement que le régime de protection a été demandé en raison des difficultés grandissantes du requérant dans le quotidien et en regard de la gestion de ses biens et de sa personne.

[25]           Madame Harvey estime que le deuxième traumatisme cranio-cérébral (ci-après TCC) devrait être considéré comme modéré.  Elle considère que le DAP, en vertu de l’intensité des limitations objectivées doit être établi à 70%.

[26]           Pour déterminer les séquelles permanentes, le Tribunal privilégie l’opinion de madame Harvey.  Elle a fait une revue exhaustive du dossier médical et du dossier en réadaptation.  Elle a eu une rencontre structurée avec le requérant qui a duré quatre heures.

[27]           Le Tribunal accorde donc plus de prépondérance à l’évaluation de madame Harvey.

[28]           Le raisonnement par lequel l’IVAC est arrivé à un taux de 60% n’est pas étayé au dossier, ni dans la décision, ni dans la documentation.  On retrouve seulement une note qui conclut que par analogie aux barèmes de la SAAQ, on fixe le taux à 60%.

[29]           Le Tribunal considère que le DAP, suite au TCC doit être majoré à 70%. 

[30]           Le Tribunal retient que le premier événement se situe à 35%, il y a donc un différentiel de 35%.  La SAAQ a attribué 35% pour le TCC suivant les documents produits au dossier.

[31]           Le Tribunal maintient le DAP de 5% au niveau maxillo-facial.

[32]           Quant à l’inaptitude à reprendre le travail, le Tribunal souligne qu’il n’est assujetti à aucun barème en particulier.

[33]           L’IVAC a déterminé le taux d’inaptitude à 12.5%.  Il a déterminé ce taux suite à une grille d’analyse.  Le Tribunal n’est aucunement lié par cette grille.

[34]           Le Tribunal est d’avis que le taux d’inaptitude doit être révisé à la hausse.

[35]           Toutes les expertises au dossier concluent à l’inaptitude du requérant à reprendre quelque travail que ce soit.

[36]           L’évaluation globale de l’incapacité permanente doit donc être à 100%.  En conséquence, le Tribunal modifie la décision du 25 novembre 2009 en ce qui a trait à l’indemnisation des victimes d’actes criminels.

[37]           Le Tribunal rend la décision qui aurait dû être prononcée par l’IVAC.

[38]           Le Tribunal conclut donc qu’après les deux événements, l’accident d’automobile et l’acte criminel, le DAP du requérant est de 70% pour les TCC.

[39]           Le premier TCC subi par le requérant, lors de l’accident d’automobile, lui a valu un DAP de 35%.  Le requérant ne pouvant être indemnisé deux fois, le Tribunal doit soustraire ce 35% du 70% de DAP fixé après les 2 événements.

[40]           Pour le TCC lié à l’acte criminel, le requérant a droit à un DAP de 35% puisque 35% a été accordé par la SAAQ.

[41]           À ce 35%, le Tribunal s’ajoute le 5% octroyé pour les séquelles à la région maxillo-faciale.

[42]           Pour l’acte criminel, le Tribunal reconnaît donc un DAP total de 40%.

[43]           Le Tribunal doit également évaluer si un pourcentage d’inaptitude à reprendre le travail doit être fixé.

[44]           Toutes les expertises au dossier concluent à l’inaptitude du requérant à reprendre quelque travail que ce soit.

[45]           Le Tribunal décide donc d’accorder au requérant un taux d'inaptitude à reprendre le travail de 25%.  Ce pourcentage additionné au pourcentage du DAP donne un résultat de 65%, ce qui représente le taux d’incapacité partielle permanente du requérant lié à l’acte criminel.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE le recours;

FIXE l’incapacité partielle permanente du requérant à 65%, soit 5% pour la région maxillo-faciale, 35% pour le TCC et 25% d’inaptitude à reprendre le travail.

 


 

LUCIE LE FRANÇOIS, j.a.t.a.q.

 

 

JOSÉE CARON, j.a.t.a.q.


 

Laporte & Lavallée

Me André Laporte

Procureur de la partie requérante

 

Bernard, Roy (Justice-Québec)

Me Lien Trinh

Procureure de la partie intimée

 

Me Daria Kapnik

Procureure de la partie intimée


 

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