Décision

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COMMISSION DES RELATIONS DU TRAVAIL

(Division des relations du travail)

 

Dossier :

257411

Cas :

CQ-2010-0257, CQ-2010-0258, CQ-2010-0259

 

Référence :

2010 QCCRT 0461

 

Québec, le

1er octobre 2010

 

 

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Myriam Bédard, juge administratif

 

 

Raynald Bernard

 

Plaignant

 

c.

Olympus NDT Canada inc.

 

Intimée

 

 

 

DÉCISION

 

 

 

[1]           Le 8 octobre 2009, monsieur Raynald Bernard dépose une plainte selon l’article 123.6 de la Loi sur les normes du travail, L.R.Q., c. N-1.1, (LNT) contre Olympus NDT Canada inc. (Olympus) par laquelle il allègue avoir été victime de harcèlement psychologique dont la dernière manifestation aurait eu lieu le 1er octobre 2009.

[2]           Le 5 novembre 2009, il dépose deux autres plaintes contre Olympus, cette fois selon les articles 122 et 124 de la même loi. Par celle faite en vertu de l’article 122, il soutient avoir été congédié ce 5 novembre, en raison de l’enquête de la Commission des normes du travail relative à sa plainte du 8 octobre et parce que Olympus a tenté d’éluder l’application de la loi. Son congédiement, quoi qu’il en soit, a été fait sans cause juste et suffisante; c’est ce qu’il invoque dans la deuxième plainte, celle suivant l’article 124 LNT.

[3]           Olympus plaide d’abord que monsieur Bernard n’a subi aucune forme de harcèlement au travail.

[4]           Puis, à l’égard des plaintes de novembre, elle invoque que le congédiement de monsieur Bernard est survenu parce qu’il a tenté de tromper ses dirigeants en gérant l’usine à l’encontre des politiques en vigueur et en tentant de le cacher.

[5]           Par ailleurs, selon Olympus, monsieur Bernard, à titre de directeur général de l’usine, était, au moment de son congédiement, un cadre supérieur exclu de l’application de la loi, selon l’article 3 paragraphe 6 LNT. Elle ajoute qu’il ne justifiait pas des deux ans de service continu nécessaires pour bénéficier du recours en vertu de l’article 124 puisqu’il a commencé à travailler le lundi 5 novembre 2007 et qu’il a été congédié le mardi 3 novembre 2009.

les faits

L’entreprise

[6]           Olympus NDT Canada inc. est créée en 2005 lors d’une transaction avec une entreprise de Québec. L’acronyme NDT signifie « non destructive testing ». On fabrique des appareils permettant de détecter des failles dans la machinerie de façon non destructive.

[7]           Elle est une filiale du groupe Olympus NDT (le Groupe) dont le siège est situé à Waltham aux États-Unis et dont le président est Toshihiko (Toshi) Okubo. Le Groupe est lui-même une filiale de Olympus, dirigée au Japon par monsieur Kikukawa, président, assisté notamment par monsieur Yasuo Yoda.

[8]           L’équipe responsable d’Olympus à Québec est composée des dirigeants du Groupe. Toshi Okubo, président (CEO), Glenn Decker, directeur général (senior VP corporate planning and affairs), Fabrice Cancre, directeur exécutif (COO) et Étienne Marcoux, directeur financier (CFO),

[9]           Fabrice Cancre est aussi le président de la filiale canadienne. Son lieu de travail est Waltham qui se trouve dans le Massachusetts, près de Boston.

l’embauche

[10]        C’est un « chasseur de têtes » qui approche monsieur Bernard à la fin du mois d’août 2007. Olympus cherche à pourvoir un poste de directeur général de sa seule usine au Québec qui compte environ 350 employés.

[11]        Le 19 septembre, le candidat Bernard rencontre, dans le cadre d’une première entrevue qui se tient à Québec, le président Cancre, le directeur général sortant, monsieur Jolin et la directrice des Ressources humaines de l’époque, madame Lapointe.

[12]        Une deuxième entrevue a lieu à Waltham le 3 octobre. Il est reçu cette fois par Karen Smith, vice-présidente aux ventes et au marketing, Étienne Marcoux, directeur financier, monsieur Cancre, le président, et un directeur stratégique de Olympus au Japon.

[13]        Le 4 octobre, des discussions ont lieu et dès le lendemain une offre lui est transmise par écrit. Elle prévoit un salaire annuel de 125 000 $, auquel s’ajoutent un programme de bonification qui peut atteindre 20 % du salaire de base, quatre semaines de vacances annuelles, un plan de retraite et d’assurances et comme pour tous les autres employés, une exigence d’entente de confidentialité. Il est précisé que ce poste est permanent et que « l’horaire normal de travail pour ce poste est de 40 heures de travail par semaine; » mais qu’il peut s’attendre « à des heures prolongées lors de déplacement et de finalisation de dossiers particuliers ».

[14]        L’entrée en fonction est prévue pour le 5 novembre 2007 et il est spécifié, qu’afin d’effectuer une transition progressive, Olympus désire profiter de la disponibilité et de l’expérience du directeur général alors en poste, monsieur Jolin, et ce, pour une période pouvant s’étendre jusqu’au 31 mars 2008.

[15]        Le même jour, soit le 5 octobre 2007, monsieur Bernard confirme son acceptation sur le formulaire proposé avec l’offre.

les tâches et les pouvoirs

[16]        La supérieure de monsieur Bernard est Karen Smith, vice-présidente aux ventes et marketing du groupe Olympus NDT. Elle travaille à Waltham.

[17]        Même s’il est en poste depuis le 5 novembre 2007, ce n’est que le 15 février 2008 qu’elle annonce que monsieur Bernard « occupe officiellement le poste de directeur général à Québec ». Dans cette note adressée à tous les cadres, elle les informe aussi que monsieur Jolin, le directeur sortant, est transféré au poste de directeur des contrats commerciaux et relève, à compter de ce jour, du nouveau directeur général.

[18]        Il porte le titre de Executive general manager, EGM.

Le comité exécutif (EC)

[19]        Le comité exécutif du Groupe compte une dizaine de personnes. Sur l’organigramme, on retrouve la liste des gens qui le composent : CEO (Chief executive officer), COO (chief operating officer), CFO (chief financal officer), senior VP corporate affairs, VP sales & marketing, VP development, VP sales Americas, VP manufacturing & operations, Executive GM USA plants, Executive GM Québec plant (monsieur Bernard).

[20]        Selon messieurs Cancre, Decker et Marcoux, ce comité est « l’instance de décision suprême ». Une rencontre se tient une fois par mois. On y communique sur la vie de l’entreprise, on analyse les performances financières au regard des prévisions faites, les stratégies de développement sont étudiées et on surveille l’évolution des ventes. Le processus décisionnel du comité n’est toutefois pas décrit.

[21]        Monsieur Bernard soutient pour sa part que ce comité ne prend aucune décision et qu’il s’agit d’un organe informatif de coordination entre les différents établissements du Groupe. Chacun y discute de son rôle dans l’entreprise et de ses réalisations. Les expériences sont partagées. L’objectif recherché est la cohérence des actions. Il ajoute que les décisions chez Olympus se prennent conformément à la table d’autorité.

La table d’autorité

[22]        À la mi-mars 2008, madame Smith explique au nouveau directeur Bernard les limites de sa fonction comme elles sont encadrées dans la « Matrix of Schedule of Authority » (table d’autorité) qu’elle lui transmet.

[23]        Elle lui rappelle qu’il n’est pas « officer ». Il ne signera pas tout de suite les chèques que la table d’autorité l’autorise à signer. Il doit d’abord prendre connaissance des conditions dans lesquelles il peut le faire.

[24]        La table d’autorité est un document de 19 pages composé de tableaux, avec des écritures en petits caractères, dans lesquels les pouvoirs de chacun des cadres sont répertoriés et précisés. Les responsabilités sont divisées en 17 grands titres et 67 sous-titres. Il s’agit d’un document complexe dans lequel on utilise les acronymes de chacun des postes pour déterminer si leurs titulaires sont autorisés à assumer les responsabilités identifiées. Ce document est rédigé intégralement et uniquement en anglais.

[25]        À cette table d’autorité précisant les pouvoirs de chacun, s’ajoutent d’autres directives ou politiques applicables, qui la complètent, la précisent ou parfois la contredisent, selon monsieur Bernard. C’est notamment le cas, en matière d’embauche, soutient-il.

[26]        Le pouvoir d’embauche, restreint par la table d’autorité, doit aussi être exercé conformément aux processus établis.

[27]        La direction des Ressources humaines relève de monsieur Decker. Le 10 décembre 2008, il écrit à monsieur Bernard :

As we’re trying to get some clarity on the overall list of open positions, their current status (whether the open position has been re-approved or not) and the degree to witch we should move forward to fill some of these positions, please have Suzanne complete the table (enclosed) for all Open Requisitions (both those that have been opened prior to the November 10 process change as well as those that have been processed after the November 10 process change).

In order to ensure understanding of the process, I have added flow charts covering Headcount Requisition as well as Offer Approval. I have also enclosed the most recent version of the Confirmation of Requisition form as well as the EC Offer Approval Form (some changes were made to provide consistency). As shown in the flow chart, before an offer of employment is made, an EC Offer Approval Form must be completed. Before that EC Offer Approval Form is completed, a Confirmation of Requisition form must be completed. Please note that replacements do require a Requisition form. Of course, additions to headcount also require an approval form. (Note : I sent last week, the approved EC Offer Approval Form for Mathieu Geoffrion; that said, I don’t have a Confirmation of Requisition for this position. Going forward, we will need to synchronize the two approvals more closely.)

(Reproduit tel quel)

[28]        Ce complexe processus d’approbation des effectifs est traduit dans un tableau décisionnel joint à cet envoi. Le tableau se divise en trois parties : « ONDT decision tree- New headcount requisition process and offer approval process », « ONDT headcount approval process (for all headcount additions, replacements, transfers, status change, etc.) » et « ONDT offer approval process (for all employment offers-temp, full-time, part-time, etc.) ».

[29]        Ainsi, monsieur Bernard, selon la table d’autorité, peut autoriser l’embauche d’un gérant et en aviser le comité exécutif pour approbation par les contrôleurs des finances. Selon le tableau décisionnel en matière d’embauche, c’est toute une série d’approbations qui doit être obtenue.

[30]        Par exemple, pour l’embauche à Québec d’un spécialiste en rémunération, on a fait appel à un « chasseur de têtes ». Trois candidats ont été retenus et référés à monsieur Decker qui a fait son choix. La direction des Ressources humaines a ensuite fait les offres et le suivi.

[31]        Monsieur Bernard affirme que, quoi qu’il en soit, il n’a jamais engagé d’employés sans avoir l’autorisation de monsieur Cancre, ou de monsieur Welsh, ou de monsieur Decker, ou de monsieur Marcoux.

[32]        Les échelles salariales sont aussi déjà établies.

[33]        En matière d’achats et d’autorisations de dépenses, les pouvoirs de chacun sont également définis. En ce qui concerne les équipements technologiques et de communication, seul le directeur financier est autorisé à agir.

[34]        Monsieur Bernard peut donc autoriser des achats de matériaux. Toutefois, on exigera régulièrement, selon le montant ou la nature de l’achat, une double approbation, celle du directeur Bernard et celle d’un vice-président.

[35]        Au début du mois d’octobre 2008, monsieur Bernard est très surpris d’une intervention de monsieur Cancre. À l’occasion du tournoi de golf annuel, monsieur Bernard, qui ne se livre pas à cette activité, décide de s’y rendre pour aider à l’inscription des joueurs et comme il l’écrit « faire corps avec les employés présents ». Les employés bénéficient, pour l’occasion, d’un service de transport offert par Olympus. Monsieur Bernard, accompagné de son épouse, s’y rend avec sa voiture et réclame les frais. Monsieur Cancre lui écrit alors ce qui suit :

Raynald,

Ce n’est pas que ONDT soit à $28 près mais je peux difficilement t’approuver le kilométrage pour aller au tournoi de golf si tu ne l’as pas payé pour tous les autres employés.

Est-ce que c’est seulement le commentaire qui est mauvais et cette dépense est pour un voyage lié au tournoi de golf mais pas le tournoi lui-même?

Fabrice

[36]        Cette discussion par le président de Olympus NDT Canada concernant une dépense de 28 $ du directeur général (executive general manager) étonne monsieur Bernard.

[37]        Environ un mois plus tard, en raison d’un réaménagement à l’usine de Québec et de la nouvelle configuration des lieux, on doit faire l’acquisition d’un photocopieur supplémentaire d’une valeur de 4 000 $. Le directeur financier à Waltham, monsieur Étienne Marcoux, écrit à monsieur Bernard le 18 novembre 2008 :


Raynald,

Un autre copieur vient d’être acheté à Québec sans l’autorisation des IT. Il y a plus de copieurs à Québec par capita que partout ailleurs.

En situation de réduction de couts cela aurait été une bonne opportunité

Les copieurs sont également des printers et relèvent des IT car ils sont sous leur responsabilité pour être connecté au réseau et assurer la maintenance. Peut-être considères-tu que c’est du mobilier comme un autre. Il faudra encore ici changer la schedule of authority pour bloquer tous les interprétations qui sont faites afin de la contourner.

Dois-je commencé à aller scruter tous les paiements faits à Québec sous 25K$ pour voir si on joue avec la schedule of authority?

Je commence réellement à douter de ta bonne foi dans toute cette aventure.

A+

(Reproduit tel quel)

[38]        La référence aux 25K $ (25 000 $) est la limite des dépenses que monsieur Bernard est autorisé à faire sans autorisation, selon la table d’autorité.

[39]        Les chèques requièrent deux signatures. À Québec, quatre ou cinq personnes sont autorisées à les signer. Pour ceux s’élevant à 25 000 $ ou plus, une des deux signatures doit obligatoirement être celle d’un vice-président. Monsieur Bernard affirme que 90 % des chèques émis à Québec ne portaient pas sa signature.

[40]        Il ne participe pas non plus à l’élaboration du budget d’opérations qui émane de Waltham.

[41]        La gestion de la sous-location d’une partie des locaux de l’immeuble dans lequel se trouve l’usine ne relève pas de lui non plus. Lorsqu’il est été décidé de trouver un nouveau sous-locataire, monsieur Marcoux, le directeur financier, demande à monsieur Bernard de s’en occuper. Il lui indique avec quel agent immobilier il doit faire affaire et demande qu’on lui transmette le mandat pour qu’il le signe. Messieurs Cancre et Decker informent clairement monsieur Bernard qu’il n’est pas autorisé à le faire lui-même.

[42]        Monsieur Bernard peut avoir recours à des services professionnels externes comme des services comptables ou juridiques. Il doit s’adresser aux firmes qui sont des « partenaires identifiés » par la direction.

[43]        Pour illustrer le faible niveau d’autonomie qu’on lui accorde, monsieur Bernard relate un incident relatif à un drapeau qu’il voulait installer devant l’usine. Le courriel qu’il transmet à monsieur Cancre le 11 avril 2009 est révélateur :

Cher Fabrice,

Je sais que le ridicule ne tue pas mais il y a des limites à l’hommerie!

Tu seras d’accord que nous devons changer la culture de clocher rdtech à Qc et créer un fort sentiment d’appartenance à Olympus, la marque et sa culture. Il faut donc constamment poser des gestes pour renforcer notre objectif.

La photo a été prise jeudi avant le congé pascal; tu y remarqueras que nous avons mis à droite le drapeau qui nous a été donné suite à notre certification ISO CORPORATIVE et c’est pour afficher notre fierté que j’ai demandé à ce qu’il soit mis à l’endroit le plus visible de l’édifice. Ça fait plus de 3 semaines qu’il flotte là. Tu peux remarquer qu’à gauche il y a un mat sans drapeau…L’intention était d’y mettre un drapeau Olympus et c’est toujours le cas, nous sommes fiers et nous voulons l’afficher!

Depuis plus de 4 semaines les communications sont à la recherche d’une directive sur les drapeaux, Meindert m’a même laissé un message vocal pour me dire qu’il avait communiqué avec Tokyo pour connaître la directive…Dans le livre il n’y en n’a pas! Tout comme il n’y a pas de directive sur la signalisation dans les wc ou comment se rendre à la cafetariat.

Tout ce gaspillage est inacceptable et je vais unilatérallement de l’avant selon les normes prescrites d’utilisation de la marque, les dimensions du lettrage et le respect de l’agencement des couleurs.

J’en fais confectionner 2 pour m’assurer que le drapeau soit toujours impeccable.

Joyeuses Pâques à toi et ta famille,

(Reproduit tel quel)

[44]        Monsieur Cancre, le président de l’entreprise, lui répond qu’il est d’accord mais lui demande de s’assurer des couleurs et des dimensions du drapeau et du fait qu’il n’y ait pas de limitations dans le bail de l’immeuble.

[45]        Un autre incident, relatif au stationnement, serait survenu en juin 2009. Monsieur Bernard considère que le directeur général devrait bénéficier d’un stationnement près de l’entrée. Il fait donc faire une plaque indiquant que la case de stationnement sur laquelle elle est installée est réservée à son usage. À la suite de plaintes d’employés, la plaque est retirée, pendant ses vacances, sur les ordres de monsieur Decker auxquels souscrit monsieur Cancre. Ce n’est pas dans la culture de l’entreprise selon ce qu’ils soutiennent devant la Commission.

Les augmentations salariales

[46]        Un incident marquant survient peu de temps après que monsieur Bernard soit entré officiellement en poste le 15 février 2008. Il doit régler les questions salariales des employés avant le 31 mars. Comme il ne connaît pas encore tous les rouages de l’entreprise et qu’il prend les choses en mains alors que certaines démarches, dont il n’est pas nécessairement au courant, ont déjà été mises en branle par son prédécesseur, il prend du retard. Des ajustements rétroactifs devront être faits.

[47]        Il discute de ce dossier avec sa supérieure immédiate, Karen Smith, vers le 20 mars 2008. Il comprend alors qu’un budget de 500 000 $ est autorisé pour les augmentations salariales, ce qui représente de 1 000 $ à 1 500 $ par employé, qui doivent être accordées en fonction de la qualité des personnes en poste mais aussi en tenant compte des conditions qu’offre le marché. Un programme de rémunération selon les compétences est aussi en cours.

[48]        Le 15 avril 2008 vers 17 h, il reçoit de Waltham un appel de monsieur Cancre qui est en compagnie de monsieur Marcoux des finances. Le président Cancre est furieux de ce qu’il a appris concernant l’avancement du dossier des augmentations salariales. Il reproche à monsieur Bernard de ne pas avoir suivi la table d’autorité et l’informe que chacune des augmentations accordées doit être approuvée individuellement par la direction.

[49]        Il traite monsieur Bernard d’incompétent, l’accuse d’être incapable de monter un dossier, de mentir délibérément, lui dit qu’il manque de jugement, qu’il dilapide l’argent de la compagnie, qu’il travaille mal, qu’il a un sérieux problème de communication, bref monsieur Bernard affirme avoir subi près d’une heure d’injures.

[50]        Il est littéralement vilipendé. Il n’a jamais été traité de la sorte.

[51]        À la suite de cet appel, il se dit dévasté, humilié. Son intégrité est mise en doute. Il a 52 ans, compte trente ans de métier et alors qu’il n’est en poste que depuis environ deux mois, il est convaincu qu’il sera congédié.

[52]        Ce mardi 15 avril 2008, à 20 h 43, il écrit par courriel à sa supérieure, madame Smith :

Karen,

I would appreciate to receive from you the confirmation that following our discussion on the required $ for 140P salary review, Merit Increase as well as salary adjustement for QC, we held a phone conversation with Fabrice, in the afternoon of March 20th, and then a budget of $500K for both salary revisions and merit increase was approved for Qc and you would consequently talk to Étienne to inform him of the outcome of that discussion between Fabrice, you and I, this following my question on how to get Etienne’s approval.

You will remember Fabrice was, at time of the phone conversation, just landing then from a trip to Europe.

As it stands today, and following numerous conversations on the Mercer study and the salary revision process of 140P, today, I am wrongly « suspected » (I do not know of any better word in English) that this was under my sole initiative, without respecting the Table of Authority, ignoring the compensation guidelines and that no such « budget » was ever allowed, at all!

Tks for your cooperation on this ethical matter.

[53]        Madame Smith lui répond le soir même à 21 h 45. Il est utile, à plusieurs égards, de reproduire ici l’intégralité de la réponse qu’elle lui adresse :

Here is my summary of what we agreed to on the afternoon of March 20th.

1)    We had provided Quebec with a budget of 2% of total payroll for annual merit increases.

2)    That day we met in your office. You had explained to me that based on the Mercer survey data you would like to provide the necessary market adjustments sooner than later and to do so you would need additional money.

3)    We calculated how much extra above the 2% already provided that you would need for the market adjustments.

4)    When you combined both the total was right around $500K

5)    We called Fabrice and explained that we wanted to take the necessary market adjustments and asked him to approve this additional amount for that purpose.

6)    Fabrice said okay

7)    I said I would explain the reason for the additionnal amount to Etienne

8)    The assumptions we made that day together was that the amount needed for the adjustments per the Mercer survey were correct. I also remember discussing that if for any reason the managers or you did not feel the Mercer suggestion was appropriate for an individual that maybe a different amount would be considered. In other words some discretion would be used to come up with the fair amount to give to each employee. Lets say for example the Mercer survey recommended someone get a $10 000 increase and the managers felt $5000 was more appropriate then you would give the emplooyee a $5000 adjustment instead of a $10 000 adjustment. In this case the total amount you would spend on adjustements would therefore be $5000 lower than maybe you had originally anticipated. If someone was recommended to get a $2000 adjustement and you felt very strongly that Mercer had mis-classifed this person and they really deserved $3000 then you would give them $3000. In the end you had been given approval to use additional money for the adjustments but you would be scrutinizing these adjustments carefully. So, if the actual adjustments ended up to be less than you originally thought my expectation was that you would have used less of the available budget we had approved. We may not have said these words to each other, but in my mind the understanding was that this extra money was special for market adjustments only.

So, in summary- you had approval for the extra money but it was for a specific use of market adjustments.

Regarding the schedule of authority this is a different subject all together. The issue here is that the merit increase process includes certain approval levels. No matter what your budget is for total effect on payroll, at the individual employee level there is an approval process which is there so that the management teams can see who specifically is getting how much of an increase and how the budgeted amount is being distributed. Often when I review these I question my managers on some of their recommendations based on performance issues (good/bad) that I may personally know about compared to their peers. This year for example I think I had at least three managers change some of the increases they had proposed to me after further discussion together. This « one-over-one » review of the increases is a healthy exercise.

I hope this helps to clarify the events. I have copied Fabrice in case he has any different account of the situation we all handled together on March 20th.

Karen

(Reproduit tel quel)

[54]        Madame Smith a un souvenir très précis des discussions qui ont eu lieu et de toutes les nuances expliquées ce 20 mars 2008. Elle confirme aussi très clairement que malgré l’octroi du budget de 500 000 $, un processus d’approbation pour chacun des employés doit être respecté.

[55]        Le lendemain, le 16 avril, monsieur Bernard communique avec le « chasseur de têtes » qui l’avait référé chez Olympus pour lui exprimer son désarroi et lui dire qu’ils ont sans doute mal saisi la nature de l’emploi.

[56]        Au cours des semaines suivantes, monsieur Bernard refait seul les scénarios d’augmentation salariale pour chacun des employés, sans le concours du service des ressources humaines.

[57]        Le 1er mai, il est convoqué, toutes affaires cessantes, à Waltham. On lui transmet les horaires des transports qui sont réservés pour sa visite du lendemain.

[58]        Le 2 mai vers 9 h 30, messieurs Bernard, Marcoux, Okubo et madame Smith passent en revue les dossiers de chacun des employés au regard des augmentations établies par monsieur Bernard. À la fin de la journée, toutes les propositions sont acceptées.

[59]        Avant de repartir pour Québec, il est convoqué au bureau de madame Smith, sa supérieure, qui lui dit que ses valeurs ne correspondent pas à celles d’Olympus, qu’il commet des erreurs de jugement, qu’il a de la difficulté à communiquer, bref, elle ne croit pas qu’il soit la bonne personne pour occuper ce poste. Elle l’informe que son emploi est en péril.

[60]        Madame Smith nie avoir tenu ces propos. Elle se souvient avoir reçu monsieur Bernard ce jour dans son bureau, mais ne se souvient pas exactement de quels sujets ils ont discuté.

[61]        Le 4 mai, monsieur Bernard écrit à madame Smith pour la remercier. Même s’il y a eu des retards importants à son retour qui l’ont conduit chez lui au milieu de la nuit, il concède qu’il était utile de faire l’exercice en présence l’un de l’autre plutôt qu’à distance comme il l’avait d’abord suggéré. Il lui mentionne aussi qu’il travaille à mettre en place une façon de faire pour lui transmettre toute information pertinente sur une base hebdomadaire. Il termine son courriel en l’informant que sa fille sera engagée comme étudiante au cours de l’été.

[62]        Environ une semaine plus tard, le président Cancre organise une réunion à Québec. Il veut parler de changements organisationnels. C’est de lui que relèvera dorénavant monsieur Bernard et non plus de madame Smith.

[63]        Monsieur Bernard affirme qu’au moins une fois par mois, il reçoit une communication dans laquelle on met en doute sa bonne foi, son honnêteté ou son intégrité. On dit qu’il ment ou qu’il fausse les chiffres. Il donne comme exemple un courriel de monsieur Cancre du 27 février 2009 qui se termine par la phrase suivante : « L’honnêteté reste un des principes auquel je suis très attaché ».

[64]        Le 14 mai 2008, en raison de l’insatisfaction des employés relative à leurs conditions salariales, une réunion avec tous les employés de Québec est organisée. Messieurs Cancre et Marcoux y assistent.

[65]        La preuve n’est pas très claire sur les raisons de cette grogne, mais il semble que certains d’entre eux avaient obtenu de leur contremaître, probablement avec l’assentiment du prédécesseur de monsieur Bernard, des augmentations qui ne sont finalement pas accordées. Dans d’autres cas, les approbations requises n’auraient pas été obtenues à la satisfaction de la direction.

[66]        Au cours de cette rencontre, le président Cancre apprend que des supérieurs hiérarchiques ont consenti des augmentations de salaire aux salariés de leur équipe sans, bien évidemment, obtenir les autorisations requises et à l’insu de la direction.

[67]        Monsieur Bernard prend quand même le blâme et offre ses excuses. Il attribue cette situation à sa méconnaissance des processus en vigueur dans l’entreprise. Même s’il considère ne pas être entièrement responsable de cette difficulté, il n’en dit mot. Messieurs Cancre et Marcoux réitèrent devant la Commission qu’il était entièrement responsable du mécontentement et qu’il devait gérer la situation avec les employés. Ils ont malgré tout, ajoutent-ils, accepté de le soutenir au cours de cette rencontre du 14 mai en étant présents.

[68]        Dans un résumé de la situation concernant la revue des salaires de 2008, que monsieur Cancre désire transmettre aux employés, il fait état, pendant deux longues pages, des évènements survenus presque jour par jour, à compter du 12 février jusqu’à la mi-mai. C’est le 21 mai qu’il transmet ce résumé à monsieur Bernard qui préfère ne pas le diffuser pour ne pas aviver le débat qui semble se calmer.

[69]        Il y a quand même lieu de reproduire des extraits de ce résumé du président Cancre qui, en introduction, constate « une profonde crise de confiance avec votre direction générale » et dont l’intention expliquée à monsieur Bernard est de « faire sortir la lumière et la vérité ». C’est donc en ces termes qu’il aimerait s’adresser aux employés :

12 Février 2008 : Le département des ressources humaines corporatif envoie les directives générales pour les évaluations de fin d’année à tous les managers de la compagnie dans le monde entier y compris ceux de Québec. Le courriel comprend un calendrier précis des étapes à franchir. L’ensemble du processus doit être fini au milieu Avril.

(…)

19 Mars 2008 : Le département des ressources humaines corporatif envoie les directives pour les augmentations et le bonus exceptionnel à tous les managers de la compagnie dans le monde entier y compris ceux de Québec.

20 Mars 2008 : Karen Smith et Raynald Bernard se rencontrent à Québec et m’appelle à Waltham. J’ai alors approuvé sur le principe un budget additionnel permettant de remettre à niveau le salaire d’un certain nombre d’employés qui n’étaient plus rémunérés de façon compétitive. À ce moment précis, ni Karen Smith, ni moi n’avions vu le détail de ces augmentations et nous n’avions pas vu non plus le résultat de l’enquête Mercer. J’ai par contre approuvé le principe d’une remise à niveau en accord avec notre politique générale d’être un employeur de référence sur tous les marchés où nous sommes présents.

À partir du 20 Mars 2008 : Les managers reçoivent des feuilles de calcul permettant de préparer les recommandations d’augmentation de salaires et les retournent au département des ressources humaines pour consolidation et approbation finale. Ce procès se déroule pour tous les sites sauf pour Québec.

À aucun moment entre le 20 Mars et le 14 Avril et malgré de multiples demandes, le département des ressources humaines corporatives ou la Direction Générale n’ont reçus d’information en provenance de Québec.

Au cours de la semaine du 14 Avril certains managers de Waltham qui ont des employés à Québec entendent des rumeurs stipulant que les augmentations proposées sont beaucoup plus importantes que prévues. C’est à ce moment que je me suis impliqué.

15 Avril 2008 : La direction de Waltham obtient l’étude Mercer pour la 1ère fois et la feuille de calcul avec les augmentations de salaire proposées. Malheureusement, nous obtenons confirmation que des communications avec les employés de la plupart des services ont eu lieu et que des informations salariales ont été données aux employés sans aucune approbation de la Direction Générale. Après revue détaillée des feuilles de calcul soumises aux différents managers, je constate que les formules de calcul sont souvent injustes et parfois même fausses. Un très gros travail de revue systématique se met en place.

17 Avril 2008 : Raynald communique avec les employés pour les informer que les augmentations ne seront pas traitées avec la prochaine paye. Aucune explication n’est donnée pour le retard mais à ce niveau là, c’est toute la grille d’augmentation qui est revue en grand détail.

18 Avril 2008 : Tous les employés américains reçoivent leurs augmentations rétroactives au 1er avril comme prévu. Les employés de Québec attendent toujours.

Semaine du 28 Avril : Les nouvelles salariales sont fournies par RH Québec et la Direction Générale constate que l’ajustement des bénéfices marginaux (un jour férié et deux jours de maladie) a été inclus dans le salaire et non pas donné en temps. Cette initiative n’a jamais été approuvée par la Direction Générale et je demande que les salaires soient réajustés à la baisse pour que les avantages en nature restent en nature. La justification de cette décision est que nous devons compenser immédiatement notre déficit vis-à-vis des autres entreprises de Québec une bonne fois pour toutes.

(…)

Comme vous avez pu le constater, le processus d’approbation des augmentations n’a pas été respecté à plusieurs reprises et voici la seule et unique cause du problème. (…).

[70]        Monsieur Cancre souhaite transmettre cette note « au moins au comité d’entreprise et aux managers pour rétablir la confiance avec la Direction Générale ». Il n’explique pas en quoi ces « éclaircissements » pourraient rétablir la confiance. Il apparaît plutôt, qu’au contraire, on discrédite le directeur Bernard ouvertement. Comme humiliation publique, il semble difficile de faire mieux.

la réunion de février 2009

[71]        Lors d’une réunion du groupe des opérations qui se tient à Waltham en février 2009, à laquelle assistent monsieur Bernard et un de ses collègues de Québec, ils subissent les foudres de monsieur Cancre devant une dizaine de personnes. Il les interrompt au milieu d’un exposé, les rabroue et leur dit qu’ils font perdre le temps de tout le monde avec des discours théoriques, longs et inutiles.

[72]        Monsieur Bernard rapporte à quel point ils se sont sentis vexés. Les personnes qui ont assisté à la scène en ont reparlé pendant le souper.

l’évaluation

[73]        En mars 2009, monsieur Bernard reçoit son évaluation pour la période d’avril 2008 à mars 2009. Cette évaluation est si favorable qu’on lui accorde une augmentation de salaire de 25 000 $ et, en plus, un boni de performance de 52 000 $. Ces sommes lui sont versées alors qu’un gel des salaires est en vigueur pour l’ensemble des employés du groupe Olympus NDT.

[74]        Cette évaluation, faite quelques mois seulement avant le congédiement de monsieur Bernard, est fort élogieuse. Voici ce qu’on y lit dans la section « Comments » :

141P has been a good year for Olympus NDT (ONDT) and Olympus NDT Canada (ONDTC) in particular with 22% growth year over year in USD. Raynald’s leadership has been an integral part of this success.

Raynald his knowledgeable in all areas of the business he is responsible for : manufacturing, commercial oprerations, integrations, local management representation and HR. His experience has been of great help to the existing management team and he has be a very good leader for our employees in Quebec.

A lot of the problems at ONDT C were related to the absence of well defined processes and controls. During 141 P, Raynald has implemented better controls and processes. He has also developed a culture of accountability and team work which has significantly improved the overall performance of the business an its perception by our customers.

Raynald his well organized, communicates clearly in French and English and execute the plan he commits to on time. His commitments are well though of and are executed thoroughly.

The working relationship with the other Executive Committee members is good and generally speaking has improved during the year. Raynald has quickly been accepted as a key member of ONDT’s management team. However, some employees, at ONDT C continue to be concerned about the concentration of power around Raynald and I have informed Raynald of these concerns. This is not a problem but is important for Raynald to continue to demonstrate his allegiance to Olympus and its management to avoid the perception of unlimited local power.

Raynald communication with the employees in Quebec has been very successful and the changes initiated in the HR department have had a positive impact on our communictions with the employees. A an example, the Pay-for-skills program has been roll out successfully without any pushback form employes. Communication with customers has also been very good.

Customer service and on a broader sense customer support has improved at ONDT C. Raynald has communicated the right values properly and selected the right individuals to improve the quality of service. This is a major accomplishment.

Overall, Raynald has been very successful leading the transformation effort at ONDT C and his contribution to the overall success of ONDT in 141P has been significant.

(Reproduit tel quel)

[75]        À la mi-juillet 2009, monsieur Yoda, proche collaborateur du président Kikukawa d’Olympus au Japon, est reçu au bureau de Québec pour préparer la visite du président japonais prévue le 29 septembre. Monsieur Yoda réitère au directeur Bernard sa grande satisfaction de le compter dans ses rangs.

[76]        Cet évènement de la venue du président constitue un grand honneur, une forme de reconnaissance, selon monsieur Bernard, pour les résultats remarquables obtenus à Québec. Cette visite n’aura finalement jamais lieu.

LE SYSTÈME CLEARVIEW

[77]        Le 25 mars 2009, monsieur Decker informe les employés de l’implantation d’un nouveau système à leur disposition :


Chers employés d’Olympus NDT,

Le Groupe Olympus a une longue tradition d’encourager chez ses employés des comportements à l’image de ses valeurs d’intégrité et de ses pratiques commerciales morales. Pour s’assurer que tous les employés d’Olympus NDT comprennent ces valeurs fondamentales et agissent dans les règles de l’éthique, Olympus NDT met en application, dans l’ensemble de l’entreprise, un Code de conduite qui définit les normes selon lesquelles nous devons tous nous comporter et nous acquitter de nos responsabilités professionnelles.

(…)

Tous les employés sont encouragés à signaler à leur superviseur, leur directeur ou à un représentant du service des ressources humaines toute préoccupation relative à une infraction présumée au Code de conduite ou à toute autre politique de la compagnie relative notamment au harcèlement, à la sécurité ou à la conformité environnementale. Dans l’éventualité où il n’es pas possible ou aisé de signaler une préoccupation par l’entremise des voies hiérarchiques normales, Olympus NDT met également en œuvre un processus de signalement confidentiel et anonyme : Olympus NDT a pris des dispositions avec ClearView Strategic Partners Inc., un service de rétroaction indépendant, afin d’offrir à ses employés, à compter du 1er avril 2009, un moyen de communication confidentiel et anonyme. ClearView, située à Toronto, en Ontario, offre un service de téléassistance, en français et en anglais, et compte parmi ses clients d’importantes compagnies nord-américaines et des organismes gouvernementaux.

Les employés peuvent soulever une préoccupation anonymement par l’entremise de ClearView en utilisant le site Web interactif (…) ou en envoyant une lettre. Les informations soumises à ClearView seront acheminées anonymement pour fins d’enquête à des personnes indépendantes de la compagnie Olympus. Nous tenons à ce que vous vous sentiez à l’aise d’utiliser le système d’aide au signalement lorsque vous en sentez le besoin.

(…)

(Reproduit tel quel)

[78]        Il s’agit, somme toute, d’un système de délation anonyme.

[79]        C’est la compagnie mère au Japon qui en exige la mise en place dans le cadre de la recherche d’un processus transparent.

[80]        Six personnes sont désignées pour prendre connaissance et préparer des projets de réponse aux doléances qui se retrouvent sur cette plate-forme, dont messieurs Decker et Bernard et madame Roy. Dans ce groupe, trié sur le volet, selon monsieur Cancre, on a tenté de représenter les hommes, les femmes, les francophones, les anglophones, les Québécois et les Américains. La grande majorité des plaintes, à cette époque, provient de Québec. Monsieur Decker reçoit les plaintes et les soumet toutes au président Okubo. Très souvent, il réfère aussi à monsieur Cancre qui est francophone.

[81]        Très rapidement, ce système, que le procureur de monsieur Bernard qualifie de « machine à promouvoir le harcèlement psychologique », devient un exutoire à toutes les insatisfactions, un outil permettant toutes les accusations gratuites ou non, et ce, de façon tout à fait anonyme. Monsieur Cancre parle d’un « déluge de plaintes ».

[82]        Une plainte arrive et aussitôt on demande des comptes, des projets de réponse, et ce, indépendamment du sérieux de l’affirmation.

[83]        Certaines plaintes et réponses circulent dans l’établissement de Québec, ce qui mine sérieusement le climat de travail. La méfiance s’installe.

[84]        Les employés se plaignent les uns des autres, de leur direction, des décisions prises, de leurs conditions de travail, de tout et de rien. Certains se plaignent du système lui-même et en réclament l’abolition. Aucun filtrage n’est fait par « Clearview ».

[85]        Plusieurs plaintes sont dirigées contre monsieur Bernard pour différentes raisons. Le fait que sa fille travaille dans l’usine à titre d’étudiante lui est reproché. La question du stationnement réservé est dénoncée. Une autre plainte l’accuse de harcèlement psychologique. Alors que son père est gravement malade et qu’il le visite régulièrement, certains se plaignent de l’horaire « allégé » de monsieur Bernard.

[86]        En juillet 2009, il est convenu d’engager une firme externe pour faire enquête sur un certain nombre de ces plaintes.

[87]        Monsieur Bernard passe beaucoup de temps à se justifier. Il ajoute qu’à chaque fois qu’un courriel arrive, il devient nerveux, redoutant une autre plainte.

[88]        À la demande de monsieur Decker, il congédie sa fille qui déposera par la suite une plainte à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse.

l’absence pour maladie

[89]        Au cours de l’été 2009, monsieur Bernard éprouve des problèmes de santé qu’il lie au stress qu’il vit, en raison du climat de travail.

[90]        Le 21 août 2009, son médecin suggère un arrêt de travail. Monsieur Bernard s’y refuse en raison des projets en cours. Il attend notamment la visite du numéro un mondial, monsieur Kikukawa à la fin de septembre. Il y a aussi la finalisation d’une entente importante avec un client majeur.

[91]        Un mois plus tard, le 20 septembre, monsieur Bernard, absent du travail pour subir des examens médicaux, informe monsieur Cancre qu’il ne pourra se présenter au travail le lendemain puisque des tests supplémentaires sont prescrits.

[92]        Le 21 septembre, une nouvelle consultation médicale se conclut par la prescription d’un arrêt de travail jusqu’au 26 octobre.

[93]        Pendant cette absence pour maladie, plusieurs incidents surviennent. D’abord, une lettre est transmise à monsieur Bernard, le 25 septembre, concernant son absence pour maladie.

[94]        Il déplore d’abord qu’on s’adresse à lui par courrier recommandé, ce qui l’amène à s’interroger et à s’inquiéter sur la nature de la communication et le force à se déplacer pour en prendre livraison. Au surplus, il y a une erreur. Son salaire, suivant ses conditions de travail, devrait être maintenu pendant dix-sept semaines et non douze. Finalement, on lui demande un certificat médical qu’il a déjà remis.

[95]        Il écrit donc à monsieur Cancre le 1er octobre pour se plaindre de cette façon de faire. Il conclut en ces termes :

Fabrice, je te demande de prendre les moyens à ce que cet harcèlement s’arrête immédiatement, que la protection de mon invalidité court terme soit confirmée tel quel doit l’être i.e. 119 jours et que vous m’indiquiez clairement ce qu’il manque à mon dossier pour justifier les paiements.

(Reproduit tel quel)

[96]        Le 8 octobre 2009, il dépose une plainte à la Commission des normes du travail alléguant être victime de harcèlement psychologique dont la dernière manifestation aurait eu lieu le 1er octobre.

[97]        Le 13 octobre 2009, monsieur Bernard écrit à monsieur Cancre :

Fabrice,

Je voulais voir si j’avais eu des messages sur mon cellulaire ce matin et je n’ai plus de service, pourquoi l’avoir coupé?

J’ai voulu accéder à mon relevé de paie de la semaine dernière sur mon compte Nethris, plus d’accès?

Qu’est-ce que je dois comprendre de tout ce cirque?

[98]        Un peu plus tard cette même journée, monsieur Bernard réécrit à monsieur Cancre. Il signale d’abord qu’il n’a pas eu de réponse à la question relative à la couverture d’assurance. Il réitère les difficultés du matin et il lui indique qu’il trouve toute cette situation vexante. Il ne s’agit pas d’un évènement isolé mais d’une série d’incidents auxquels il doit consacrer de l’énergie alors qu’il est en congé de maladie.

[99]        Monsieur Cancre lui répond qu’il minimise les communications pour lui permettre de se rétablir, mais qu’il désire le rassurer immédiatement. Il l’informe donc qu’il recevra des prestations pendant dix-sept semaines et non douze. C’était une erreur. En ce qui concerne le bulletin de paie, il en recevra une copie papier, puisque l’accès au système est retiré à tout employé en congé de maladie. Dans son cas cependant, l’accès sera rétabli. Pour ce qui est du téléphone, il a aussi été suspendu par erreur. La situation sera corrigée sous peu.

[100]     Il l’assure en terminant que toutes ces erreurs sont fortuites.

[101]     Le 24 octobre, lorsque son congé de maladie est prolongé, monsieur Bernard en informe messieurs Cancre, Okubo et Yoda :

Fabrice, Toshi and Yoda,

Il is with profound sadness and humiliation that I must advise you that my doctor is maintaining her diagnostic and is forcing me to extend my sick leave of absence; as I mentionned to Fabrice earlier mid-October, I am doing all that is dictaded by my doctor to get back healthy as soon as possible, but the events of the last weeks and the behavior of several Olympus employees counter-benefit to all the efforts made from my side.

Il takes me a lot of energy and courage to write this note. Il will not be back in the office Monday.

I am deeply sorry,

(…)

(Reproduit tel quel)

[102]     À ce moment, l’arrêt de travail est prévu jusqu’au 4 janvier 2010.

le congédiement

[103]     Le 28 octobre, monsieur Decker écrit à monsieur Bernard pour l’informer qu’il désire le rencontrer le lendemain ou la semaine suivante, plus précisément le 2 ou le 3 novembre.

[104]     Cette rencontre n’a pas lieu.

[105]     La lettre de congédiement, datée du 3 novembre 2009 et postée le même jour, est laconique. Les seuls motifs indiqués apparaissent au premier paragraphe :

La présente fait suite à notre demande de rencontre formulée le 28 octobre dernier. Étant donné que vous n’avez pas donné suite, nous vous avisons par écrit que nous devons mettre fin à votre emploi en date d’aujourd’hui, et ce, pour motifs sérieux.

[106]     Aucune précision quant à ces motifs n’est apportée. Les informations qui suivent sont toutes relatives aux conditions d’ordre pécuniaire de la fin d’emploi, à l’exception d’un rappel sur l’obligation de loyauté et de confidentialité à laquelle il est tenu.

[107]     Monsieur Bernard prend livraison de la lettre au bureau de Postes Canada, le 5 novembre à 11 h 20.

[108]     Aucun motif de congédiement ne lui est par ailleurs transmis. Il n’apprend l’essentiel de ces motifs que beaucoup plus tard, entre autres, par une requête présentée en Cour supérieure et certains autres éléments lors de l’audience devant la Commission.

[109]     Dans cette requête datée du 24 février 2010, Olympus réclame de monsieur Bernard des dommages s’élevant à plus de 500 000 $ et de sa fille une somme de 10 000 $.

[110]     Comme il n’a pas obtenu toutes les autorisations requises pour différentes dépenses, on lui réclame ces sommes. La base de la réclamation se retrouve au paragraphe 14 :

Nonobstant l’existence de cette « Matrix of Schedule of Authority », pièce P-4, il s’est avéré, après une enquête qui a duré de nombreuses semaines, que R. Bernard a unilatéralement autorisé de nombreuses dépenses en contravention flagrante avec ladite « Matrix of Schedule of Authority », certaines ayant même procuré un bénéfice monétaire direct à R. Bernard, le tout tel qu’il sera démontré plus amplement ci-après;

[111]     Ce « bénéfice monétaire direct » n’est toutefois pas précisé.

[112]     La réclamation concerne plus précisément les items qui suivent.

[113]     Olympus reproche à son ex-directeur général d’avoir procédé à des embauches. Au paragraphe 18, on peut lire : 

Nonobstant les règles claires énoncées dans les documents précités, pièce P-6, et dans la « Matrix of Schedule of Autority », pièce P-4, R. Bernard a procédé à l’embauche de quatre (4) employés sans recevoir les approbations requises, le tout ayant engendré une dépense totale de 114 240, 00 $ pour Olympus, tel qu’il appert plus amplement du tableau « Appendix A-Annual Impact of Unauthorized New Hires » (…)

[114]     Ces embauches auraient donc engendré une dépense non autorisée de 114 240 $.

[115]     À l’audience, les documents produits par monsieur Bernard démontrent qu’au moins une de ces embauches a été autorisée et monsieur Cancre admet l’erreur.

[116]     On reproche plus loin au directeur général de l’usine d’avoir accordé des augmentations salariales qui « étaient sujettes à l’approbation de certains hauts dirigeants » (paragraphe 25).

[117]     On lit ce qui suit au paragraphe 26 :

Il appert que R. Bernard a consenti des augmentations de salaire rétroactives à certains employés sans obtenir l’approbation nécessaire et en contravention avec les directives reçues concernant le gel de salaire, (….).

[118]     Une somme de 35 514,65 $ aurait ainsi été versée et est donc réclamée.

[119]     À cet égard, Olympus reproche aussi à monsieur Bernard d’avoir sciemment dissimulé ces augmentations en donnant des instructions au service de la paie de verser ces sommes à un autre titre.

[120]     Monsieur Bernard nie catégoriquement ces accusations. Il n’a jamais donné d’instructions ou demandé de cacher des sommes versées, notamment à titre de boni.

[121]     Madame Robitaille, technicienne à la paie, témoigne qu’elle a été engagée en janvier 2009 par Suzanne Roy pour restructurer le service de la paie qui était désorganisé, inefficace et improductif. Les deux comptables alors en poste connaissaient des problèmes sérieux de processus de travail, selon elle.

[122]     À ce sujet, il est intéressant de rappeler cet extrait du résumé de la situation concernant la revue des salaires de 2008 fait par monsieur Cancre le 21 mai 2008:

Semaine du 28 Avril : Les nouvelles salariales sont fournies par RH Québec et la Direction Générale constate que l’ajustement des bénéfices marginaux (un jour férié et deux jours de maladie) a été inclus dans le salaire et non pas donné en temps. Cette initiative n’a jamais été approuvée par la Direction Générale et je demande que les salaires soient réajustés à la baisse pour que les avantages en nature restent en nature. La justification de cette décision est que nous devons compenser immédiatement notre déficit vis-à-vis des autres entreprises de Québec une bonne fois pour toutes.

[123]     En février 2009, alors qu’elle était invitée au bureau de monsieur Bernard qui était accompagné pour l’occasion de madame Roy, on aurait demandé à madame Robitaille comment verser un salaire rétroactif sans que cela ne paraisse à la comptabilité. Elle précise qu’ils ne lui ont pas demandé de le faire. Elle ne connaît qu’une façon de verser un salaire rétroactif et c’est en indiquant dans les livres le code approprié.

[124]     Pour l’audience devant la Commission, elle a vérifié les dossiers de tous les employés qui ont reçu des paiements rétroactifs ou qui ont vu leur salaire modifié depuis octobre 2008 jusqu’à la fin du mois de janvier 2010. Elle en a conclu que, pour plusieurs, les entrées comptables étaient effectuées de façon tout à fait incorrecte, allant jusqu’à entrer le paiement de la rétroactivité à titre de versement de sommes de toute autre nature, comme des heures supplémentaires ou des indemnités de jours fériés.

[125]     Dans les notes préliminaires de son rapport, elle écrit à ce sujet :

Dans les différents dossiers traités dans le tableau sommaire présenté, les rétros ont été versées en affectant toutes les heures travaillées, tant celles de 2008 que celles de 2009, c’est-à-dire que des heures ont été enregistrées en négatif à l’ancien taux et réaffectées en positif, au nouveau taux, plutôt que de procéder par un versement dans la rubrique « rétro » en argent, ce qui rend la lecture du relevé de paie et du registre des salaires incompréhensibles et ne respecte pas les règles normalement utilisées lors d’un versement de rétros.

[126]     Monsieur Bernard nie avoir donné des instructions à cet effet à qui que ce soit. Il rappelle que ce service de la paie vivait des difficultés réelles et que c’est précisément pour les régler que madame Robitaille a été engagée. Il a effectivement discuté avec elle et madame Roy de l’état des choses à son arrivée. Ils lui ont demandé de régulariser la situation et de corriger les erreurs. Il convient avec madame Robitaille que le procédé utilisé, qu’elle décrit, est incorrect.

[127]     Des paiements rétroactifs ont dû être effectués en raison du retard pris à l’établissement du programme de la rémunération selon la compétence. Le gel des salaires qui était en force ne s’appliquait pas à ce programme, approuvé par monsieur Cancre tout comme les taux augmentés l’ont été. Il n’avait aucune raison de vouloir cacher quoi que ce soit.

[128]     Il admet, par ailleurs, avoir été informé que certains employés ont demandé l’étalement des paiements de la rétroactivité versée et précise qu’il est d’accord avec cette pratique usuelle. Monsieur Marcoux, le directeur financier, affirme qu’un étalement ne change rien au taux de l’impôt retenu à la source et que cette démarche ne vise qu’à empêcher les vérificateurs de détecter le paiement en diluant l’information. Monsieur Bernard est en désaccord avec lui et estime que, de toute façon, la croyance populaire voulant qu’un versement élevé entraîne une modification à la hausse du taux d’imposition à la source justifie la démarche.

[129]     Il ajoute, pour conclure sur ce point, qu’il n’a pas accès aux fichiers de la paie et que ce service ne relève pas de lui, mais de messieurs Marcoux et Decker.

[130]     Dans le même ordre d’idées, on blâme le directeur général d’avoir autorisé à un cadre des dépenses allant jusqu’à 100 $ par semaine sur présentation de factures. La somme de 4 500 $ constitue donc un avantage qui aurait été « consenti illégalement » et qui n’a pas été « divulgué » (paragraphe 34). Ces conditions étaient justifiées, selon monsieur Bernard qui croyait avoir l’autorité de les accorder.

[131]     L’embauche d’un consultant pour une période de cinq mois lui est aussi reprochée puisqu’elle n’a pas reçu l’approbation de certains hauts dirigeants qui ont mis un terme au contrat dès qu’ils en ont eu connaissance et avant que ne commence le mandat. Monsieur Bernard soutient avoir eu toutes les autorisations requises comme pour toutes les actions qu’il a posées. Il ajoute qu’une fois qu’il a donné son approbation à un projet d’embauche, il appartient au responsable du département qui en fait la demande, en collaboration avec les ressources humaines, d’obtenir les approbations requises.

[132]     Une somme de 4 500 $ lui est réclamée à ce chapitre.

[133]     Une modification dite non autorisée au régime d’épargne retraite a eu un impact financier de 18 690 $ qu’on lui réclame aussi.

[134]     Monsieur Bernard explique, qu’en juillet 2008, dans le cadre des négociations entourant le départ d’un employé, la clause du régime de retraite, prévoyant qu’un participant qui quitte son emploi avant d’avoir atteint deux ans de service ne peut réclamer la portion des cotisations versées par l’employeur, constituait une embûche. Monsieur Cancre aurait alors mandaté monsieur Bernard pour revoir cet aspect avec le gestionnaire du régime afin qu’un employé puisse bénéficier de ces sommes indépendamment de la durée de son service.

[135]     Monsieur Bernard a finalement signé la révision des Règles administratives des régimes de retraite de Olympus NDT Canada inc. le 1er août 2009.

[136]     Monsieur Cancre nie avoir fait cette demande.

[137]     La requête comporte également une réclamation de dommages et intérêts adressée à monsieur Bernard et à sa fille, chacun pour 10 000 $, en raison de la divulgation et de l’utilisation d’informations confidentielles auxquelles seuls certains dirigeants avaient accès, dont monsieur Bernard. Il s’agit principalement d’informations provenant du site « Clearview » et, selon les allégués, d’opinions légales relatives à ces informations.

[138]     La requête soulève d’autres fautes. Il y est question du défaut d’aviser les hauts dirigeants de nombreuses plaintes qui auraient été déposées à la Commission des normes du travail ainsi que d’une pétition signée par près de 50 employés à l’encontre du nouveau programme de rémunération. Monsieur Bernard aurait aussi refusé d’implanter une politique d’attribution et d’utilisation de téléphones cellulaires et il aurait omis « de communiquer la « Matrix of Schedule of Authority » aux cadres de niveau inférieur, contrairement aux directives reçues » (paragraphe 68).

[139]     Sur ce dernier point, monsieur Bernard précise avoir transmis la table d’autorité le 30 septembre 2008. Le directeur du Comité de francisation lui a immédiatement écrit pour lui signaler que ce document, rédigé intégralement en anglais, contrevient à la Charte de la langue française et qu’il compte sur la direction pour remédier à cette situation au plus tôt. Les versions 7, 8 et 9 de ce document, toujours en anglais seulement, ont été envoyées, pour commentaires, aux membres du comité exécutif les 3 novembre 2008, 9 février et 21 avril 2009, par monsieur Decker, sans qu’il ne leur soit demandé de les transmettre à leur tour aux cadres.

[140]     Quant aux plaintes à la Commission des normes du travail, la preuve ne révèle pas de quoi il s’agit précisément.

[141]     En ce qui concerne la pétition, il s’agirait, selon monsieur Bernard, d’une demande d’une cinquantaine d’employés qui craignaient que les tests de compétences dans le cadre du programme de rémunération par compétence soient inexacts. La mise sur pied d’un comité, au sein duquel les employés ont été impliqués, aurait clos l’incident.

[142]     Pour ce qui est de la politique concernant les téléphones cellulaires, la preuve n’apporte aucun détail utile. Monsieur Decker précise simplement qu’il a demandé à monsieur Bernard d’élaborer cette politique mais qu’il ne l’avait toujours pas fait au moment de son départ.

[143]     Par sa requête, Olympus réclame donc 114 240,00 $ pour l’« embauche de nouveaux employés sans approbation », 315 622,00 $ en raison d’« augmentations de salaire à plusieurs employés sans approbation », 35 514,65 $ pour des « augmentations de salaire rétroactives sans approbation », 4 500,00 $ au titre de « bénéfices secrets accordés à un cadre », 18 690,00 $ pour des « modifications au régime d’épargne retraite sans approbation » et 10 000,00 $ pour « divulgation d’informations confidentielles ». À cela s’ajoute une somme additionnelle de 50 000,00 $ à titre de dommages pour troubles et inconvénients et une réclamation de 10 000,00 $ au même chef dirigée contre la fille de monsieur Bernard.

[144]     Les paragraphes 77 et 78 de la requête se lisent ainsi :

77. Par l’ensemble de ses agissements, R. Bernard a agi illégalement en ne respectant pas la structure hiérarchique de chez Olympus, se comportant comme s’il était l’unique propriétaire de cette entreprise;

78. R. Bernard a également tenté de dissimuler certains de ses agissements afin que les autres dirigeants d’Olympus n’en soient pas informés;

[145]     Olympus lui réclame donc 548 566,65 $ et 10 000,00 $ à sa fille.

[146]     La mise en demeure précédant la poursuite en réclamation de ces sommes est signifiée le 15 décembre 2009.

[147]     Devant la Commission, monsieur Cancre justifie le congédiement en invoquant quatre motifs qui ont été analysés sérieusement. Il les expose dans l’ordre suivant.

[148]     D’abord, le non-respect des politiques internes en ce qui concerne le gel des salaires. Monsieur Bernard aurait embauché du personnel et accordé des augmentations de salaire à l’encontre de ces politiques.

[149]     Ensuite, il n’aurait pas respecté les valeurs de l’entreprise. Il agissait, soutient-on, comme s’il dirigeait sa propre entreprise. Il aurait congédié des gens cavalièrement et s’est réservé un stationnement.

[150]     Le troisième motif réside dans son incapacité à établir une bonne communication avec ses employés et avec la direction. Il réfère à la pétition et aux plaintes à la Commission des normes du travail discutées plus avant.

[151]     Finalement, il reproche à monsieur Bernard des actions qu’il dit discutables et peut-être illégales en référant aux augmentations salariales accordées sous la forme de paiement d’heures supplémentaires ou d’indemnités de jours fériés.

[152]     Pour couronner le tout, monsieur Cancre brandit un document daté du 18 septembre, qu’il dit avoir reçu le 17 septembre. Intitulé affidavit, ce document est signé de madame Guylaine Desjardins, une employée technicienne à la paie qui avait été embauchée par l’ancienne directrice des Ressources humaines et qui a été congédiée par madame Roy le 2 septembre 2009. Madame Desjardins n’a pas témoigné devant la Commission.

[153]     Dans ce document de trois pages et demie, pas moins de 19 noms d’employés sont mentionnés, sans compter les affirmations concernant un représentant d’une firme externe. Les motivations, les paroles, les agissements, états de l’un et de l’autre y sont décrits, condamnés ou défendus selon le jugement de la déclarante. Bref, une multitude d’allégations et d’accusations, dont certaines visant monsieur Bernard, provenant d’une personne qui vient de perdre son emploi.

[154]     Monsieur Cancre n’a d’aucune façon communiqué avec cette employée par la suite.

[155]     C’est ce dernier document qui a décidé monsieur Cancre à recommander à ses patrons, messieurs Okubo et Yoda, de congédier monsieur Bernard. Il écrit ce 17 septembre que « after getting legal advice from our Quebec based employment lawyer, we are confident that we have enough facts to terminate the three of them for cause on Monday and we are prepared to act accodingly. ». Trois employés sont donc concernés.

[156]     Il est ainsi décidé de procéder au congédiement de monsieur Bernard le 21 septembre 2009.

[157]     Comme mentionné, c’est ce même jour que monsieur Bernard annonce son arrêt de travail pour des motifs médicaux. Le congédiement est donc reporté. Lorsque le congé sera prolongé le 24 octobre, il est décidé de procéder au congédiement sans plus attendre. Aucun motif particulier n’est toutefois invoqué au soutien de cette décision. Monsieur Decker ne réussit pas, malgré sa demande, à rencontrer monsieur Bernard le 29 octobre, ni les 2 et 3 novembre. La lettre de congédiement est donc postée et reçue par monsieur Bernard le 5 novembre 2009, jour du dépôt des plaintes selon les articles 122 et 124 de la LNT.

l’analyse et les motifs

[158]     Monsieur Bernard soutient qu’il n’est pas un cadre supérieur, qu’il justifie de deux ans de service continu, qu’il a été congédié injustement en raison de sa plainte de harcèlement qu’il croit fondée.

[159]     Même si la Loi sur les normes du travail ne s’applique pas, en général, aux cadres supérieurs, les dispositions concernant le harcèlement psychologique et les recours en découlant leur demeurent applicables (article 3, paragraphe 6). Ainsi, le statut de monsieur Bernard est déterminant au regard des recours qui lui sont ouverts. S’il est considéré comme un cadre supérieur, seul les recours à l’encontre du harcèlement qu’il prétend avoir subi sont recevables. S’il n’est pas un cadre supérieur, la plainte selon l’article 122 paragraphe 5 l’est aussi et celle suivant l’article 124 le sera si le service continu exigé est justifié.

cadre supérieur

[160]     La LNT ne comporte pas de définition de l’expression « cadre supérieur ». Elle doit cependant être interprétée de façon restrictive puisqu’il s’agit d’une exception à une loi d’application générale qui prévoit des conditions minimales de travail.

[161]     La Cour d’appel dans Commission des normes du travail c. Beaulieu, AZ-50082094, pose les balises d’interprétation de cette notion.

[21]           Divers critères ont été élaborés par la jurisprudence pour déterminer si une personne est ou non un cadre supérieur, mais il semble que les plus importants sont sa participation à l’élaboration des orientations politiques de l’entreprise et son pouvoir décisionnel. Les auteurs Georges Audet, Robert Bonhomme, Clément Gascon et Magali Cournoyer-Proulx résument ces critères dans leur ouvrage Le congédiement en droit québécois en matière de contrat individuel de travail, 3e édition, feuilles mobiles, Cowansville (Qc), Éd. Yvon Blais, 1991, vol. 1, paragr. 16.1.16 :

D’ailleurs, depuis la décision Les conseillers en placement Pemp Inc. c. Forget, [C.S., Montréal, n0 500-05-004830-939, le 7 septembre 1994 ( J.E. 94-1497 )], plusieurs décisions ont été rendues sur la question. Tout en rappelant que l’expression « cadre supérieur » doit être interprétée restrictivement, ces décisions tiennent compte en particulier de certains éléments de faits dans leur évaluation du statut de l’employé :

1)      la position hiérarchique de l’employé est pertinente : il doit faire partie de la haute direction. À cet égard, il peut exister différents niveaux hiérarchiques de cadres : cadre de premier niveau, cadre intermédiaire et cadre supérieur ;

2)      il faut examiner la gestion du personnel (cadre ou non) de l’employé dont le statut est contesté. […]  L’importance de son rôle, de sa discrétion, de sa liberté d’action (sans dépendance), et des pouvoirs qui lui permettent notamment de lier l’entreprise envers des tiers, sont autant de facteurs traditionnels qui deviennent alors déterminants dans de telles circonstances ;

3)      les relations de l’employé avec le propriétaire : le cadre supérieur qui fait partie de la haute direction relève, en règle générale, directement du président de l’entreprise ou de ses propriétaires (tel le conseil d’administration) ;

4)      les conditions de travail du salarié ainsi que son arrivée et sa progression dans l’entreprise ;

5)      la participation de l’employé à la gestion : le cadre supérieur doit participer à l’élaboration des décisions politiques de l’entreprise, à savoir les stratégies et les politiques de cette dernière, ainsi qu’à la détermination des moyens pour assurer la rentabilité ou la croissance de l’entreprise ;

6)      il doit jouir d’une grande autonomie, d’une importante discrétion et d’un pouvoir décisionnel important, et non être un simple exécutant des décisions et des priorités de l’employeur.

Il importe toutefois de préciser que chaque cas en est un d’espèce et que plusieurs des critères ou indices énoncés ci-dessus seront fort utiles ou carrément sans utilité selon la grosseur de l’entreprise, son caractère lucratif ou non, la structure du personnel qui la compose et les secteurs d’activités dans lesquels elle agit.

En définitive, il nous semble que les cinquième et sixième critères ci-dessus résumés doivent être privilégiés dans un premier temps, car, à moins de rares exceptions, ils constituent toujours des indices-clés permettant de qualifier un employé de « cadre supérieur », tout autre indice n’ayant souvent qu’un rôle secondaire. [Je souligne.]

[…]

[24]           À mon avis, le cadre supérieur est celui qui participe à l’élaboration des politiques de gestion et à la planification stratégique de l’entreprise. Il doit avoir un grand pouvoir décisionnel et non simplement coordonner les activités de l’entreprise ou appliquer les politiques de gestion élaborées par la haute direction. Les fonctions d’un cadre supérieur ne seront évidemment pas les mêmes dans une société d’assurance opérant à la grandeur du Canada et dans une petite ou moyenne entreprise, à caractère local, telle une boulangerie. C’est pourquoi il est aussi nécessaire d’examiner le contexte particulier de l’entreprise pour déterminer si une personne est ou non un cadre supérieur. Voyons maintenant ce qu’il en est en l’espèce.

[162]     La Commission précise dans Laroque c. Corp. EMC du Canada, 2002 QCCRT 0028  :

[40]      Même si plusieurs critères sont mis de l’avant dans la détermination du niveau d’emploi, un seul apparaît déterminant, la participation à l’élaboration ou à la définition des orientations et des politiques générales de l’entreprise.

[41]      Le contrôle, la planification et la gestion des opérations quotidiennes ou courantes appellent un niveau d’emploi inférieur à celui de cadre supérieur. Le pouvoir d’un cadre supérieur s’exerce par ou sur des décisions de niveau supérieur qui concernent la planification stratégique, les orientations de l’entreprise et ses politiques. Évidemment, selon la taille de l’entreprise, ce pouvoir pourra s’exercer sur une ou plusieurs fonctions essentielles à l’entreprise.

[42]      En d’autres termes, il faut regarder les pouvoirs et les fonctions du plaignant et déterminer si son pouvoir est restreint aux opérations, ou s’il s’étend à l’élaboration des orientations et des politiques.

[163]     Dans une plainte qu’il adresse à un autre organisme, monsieur Bernard décrit ainsi sa situation hiérarchique :

Mon titre est Directeur Général mais ma responsabilité se limite à la coordination des activités du site de Québec sans autorité décisionnelle; en effet, les ventes, le marketing, la R&D, les opérations, les finances, les ressources humaines et les technologies de l’information ne sont pas sous ma responsabilité et je n’ai aucune autorité sur ces fonctions. (Fig 1, organigramme) Une table d’autorité est en place et limite même toute action qui serait placée dans le cours normal des affaires : exemple je ne peux procéder à l’embauche de qui que ce soit sans avoir obtenu l’autorisation de 4 paliers hiérarchiques supérieurs; je n’ai pas l’autorité à contracter des contrats de services ou même faire un don à une œuvre de charité, si minime soit-il…

[164]     Il soutient toujours devant la Commission qu’il a la responsabilité administrative de la cohésion, de la cohérence d’action entre les différents services et divisions de l’usine dont il est le directeur. Dans ce qu’il désigne comme une « structure matricielle », tous les départements sont sous la responsabilité d’un directeur corporatif. Par exemple, la comptabilité relève du directeur financier Marcoux, les ressources humaines de monsieur Decker, la production de monsieur Welsh, « vice-président manufacturing & operations » et de monsieur Canty, « executive dir. Manufacturing », les ventes du « vice-president sales & marketing » et ainsi de suite.

[165]     Il n’a, soutient-il, qu’un pouvoir de recommandation; il fait partie de la maille de commande.

[166]     Malgré son titre de directeur général exécutif, monsieur Bernard réussit à démontrer que l’intervention régulière des dirigeants de Waltham et même de ceux du Japon, l’application stricte de la table d’autorité et des politiques et directives émises, la surveillance constante de ses moindres faits et gestes allant jusqu’à vérifier et condamner un compte de dépenses de 28 $ ou l’achat d’un photocopieur ou l’installation d’un drapeau sont autant d’éléments empêchant de conclure à son statut de cadre supérieur.

[167]     La preuve révèle aussi l’absence de pouvoirs autonomes significatifs. Les décisions, même celles d’une importance relative, notamment en matière d’embauche, ou celles impliquant des sommes supérieures à 25 000 $ doivent être approuvées suivant un processus préétabli et parfois complexe.

[168]     La responsabilité hiérarchique des directeurs « corporatifs » à Waltham est aussi significative. Elle leur permet d’intervenir et de soumettre à leur approbation les décisions de toutes les directions de l’usine, privant du coup le directeur général de toute latitude.

[169]     Le fait que monsieur Bernard soit membre du comité exécutif (EC) constitue un élément important de l’argumentation de Olympus. Le rôle de ce comité n’est toutefois pas très clair et la preuve en révèle bien peu de choses.

[170]     Au paragraphe 20 de la requête en réclamation de dommages, on retrouve toutefois une indication significative que ce comité n’a pas les pouvoirs qu’on prétend qu’il a :

De plus, le 4 mars 2009, Olympus a avisé les membres du « Executive Committee » que la décision avait été prise de procéder à un gel de salaire pour l’ensemble du personnel, (…).

[171]     Cette allégation indique clairement que la décision du gel des salaires n’a pas été prise par le comité exécutif qui constitue le forum de prises des décisions stratégiques selon messieurs Cancre et Marcoux.

[172]     Les assises de cette requête en Cour supérieure reposent d’ailleurs sur l’absence d’autorité du directeur général.

[173]     Il appert en effet que monsieur Bernard ne participe pas l’élaboration des décisions politiques ou stratégiques de l’entreprise. Le pouvoir qui lui est délégué est restreint, balisé, encadré et il ne peut l’exercer que sous la surveillance étroite des ses supérieurs, ce qui ne lui laisse pas la discrétion et l’autonomie d’un cadre supérieur.

[174]     Ce statut de cadre supérieur qu’Olympus oppose à monsieur Bernard constitue une exception à une loi d’application générale, d’ordre public et à caractère social. À ce titre, il doit recevoir une interprétation restrictive.

[175]     Le fardeau de prouver que l’exception est applicable appartient à Olympus qui ne réussit pas à le relever.

[176]     Ce moyen est donc rejeté.

la durée du service continu

[177]     Pour bénéficier du recours en vertu l’article 124 de la LNT, monsieur Bernard doit justifier de deux ans de service continu. La notion de service continu est définie à l’article 1 paragraphe 12 de la LNT :

La durée ininterrompue pendant laquelle le salarié est lié à l'employeur par un contrat de travail, même si l'exécution du travail a été interrompue sans qu'il y ait résiliation du contrat, et la période pendant laquelle se succèdent des contrats à durée déterminée sans une interruption qui, dans les circonstances, permette de conclure à un non-renouvellement de contrat.

[178]     Monsieur Bernard est lié par un contrat à compter du 5 octobre 2007, date à laquelle il accepte l’offre qui lui est faite. Il commence à fournir sa prestation de travail le 5 novembre 2007 même s’il ne devient officiellement directeur que le 15 février 2008.

[179]     Olympus soutient qu’il n’a pas atteint deux ans de service continu au moment du congédiement annoncé dans une lettre datée du 3 novembre 2009 et reçue le 5 novembre.

[180]     La méthode de calcul de la durée du service a été discutée dans Laroche c. Max-Atlas Équipement International inc. AZ-99144520  :

Est-ce que le plaignant justifie trois ans service continu dans une même entreprise?

Il est embauché le 13 février 1995 et il est congédié le 12 février 1998.

Le dictionnaire Petit Robert définit le terme «année» de la façon suivante:

« Période de douze mois commençant le 1er janvier et finissant le 31 décembre. »

En effectuant les adaptations requises, cette définition ter­minologique invite à conclure que la notion de «service continu» renvoie à la réalité suivante dans la présente affaire: une période de trois ans commen­çant le 13 février 1995 et finissant le 12 février 1998. Ainsi à l'endroit du plaignant, le 13 février 1998 aurait représenté le premier jour de sa quatrième année de service!

Cette question peut se poser: le fait que le plaignant, en date du 12 février 1998 n’ait pas travaillé jusqu’à la fin de son quart de travail — le congédiement survient au début du quart de ce jour, à 9 hres du matin — a-t-il pour effet de lui faire perdre l’existence de cette condi­tion essentielle au chapitre des trois ans de service continu dans une même entreprise?

Ce qui importe de vérifier, c’est la durée effective du lien juridique d’emploi durant la période où le plaignant est au service de l’em­ployeur.

Cette période est constituée de deux termes: d’une part, d’un terme de départ d’emploi, débutant entre 0 hre et 23 hres 59 le 13 février 1995; d’autre part, d’un terme de fin d’emploi, cessant entre 0 hre et 23 hres 59 le 12 février 1998.

Ces deux pôles, constitutifs du début et de la fin d’em­ploi, sont reliés par l’axe de la durée de service continu: exactement trois ans, dans la présente affaire.

Ainsi, il importe peu de vérifier la durée de la presta­tion de travail, moyennant rémunération, aux premier et dernier jours d’emploi. A son premier jour d’emploi, un salarié peut n’effectuer que trois heures de travail en remplacement d’une personne absente; à son dernier jour d’em­ploi, compte tenu des circonstances de l’affaire considérée, il peut aussi accom­plir un nombre réduit d’heures de travail.

Dans les deux situations décrites ci-avant, il existe un lien juridique employeur-employé aux premier et dernier jours d’em­ploi, vu qu’à ces deux jours le salarié assure une prestation de travail moyennant rémuné­ra­tion.

Incidemment, sur le relevé d’emploi, l’employeur écrit bien que le «dernier jour payé» est le 12 février 1998 et que le plai­gnant est rémunéré à sa dernière semaine de travail comme s’il avait accompli au cours de celle-ci ses 40 heures de travail.

Bref, au moment de la rupture unilatérale du lien d’em­ploi par l’em­ployeur, le plaignant justifie tout juste et précisément trois ans de service continu dans une même entreprise.

[181]     Ce raisonnement est repris notamment dans Djemaï c. Les clôtures Bénor inc., AZ-50103054 , et plus récemment dans Trabelsi c. Les jeans Fame inc., 2010 QCCRT 0286.

[182]     Le congédiement ne peut survenir avant que le salarié n’en soit informé. Il n’est pas contredit, en l’espèce, que monsieur Bernard a reçu la lettre de congédiement le 5 novembre 2009, donc deux ans après qu’il ait commencé à fournir sa prestation de travail le 5 novembre 2007. Il justifie donc des deux ans de service continu lui permettant d’exercer un recours à l’encontre d’un congédiement sans cause juste et suffisante.

la plainte de harcèlement psychologique (123.6 LNT)

[183]     Au Québec, tout salarié a droit à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique. « L'employeur doit prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique et, lorsqu'une telle conduite est portée à sa connaissance, pour la faire cesser ». (81.19 LNT)

[184]     Le harcèlement psychologique est défini à la Loi :

81.18. Pour l'application de la présente loi, on entend par « harcèlement psychologique » une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l'intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste.

Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié.

[185]     Monsieur Bernard fait état de l’accumulation des incidents qui, pour la plupart, pris isolément sont peu significatifs mais qui dans une perspective d’ensemble révèle un comportement inacceptable socialement.

[186]     Il affirme avoir été victime de nombreuses attaques, dans un cadre de travail malsain qui, peu à peu, ont affecté son estime de lui-même, ont miné tranquillement son assurance pour l’amener inéluctablement vers un état dépressif.

[187]     Au moment du congédiement, monsieur Bernard ignore les motifs de sa fin d’emploi.

[188]     Depuis deux ans, il subit les « humeurs » de son employeur qui passent du mépris aux louanges et de l’humiliation à l’éloge, sans indice, d’un jour à l’autre, de ce qui est à venir.

[189]     Le premier incident, et non le moindre, survient le 15 avril 2008. Dans sa plainte auprès d’un autre organisme qui soulève aussi cette question de harcèlement, monsieur Bernard explique sa situation :

Le harcèlement dont je suis victime a commencé le 15 avril 2008 vers 17 : 00, lors d’une conversation téléphonique avec Fabrice Cancre (FC) et Étienne Marcoux (EM) tous deux supérieurs hiérarchiques dont le sujet était la revue des salaires de 2008; lors de ce téléphone, jamais dans ma vie on ne m’avait insulté, humilié de la sorte. Les adjectifs tels que incompétent, manque de jugement et l’accusation que je distribuais l’argent de la compagnie sans savoir ce que je faisais ont été répétés plus d’une fois dans cet appel téléphonique qui a duré près d’une heure mais qui m’a apparu durer 1 journée. À la fin de cet appel, j’ai pleuré, j’étais humilié, mon intégrité personnelle et professionnelle étaient défaites, je me demandais ce que j’avais fait de mal pour avoir un tel traitement, j’étais dévasté. (…)

[190]     Les propos tenus lors de cette conversation et qui ne sont pas vraiment contestés sont certainement vexatoires, non désirés et portent atteinte à l’intégrité psychologique. Ils nuisent manifestement au climat de travail.

[191]     Monsieur Bernard invoque, en second lieu, la rencontre du 2 mai à Waltham au cours de laquelle il doit justifier une à une les augmentations salariales proposées. Cet exercice fait suite à la semonce reçue le 15 avril précédent et au cours de laquelle on lui ordonne de refaire l’exercice exhaustivement et selon les consignes données. Il est attendu de pied ferme. Il s’y présente stressé et angoissé. À la fin de la rencontre, malgré le fait que les propositions soient acceptées, madame Smith, qui a une mémoire très précise concernant certaines discussions, ne se souvient pas avoir dit à monsieur Bernard que son emploi était en jeu.

[192]     Ensuite, toujours au regard de cette question des augmentations salariales, surviennent les évènements du 14 mai 2008. Messieurs Cancre, Marcoux et Bernard rencontrent les salariés dans un hôtel pour s’excuser des ratés dans le processus ayant entraîné des insatisfactions et des retards. Monsieur Bernard assume publiquement l’entièreté du blâme même s’il n’est officiellement en poste que depuis quelques mois et que bon nombre de démarches avaient été effectuées sous la gouverne de son prédécesseur.

[193]     L’accusation en novembre 2008 du directeur financier Marcoux qui écrit qu’il commence à douter de la bonne foi de monsieur Bernard et qu’il envisage de surveiller tous les achats faits à Québec est troublante si on considère qu’elle résulte de l’achat par le directeur général, prétendu cadre supérieur, d’un photocopieur d’une valeur d’environ 4 000$ dans le cadre d’un réaménagement. L’intégrité en prend pour son rhume.

[194]     Puis il y a la réunion à Waltham en février 2009 au cours de laquelle monsieur Cancre insulte devant leurs collègues les deux représentants de l’usine de Québec pendant leur présentation. Les mots utilisés, admis par monsieur Cancre, sont sans contredit humiliants.

[195]     Toujours en février 2009, et comme cela s’est produit à plusieurs reprises selon monsieur Bernard, monsieur Cancre doute de son honnêteté et le lui écrit dans un courriel : « l’honnêteté demeure un principe auquel je suis attaché ».

[196]     Il y a ensuite l’arrivée du système « Clearview » que le procureur qualifie de « machine à promouvoir le harcèlement psychologique ». La délation anonyme. Ne s’agit-il pas là d’un moyen des plus efficaces pour créer «un milieu de travail néfaste »?

[197]     Les plaintes de toute nature auxquelles il doit répondre, les insultes, attaques et accusations qu’on y retrouve, la prise de connaissance de ces plaintes par les hauts dirigeants, l’engagement d’un enquêteur externe, les projets de réponse à rédiger indépendamment du sérieux de la plainte et les commérages qui s’ensuivent, constituent en quelque sorte un exercice quotidien d’humiliation permettant aux employés de contester le peu d’autorité du directeur général et de le placer sur le qui-vive continuellement, redoutant la prochaine plainte.

[198]     L’anonymat permis par ce système et le sérieux accordé à chaque plainte ne peuvent que créer une situation malsaine qui rend les gestionnaires vulnérables et qui sape leur autorité.

[199]     Le fait qu’Olympus laisse quiconque utiliser le système pour entacher la réputation des gens et qu’elle prête foi à toutes les accusations constitue en soi un manquement à son obligation de prévenir le harcèlement.

[200]     Ce système, à la source de bien des conflits, engendre un état propice aux blâmes chez les supérieurs de monsieur Bernard en installant insidieusement dans leur esprit la méfiance envers le directeur, objet d’un déluge d’accusations.

[201]     Monsieur Bernard explique qu’à chaque fois qu’un courriel arrivait, il devenait de plus en plus nerveux, ignorant ce que serait la prochaine accusation.

[202]     Tous ces évènements le conduisent à un arrêt de travail forcé.

[203]     La façon dont il est traité pendant son congé de maladie affecte aussi monsieur Bernard. Ce qu’Olympus considère comme des erreurs se succèdent les unes après les autres. On lui transmet des informations qui n’ont rien de particulier par courrier certifié, on lui indique une durée pendant laquelle il recevra des prestations qui est inexacte, on lui retire l’accès à son relevé de paie, on procède à l’interruption du service de son téléphone portable.

[204]     Même s’il s’agissait là d’erreurs fortuites, comme le soutient monsieur Cancre, elles révèlent une grande négligence à l’égard d’un employé qu’on prétend cadre supérieur et si elles ne démontrent pas une intention de l’humilier, elles ne témoignent pas d’un grand respect à son égard.

[205]     Finalement, la réclamation en Cour supérieure dirigée contre lui, mais aussi contre sa fille, étend le conflit professionnel qu’il vit dans sa vie personnelle entraînant un impact psychologique évident et important.

[206]     Le fait qu’on s’attaque aussi à son enfant ne peut qu’atteindre le père dans sa dignité.

[207]     Au surplus, il est informé de la réclamation dans une mise en demeure du 15 décembre.

[208]     L’arbitre Hamelin, dans Centre Hospitalier régional de Trois-Rivières (Pavillon St-Joseph) et Syndicat professionnel des infirmières et infirmiers de Trois-Rivières, 5 janvier 2006, AZ-50350462 ) écrit :

[189] En matière de harcèlement psychologique, les caractères vexatoire et répétitif de la conduite reprochée sont essentiels et il faut nécessairement embrasser une perspective d’ensemble afin d’apprécier le réel degré de gravité de la conduite reprochée.

[…]

[193] Le harcèlement est une conduite socialement inacceptable, qui s’enracine dans un continuum et un contexte précis de temps et de lieu, qui ne peut donc être apprécié correctement que si l’on tient compte de la situation d’ensemble.

 

[209]     L’ensemble de ces évènements ajoutés les uns aux autres constitue une conduite vexatoire, parfois hostile, certainement non désirée, laquelle porte atteinte à la dignité de monsieur Bernard et entraîne un milieu de travail néfaste.

La plainte à l’encontre d’une pratique interdite (122 LNT)

[210]     Selon la plainte faite en vertu de l’article 122, monsieur Bernard soutient avoir été congédié le 5 novembre 2009, en raison de l’enquête de la Commission des normes du travail relative à la plainte de harcèlement psychologique et parce qu’Olympus a tenté d’éluder l’application de la loi en voulant l’empêcher d’atteindre les deux ans de service continu requis pour bénéficier de la protection d’emploi prévue à l’article 124.

[211]     Monsieur Bernard est un salarié au sens de la LNT. Il a été congédié de façon concomitante à la plainte de harcèlement psychologique qu’il a déposée. La date de la lettre du congédiement, le 3 novembre 2009, est invoquée pour plaider qu’il ne justifiait pas des deux ans de service continu depuis son entrée en fonctions, le 5 novembre 2007.

[212]     Il bénéficie donc de la présomption selon laquelle il a été congédié en raison de ces motifs. C’est sur l’employeur que repose alors le fardeau de la preuve. Il doit démontrer l’existence d’une autre cause de congédiement. Cette cause doit être sérieuse, elle doit être la véritable cause du congédiement et elle ne doit pas constituer un prétexte pour mettre fin à l’emploi de monsieur Bernard en raison de ces motifs (Lafrance c. Commercial Photo, [1980] 1 R.C.S. 536 et Hilton Québec c. T.T. [1980] 1 R.C.S. 548 ).

[213]     Il a aussi été décidé que la question que doit se poser la Commission à cette étape de l’analyse est la suivante : N’eût été de ces évènements, monsieur Bernard aurait-il été congédié? Dans l’affaire Les Entreprises Jacques Aubry inc., T.T. 500-28-000606-988, 12 août 1998, le juge Saint-Arnaud pose ainsi le raisonnement :

Il arrive que des employeurs tolèrent, tolèrent et tolèrent un employé au rendement jugé insatisfaisant et qui, profitant de la venue d’un syndicat et craignant de rester « pris » avec cet employé, décident de s’en défaire à cette occasion. Si dans un tel cas aucune activité syndicale n’avait surgi dans l’entreprise, l’employé serait malgré tout resté en poste à ce moment. Peut-être aurait-il gardé son emploi en bout de ligne avec espoir de redressement de ses performances, peut-être aurait-il été remercié un jour ou l’autre, peut-être, peut-être…mais la conclusion s’impose à l’effet que n’eut été de ses activités syndicales, dut-il être congédié un jour, il n’aurait pas été avisé de son congédiement au moment où il le fut. 

(Soulignement ajouté)

[214]     Plus récemment, la Cour d’appel dans Silva c. Centre hospitalier de l’Université de Montréal - Pavillon Notre-Dame, AZ-50425225 , réitérait le principe voulant que « dès que la sanction procède d'un motif illicite, ou que celui-ci cohabite avec un autre motif qui lui est licite, alors la présomption de l'article  17 du Code du travail n'est pas repoussée ».

[215]     Le président Cancre explique à la Commission quatre motifs de congédiement.

[216]     D’abord, la dérogation aux politiques internes en ce qui concerne l’embauche et le gel des salaires. Ensuite, le non-respect des valeurs de l’entreprise. L’incapacité à établir une bonne communication avec ses employés et avec la direction constituerait un autre motif et finalement, des actions dites discutables et peut-être illégales référant à la façon de verser les augmentations salariales accordées.

[217]     La preuve d’une faute de monsieur Bernard dans le cadre de l’octroi des augmentations salariales ou d’embauches est loin d’être claire. Le dédale des autorisations à obtenir et des conditions dans lesquelles elles peuvent être accordées est si complexe que même monsieur Decker, dans les notes qu’il transmet sur la question, constate la difficulté : « In order to clear up any confusion surrounding the recent changes ….. » ou « As we’re trying to get some clarity on the overall list of open positions,… » ou « In order to ensure understanding of the process, … ». Comme nouvel employé, on ne peut blâmer monsieur Bernard de toutes les difficultés qu’il a éprouvées au cours de la démarche entreprise par son prédécesseur.

[218]     Pour ce qui est des autres écarts qu’il aurait commis en accordant des hausses non autorisées, en contournant la règle, en embauchant employés ou consultant, sans autorisation, la preuve ne révèle rien qui mérite un congédiement. Peut-être y a-t-il eu des manquements, mais encore faut-il être en mesure de les démontrer sans contredit. La complexité des formalités administratives juxtaposée à celle des pouvoirs conférés par la table d’autorité et les directives applicables empêchent de conclure à une faute. La multitude d’écrits, de formulaires, de courriels ne permet pas de s’y retrouver. Le grand nombre d’intervenants dans différents services sous la responsabilité de nombreux cadres qui doivent demander, faire cheminer ou approuver une réquisition, quelle qu’elle soit, fait en sorte qu’on peut blâmer chacun d’entre eux, individuellement, pour un manquement survenu dans un des maillons de la chaîne. Il ne peut s’agir d’une cause juste et suffisante de congédiement.

[219]     En ce qui a trait au non-respect des valeurs de l’entreprise, il y a peu à dire. On reproche à monsieur Bernard de s’être réservé une place de stationnement qu’on lui a retirée aussi vite. Ce n’est évidemment pas là un motif raisonnable de congédiement. Monsieur Cancre lui reproche aussi d’être irrespectueux envers ses employés. Il n’y a aucune preuve convaincante de cette allégation; les plaintes sur le système « Clearview »ne pouvant certainement pas être invoquées à cette fin.

[220]     L’évaluation du printemps 2009 spécifie par surcroît que monsieur Bernard « has communicated the right values properly » en parlant du service à la clientèle.

[221]     Pour justifier le congédiement, on soulève aussi un problème de communication. Or, à peine six mois avant, une évaluation élogieuse qualifie ses communications avec les employés de « very successful » et celles avec les clients de « very good » et que ses relations avec les membres du comité exécutif sont bonnes et qu’il a été rapidement accepté par le groupe.

[222]     Le dernier motif invoqué devant la Commission concerne des « actions inappropriées » et réfère au mode de paiement des salaires rétroactifs et des augmentations non autorisées. Encore là, la preuve ne révèle rien de bien convaincant. Peut-être certaines incompréhensions peuvent être relevées, notamment avec madame Robitaille qui est engagée pour redresser le service de la paie qui s’avère parfaitement inefficace.

[223]     Même en admettant que les données aient été volontairement entrées de façon « inappropriée », c’est monsieur Marcoux qui est responsable de ce service.

[224]     Comme élément additionnel, monsieur Cancre soulève ce document, signé sous serment, par une employée récemment congédiée qui déblatère à propos d’un bon nombre de salariés de l’usine. Cette déclaration semble avoir eu beaucoup plus de poids dans la décision de congédier qu’il ne veut bien l’admettre quand il le qualifie de goutte qui a fait déborder le vase.

[225]     Il n’en demeure pas moins qu’au moment du congédiement, aucun motif le justifiant n’est transmis à monsieur Bernard et que l’évaluation de la fin mars 2009 est élogieuse.

[226]     Que s’est-il produit entre le moment de cette évaluation et le 21 septembre 2009, date du début du congé de maladie de monsieur Bernard? L’arrivée du système « Clearview » le 29 mars 2009 semble déterminante.

[227]     Les dirigeants ont peut-être été victimes de leur propre système qui accumule des incidents non vérifiés, les informations biaisées, non fiables qui s’incrustent dans leur mémoire. Lorsque la déclaration assermentée du 17 septembre arrive, ils sont tout disposés à sévir sans plus de formalité.

[228]     Par ailleurs, rien n’explique vraiment pourquoi Olympus a décidé de transmettre à monsieur Bernard une lettre de congédiement à ce moment précis, soit le 3 novembre 2009.

[229]     Le congédiement était prévu le 21 septembre 2009. Le congé de maladie de monsieur Bernard a modifié les plans. Monsieur Cancre précise que c’est après avoir été informé de la prolongation du congé qu’ils ont décidé d’agir.

[230]     Monsieur Decker demande une rencontre rapide le lendemain, jeudi 29 octobre, le lundi 2 novembre ou le mardi 3 novembre. Suivant la preuve, monsieur Bernard n’aurait pas répondu à cette invitation. Dès le 3 novembre, la lettre de congédiement est expédiée.

[231]     La séquence des évènements permet de conclure que si le principal motif de congédiement de monsieur Bernard n’est pas sa plainte de harcèlement, elle y a certainement contribué. Mais il apparaît évident que la précipitation à agir est liée au fait qu’on voulait l’empêcher d’avoir accès au recours suivant l’article 124 LNT.

[232]     Il y a également lieu de souligner qu’aucun avertissement ou avis n’a été transmis à monsieur Bernard, ni qu’aucune autre démarche visant à le prévenir d’un possible congédiement n’a été faite. Le seul avis non équivoque que révèle la preuve émane de madame Smith en mai 2008, et elle le nie. Comment, dans ces circonstances, est-il possible d’amender un comportement prétendument fautif?

[233]     Les motifs de congédiement invoqués ne constituent donc pas une cause réelle et sérieuse de congédiement. La présomption n’est pas renversée. La plainte doit être accueillie.

La plainte à l’encontre d’un congédiement fait sans cause juste et suffisante (124 LNT).

[234]     Puisque Olympus n’a démontré aucune cause juste et suffisante de congédiement, cette plainte doit aussi être accueillie.

Les remèdes

[235]     Suivant l’article 122 LNT, le seul remède possible est la réintégration et le paiement du salaire perdu. Comme cette plainte est accueillie, les mesures de réparation prévues par la loi doivent être ordonnées. (Marleau c. Municipalité de Pontiac, 2006 QCCRT 476)

[236]     En ce qui a trait à la plainte de harcèlement psychologique et à celle selon l’article 124 LNT, les parties ont demandé que la Commission réserve sa compétence sur l’ensemble des remèdes.

EN CONSÉQUENCE, la Commission des relations du travail

ACCUEILLE                  les plaintes;

DÉCLARE                     que Raynald Bernard a été victime de harcèlement psychologique;

DÉCLARE                     que Olympus NDT Canada inc. a fait défaut de respecter ses obligations prévues à l’article 81.19 de la Loi sur les normes du travail;

ANNULE                        le congédiement imposé le 5 novembre 2009;

ORDONNE                    à Olympus NDT Canada inc. de réintégrer Raynald Bernard dans son emploi, avec tous ses droits et privilèges, dans les huit (8) jours de la signification de la présente décision;

ORDONNE                    à Olympus NDT Canada inc. de verser à Raynald Bernard à titre d’indemnité, dans les huit (8) jours de la signification de la présente décision, l’équivalent du salaire et des autres avantages dont l’a privé le congédiement ;

RÉSERVE                     sa compétence pour déterminer les autres mesures de réparation appropriées.

 

 

__________________________________

Myriam Bédard

 

Me Guy Ruel

Représentant du plaignant

 

Mes Simon-Pierre Hébert et Véronique Dallaire

MCCARTHY TÉTRAULT

Représentants de l’intimée

 

Date de la dernière audience :

8 juillet 2010

 

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