Décision

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Toure c. Brault & Martineau inc.

2016 QCCS 5543

JP1827

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-06-000531-109, 500-06-000533-105, 500-06-000537-106 et

500-06-000538-104

 

 

DATE :

Le 16 novembre 2016

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

ANDRÉ PRÉVOST, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

No 500-06-000531-109

KERFALLA TOURE

Demandeur

c.

BRAULT & MARTINEAU INC.

Défenderesse

et

LA PRÉSIDENTE DE L’OFFICE DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR

Intervenante

_________________________

 

No 500-06-000533-105

Jinny Guindon

Demanderesse

c.

The Brick Warehouse LP.

Défenderesse

et

LA PRÉSIDENTE DE L’OFFICE DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR

Intervenante

_________________________

 

No 500-06-000537-106

LISE OSTIGUY

Demanderesse

c.

Sears Canada Inc.

Défenderesse

et

LA PRÉSIDENTE DE L’OFFICE DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR

Intervenante

_________________________

No 500-06-000538-104

Claude Roulx

Demandeur

c.

2763923 Canada Inc. (CENTRE HI-FI)

Défenderesse

et

LA PRÉSIDENTE DE L’OFFICE DE LA PROTECTION DU CONSOMMATEUR

Intervenante

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT SUR LES DEMANDES POUR OBTENIR L’AUTORISATION D’INTERROGER DES MEMBRES DE L’ACTION COLLECTIVE

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[1]           L’action collective a été autorisée dans ces dossiers ainsi que dans quatre autres.

[2]           Le groupe visé relativement à chacune des défenderesses est ainsi décrit :

Les personnes ayant acheté, avant le 30 juin 2010, une garantie supplémentaire en se fondant sur les représentations de l’intimée, à savoir que si elles n’achetaient pas cette garantie supplémentaire et qu’un bris survenait après l’expiration de la garantie d’un an du manufacturier, elles devraient assumer le coût des réparations ou du remplacement.

[3]           D’entrée de jeu, précisons que les représentations des défenderesses auraient été communiquées verbalement aux membres des groupes visés.

 

LE CONTEXTE

[4]           Les défenderesses en cause demandent l’autorisation d’interroger des membres du groupe visé par l’action collective dirigée contre elles. Elles demandent d’interroger trois membres[1] du groupe, choisis de manière aléatoire à partir d’une liste des membres connus communiquée par les avocats de chacun des représentants.

[5]           L’interrogatoire proposé vise en particulier les représentations qui leur auraient été faites par un représentant des défenderesses au moment où ce dernier leur aurait offert une garantie prolongée sur un bien meuble qu’il venait d’acquérir.

[6]           Les représentants s’opposent à cette demande.

ANALYSE

[7]           La demande des défenderesses se fonde sur l’article 587 du Code de procédure civile (C.p.c.) qui se lit comme suit :

587.      Une partie ne peut soumettre un membre, autre que le représentant ou un intervenant, à un interrogatoire préalable ou à un examen médical; elle ne peut non plus interroger un témoin hors la présence du tribunal. Le tribunal peut faire exception à ces règles s’il l’estime utile pour décider des questions de droit ou de fait traitées collectivement.

[8]           Cette disposition reprend l’article 1019 de l’ancien C.p.c.

[9]           En somme, l’interrogatoire préalable de membres autres qu’un représentant n’est généralement pas permis. Mais le Tribunal peut l’autoriser s’il considère qu’un tel interrogatoire est utile à l’adjudication des questions traitées collectivement[2].

[10]        Qu’en est-il ici?

[11]        Dans chacun des quatre dossiers en cause, la défenderesse fonde sa demande d’interrogatoire sur une allégation du représentant dans la demande introductive d’instance précisant que « les fautes contractuelles et les fausses représentations commises par la défenderesse à l’égard des Membres sont les mêmes que celles commises à l’égard du représentant ». Or, lorsqu’interrogé au préalable, chacun des représentants en cause déclare ne pas avoir parlé à d’autres membres au sujet des représentations qu’ils auraient eux-mêmes reçues des défenderesses et, en conséquence, ignore le contenu de ces représentations.

[12]        L’interrogatoire préalable avant défense a pour but de permettre à la partie défenderesse d’être renseignée sur la poursuite, d’obtenir de l’information sur les faits reprochés et les conclusions ainsi que d’évaluer la preuve de l’adversaire afin d’éviter les surprises[3]. Les défenderesses s’estiment ainsi justifiées de demander l’autorisation d’interroger des membres de chacun des groupes afin de vérifier l’affirmation du représentant contenue à la demande introductive d’instance.

[13]        Au cours des plaidoiries, certaines des défenderesses ont demandé à élargir la portée de l’interrogatoire des membres pour couvrir aussi l’évaluation des dommages qu’ils ont subis. Elles font valoir, en particulier, qu’il est important de savoir si un membre a ou non pris avantage de la garantie supplémentaire acquise de l’une des défenderesses.

[14]        Les représentants considèrent ces interrogatoires inutiles.

[15]        En se fondant sur les principes évoqués dans Richard c. Time inc.[4] (arrêt Time), ils soutiennent que c’est la nature objective de la représentation qui doit être prise en compte et non ce qui aurait été dit dans chaque cas. L’interrogatoire des membres à ce sujet n’apporterait donc rien d’utile aux fins du débat.

[16]        Ils font aussi valoir que le nombre de membres interrogés dans chaque cas, soit deux ou trois personnes, ne permettra de tirer aucune conclusion valable quant à la représentativité des propos tenus considérant le nombre élevé de membres dans chacun des groupes.

[17]        Enfin, les représentants considèrent que les questions relatives aux dommages ne devraient pas être abordées à ce stade puisqu’en définitive, le Tribunal pourrait tout simplement décider, au fond, d’un remboursement total ou partiel des frais payés pour acquérir la garantie supplémentaire.

[18]        Le Tribunal considère partiellement justifiée la demande des défenderesses.

[19]        En effet, contrairement aux faits dans l’arrêt Time, les représentations reprochées aux défenderesses ne découlent pas d’une publicité écrite mais plutôt de représentations verbales effectuées par différents vendeurs travaillant dans l’un ou l’autre de leur magasin. La différence est de taille. Dans le premier cas, il est relativement facile de déterminer la nature objective de la représentation qui est écrite et qui affecte l’ensemble des personnes l’ayant lue. Dans le second cas, la tâche est plus compliquée. Il faut déterminer le contenu des représentations communiquées aux acheteurs et dans le cadre d’une action collective, s’assurer d’une certaine constance dans leur répétition.

[20]        Dans ce contexte, les interrogatoires proposés paraissent justifiés et porteront sur une des questions traitées collectivement.

[21]        Il en est autrement de la partie des interrogatoires qui porterait sur les dommages. Le fait qu’un ou plusieurs membres se soient prévalus de la garantie prolongée pourrait influencer le quantum des dommages se rapportant à ces membres en particulier. Il ne s’agit cependant pas d’une question qui apparaît commune à l’ensemble des membres.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

Dans le dossier no 500-06-000531-109 :

[22]        AUTORISE la défenderesse à interroger les membres suivants :

Claude Bouchard, Jean St-Arnaud et Jonathan Bilodeau;

[23]        LIMITE l’interrogatoire à la nature des représentations du représentant de la défenderesse relativement à l’achat de la garantie prolongée ainsi qu’aux circonstances dans lesquelles ces représentations ont été effectuées;

[24]        FRAIS DE JUSTICE À SUIVRE.

 

Dans le dossier no 500-06-000533-105 :

[25]        AUTORISE la défenderesse à interroger les membres suivants :

Patrice Veilleux, Roger Michaud et Alex Sette;

[26]        LIMITE l’interrogatoire à la nature des représentations du représentant de la défenderesse relativement à l’achat de la garantie prolongée ainsi qu’aux circonstances dans lesquelles ces représentations ont été effectuées;

[27]        FRAIS DE JUSTICE À SUIVRE.

 

Dans le dossier no 500-06-000537-106 :

[28]        AUTORISE la défenderesse à interroger les membres suivants :

Louise Bouchard, Pamela Osi et Denis Rodier;

[29]        LIMITE l’interrogatoire à la nature des représentations du représentant de la défenderesse relativement à l’achat de la garantie prolongée ainsi qu’aux circonstances dans lesquelles ces représentations ont été effectuées;

[30]        FRAIS DE JUSTICE À SUIVRE.

Dans le dossier no 500-06-000538-104 :

[31]        AUTORISE la défenderesse à interroger les membres suivants :

Dominic Bolduc et Daniel Cloutier;

[32]        LIMITE l’interrogatoire à la nature des représentations du représentant de la défenderesse relativement à l’achat de la garantie prolongée ainsi qu’aux circonstances dans lesquelles ces représentations ont été effectuées;

[33]        FRAIS DE JUSTICE À SUIVRE.

 

 

 

__________________________________

ANDRÉ PRÉVOST, J.C.S.

Me David Bourgoin

Me Benoît Gamache

BGA Avocats sencrl

Pour les demandeurs

 

Me Nick Rodrigo

Me Jean-Philippe Groleau

Me Fanny Albrecht

Davies Ward Phillips & Vineberg, sencrl, srl

Pour Brault & Martineau inc., Corbeil Électrique inc. et Sears Canada inc.

 

Me Guy Poitras

Gowling Lafleur Henderson sencrl

Pour The Brick Warehouse LP.

 

Me Luc Thibaudeau

Lavery De Billy sencrl

Pour 2763923 Canada inc. (CENTRE HI-FI)

 

Me Marie Audren, Ad. E.

Me Emmanuelle Rolland

Audren Rolland sencrl

Pour Bureau en Gros

 

Me Jacques Jeansonne

Me Marie France Tozzi

Jeansonne Avocats, inc.

Pour Meubles Léon Ltée

 

Me Daniel O’Brien

Me Jean-François Paré

O’Brien Avocats sencrl

Pour Ameublements Tanguay inc.

 

Me Geneviève Duchesne

Me Nathalie Jackson

Allard, Renaud et associés

Pour l’Intervenante

 

Date d’audience :

Le 10 novembre 2016

 



[1]     Dans le dossier 500-06-000538-104, la demande se limite à deux membres.

[2]     Association des résidents de Mont-Tremblant pour la qualité de la vie c. Courses automobiles Mont-Tremblant inc., 2016 QCCS 568, par. 5.

[3]     Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI-McDonald Corp., 2006 QCCS 7251, par. 62-63.

[4]     2012 CSC 8.

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