Décision

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Bélanger et Centre dentaire Gaston Bourret

2011 QCCLP 2900

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

21 avril 2011

 

Région :

Mauricie-Centre-du-Québec

 

Dossiers :

380367-04B-0906   415917-04B-1007

 

Dossier CSST :

134725845

 

Commissaire :

Marie-Anne Roiseux, juge administratif

 

Membres :

Alain Allaire, associations d’employeurs

 

Robert Goulet, associations syndicales

 

 

Assesseure :

Guylaine Landry-Fréchette, médecin

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Josée Bélanger

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Centre dentaire Gaston Bourret

et

Clinique dentaire Luis Fortin

 

Parties intéressées

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

Dossier 380367-04B-0906

 

[1]           Le 8 juin 2009, madame Josée Bélanger (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 26 mai 2009, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 24 avril 2009 et déclare que la travailleuse n'a pas subi de lésion professionnelle le 5 mars 2009.

Dossier 415917-04B-1007

[3]           Le 15 juillet 2010, la travailleuse dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la CSST rendue le 8 juillet 2010, à la suite d’une révision administrative.

[4]           Par cette décision, la CSST déclare irrecevable la contestation de la travailleuse d'une décision datée du 24 février 2010 parce qu'elle est déposée en dehors du délai de 30 jours prévu à l'article 358 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[5]           L’audience s’est tenue à Drummondville, le 21 décembre 2010, en présence de la travailleuse et de sa procureure. L'employeur, Clinique dentaire docteur Luis Fortin, est présent. Centre dentaire docteur Gaston Bourret, l'autre employeur, ainsi que la CSST ont avisé la Commission des lésions professionnelles de leur absence à l'audience.

[6]           La Commission des lésions professionnelles a accordé à la procureure de la travailleuse un délai afin de produire des notes médicales. Celles-ci ayant été reçues le 20 janvier 2011, le dossier a été mis en délibéré à cette date.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

Dossiers 380367-04B-0906, 415917-04B-1007

[7]           La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la cervicobrachialgie droite survenue vers le 5 mars 2009 est une maladie professionnelle.

[8]           La travailleuse demande au tribunal de la relever de son défaut d'avoir déposé sa demande de révision hors du délai prévu à la loi et de reconnaître qu'elle a subi le 9 septembre 2009 une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion du 5 mars 2009.

LES FAITS

[9]           La travailleuse est hygiéniste dentaire depuis 16 ans. Elle travaille pour deux cliniques, soit celle du docteur Luis Fortin, où elle fait deux journées de sept heures et celle du docteur Gaston Bourret pour lequel elle travaille 20 heures par semaine réparties en une journée de 12 heures et une autre de 8 heures.

[10]        La travailleuse commence à ressentir des douleurs en 2004. Elle consulte alors la docteure Sylvie Tremblay omnipraticienne, qui est aussi son médecin de famille. Le 8 avril 2004, la docteure Tremblay retient comme diagnostic: « Entorse cervicale et étirement musculaire trapèze droit récidivant secondaire à son travail ».

[11]        À la visite du 5 juillet 2004 ; la docteure Tremblay mentionne que la travailleuse se demande si elle doit déclarer ses problèmes à la CSST car ceux-ci découlent de son travail. Dans notes de consultation, la docteure Tremblay indique ce qui suit:

Plan : Déclarer les visites des 8 avril et 14 juin (illisible) pour la CSST.

           Célébrex 200 mg die (40 com. Donnés)

           Physiothérapie

           À de T du 5 juillet au 31 juillet inclus.

           R.V. 26 juillet.

 

 

[12]        Il semble que bien que la docteure Tremblay ait transmis à la CSST des rapports médicaux, aucun suivi n'a été fait.

[13]        Entre-temps, la travailleuse éprouve des difficultés psychologiques suite à des pressions de son ex-conjoint dans le cadre d'une procédure pour la garde des enfants. La docteure Tremblay pose le diagnostic de « trouble d'adaptation léger avec stress anxieux et un peu dépressif » qu'elle relie à cette situation.

[14]        Le 26 septembre 2004, la docteure Tremblay retient les diagnostics suivants: entorse cervicale, tendinite extenseur poignet droit, tendinite épaule droite et épicondylite latérale coude droit très améliorés et en voie de résolution. Elle recommande un retour au travail le 4 octobre 2004. En marge de ces notes, il est écrit: « CSST dossier final », sans plus d'explication

[15]        La prochaine visite pour des problèmes cervico dorsaux a lieu le 18 septembre 2006. La docteure Tremblay pose le diagnostic de cervicobrachialgie chronique et demande une résonnance magnétique de la colonne cervicale. Bien qu'il soit mentionné que la travailleuse est hygiéniste dentaire et qu'elle travaille toujours « les bras dans les airs », aucune mention n'est faite d'une relation entre la cervicobrachialgie et le travail. À l'occasion de la même visite, il est mentionné que la travailleuse a été hospitalisée en psychiatrie pendant un mois.

[16]        Le 26 octobre 2006, la docteure Tremblay indique cervico dorsalgie résolue. La résonance magnétique a lieu le 6 novembre 2006 par le docteur Dominic Corriveau qui observe une discopathie dégénérative, décrite comme discrète au niveau C4-C5 et modérée au niveau C5-C6 avec pincements et uncarthrose prédominant du côté droit. Il décrit aussi « un complexe disco-ostéophytique postérieur, un peu plus saillant en postéro-latéral droit où il fait empreinte sur le sac dural et l'aspect antéro-latéral droit de la moelle épinière ».

[17]        Au niveau C6-C7, il retrouve une spondylo-uncarthrose modérée amenant une légère sténose foraminale bilatéralement, un peu plus marquée à gauche qu'à droite. Enfin, il mentionne une légère discopathie dégénérative et une petite hernie discale postéro-médiane, sous-ligamentaire, d'une épaisseur maximale d'environ 2mm, indentant légèrement le sac dural mais n'amenant pas de répercussion significative sur la moelle épinière ou les racines.

[18]        Le 26 février 2008, la travailleuse est revue par un autre médecin pour différents problèmes dont entre autres la cervicalgie. Ce médecin pose le diagnostic de bursite à l'épaule droite et suggère que la travailleuse revoit son médecin, la docteure Tremblay, dans 15 jours.

[19]        Toutefois, la prochaine consultation pour des problèmes de cervicobrachialgie n'aura lieu que le 9 avril 2009. La docteure Tremblay reprend le diagnostic de cervicobrachialgie droite. Elle prescrit un arrêt de travail, de la médication et des traitements de physiothérapie ou d'ostéopathie.

[20]        C'est suite à cette consultation que la travailleuse dépose une réclamation à la CSST, réclamation qui sera refusée et qui fait l'objet du présent litige.

[21]        La travailleuse continue son suivi avec la docteure Tremblay. Au début août 2009, selon les notes de la docteure Tremblay, la condition de la travailleuse s'est améliorée. Ainsi, la travailleuse n'a plus de douleur au cou. Elle mentionne que « la patiente est revenue à son état chronique de base » qu'elle relie à de l'arthrose cervicale. Elle consolide la lésion et recommande un retour progressif au travail à compter du 10 août 2009.

[22]        Le 9 septembre 2009, la docteure Tremblay indique que les symptômes sont revenus suite au retour au travail. Elle ajoute que la travailleuse ne peut plus faire son travail et qu'il y a une récidive, rechute de la cervicobrachialgie droite suite au retour au travail.

[23]        Le 15 septembre 2009, la docteure Tremblay résume ainsi la consultation de la travailleuse:

Suite à notre discussion du 9 septembre et considérant la chronicité qui s’installe et les nombreuses rechutes de la cervicobrachialgie, je suis d’accord avec la pte qu’elle quitte son emploi pour des raisons de santé et qu’elle retourne aux études ou fasse un autre emploi qui n’implique pas de travailler les bras dans les airs. Notre écrit pour le chômage.

 

 

[24]        Le 4 janvier 2010, la docteure Tremblay mentionne que les douleurs ont augmenté suite à la tentative de la travailleuse de reprendre son travail. Elle mentionne que la travailleuse continue d'être suivie en psychiatrie mais qu'elle se sent bien.

[25]        Par contre, selon les notes de consultation du service de psychiatrie de l'hôpital Ste-Croix, le 26 janvier 2010, la travailleuse appelle car elle a recommencé à faire de l'insomnie et de l'anxiété. Le docteur Normand Dragon, psychiatre, qui suit la travailleuse, lui prescrit du lithium, médication qu'elle avait cessée.

[26]        Le 12 mai 2010, la docteure Tremblay confirme à nouveau que la travailleuse doit faire un autre emploi qu'hygiéniste dentaire car les symptômes vont revenir aussi fort qu'avant si elle reprend ce travail.

[27]        Les notes cliniques du docteur Dragon font état d'une recrudescence de la maladie bipolaire; ainsi, on peut lire dans les notes cliniques ce qui suit:

10.02.24:     (…) Demeure quand même très anxieuse. A perdu du poids dû à cette anxiété. Dit que la semaine dernière elle a fait un épisode où elle était très angoissée. Devait prendre 2 Desryel 50 pour dormir. (…) Est comme en « stand by » sur un peu tout, sur une liste d’attente. (…) Comme elle est très anxieuse, révisons le dossier. A déjà pris un peu plus d’Effexor à raison de 187. (…)

 

10.03.12      Stable Demeure toujours très anxieuse. Ne prend plus qu’un seul comprimé de Desyrel 50 et dit qu’elle réussit à bien dormir. (…) Insécurité liée à avenir incertain. (…)

 

10.04.19    Détérioration. Nous a appelés la semaine dernière. Dit qu’elle est très anxieuse. N’arrive pas à faire le deuil de sa capacité physique à faire son travail d’hygiéniste dentaire. (…) Angoisse. Attaques de panique le matin. Dit qu’elle n’a pas le goût de rien faire, se sent paralysée. Revenons sur le passé et demandons à madame de prendre du Lithium jusqu’à 3 co par jour et une lithémie de plus que 6. (…)

 

10.05.03    Changement notable de la symptomatologie. (…) Avisons madame que comme il s’agit de la xième décompensation, que nous aimerions qu’elle prenne le Lithium pour une stabilité au moins deux ans. (…)

 

10.06.16    Madame dit qu’elle va bien, n’a plus d’angoisse. (…) Comme elle doit débuter un travail en août prochain, si elle veut cesser le Lithium, nous lui demandons de patienter au moins jusqu’en octobre 2010 de façon à ce qu’elle s’adapte à son nouveau travail d’une part et qu’elle ait passée la période plus difficile pour les épisodes dépressifs. Verrons dans un mois, étant donné le changement de médication, pour follow-up. [sic]

 

[28]        À la Commission des lésions professionnelles, la travailleuse témoigne que de février à mai 2010, la maladie bipolaire est revenue. La travailleuse explique qu'une des conséquences de sa maladie est que lorsqu'elle est en crise, elle a un moins bon jugement.

[29]        Elle n'a donc pas correctement évalué la portée de la décision du 24 février 2010; elle a ainsi négligé d'en parler à son représentant de ce moment, monsieur Claude Richard, se disant que tout se réglerait lors de l'audience déjà fixée pour la première contestation, le 25 mai 2010.

[30]        De plus, ses pensées étaient plutôt concentrées sur sa condition psychiatrique, car elle craignait d'être hospitalisée à nouveau. Elle se décrit comme « paralysée » parce qu'elle vivait, négligeant aussi les activités de la vie courante, soit payer ses factures, faire son épicerie, entretenir sa maison.

[31]        Ce n'est que lorsqu'elle revoit son représentant, monsieur Claude Richard, en vue de l'audience du 25 mai 2010, que celui-ci est avisé de la contestation de la travailleuse. Celui-ci la réfère alors à Me Josée Vendette qui devient la représentante de la travailleuse et conteste la décision du 24 février 2010.

[32]        Au niveau de son travail, la travailleuse explique qu'elle a d'abord travaillé pour le docteur Bourret à compter de 1993, à raison de 20 heures par semaine. En 2006, elle commence à travailler pour le docteur Luis Fortin, afin de compléter ses heures de travail. Ainsi, elle travaille de 36 à 38 heures semaine.

[33]        Dans le cadre de ses fonctions d’hygiéniste dentaire, la travailleuse accueille les patients, prend les radiographies, détartre et nettoie les dents, nettoie et stérilise les instruments. Elle est droitière.

[34]        Elle déclare que sur une heure de travail, elle consacre 35 à 45 minutes au détartrage et à l'examen des dents du patient. Elle décrit et explique que ceci signifie être constamment penché au-dessus du patient, le cou penché en avant vers la droite, le membre supérieur droit à environ 80°. Cette position est maintenue de façon statique durant de longues périodes. À cette contrainte, s'ajoute celle créée par l'utilisation d'outils retenus par un tuyau ou un fil électrique souvent à ressort.

[35]        Elle rapporte avoir commencé à ressentir des douleurs de plus en plus constantes et importantes après avoir fait des journées de 12 heures pour le docteur Bourret. Ainsi, en mars 2009, les douleurs deviennent plus importantes. Son bras droit se déplie difficilement. Les traitements d'ostéopathie n'arrivent plus à la soulager. Le docteur Bourret lui recommande de faire une réclamation à la CSST et de voir son médecin de famille.

La preuve documentaire

[36]        La procureure de la travailleuse dépose en preuve au soutien de ses prétentions, un document intitulé « Guide de prévention des troubles musculo-squelettiques en clinique dentaire[2] ». Ce document, rédigé par l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail du secteur des affaires sociales (ASSTSAS), est publié la première fois en avril 2002 et révisé en février 2007. Il s’agit de travaux en cliniques dentaires échelonnés sur une période de cinq ans, auxquels ont participé de nombreux intervenants, dont des hygiénistes dentaires, des assistantes dentaires, des dentistes, des médecins et des ergonomes.

[37]        On peut y lire que chez les dentistes et les hygiénistes dentaires, les troubles musculo-squelettiques, dont les problèmes cervicaux, s’accentuent après 10 ans d’exercices, et mettent en cause principalement l’activité de détartrage, et ce, de façon majoritaire chez les femmes. Les participants y décrivent les types de douleurs qu’ils disent ressentir, par exemple, des sensations de brûlure, de crampe et de raideur.

[38]        Selon les statistiques compilées à ce moment, environ 80% des gens qui travaillent en soins dentaires ont souffert d'inconforts musculo-squelettiques et 20% ont déposé une réclamation à la CSST pour des lésions identifiées comme des troubles musculo-squelettiques. D'ailleurs, les troubles musculo-squelettiques, impliquant les membres supérieurs et les lésions vertébrales au niveau du haut du dos ou du cou, sont la cause plus fréquente d'invalidité prolongée[3].

[39]        On établit un lien entre le maintien de postures statiques et des lésions au niveau du cou, de la colonne vertébrale et des épaules. Ainsi, le travail d'hygiéniste dentaire comporte une combinaison de 10 contraintes ou facteurs de risque des troubles musculo-squelettiques.

[40]        Les postures statiques prolongées, par exemple, le fait d’avoir la tête penchée vers l’avant et sur le côté, le repos insuffisant, telles que les journées de six ou 12 heures et postures contraignantes, se retrouvent dans les contraintes identifiées.

[41]        La combinaison des facteurs de risque augmente le niveau de risque de troubles musculo-squelettiques. Plus spécifiquement au niveau du cou, l’étude précise qu’une flexion de 15°, tenue plus de 75 % du temps, représente un risque pour les différentes structures du cou.

[42]        Le document préparé par l’ASSTSAS indique notamment qu’en 1997, le National Institute for Occupationnal Safety and Health (NIOSH), a publié les résultats d’une revue critique de la littérature sur les troubles musculo-squelettiques au niveau du cou, des membres supérieurs et du bas du dos, afin d’évaluer la probabilité de lésions lorsque plusieurs risques sont présents simultanément. Aux fins d’analyse, 600 des 2 000 études furent alors retenues.

[43]        Il y est indiqué qu’une forte évidence, définie comme « un lien causal très probable », existe entre les troubles musculo-squelettiques au niveau du cou et les postures statiques ou extrêmes. Cette étude précise de plus que les combinaisons de facteurs de risque entraînent les corrélations les plus fortes, sauf pour la région cervicale où la posture statique, contraignante ou extrême est le facteur le plus important.

[44]        L’on y explique, de plus, que lorsque le cou est souvent fléchi vers l’avant ou en flexion latérale, de façon prolongée, la partie antérieure des vertèbres cervicales est comprimée de façon prolongée et peut entraîner une dégénérescence des vertèbres cervicales C4, C5 et C6. D’après l’étude de Herbert réalisée en 1998[4], les sites les plus fréquents, où l’on retrouve cette dégénérescence discale cervicale, sont les niveaux C5-C6 et C6-C7.

[45]        L’étude de l’ASSTSAS explique que les disques et les vertèbres subissent normalement des forces par compression qui sont reliées à la charge du poids du haut du corps. Lorsqu’il y a flexion ou torsion, des forces dites de cisaillement, c’est-à-dire qui s’exercent simultanément en sens contraires, les unes des autres, s’exercent sur les disques et les apophyses des vertèbres. Il y a alors diminution de plus du 2/3 des limites sécuritaires de la compression de la colonne. Ces forces peuvent endommager suffisamment un disque vertébral pour causer une hernie discale.

L’AVIS DES MEMBRES

Dossier 380367-04B-0906

[46]        Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d'avis que la réclamation de la travailleuse a été déposée dans le délai prescrit à l'article 272 de la loi. Ils sont d'avis que sa requête devrait être accueillie puisque la preuve démontre, de façon prépondérante, la relation entre le travail et la lésion.

Dossier 415917-04B-1007

[47]        Pour la réclamation de la récidive, rechute ou aggravation, les membres ne partagent pas le même avis. Ainsi, le membre issu des associations d'employeurs ne relèverait pas la travailleuse de son défaut d'avoir contesté la décision de la CSST dans le délai prescrit à l'article 358 de la loi.

[48]        Il est d'avis que, bien que la travailleuse était affectée d'une maladie bipolaire, elle n'était pas hospitalisée et incapable d'agir. Elle n'a pas apporté un motif raisonnable et sa contestation est donc irrecevable.

[49]        Le membre issu des associations syndicales, quant à lui, est d'avis que la travailleuse a présenté un motif raisonnable, à savoir sa maladie bipolaire lui permettant d'être relevée du défaut.

[50]        Sur le fond, il est d'avis que la requête de la travailleuse devrait être accueillie puisqu'il y a relation entre la récidive, rechute ou aggravation du 9 septembre 2009 et la lésion professionnelle du 5 mars 2009, le diagnostic étant le même.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

380367-04B-0906

[51]        En premier lieu, la Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a présenté sa réclamation dans le délai de six mois prévu à l'article 272 de la loi qui se lit ainsi:

272.  Le travailleur atteint d'une maladie professionnelle ou, s'il en décède, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la date où il est porté à la connaissance du travailleur ou du bénéficiaire que le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle ou qu'il en est décédé, selon le cas.

 

Ce formulaire porte notamment sur les nom et adresse de chaque employeur pour qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie professionnelle.

 

La Commission transmet copie de ce formulaire à chacun des employeurs dont le nom y apparaît.

__________

1985, c. 6, a. 272.

 

 

[52]        La preuve testimoniale et documentaire a démontré que la travailleuse se plaint depuis 2004 de douleurs dans la région cervico-brachiale. Elle relie ces douleurs à l'exécution de son travail d'hygiéniste dentaire.

[53]        La docteure Tremblay, qu'elle consulte pour ces lésions, pose toutefois un diagnostic d'entorse cervicale, tendinite extenseur poignet droit, tendinite épaule droite et épicondylite latérale coude droit.

[54]        La travailleuse dépose à la CSST une réclamation pour que soient reconnus comme lésion professionnelle, ces diagnostics. Il semblerait que cela a été refusé par la CSST.

[55]        La Commission des lésions professionnelles retient donc que la réclamation déposée en 2004 concerne des diagnostics différents de celui sur lequel elle doit décider aujourd'hui, soit celui non contesté de cervicobrachialgie.

[56]        Au sujet de ce diagnostic, bien qu'il y ait eu des consultations en 2006 et après, ce n'est que le 9 avril 2009 que la docteure Tremblay établit clairement le lien entre le travail et la cervicobrachialgie droite de la travailleuse.

[57]        L'article 272 de la loi établit bien que le délai de six mois commence à partir du moment où il est porté à la connaissance du travailleur ou du bénéficiaire que le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle.

[58]        La Commission des lésions professionnelles a maintes fois souligné que cette connaissance est établie lorsque le médecin informe la travailleuse que la lésion est possiblement reliée à l'exécution de son travail.

[59]        Ce lien ayant été fait de façon claire par la docteure Tremblay lorsqu'elle rédige une attestation médicale le 9 avril 2009, la réclamation de la travailleuse a été faite dans le délai.

[60]        La Commission des lésions professionnelle doit donc décider si la cervicobrachialgie qui affecte la travailleuse est une maladie professionnelle. Il faut retenir que le diagnostic qui lie les parties, la CSST et la Commission des lésions professionnelles est celui de cervicobrachialgie droite, conformément à l'article 224 de la loi qui se lit comme suit :

224.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

[61]        Bien que la « cervicobrachialgie » relève plus de la description des symptômes, il n'en demeure pas moins que le terme est souvent utilisé par les médecins comme un diagnostic.

[62]        La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles, à l'occasion de nombreuses décisions, a donc reconnu que la cervicobrachialgie pouvait être acceptée comme un diagnostic de lésion dans certaines circonstances. La soussignée souscrit entièrement aux motifs exprimés par la juge administratif Lajoie dans l'affaire Levasseur[5]:

[49]      Le représentant de l’employeur plaide que la cervicobrachialgie ne peut constituer une maladie professionnelle, étant donné que ce diagnostic ne réfère pas à une maladie, mais plutôt à des symptômes et à de la douleur.

 

[50]      Le tribunal est d’avis que le seul fait que le diagnostic retenu ne corresponde pas à une condition habituellement reconnue comme une maladie ne doit pas mener automatiquement, pour cette seule raison, au rejet de la réclamation de la travailleuse. Une analyse de toutes les circonstances qui prévalent dans le présent dossier doit d’abord être faite.

 

[51]      Dans l’affaire Beghdadi2, le commissaire s’exprime ainsi :

 

« Il est vrai que la jurisprudence hésite à reconnaître comme maladie professionnelle un diagnostic descriptif de douleurs, comme des «algies», mais l’hypothèse d’une maladie professionnelle ne doit pas être écartée du seul fait qu’on soit en présence d’un tel diagnostic. »

 

[52]      Dans l’affaire Cassetti3, la Commission des lésions professionnelles adopte la même position :

 

« Le Tribunal a eu à se prononcer à quelques reprises sur des demandes de reconnaissance de maladies professionnelles alors qu’en preuve étaient présentés des symptômes de douleurs en tant que diagnostic. Soulignons que la Cour supérieure, dans l’affaire Renaud1010, a écarté la position suivant laquelle une «algie» ne rencontrait automatiquement pas la définition d’une maladie au sens de l’article 30 de la Loi. La Cour a déterminé qu’avant d’écarter une «algie» en tant que maladie professionnelle, il fallait que toutes les circonstances soient examinées.

 

Il appartient donc au travailleur de convaincre le Tribunal que les symptômes en question constituent un diagnostic de maladie au sens de la Loi. Il lui appartient de prouver les circonstances ou les autres éléments de preuve qui pourraient justifier qu’une «algie» soit considérée comme une maladie au sens de la Loi. »

_____________

10    Renaud c. Canada (Procureur général) et autre, Montréal, 500-05-027255-965, 27 octobre 1997, J. Croteau

_____________

2          Beghdadi et Tricots Main inc., C.L.P. 140141-72-0006, 12 juin 2001, C.-A. Ducharme, AZ-01301485.

3          Cassetti et Pepsi-Cola ltée, C.L.P. 126671-71-9911, 23 août 2000, M. Langlois

 

 


[63]        La Loi définit, à l’article 2, la notion de maladie professionnelle:

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[64]        Dans le but de faciliter la preuve d’une maladie, le législateur prévoit, à l’article 29 de la loi, à certaines conditions, l’application d’une présomption :

29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

[…]

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

[65]        L'annexe I de la loi, n'identifie pas la cervicobrachialgie comme une des maladies caractéristiques du travail. La présomption ne peut donc s'appliquer à la présente affaire.

[66]        Si la travailleuse ne peut bénéficier de la présomption établie par l’article 29 de la loi, elle devra démontrer que la lésion est caractéristique de son travail ou reliée aux risques particuliers de celui-ci, tel que définit à l'article 30 de la loi.

30.  Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[67]        Pour établir qu'une maladie est caractéristique d'un travail, on doit démontrer qu'un nombre significatif de personnes, travaillant dans des conditions semblables en sont également affectées ou que la maladie est plus présente chez ce type de travailleurs que dans la population en général ou dans un groupe témoin[6]. Il faut que la maladie affecte un nombre caractéristique de travailleurs exposés aux mêmes conditions.

[68]        La Commission des lésions professionnelles est d'avis que cette preuve a été faite ici.

[69]        Tout d'abord, la Commission des lésions professionnelles est d'avis que la cervicobrachialgie fait partie de la catégorie des troubles musculo-squelettiques.

[70]        Or, le nombre important de plaintes de troubles musculo-squelettiques, chez les travailleuses en soins dentaires[7], touchant particulièrement la colonne vertébrale et les membres supérieurs, a incité l'ASSTSAS à rédiger un guide de prévention des troubles musculo-squelettiques.

[71]        On retrouve, dans ce guide, un état de la situation qui démontre ceci:

·    Plus de 80% des gens qui travaillent dans les soins dentaires ont souffert d'inconforts musculo-squelettiques;

 

·    20% des hygiénistes dentaires ont déposé des réclamations pour des troubles musculo-squelettiques à la CSST;

 

·    On retrouve 10 facteurs de risque sur 11 de développer des troubles musculo-squelettiques dans le travail d'hygiéniste dentaire.

 

 

[72]        La Commission des lésions professionnelles, à l'instar de l'ASSTSAS, est d'avis que « lorsque plusieurs travailleuses ou travailleurs dans un groupe ressentent des problèmes musculo-squelettiques similaires, il y a une bonne probabilité que ceux-ci soient occasionnés par les conditions de travail qui sont partagées ». De l'avis de la soussignée, cela correspond à la définition d'une maladie caractéristique du travail.

[73]        Avec respect, l'exigence souvent demandée d'une preuve par des études statistiques démontrant une prépondérance d'une maladie chez un type de travailleurs vis-à vis la population en général, est trop élevée et serait plus justifiée pour qu'une maladie soit incluse dans l'annexe I de la loi et permettre l'application de la présomption prévue à l'article 29.

[74]        De même, la travailleuse a aussi fait la preuve que sa maladie est reliée aux risques particuliers du travail. La notion de risques particuliers implique pour la travailleuse qu’elle doit démontrer l’existence de facteurs de risque susceptibles de causer la lésion dont elle est atteinte eu égard à l’exécution du travail en lui-même[8].

[75]        Ainsi, la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles a établi qu’il y a lieu de parler de risques particuliers lorsque l’exercice d’un travail fait encourir à celui qui s’en charge, en raison de sa nature ou de ses conditions habituelles d’exercice, un risque particulier de développer une maladie précise[9].

[76]        Le juge administratif Vaillancourt dans une décision récente[10], résume ainsi le fardeau de preuve requis par la notion de risques particuliers du travail:

[72] Selon la jurisprudence11, la preuve qui doit être faite quand on invoque la notion de risques particuliers doit comprendre une analyse des structures anatomiques atteintes par la maladie et une identification des facteurs biomécaniques, physiques ou organisationnels sollicitant ces structures. Il faut aussi identifier, s'il y en a, les caractéristiques personnelles, regarder l'importance de l'exposition, que ce soit en termes de durée, d'intensité ou de fréquence, et finalement vérifier la relation temporelle.

_____________

11   Les industries de moulage Polytech inc. et Pouliot, 144010-62B-0008, 01-11-20, N. Blanchard; Bouchard et Ministère de la Justice, [2006] C.L.P. 913 ; Larouche et Clinique dentaire Bérubé Richard & associés, [2009] C.L.P. 126

 

 

[77]        De l'avis de la Commission des lésions professionnelles, il appert que la travailleuse dans le cadre de son travail doit garder de longues positions statiques, le cou penché vers la droite afin d'examiner et de procéder au nettoyage des dents d'un patient. Ainsi que l'a démontré la preuve documentaire, il y a relation entre des positions statiques de longue durée qui sollicitent la colonne cervicale et des troubles musculo-squelettiques dans la région cervicale et les membres supérieurs.

[78]        La travailleuse a exercé le travail d'hygiéniste dentaire de 1996 à 2009. Elle a commencé à ressentir des douleurs cervicales en 2004. Elle a bénéficié d'arrêts de travail qui ont permis une rémission partielle de la cervicobrachialgie.

[79]        Toutefois, à compter de 2006, elle cumule deux emplois, augmentant son nombre d'heures de travail de 20 heures à 36 à 38 heures par semaine, dont une journée de 12 heures.

[80]        Si les arrêts ont permis une diminution des douleurs, la Commission des lésions professionnelles constate que la reprise du travail a amené une réapparition de la symptomatologie qui est allée en s'aggravant au cours des années.

[81]        De l'avis de la Commission des lésions professionnelles, il y a ici une preuve de relation entre la structure anatomique lésée et les facteurs biomécaniques. La Commission des lésions professionnelles retient aussi que la travailleuse a exercé cet emploi durant plus de 13 ans, et que durant les trois dernières années, le nombre d'heures travaillées a passablement augmenté. Enfin, il y a une preuve de relation temporelle entre la manifestation de la lésion et la reprise du travail.

Dossier 415917-04B-1007

[82]        La Commission des lésions professionnelles doit aussi déterminer si la travailleuse a subi une récidive, rechute ou aggravation le 9 septembre 2009. Mais compte tenu des conclusions de la CSST quant à la recevabilité de la contestation, la Commission des lésions professionnelles doit d'abord se prononcer sur la question du délai pour déposer la contestation à la CSST.

[83]        Selon le dossier, la CSST a rendu une décision le 24 février 2010, refusant la réclamation de la travailleuse pour une récidive, rechute ou aggravation.

[84]        L’article 358 édicte que :

358.  Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.

 

Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365 .

 

Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2 ni du refus de la Commission de renoncer à un intérêt, une pénalité ou des frais ou d'annuler un intérêt, une pénalité ou des frais en vertu de l'article 323.1 .

__________

1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14; 2006, c. 53, a. 26.

 

[85]        En l’absence de preuve portant sur des circonstances particulières susceptibles d’avoir retardé la livraison du courrier, comme c’est le cas ici, la Commission des lésions professionnelles retient qu’il s’est écoulé, ainsi que c’est généralement le cas, quelques jours entre le moment où la décision lui a été transmise et le moment où la travailleuse a reçu la décision.

[86]        Ainsi, le délai de 30 jours commençait à courir vers le 1er mars 2010. Le délai expirait conséquemment vers le 31 mars 2010.

[87]        L’article 358.2 de la loi prévoit que dans l’éventualité d’un hors délai, le tribunal peut prolonger ce délai et relever le travailleur de son défaut si ce dernier démontre l’existence d’un motif raisonnable pour justifier son retard :

358.2. La Commission peut prolonger le délai prévu à l'article 358 ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que la demande de révision n'a pu être faite dans le délai prescrit pour un motif raisonnable.

__________

1997, c. 27, a. 15.

 

 

[88]        Ici, le défaut d’avoir contesté la décision du 24 février 2010 à l’intérieur du délai prévu à l’article 358 est admis. Ce que la travailleuse demande c’est de considérer qu'elle a un motif raisonnable justifiant d’être relevée du défaut.

[89]        Un motif raisonnable au sens de la loi est un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure, de réflexion et de bon jugement. Dans l’analyse de cette preuve, le tribunal a à apprécier le comportement de la travailleuse selon celui d'une personne raisonnable certes, mais aussi en prenant compte de la condition psychologique de la travailleuse.

[90]        La Commission des lésions professionnelles retient que la travailleuse est atteinte d'une maladie psychiatrique, soit une maladie bipolaire.

[91]        La preuve démontre aussi qu'à la période où la CSST a transmis sa décision, la travailleuse était en pleine crise, consultant à nouveau le service de psychiatrie de l'hôpital pour recevoir de l'aide et de la médication.

[92]        Dans les circonstances, il est tout à fait plausible que la travailleuse, bien qu'ayant connaissance de la décision de la CSST, n'ait pas été en mesure de prendre conscience de sa portée et surtout de réagir adéquatement en contestant celle-ci dans le délai, comme elle l'avait fait lors de la décision initiale d'admissibilité.

[93]        Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles est d'avis que la travailleuse a présenté un motif raisonnable justifiant d'être relevée de son défaut.

[94]        Quant à la reconnaissance de la récidive, rechute ou aggravation du 9 septembre 2009, la Commission des lésions professionnelles est d'avis que cette réclamation est acceptable.

[95]        La notion de récidive, rechute ou aggravation n’est pas définie à la loi. Il y a lieu de s’en remettre à la jurisprudence et aux définitions des dictionnaires. La rechute est une reprise évolutive, la récidive est une réapparition alors que l’aggravation est la recrudescence de la lésion ou de ses symptômes, y incluant la complication de la lésion initiale ou encore l’apparition de phénomènes morbides nouveaux au cours d’une maladie[11].

[96]        Il est évident qu’il faut que la travailleuse démontre, pour prouver la récidive, rechute ou aggravation, un lien de causalité entre la lésion professionnelle initiale et l’altération de son état de santé.

[97]         Pour apprécier si un lien de causalité existe entre la lésion initiale et la condition ultérieure, il y a lieu, selon la jurisprudence unanime, de considérer les facteurs suivants en retenant qu’aucun d’eux n’est décisif en lui-même :

-       la gravité de la lésion initiale;

-       l’histoire naturelle de la lésion;

-       la continuité de la symptomatologie;

-       l’existence ou non d’un suivi médical;

-       le retour au travail avec ou sans limitations fonctionnelles;

-       la présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique;

-       la présence ou l’absence de condition personnelle;

-       la compatibilité entre la symptomatologie alléguée au moment de la récidive, rechute ou aggravation avec la nature de la lésion initiale;

-       le délai entre la récidive, rechute ou aggravation et la lésion initiale[12].

 

 

[98]        De l'avis de la Commission des lésions professionnelles, les critères permettant de reconnaître une récidive, rechute ou aggravation de la lésion du 5 mars 2009 sont rencontrés.

[99]        Ainsi, bien que la docteure Tremblay consolide la lésion professionnelle le 7 août 2009, sans atteinte permanente et sans limitation fonctionnelle; elle prescrit un retour au travail progressif. Cela démontre qu'il subsistait une certaine fragilité de la condition de la travailleuse.

[100]     Enfin, il est tout à fait logique que la travailleuse, atteinte d'une maladie professionnelle, voie ses malaises revenir quand elle est exposée aux mêmes facteurs de risque que ceux qui ont amené la lésion initiale. La similitude du diagnostic et le court délai entre le retour au travail et la récidive de la lésion s'ajoutent aux critères permettant d'établir la relation entre la récidive, rechute ou aggravation et la lésion initiale.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 380367-04B-0906

ACCUEILLE la requête déposée le 8 juin 2009 par la travailleuse, madame Josée Bélanger;

INFIRME la décision rendue le 26 mai 2009 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d'une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse a subi, le 5 mars 2009, une maladie professionnelle, soit une cervicobrachialgie droite;

DÉCLARE que la travailleuse a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en raison de cette lésion.

 

Dossier 415917-04B-1007

ACCUEILLE la requête déposée le 15 juillet 2010 par la travailleuse;

INFIRME la décision rendue le 8 juillet 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE recevable la contestation de la travailleuse à l'encontre de la décision du 24 février 2010;

DÉCLARE que la travailleuse a subi, le 9 septembre 2009, une récidive, rechute ou aggravation de sa maladie professionnelle et qu'elle a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

 

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Marie-Anne Roiseux

 

 

 

 

 

 

 

Me Josée Vendette

CAIN, LAMARRE, CASGRAIN, WELLS

Représentante de la partie requérante

 

 

Me Annie Veillette

VIGNEAULT, THIBODEAU, GIARD

Représentante de la partie intervenante.

 



[1]           L.R.Q. C. A-3.001.

[2]           Rose-Ange PROTEAU, Guide de prévention des troubles musculo-squelettiques (TMS) en clinique dentaire, [Montréal], ASSTSAS, 2002, 229 p.

[3]           Réclamations indemnisées par la CSST ou des régimes d'assurance collective confondues.

[4]           HERBERT, Robin et al. Diagnosis and Medical Management of Work-Relatec Neck and Upper Extremity Musculoskeletal Disorders in Dental Care Workers, dans Denise C. Murphy (sous la dir. De) Ergonomics and the Dental Care Worker, Washington American Public Health Association, Chap. 16, 1998, p. 375-396.

[5]           Levasseur et Rose Drummond inc., C.L.P. 200445-04B-0302, 1 avril 2004, D. Lajoie.

[6]           Gamache et Les liqueurs douces Hauterive, [1990] C.A.L.P. 667 . Poulin et Fabrique de la paroisse de Ste-Ursule, C.L.P. 151915-31-0011, 4 décembre 2003, P. Simard; Turcotte et Centre hospitalier Anna Laberge, [2005] C.L.P. 1169 ; Dufour et L.M. Maçonnerie enr., C.L.P. 15314-60-8911, 20 mai 1992, N. Lacroix; Grégoire et Société canadienne des postes, C.L.P. 101552-62-9806, 8 mars 1999-03-08, L. Couture; Larochelle et J.M. Bastille inc., C.L.P. 225541-01A-0401, 20 septembre 2004, J.-F. Clément.

[7]           Les principales personnes affectées, selon l'étude sont des hygiénistes dentaires et des assistantes dentaires, majoritairement des femmes. Dans les circonstances, l'utilisation du féminin est privilégiée.

[8]           Gosselin et Resto-bar-motel Flamingo, C.L.P. 350702-08-0806, 17 décembre 2009, C. Bérubé.

[9]           Société canadienne des postes et Côté, C.L.P. 88086-05-9704, 12 novembre 1999, F. Ranger; Marché Fortier ltée et Fournier, [2001] C.L.P. 693 ; Entreprises d'émondage LDL inc. et Rousseau, C.L.P. 214662-04-0308, 4 avril 2005, J.-F. Clément.

[10]         2011 QCCLP 2216 , par [72].

 

[11]         Fauchon et Garage Gilles Roy inc., C.L.P. 309520-03B-0702, 1er octobre 2007, M. Cusson.

[12]         Boisvert et Halco inc., [1995], C.A.L.P. 19 .

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