Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Lussier et CSSS Richelieu Yamaska

2012 QCCLP 5934

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Hyacinthe

18 septembre 2012

 

Région :

Yamaska

 

Dossier :

441122-62B-1106

 

Dossier CSST :

136999851

 

Commissaire :

Michel Watkins, juge administratif

 

Membres :

Claude Jutras, associations d’employeurs

 

Noëlla Poulin, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Mikaël Lussier

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

CSSS Richelieu Yamaska

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 9 juin 2011, monsieur Mikaël Lussier (le travailleur), dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 27 mai 2011 lors d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme sa décision initiale du 30 novembre 2010 et déclare qu’elle est justifiée de refuser de verser au travailleur des indemnités de remplacement du revenu pour les journées non travaillées pour la période concernée, soit du 20 au 25 octobre 2010 inclusivement.

[3]           L’audience s’est tenue à Saint-Hyacinthe le 20 août 2012 en présence des parties dûment représentées. Le dossier est mis en délibéré le même jour.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a le droit de recevoir des indemnités de remplacement du revenu pour les journées du 20, 22 et 25 octobre 2010.

LES FAITS

[5]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a le droit de recevoir une indemnité de remplacement du revenu pour certaines journées non travaillées à la suite d’une lésion professionnelle subie le 17 octobre 2010.

[6]           De l’analyse du dossier, du témoignage du travailleur et des documents produits à l’audience, la Commission des lésions professionnelles retient les éléments pertinents suivants.

[7]           Le travailleur occupe un poste de préposé au service alimentaire chez l’employeur. Le 17 octobre 2010, monsieur Lussier chute au travail et tombe sur le dos. Cet événement donnera lieu à une réclamation de sa part à la CSST, quelques jours plus tard, dans un contexte particulier de présence et d’absence du travail qui, ultimement, engendrera le présent litige quant aux journées d’indemnités de remplacement du revenu payables au travailleur.

[8]           La réclamation du travailleur sera reçue à la CSST le 3 novembre 2010, tel qu’il appert de l’estampille apposée au formulaire « Réclamation du travailleur » signé par monsieur Lussier le 28 octobre 2010.

[9]            Au soutien de sa réclamation à la CSST, le travailleur a obtenu une « attestation médicale » dite « initiale » du Dr Thibault, médecin consulté le 26 octobre 2010. À cette date, le médecin a posé le diagnostic d’entorse lombaire, prescrit de la médication anti-inflammatoire et des relaxants musculaires au travailleur ainsi qu’un arrêt du travail jusqu’au 1er novembre 2010.

[10]        Le 10 novembre 2010, la CSST accepte la réclamation du travailleur pour l’événement accidentel du 17 octobre 2010, retenant le diagnostic d’entorse lombaire. Cette décision n’a pas été contestée.[1]

[11]        Un formulaire « Avis de l’employeur et demande de remboursement », complété par une représentante de l’employeur le 19 novembre 2010 précise que l’événement est survenu le 17 octobre 2010, que la « dernière journée travaillée » fut le 22 octobre 2010 et que la « date du retour au travail » fut le 2 novembre 2010.

[12]        Au formulaire en question, il est précisé à l’item « calcul et remboursement pour les 14 premiers jours » que l’employeur réclame à la CSST le remboursement de 536,17 $, correspondant à 6 « jours payables » au salaire brut perdu par le travailleur, moins les déductions applicables.

[13]        Le 26 novembre 2010, l’agente Janick Provencher de la CSST reçoit un appel d’une représentante de l’employeur qui lui fait part d’un litige entre les parties sur une question concernant les « jours non travaillés ». Le tribunal croit utile de rapporter intégralement la note de l’agente Provencher consignée au dossier à la suite de cette conversation :

AppeI reçue de E (Mme Rosanne Cicciarello) le 2010-11-26 à 11 h 00:

Elle m’explique que T lui a mentionné avoir vu un médecin le 20 octobre 2010.

Sur le rapport médical du 2010-10-20 il n’y a pas d’arrêt de travail prescrit alors les notes cliniques ont été demandées.

Elle me fait parvenir les notes cliniques de la visite du 20 octobre 2010 où il n’y a pas de mention d’arrêt de travail non plus.

 

Appel reçu de la représentante syndicale de T (Mme Gileau) le 2010-11-26 à 11 h 20:

Elle demandera au médecin de faire une correction du rapport et de ses notes et de prescrire rétroactivement l’arrêt de travail du 20 octobre.

Je lui mentionne qu’à la réception du document amendé ou de la nouvelle information, je devrai consulter mon service juridique conseil afin de savoir si légalement nous pouvons rétro-agir ainsi ou non.

 

Visites médicales du 2010-11-25:

Le md traitant a complété un ATM à ce jour pour une visite de T le 2010-10-20. Consolidant la lésion le 2010-10-26. ATM signée le 2010-11-25.

 

Notes cliniques jointes au ATM: le md traitant y a noté que l’arrêt de travail du 20 au 26 octobre 2010 était justifié.

 

Avis demandé au service juridique conseil sur la validité de l’arrêt de travail prescrit rétroactivement.

Considérant que dans les notes cliniques de la visite médicale du 20 octobre 2010, il n’y a aucun arrêt de travail prescrit;

 

Considérant l’absence de rapport médical CSST précisant et prescrivant l’arrêt de travail;

 

Considérant que l’arrêt de travail a été motivé rétroactivement lors de la visite du 2010-11-25 suite aux discussions au dossier (délai de 1 mois et 5 jours);

 

La période du 20 au 25 octobre 2010 demeure NON payable.

 

Décision de refus de remboursement (LSFO1 -1 04) émise à T cc à E à cet effet.

 

AppeI fait au représentant de E (Mme Louise Gileau) le 2010-11-29:

Motifs de ma décision expliqués à Mme Gileau ainsi que les procédures de contestation par écrit dans un délai de 30 jours. [sic]

 

 

[14]        On retrouve ainsi au dossier une attestation médicale également dite « initiale » du Dr Décary datée du 25 novembre 2010 et faisant état d’un diagnostic de contusion/entorse lombaire, pour un « événement » du 17 octobre 2010, lésion que le médecin prévoit être consolidée le 26 octobre 2010. La date de la « visite médicale » justifiant l’attestation médicale en question est le 20 octobre 2010.

[15]        Avec cette attestation médicale, le Dr Décary a produit à la CSST ses notes de consultations pour les visites du 20 octobre 2010 et du 25 novembre 2010.

[16]        À sa note de consultation du 20 octobre 2010, le Dr Décary rapporte ceci :

1) X 24 h. paresthésie face lat. cuisse g. et fesse avec [illisible]

2) le 17-10-10, chute à son travail sur le dos; doul. lombaire basse; pas diffic. [illisible]

3) asthénie [illisible]

 

[17]        À l’examen, le médecin rapporte notamment de la douleur à la palpation au niveau L4. Le Dr Décary note :

[illisible] fémoro-cutané gauche

ent. lombaire

asthénie.

CAT Emg Neuro

RMN Colonne L-S

Lyrica 50 bid

Labo

 

[18]        À sa note du 25 novembre 2010 cette fois, le Dr Décary rapporte ceci :

Problème avec bureau de santé : Patient venu le 20-10-2010 suite à chute à son travail le 17-10-2010. À ce moment, pas d’arrêt de travail déterminé avec patient re : allait assez bien; retour travail le lendemain (21-10-2010) et augmentation de la douleur; douleur rendait travail impossible à partir 22-10-2010; [illisible] 26-10-2010 et AT ad 2-11-2010. Retour travail X 2-11-2010 de façon satisfaisante.

Donc arrêt de travail justifié du 20-10-2010 ad 26-10-2010 pour Dx contusion/ent. lombaire,

 

[19]        Dans ce contexte, le 30 novembre 2010, la CSST rend une décision par laquelle elle informe le travailleur de ceci :

Nous avons bien reçu votre demande de remboursement. Nous vous informons que nous ne pouvons rembourser le remplacement de votre revenu pour les journées non travaillées du 20 au 25 octobre 2010 inclus. En effet, cet arrêt de travail n’a pas été prescrit par votre médecin traitant le 20 octobre 2010.

 

[20]        Cette décision sera confirmée le 27 mai 2011 lors d’une révision administrative, d’où le présent litige.

[21]        À l’audience, le tribunal a requis que le travailleur témoigne quant à la chronologie des événements ayant suivi sa chute sur le dos au travail le 17 octobre 2010. De ce témoignage, le tribunal retient les éléments suivants.

[22]        Monsieur Lussier indique qu’après avoir chuté au travail le 17 octobre 2010, il a déclaré le jour même l’événement à l’employeur avant de quitter le travail.

[23]        Le 18 octobre 2010, il s’est présenté pour son quart de travail débutant à 6 h 15, mais indique avoir dû quitter à 9 h 30 en raison de douleurs importantes l’affligeant.

[24]        Monsieur Lussier ne consulte pas de médecin le 18 octobre 2010. Interrogé à ce propos, il affirme ne pas avoir su à l’époque qu’il devait aller consulter s’il devenait incapable de travailler et ne pas avoir été invité par l’employeur à le faire à ce moment.

[25]        Par ailleurs, monsieur Lussier précise avoir été rémunéré par l’employeur pour la totalité de sa journée du 18 octobre 2010.

[26]        Le 19 octobre 2010, le travailleur bénéficiait d’une journée de congé prévue à son horaire de travail. Il n’est pas rentré au travail et n’a pas consulté de médecin ce jour-là.

[27]        Le 20 octobre 2010, le travailleur ne se présente pas au travail et se rend consulter un médecin. Il rencontre alors le Dr Décary lequel lui remet une attestation médicale (non CSST) stipulant simplement que le travailleur s’est présenté à la clinique du médecin le même jour[2].

[28]        Monsieur Lussier ajoute que lors de cette consultation médicale avec le Dr Décary le 20 octobre 2010, aucune attestation médicale pour la CSST ne lui a été remise par le médecin. Le travailleur précise que c’est lui-même qui a suggéré au médecin l’idée qu’il pourrait retourner au travail le lendemain et par ailleurs, qu’il croyait qu’avec les anti-inflammatoires prescrits par le Dr Décary, il pourrait effectivement travailler.

[29]        Le travailleur reprend le travail le 21 octobre 2010, à son poste régulier, et complète sa journée de travail. Le lendemain, le 22 octobre, il travaille le matin, mais doit quitter en après-midi, les douleurs au dos étant trop intenses.

[30]        Le 23 et le 24 octobre 2010, monsieur Lussier bénéficie de journées de congé prévues à son horaire. Il n’entre pas au travail et ne consulte pas de médecin. Le 25 octobre 2010, il s’absente de nouveau du travail alors qu’il devait travailler. Le 26 octobre 2010, il se rend consulter un médecin, le Dr Thibault, qui prescrit un arrêt du travail jusqu’au 1er novembre inclusivement. De la médication est alors de nouveau prescrite pour le travailleur.

[31]        Après que la CSST ait reconnu sa lésion professionnelle, le travailleur a consulté ses représentants syndicaux en regard des journées d’indemnisation auxquelles il croyait avoir droit avant le 26 octobre 2010, à la suite de l’événement du 17 octobre. On lui a demandé de revoir le Dr Décary pour que ce médecin émette une attestation médicale justifiant son incapacité à travailler à compter du 20 octobre 2010, ce qu’il a fait.

[32]        Enfin, le tribunal précise que le représentant du travailleur à déposé au dossier un document intitulé « Horaire des employés » montrant les différentes affectations au travail de monsieur Lussier, notamment après le 17 octobre 2010. Les données qui apparaissent à ce document confirment les propos du travailleur quant au travail effectué après le 17 octobre 2010. De plus, en début d’audience, l’employeur a admis  que le travailleur:

- n’a pas travaillé le 20 octobre 2010;

- a travaillé le 21 octobre;

- a travaillé le 22 octobre, de 6 h 15 à 11 h 00;

- n’a pas travaillé le 25 octobre 2010.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[33]        Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales partagent le même avis et croient que la requête du travailleur doit être accueillie.

[34]        Les membres considèrent que l’attestation médicale émise par le Dr Décary le 25 novembre 2010 doit être prise en considération même si elle a pour but de justifier rétroactivement le fait que le travailleur devait s’absenter de son travail entre le 20 et le 25 octobre 2010 dans la mesure où il ne peut être dit que cette attestation médicale constitue un document émis par complaisance par le médecin en faveur du travailleur.

[35]        Pour les membres, dans la mesure où cette attestation émise en novembre 2010 s’appuie sur une visite médicale contemporaine à la réclamation auprès de ce même médecin, soit le 20 octobre 2010, que le médecin a lui-même procédé à un examen du travailleur à cette date et fait des constats médicaux pertinents en lien avec l’événement accidentel rapporté du 17 octobre précédent, elle peut alors être considérée comme valable aux fins de la question du paiement des 14 premiers jours d’incapacité tel que prévu à l’article 60 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] (la loi).

[36]        Par ailleurs, les membres sont d’avis que la preuve non contredite au dossier révèle qu’à la suite de son accident du travail du 17 octobre 2010, le travailleur n’a pu effectuer son travail le 20 octobre 2010, le 22 octobre 2010 en après-midi et le 25 octobre 2010. Dans les circonstances particulières du présent litige, les membres sont d’avis que ces journées ou parties de journée non travaillées faisaient partie des 14 premiers jours d’incapacité visés par l’article 60 de la loi de sorte que le travailleur avait droit de toucher une indemnité de remplacement du revenu pour ces périodes non travaillées.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[37]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit de recevoir des indemnités de remplacement du revenu pour certaines des journées non travaillées après son accident du travail subi le 17 octobre 2010.

[38]        En l’espèce, le tribunal accorde une entière crédibilité au témoignage rendu par le travailleur lors de l’audience quant aux événements ayant suivi sa chute sur le dos au travail le 17 octobre 2010, ayant entraîné chez lui une lésion professionnelle subséquemment reconnue par la CSST, lésion nullement remise en cause en l’espèce.

[39]        Or, il ressort de ce témoignage qu’après l’événement en question, à la suite duquel il a ressenti des douleurs lombaires, le travailleur s’est présenté au travail le 18 octobre 2010, mais a rapidement dû quitter en raison des douleurs ressenties. Le travailleur a été rémunéré par l’employeur pour la totalité de sa journée. Toutefois, le travailleur n’a pas consulté de médecin le 18 octobre, et pas davantage le 19 octobre, date de congé prévue à son horaire de travail.

[40]        Le 20 octobre 2010, le travailleur a consulté le Dr Décary, lequel n’a pas émis à cette occasion une attestation médicale pour la CSST. Le travailleur n’a, de plus, pas travaillé ce même 20 octobre alors qu’il devait le faire.

[41]        Le travailleur a repris son poste le 21 octobre et a complété sa journée de travail. Le 22 octobre, il a terminé à 11 h 00, ne pouvant compléter sa journée de travail en raison de douleurs au dos. Le 23 et le 24 octobre, monsieur Lussier a de nouveau bénéficié de journées de congé prévues à son horaire et n’a pas travaillé le 25 octobre 2010, alors qu’il devait le faire.

[42]        Puis, devant la persistance de ses douleurs, le travailleur a consulté le 26 octobre le Dr Thibault, lequel a produit une attestation médicale pour la CSST, prescrivant au travailleur un arrêt du travail jusqu’au 1er novembre 2010 inclusivement.

[43]        Après que la CSST ait reconnu la lésion professionnelle du travailleur, un litige entre les parties s’est installé quant au paiement des journées non travaillées par le travailleur après l’événement du 17 octobre, litige visant donc la période s’échelonnant du 18 au 25 octobre 2010 inclusivement, la CSST ayant fait débuter cette indemnisation, selon les renseignements fournis au dossier, au 26 octobre 2010.

[44]        C’est alors, et dans ce contexte, que le travailleur a obtenu du Dr Décary, médecin qu’il avait rencontré le 20 octobre 2010, une attestation médicale pour la CSST datée du 25 novembre 2010 indiquant qu’il y a eu « visite » par le travailleur le 20 octobre 2010 et que le diagnostic retenu en était un de contusion/entorse lombaire.

[45]        S’appuyant sur la note de consultation complétée par ce médecin le 25 novembre 2010, le travailleur a demandé à la CSST de déclarer qu’il avait le droit de recevoir des indemnités de remplacement du revenu pour les journées non travaillées du 20, du 22 (en partie) et du 25 octobre 2010, ce qu’a refusé la CSST au motif  que son arrêt du travail « n’a pas été prescrit par son médecin traitant le 20 octobre 2010 ».

[46]        De l’avis du tribunal, la requête du travailleur doit être accueillie, et ce, pour les motifs suivants.

[47]        Tout d’abord, il est indéniable que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 17 octobre 2010, s’infligeant alors une entorse lombaire.

[48]        Par ailleurs, de l’avis du tribunal, cette entorse lombaire ne peut certes être qualifiée de « sévère » dans la mesure où la preuve révèle que si le travailleur a pu ressentir de la douleur au niveau lombaire à la suite de sa chute, cette douleur ne l’a toutefois pas entièrement rendu incapable d’occuper son emploi de façon continue dès le 17 octobre 2010.

[49]        En effet, il ressort de la preuve que le travailleur a pu travailler quelques heures le 18 octobre 2010 avant de quitter en raison de douleurs. Puis, après une journée de congé le 19 octobre 2010, il n’a pu travailler le 20 octobre 2010 et c’est à cette occasion qu’il s’est rendu consulter le Dr Décary le même jour.

[50]        Le tribunal retient de la preuve présentée que le travailleur a lui-même laissé entendre au Dr Décary, lors de la consultation du 20 octobre 2010, qu’il pourrait reprendre le travail le lendemain, en tenant compte de la médication prescrite par le Dr Décary le même jour. Cette affirmation du travailleur lors de son témoignage n’a pas été contredite et trouve écho dans la note de consultation du médecin du 25 novembre 2010 lorsque le Dr Décary fait état du constat que le travailleur semblait « assez bien » lorsque vu le 20 octobre précédent.

[51]        De fait, le travailleur a pu effectuer ses tâches régulières le 21 octobre 2010 et durant l’avant-midi du 22 octobre 2010, devant s’absenter par la suite en raison de la reprise de ses douleurs au dos.

[52]        Après deux nouvelles journées de congé, les 23 et 24 octobre 2010, le travailleur ne peut travailler le 25 octobre 2010. Il consulte le Dr Thibault le 26 octobre et reçoit une attestation médicale pour la CSST à l’occasion de cette consultation, le médecin prescrivant un arrêt du travail.

[53]        Il ressort de la preuve présentée qu’il est également indéniable que le travailleur a consulté un médecin, le Dr Décary, le 20 octobre 2010, et que bien qu’aucune attestation médicale au sens de l’article 199 de la loi n’ait été remise au travailleur à ce moment, que ce médecin a examiné le travailleur et noté des douleurs lombaires à la palpation et qu’au terme de son examen, le médecin a prescrit de la médication au travailleur pour lesdites douleurs.

[54]        Enfin, il est patent que l’attestation médicale émise le 25 novembre 2010 par le Dr Décary vise à justifier, rétroactivement, que l’absence du travailleur lors de certaines journées entre le 20 et le 25 octobre 2010 était justifiée par sa condition lombaire douloureuse, découlant d’une « contusion/entorse lombaire » subie au travail le 17 octobre précédent.

[55]        Les dispositions suivantes de la loi sont utiles aux fins de la présente analyse :

44.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.

 

Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement.

 

 

 

59.  L'employeur au service duquel se trouve le travailleur lorsqu'il est victime d'une lésion professionnelle lui verse son salaire net pour la partie de la journée de travail au cours de laquelle ce travailleur devient incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, lorsque celui-ci aurait normalement travaillé pendant cette partie de journée, n'eût été de son incapacité.

 

L'employeur verse ce salaire au travailleur à l'époque où il le lui aurait normalement versé.

 

 

60.  L'employeur au service duquel se trouve le travailleur lorsqu'il est victime d'une lésion professionnelle lui verse, si celui-ci devient incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, 90 % de son salaire net pour chaque jour ou partie de jour où ce travailleur aurait normalement travaillé, n'eût été de son incapacité, pendant les 14 jours complets suivant le début de cette incapacité.

 

L'employeur verse ce salaire au travailleur à l'époque où il le lui aurait normalement versé si celui-ci lui a fourni l'attestation médicale visée dans l'article 199 .

 

Ce salaire constitue l'indemnité de remplacement du revenu à laquelle le travailleur a droit pour les 14 jours complets suivant le début de son incapacité et la Commission en rembourse le montant à l'employeur dans les 14 jours de la réception de la réclamation de celui-ci, à défaut de quoi elle lui paie des intérêts, dont le taux est déterminé suivant les règles établies par règlement. Ces intérêts courent à compter du premier jour de retard et sont capitalisés quotidiennement.

 

Si, par la suite, la Commission décide que le travailleur n'a pas droit à cette indemnité, en tout ou en partie, elle doit lui en réclamer le trop-perçu conformément à la section I du chapitre XIII.

 

 

199.  Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui-ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et :

 

1° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou

 

2° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.

 

Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.

 

[nos soulignements]

 

 

[56]        Dans l’affaire Costanzo et Chemins de fer nationaux [4], le tribunal a déterminé qu’aucun délai précis n'est mentionné à la loi pour la production de l'attestation prévue à l'article 199, mais qu’évidemment, une remise tardive d’une telle attestation pouvait exposer le travailleur au rejet de sa réclamation dans certaines circonstances.

[57]        Le tribunal partage cet avis et croit qu’aux fins de l’application de l’article 60 de la loi, aucun délai précis pour la remise de l’attestation médicale n’est indiqué et que rien ne s’oppose à ce que le tribunal prenne en considération une attestation médicale émise postérieurement au début de l’incapacité à travailler si cette attestation médicale peut s’appuyer sur des constats médicaux contemporains à la réclamation.

[58]        En effet, si le soussigné est prêt à reconnaître qu’aucun délai n’est prescrit pour la remise d’une attestation médicale prévue par l’article 199 de la loi, il lui revient néanmoins l’obligation de s’assurer de la valeur probante de ladite attestation médicale, au point de vue juridique, car le tribunal ne saurait accepter une attestation qui se voudrait un document émis par pure complaisance par un médecin pour justifier rétroactivement une incapacité à travailler chez un patient.

[59]        La CSST a refusé la demande du travailleur pour le remboursement des journées non travaillées avant le 26 octobre 2010 au motif que le Dr Décary n’avait pas prescrit d’arrêt du travail lors de la consultation du 20 octobre, ne considérant donc pas comme concluantes les explications de ce médecin émises à la note du 25 novembre 2010. À cet égard, la CSST, lors de sa décision du 27 mai 2011 disait :

La Révision administrative constate que lors de la consultation médicale du 20 octobre 2010 et suite à l’examen effectué, le médecin ne prescrit aucun arrêt de travail. Nous retenons également qu’en date du 25 novembre 2010, le médecin inscrit dans ses notes que le travailleur n’avait pas eu d’arrêt de travail déterminé car le travailleur allait assez bien, qu’il est retourné au travail le lendemain, soit le 21 octobre 2010 et que la douleur rendait le travail impossible à partir du 22 octobre 2010. Ainsi, il nous apparaît à tout le moins surprenant qu’un mois plus tard, le médecin estime qu’un arrêt du travail était justifié après avoir considéré en date du 20 octobre 2010 que la condition du travailleur ne nécessitait pas d’arrêt de travail. De plus, le médecin n’a pas revu le travailleur à la période concernée, soit du 20 au 26 octobre 2010. En conséquence, la Révision administrative est d’avis que la Commission est justifiée de conclure que la période est non payable.

 

(Nos soulignements)

 

[60]        Le soussigné ne partage pas cette appréciation faite par la CSST de l’attestation émise par le Dr Décary, le 25 novembre 2010.

[61]        En l’espèce, le Dr Décary avait examiné le travailleur le 20 octobre 2010, fait des constats en relation avec l’événement accidentel du 17 octobre 2010 et prescrit de la médication au travailleur.

[62]        Si le médecin n’a pas produit à ce moment une attestation médicale pour la CSST prescrivant un arrêt du travail, cela se justifie néanmoins à la lumière des explications fournies par le travailleur. Par ailleurs, rien ne permet de croire que l’attestation émise par le Dr Décary en novembre 2010, et justifiant l’incapacité du travailleur à travailler entre le 20 et le 25 octobre 2010, constitue une pure complaisance de sa part, tel que le soutient le représentant de l’employeur et que le laisse entendre la décision de la CSST du 27 mai 2011.

[63]        À cet égard, le tribunal constate qu’il n’est pas rare qu’un médecin n’émette pas immédiatement une attestation médicale pour la CSST lors d’une première consultation, pour subséquemment en produire une par laquelle il atteste d’une incapacité de travailler, rétroactivement. Par exemple, dans plusieurs cas une première consultation médicale sera traitée sous l’angle d’une réclamation auprès d’un régime d’assurance et subséquemment, le médecin produira une attestation médicale pour la CSST, faisant remonter au jour de la consultation initiale cette incapacité que le médecin jugera cette fois relever du régime d’indemnisation de la CSST plutôt que d’un autre régime d’assurance. Or, dans un tel cas, et aux fins de l’article 60 de la loi, la CSST utilisera ce rapport médical justement dans la mesure où il trouve son fondement sur une consultation médicale contemporaine à la réclamation.

[64]        À la lumière des dispositions précitées, le soussigné est d’avis que l’on ne doit pas faire supporter au travailleur le fait que, de bonne foi, il ait cherché à demeurer au travail malgré son accident survenu le 17 octobre 2010 et que lors de sa première consultation médicale, le médecin consulté n’ait pas produit une attestation pour la CSST comme il aurait pu, et dû le faire.

[65]        En fait, le tribunal comprend du témoignage du travailleur et des explications fournies par le Dr Décary à sa note du 25 novembre 2010, qu’il est plausible et même probable que le médecin n’ait pas émis une telle attestation médicale pour la CSST du fait que le travailleur lui-même se disait possiblement capable d’effectuer ses tâches le 21 octobre en tenant compte de la médication prescrite, du Lyrica. Et de fait, le travailleur a pu compléter sa journée de travail du 21 octobre 2010 ainsi que l’avant-midi du 22 octobre 2010.

[66]        De l’avis du soussigné, le véritable enjeu entourant le présent litige réside non pas dans le fait que l’on puisse voir ou non de la complaisance dans l’attestation émise par le Dr Décary le 25 novembre 2010, mais bien de déterminer si le travailleur était incapable d’occuper son emploi au cours des jours ayant suivi la survenue de son accident du travail.

[67]        Car c’est dans ce contexte que doit s’établir le versement de l’indemnité de remplacement du revenu auquel a droit le travailleur à la suite de sa lésion professionnelle survenue le 17 octobre 2010.

[68]        Or, tel que mentionné précédemment, la preuve présentée au tribunal montre que l’événement accidentel du 17 octobre 2010 n’a pas rendu le travailleur « totalement » incapable d’occuper son emploi dans les jours qui ont suivi, mais l’a certes rendu incapable lors de certaines des journées suivant l’événement accidentel.

[69]        Dans l’affaire Therrien et Muséums nature[5], la juge Isabelle Therrien disait ceci :

[76]  Le droit à l’indemnité de remplacement du revenu prend naissance à compter de l’incapacité causée par la lésion professionnelle, et ce, conformément à l’article 44 de la loi, lequel prévoit ce qui suit :

 

[…]

 

[77]  Ainsi, le droit aux indemnités de remplacement du revenu débute au moment où le travailleur devient incapable d’exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle. L’étude des articles de la loi précités permet de conclure que le droit aux indemnités de remplacement du revenu est relié à l’incapacité d’exercer l’emploi en raison de la lésion professionnelle2.

 

[78]  Cette notion d’incapacité en est une de nature juridique et non pas médicale3. Ainsi, le fait que le travailleur ait été mis en arrêt de travail le 27 juillet 2010 n’est pas concluant quant au moment où débute son incapacité. Le travailleur fait d’ailleurs des démarches afin de consulter un médecin dès le 22 juillet 2010.

 

[79]  Le témoignage du travailleur à l’effet qu’il complète difficilement sa journée de travail le 23 juillet 2010 et que sa condition physique l’empêche d’effectuer des heures supplémentaires au cours de la fin de semaine qui suit, est, en tout point crédible et, par surcroît, n’est nullement contredit.

 

[80]  L’incapacité du travailleur d’exercer son emploi débute donc le 23 juillet 2010, date de son dernier jour travaillé. Les indemnités de remplacement du revenu auxquelles il avait droit devaient donc lui être versées à compter du 24 juillet 2010, conformément aux articles 44 et 60 de la loi.

 

[81]  La requête du travailleur doit donc être accueillie.

(2)           Valente et Pneu Mécanique Alain Chagnon, C.L.P. 162288-72-0105, 21 mai 2002, J.-D. Kushner.

(3)           C.H.S.L.D. de la MRC Arthabaska et Marcoux, C.L.P. 130992-04B-0002, 4 juillet 2000, A. Vaillancourt.

 

 

[70]        Le soussigné partage entièrement cette position et croit qu’en l’espèce, la preuve démontre clairement que le travailleur était incapable d’occuper son emploi en raison de sa lésion professionnelle, et ce, bien que partiellement, avant le 26 octobre 2010.

[71]        Appliquant l’ensemble des principes énoncés précédemment aux dispositions de la loi, le soussigné en retient donc ceci :

1)    L’événement accidentel s’est produit le 17 octobre 2010; le travailleur s’est alors blessé au dos.

 

2)    Le travailleur a pu débuter sa journée de travail le 18 octobre 2010 mais a dû quitter en raison de douleurs importantes;

 

3)    C’est en raison de l’événement survenu la veille que le travailleur doit quitter le travail, le 18 octobre 2010, après avoir débuté son quart de travail; Aucune preuve ne permet de relier à quelqu’autre cause que l’événement accidentel de la veille, le départ du travailleur le 18 octobre 2010;

 

4)    Conformément aux dispositions de l’article 59 de la loi, il revenait à l’employeur de verser au travailleur son salaire net pour la partie de la journée de travail au cours de laquelle ce travailleur est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle, soit le 18 octobre 2010, ce qu’aurait fait l’employeur, selon la preuve disponible;

 

5)    Conformément aux dispositions de l’article 60 de la loi, l’employeur devait verser au travailleur 90 % de son salaire net pour chaque jour ou partie de jour où ce travailleur aurait normalement travaillé, n'eût été de son incapacité, pendant les 14 jours complets suivant le début de cette incapacité;

 

6)    Conformément aux principes établis dans les affaires Costanzo et Chemins de fer nationaux ainsi que Therrien et Muséums nature, précitées, le soussigné est d’avis que l’attestation médicale produite le 25 novembre 2010 par le Dr Décary est valable pour confirmer que l’arrêt du travail de monsieur Lussier était justifié à compter du 20 octobre 2010 et que, tenant compte de la preuve offerte et non contredite, le travailleur n’aurait pas normalement travaillé le 19 octobre 2010, étant en congé, mais a été incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle, le 20, le 22 (en partie) et le 25 octobre 2010 et qu’il a donc droit de recevoir  les indemnités de remplacement du revenu afférentes aux dites journées ou portions de journée.

 

[72]        Pour l’ensemble de ces motifs, la requête du travailleur doit donc être accueillie.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Mikaël Lussier, le travailleur, déposée le 9 juin 2011;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 27 mai 2011 lors d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour les journées ou partie de journée non travaillées entre le 20 et le 25 octobre 2010 inclusivement, soit pour la journée du 20 octobre 2010, celle du 25 octobre 2010 et pour la demi-journée du 22 octobre 2010;

ORDONNE à l’employeur de verser lesdites indemnités de remplacement du revenu au travailleur.

 

 

 

______________________________

 

Michel Watkins

 

 

Monsieur Jonathan Bérubé

C.S.N. (Montérégie)

Représentant de la partie requérante

 

Me Geneviève Matte

Matte, Poirier & associés

Représentante de la partie intéressée

 



[1]           Note du tribunal : Cette information apparaît à la décision du 27 mai 2011 rendue lors d’une révision administrative dans le présent litige quant aux journées d’indemnités de remplacement du revenu payables au travailleur. Le tribunal n’a pas retrouvé au dossier ladite décision du 10 novembre 2010.

[2]          Pièce E-1 produite à l’audience.

[3]           L.R.Q., c. A-3.001.

[4]          C.A.L.P. 08009-60-8806, 28 novembre 1990, J.-P. Dupont.

[5]          2011 QCCLP 6976 .

 

 

 

 

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