DÉCISION
[1] Le 25 août 1999, monsieur André Drapeau (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue le 20 juillet 1999 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), suite à une révision administrative.
[2] Par cette décision, la révision administrative confirme une décision que la CSST a initialement rendue le 16 mars 1999 et déclare, qu’étant liée par l’avis du membre du Bureau d'évaluation médicale (le BEM), le diagnostic de la lésion est une entorse cervicale. Cette entorse est en relation avec l’événement du 22 février 1998 et est consolidée le 9 décembre 1998 avec suffisance de traitements sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. Il n’y a pas d’indemnités pour dommages corporels. Elle déclare toutefois que la radiculopathie au niveau C7 droite n’est pas en relation avec l’événement du 22 février 1998. Elle déclare également que le travailleur a droit au remboursement pour frais d’assistance médicale et à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’au 8 décembre 1998. Les indemnités reçues du 9 décembre 1998 au 10 mars 1999 n’ont pas à être remboursées. Enfin, elle déclare qu’en l’absence de limitations fonctionnelles, le travailleur est capable d’exercer son emploi depuis le 9 décembre 1998. Initialement, la CSST concluait qu’une somme de 52.73 $ équivalant à l’indemnité de remplacement du revenu reçue pour la journée du 11 mars 1999 serait exigible à la fin du délai de contestation.
[3] À l’audience, le travailleur est présent et représenté. Transport Rosemont (l’employeur) est présent en la personne de monsieur Richard Boulé et représenté. Le 20 juin 2001, la CSST a informé le tribunal qu’elle serait absente.
[4] Le représentant de l’employeur a demandé un délai supplémentaire pour produire deux dossiers du travailleur que détient la CSST. Il avait jusqu’au 20 juillet 2001 pour les produire et les parties avaient jusqu’au 30 août 2001 pour effectuer leurs représentations en regard de ces dossiers. Toutefois, à cette date, le tribunal n’a rien reçu. C’est donc à compter du 30 août 2001 que le dossier est pris en délibéré.
L'OBJET DU LITIGE
[5] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que l’entorse sur discopathie cervicale et la radiculopathie sont en relation avec l’événement du 22 février 1998. Ces lésions sont consolidées le 9 décembre 1998. Elles entraînent des limitations fonctionnelles, soient celles retenues par le Dr Tremblay ainsi qu’une atteinte permanente de 2 %. Il demande de reconnaître le droit aux indemnités pour la journée du 11 mars 1999 ainsi qu’en vertu de l’article 48 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
LES FAITS
[6] Le travailleur est au service de l’employeur à titre d’opérateur de camion depuis environ 8 mois au moment de l’événement.
[7] Le 27 février 1998, le travailleur soumet une réclamation à la CSST concernant un événement survenu le 22 février 1998. Il déclare avoir frappé un muret de ciment à 100 km/hre, avoir été projeté hors de son siège et s’être heurté contre l’autre siège.
[8] Le 22 février 1998, il consulte Dr Can qui diagnostique une contusion crânienne et une entorse cervicale. Une radiographie effectuée le jour même permet de constater qu’il n’y a pas de lésion osseuse traumatique visible. Toutefois, il existe une spondylose qui se manifeste par un début d’ostéophytose à la partie inférieure du segment cervical ainsi qu’un léger pincement en C6-C7. Il y a une longue apophyse costiforme en C7 à droite.
[9] Le 23 février 1998, il consulte Dr Charbonneau qui diagnostique une entorse cervicale et une trapézite gauche. Il prescrit des traitements de physiothérapie. Il revoit le travailleur le 9 et le 23 mars 1998 et maintient son diagnostic.
[10] Le 25 mars 1998, une tomographie axiale cervicale de C3 à D1 est réalisée. Les espaces de C3 à C6 semblent dans les limites de la normale. Au niveau C6-C7, il y a un pincement de l’espace et un peu d’ostéophytose périphérique. Il y a une réduction du calibre des trous de conjugaison. Le rebord discal postérieur est très difficile à voir à cause des artéfacts. Il y a incertitude quant à l’existence d’une hernie discale. Au niveau C7-D1, il n’apparaît pas y avoir de sténose spinale ni de sténose des récessus mais le rebord discal est difficile à voir.
[11] Les 6 et le 20 avril 1998, Dr Charbonneau revoit le travailleur. Il maintient son diagnostic d’entorse cervicale auquel il ajoute l’existence de paresthésies au membre supérieur droit. Il demande une résonance magnétique dans le but d’éliminer une possible hernie discale.
[12] Le 21 avril 1998, une résonance magnétique est effectuée et permet de constater l’existence d’un petit bombement discal postérieur en C4 C5 et C5 C6 sans sténose spinale ou compression médullaire ou radiculaire. Il y a une petite hernie discale postérieure médiane faisant empreinte sur le sac dural mais ne comprimant pas la moelle ou les racines. Il y a possibilité d’uncarthrose bilatérale en C6 C7.
[13] Le 5 et le 25 mai 1998, Dr Charbonneau maintient son diagnostic d’entorse cervicale avec brachialgie droite. Il suggère un retour au travail à raison de dueux jours par semaine.
[14] Le 3 juin 1998, Dr Mohammed Maleki examine le travailleur à la demande de la CSST. Son examen clinique se lit comme suit :
«À l’examen du rachis cervical, il n’y a pas de spasme, mais on met en évidence la présence d’une légère sensibilité à la palpation de la région interscapulaire à droite et une légère sensibilité à la palpation du trapèze droit.
Les mouvements du rachis cervical se chiffrent comme suit :
° flexion 30° ;
° extension 20° ;
° rotation droite 50° ;
° rotation gauche 60° ;
° flexion latérale droite 30° ;
° flexion latérale gauche 40°.
Donc, il y a une légère diminution des mouvements de flexion latérale droite, de l’extension, de la flexion antérieure et de la rotation droite. Ces mouvements provoquent des engourdissements à la main droite.
(…)
À l’examen neurologique, les nerfs crâniens sont normaux et l’examen de la motricité ne montre aucune atrophie musculaire et la force musculaire est normale aux quatre membres. Les réflexes sont à 1+ bilatéralement et on ne retrouve aucun signe de myélopathie.
L’examen sensoriel met en évidence une diminution de la sensibilité à la main droite impliquant tous les doigts, surtout le pouce, l’index et le majeur.»
[15] Il conclut que le travailleur est affligé d’une radiculopathie C7 droite, que la lésion n’est pas consolidée. Les traitements de physiothérapie sont recommandés au même titre que la passation d’un électromyogramme. Il est trop tôt pour se prononcer sur l’existence d’une atteinte permanente. Il reconnaît l’existence de limitations fonctionnelles, soit de ne pas avoir à forcer et soulever des poids supérieurs à 40 livres et d’éviter de faire des mouvements de torsion, de flexion ou d’extension du cou pour une période temporaire de trois mois.
[16] Le 15 juin 1998, Dr Charbonneau est invité à compléter un rapport d’information médicale complémentaire à la lumière de l’évaluation du Dr Maleki. Il est d’avis que le travailleur est affligé d’une entorse cervicale avec brachialgie droite. Il est d’accord avec la poursuite des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie. Il recommande un électromyogramme et réfère le travailleur au Dr Giroux, neurochirurgien. Il est également d’accord avec l’accomplissement de travaux légers.
[17] Le 6 juin 1998, Dr Marc F. Giroux examine le travailleur et diagnostique une hernie discale C6-C7. À l’exception d’une perte sensitive aux 1er, 2e et 3e doigts droits, son examen est normal.
[18] Le 29 juillet 1998, les traitements de physiothérapie sont cessés à la recommandation du médecin traitant.
[19] Le 10 août 1998, Dr Goupil indique qu’un plateau est atteint en ergothérapie. Il y a engourdissement des 3e, 4e et 5e doigts.
[20] Le 23 septembre 1998, un électromyogramme est effectué par Dr Rami Morcos. À l’examen physique, il note que les forces et les volumes musculaires sont normaux dans tous les segments des membres supérieurs droit et gauche. Les réflexes ostéo-tendineux sont présents et symétriques aux biceps, brachioradialis et triceps droits et gauches. L’examen sensitif révèle une réduction de sensation au tact mais pas à l’aiguille sur les 1er à 3e doigts de la main droite. L’étude électrophysiologique démontre une vélocité de conductions motrices obtenue du segment distal du médian gauche à la limite inférieure de la normale. Les autres conductions nerveuses sensitivomotrices et latences des ondes F des membres supérieurs droit et gauche sont normales. Il conclut que l’analyse électromyographique des divers muscles étudiés du membre supérieur droit n’a révélé aucune dénervation pouvant suggérer la présence d’une lésion radiculaire destructive.
[21] Le 11 novembre 1998, Dr Giroux revoit le travailleur et diagnostique une cervicalgie et une hernie discale C6-C7. Il note une détérioration de la brachialgie mais est d’avis que le travailleur pourrait faire des travaux légers.
[22] Le 9 décembre 1998, Dr Georges L’Espérance, neurochirurgien, examine le travailleur à la demande de la CSST. Son examen se lit comme suit :
«La palpation ne révèle aucune contracture. Il n’y a aucune douleur alléguée à la palpation. La mobilité cervicale active mesurée au goniomètre démontre une antéflexion à 50 degrés, extension à 40 degrés avec allégation de douleur cervicale basse, médiane et para-rachidienne droite. Les deux latéroflexions sont mesurées à 40 degrés et les deux rotations amènent la tête à près de 60 degrés.
En mobilité passive, on obtient des mouvements comparables et là aussi l’extension est difficile et douloureuse en fin de mouvement.
L’examen neurologique démontre une force musculaire segmentaire contre résistance normale à 5/5 sur les divers segments étudiés : élévation des épaules, abduction et adduction des bras, flexion et extension des avant-bras, des poignets et des doigts, abduction et adduction des doigts, pronation et supination des mains et des avant-bras.
La recherche de sensibilité tactile superficielle au toucher léger amène Monsieur à décrire de façon constante une différence de sensibilité sous forme d’une discrète hypoesthésie mais surtout d’une sensation «d’être gonflé» au niveau de la pulpe de l’index et du 3e doigt droit de même qu’au niveau de la face dorsale de l’extrémité distale de l’index droit. Coloration, pilosité et chaleur sont normales et symétriques. Les réflexes ostéo-tendineux sont nuls et symétriques aux bicipitaux, stylo-radiaux et tricipitaux.
En résumé, il s’agit d’un patient qui a eu une entorse cervicale qu’il l’aurait laissé avec des dysesthésies C7 droite, identifiées par plusieurs médecins. L’évolution est très satisfaisante et positive, bien que longue. L’examen neurologique actuel est tout à fait normal sur le plan fonctionnel, sur le plan sensitif, il persiste une petite dysesthésie C7 droite qui tend à s’améliorer. Quant à la mobilité cervicale, elle est devenue normale.»
[23] Il conclut qu’en relation avec l’événement du 22 février 1998, le travailleur a subi une entorse cervicale. Sans en préciser la relation, il retient également le diagnostic de radiculopathie C7 droite sensitive. Il consolide la lésion au 9 décembre 1998 avec suffisance de traitements. Il accorde une atteinte permanente de 2 % pour l’entorse cervicale avec séquelles fonctionnelles objectivées. Il est d'avis que le travailleur ne peut reprendre son travail sur une chargeuse ainsi que du travail de camionnage dans les conditions connues pour une période de 6 mois. Quant aux limitations fonctionnelles, il est d'avis que le travailleur devrait éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente des activités impliquant de soulever, porter, pousser ou tirer seul des charges supérieures à environ 25 kg, éviter de ramper ou d’effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes et répétitives de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne cervicale. Il devra également éviter de subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale comme celles provoquées par du matériel roulant sans suspension.
[24] Le 22 janvier 1999, Dr Goupil est invité à donner son avis à la lumière de l’évaluation effectuée par Dr L’Espérance. Il indique être en désaccord avec le diagnostic d’entorse cervicale parce que le travailleur présente des signes de discopathie cervicale et des paresthésies au niveau du bras droit.
[25] Le 29 janvier 1999, Dr Goupil diagnostique une hernie discale cervicale et prescrit des traitements de massothérapie.
[26] Le 10 février 1999, Dr Chartrand est d’avis que le travailleur est affligé d’une hernie discale C6-C7 avec déficit sensitif. Le 14 mars 1999, il consolide cette lésion avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.
[27] Le 19 février 1999, Dr Pierre Beaumont, orthopédiste et membre du BEM, examine le travailleur. Son examen clinique se lit comme suit :
«À la station debout, l’attitude est normale, la tête n’est pas en torticolis ni en déviation. La cyphose est normale.
L’examen de la colonne cervicale est douloureux mais il est capable de faire une flexion jusqu’au sternum lorsqu’on insiste et de faire une extension à 60°. Les rotations droites sont difficiles mais il peut se rendre à 70°. À gauche, elles sont faciles à 70°. La flexion latérale est aussi facile du côté gauche à 45° mais plus difficile à gauche à 45°.
La palpation est douloureuse à toute la région cervicale mais surtout en C3-C4 au niveau des épineuses, en para-épineux droit et au niveau du trapèze de façon partielle.
Quant aux épaules, les amplitudes articulaires sont complètes mais difficiles à cause d’un tiraillement cervical du côté droit. L’abduction et l’élévation antérieure sont quand même à 180°, les rotations externes à 90° et les rotations internes à 70°, mais les rotations internes entraînent une douleur à la région cervicale du côté droit.
Il n’y a pas d’accrochage.
La force de la coiffe des rotateurs en abduction et rotations interne et externe est à 5/5.
La force des biceps, triceps, interosseux, fléchisseurs et extenseurs est aussi à 5/5.
Les deux côtés sont comparables.
J’ai fait ensuite le test de Phalen pour deux minutes et il s’est plaint d’une douleur dans l’épaule mais ne parle pas spontanément d’engourdissement au niveau de sa main droite. Le test de Tinel est positif des deux côtés à la percussion du médian au canal carpien. Il n’y a pas de faiblesse de l’éminence thénarienne. La sensibilité est diminuée me dit-il dans tout le territoire, autant dorsal que palmaire de sa main droite, davantage au niveau du pouce et de l’index. Les réflexes ostéo-tendineux sont impossibles à mettre en évidence, que soit stylo, radial, bicipital ou tricipital bilatéralement comme l’avait d’ailleurs noté le docteur L’Espérance. Les réflexes rotuliens sont aussi absents de chaque côté.
La force sur le Jamar est de 130° à droite et de 140° à gauche. Les bras mesurent 38.5 cm à droite et 38 cm à gauche, les deux avant-bras mesurent 33 cm et il est droitier.
À l’examen de la sensibilité à la roue dentée, celle-ci est diminuée dans l’avant-bras et toute la main droite comparativement au côté gauche.»
[28] Il conclut que le diagnostic est une entorse cervicale et rejette le diagnostic de radiculopathie C7 droite puisqu’elle n’est pas démontrée à l’examen clinique du Dr L’Espérance ni à l’électromyogramme. Il consolide la lésion au 9 décembre 1998 avec suffisance de traitements à cette date. Il ne reconnaît aucune atteinte permanente puisque la perte de sensibilité est fonction de la radiculopathie, s’il en est. Il précise que la hernie discale n’a été démontrée qu’à la résonance magnétique ce qui n’est pas suffisant pour accorder un déficit anatomo-physiologique. Il conclut que la lésion a laissé une atteinte permanente équivalant à 0 %, soit pour une entorse cervicale sans séquelle fonctionnelle. Il n’y a pas de limitations fonctionnelles.
[29] Le 19 mars 1999, Dr Ladouceur diagnostique une discarthrose cervicale et une petite hernie discale C6-C7 sans signe neurologique. Il ajoute le diagnostic de tendinite bicipitale de l’épaule droite.
[30] Le 24 mars 1999, Dr Chartrand procède à un examen dans le but de compléter le rapport d'évaluation médicale. Son examen permet de constater ce qui suit :
«La démarche est relativement normale ainsi que la posture.
La palpation du cou révèle des douleurs très importantes du côté droit, de C2 à C7, 1 cm de la ligne médiane. Le pincé-roulé du trapèze droit est très douloureux. Les mouvements du cou sont diminués :
À la flexion, il y a une perte de 20°
À l’extension, il y a une perte de 10°
À la rotation à droite, il y a une perte de 20°
Les autres mouvements ont une dizaine de degrés de perte.
Il n’y a pas de déficit moteur aux deux membres supérieurs.
Il y a une diminution de la sensation au niveau du 3e doigt de la main droite, à la palpation superficielle et à l’aiguille.
Les réflexes sont symétriques au niveau des deux membres supérieurs.»
[31] Il conclut qu’il y a poursuite d’investigation au niveau de l’épaule droite. Il est d'avis que le travailleur conserve des limitations fonctionnelles de type classe 3 selon la classification de l’IRSST.
[32] Une arthrographie de l’épaule droite effectuée le 20 avril 1999 démontre une tendinopathie chronique et une déchirure partielle du sus-épineux.
[33] Le travailleur soumet une réclamation pour une rechute, récidive ou aggravation survenue le 26 mai 1999 concernant l’épaule droite qui est refusée par la CSST. Le travailleur conteste mais se désiste devant la Commission des lésions professionnelles (CLP 134499-63-0003).
[34] Le 12 juillet 2000, Dr Pierre Legendre, orthopédiste, examine le travailleur à la demande de l’employeur. son examen se lit ainsi :
«Au niveau du rachis cervical, on peut noter une lordose physiologique. Il n’y a pas de scoliose. Les amplitudes articulaires actives nous montrent une flexion antérieure à 60 degrés, une extension à 40 degrés, des flexions latérales à 40 degrés et des rotations à 70 degrés.
Il y a présence d’une légère douleur à la palpation du rachis cervical postérieur bas à droite. Il n’y a pas de douleur à la palpation du trapèze.
L’examen radiculaire au niveau des membres supérieurs ne démontre aucun déficit sensitif ou moteur. Les réflexes ostéo-tendineux sont absents, autant au niveau des membres supérieurs qu’inférieurs.
Les circonférences mesurées des segments des membres supérieurs sont pour les bras et l’avant-bras respectivement 38 et 31 cm à droite et 37 et 31 cm à gauche.
(…)»
[35] En raison de considérations spécifiques qu’il énumère, il est d’avis de retenir le diagnostic d’entorse cervicale. Il ne peut objectiver le diagnostic de radiculopathie C7 à droite et ne peut relier le problème à l’épaule au fait accidentel. Il maintient la date de consolidation de la lésion au 9 décembre 1998 en raison d’un plateau thérapeutique observé à ce moment et du fait que la condition du travailleur n’a pas changé depuis ce temps. Il d'avis que la lésion n’entraîne pas d’atteinte permanente ni de limitations fonctionnelles.
[36] Le 5 janvier 2001, Dr Gilles Roger Tremblay, chirurgien orthopédiste, examine le travailleur à la demande du représentant du travailleur. Son examen se lit comme suit :
«À l’inspection visuelle, la lordose cervicale est quelque peu diminuée, mais il n’y a pas de spasme au repos.
L’on note une douleur vive à la palpation du trapèze droit dans son tiers inférieur, de même qu’à la palpation de la fosse sus-claviculaire droite.
La manœuvre d’Adson est négative bilatéralement.
La flexion antérieure amène le menton au sternum.
L’extension est à 40 degrés, mais est douloureuse.
L’inclinaison latérale droite atteint 45 degrés, alors que la gauche est limitée à 25 degrés.
La rotation droite atteint 70 degrés alors que la rotation gauche est limitée environ à 40 degrés.
Le facteur limitant est une douleur référée au niveau du trapèze droit lors des mouvements vers la gauche.
L’on note deux cicatrices ponctiformes d’arthroscopie au niveau de l’épaule droite avec une troisième en postérieure.
L’amplitude articulaire de l’épaule se complète de façon active et, passivement, l’on obtient un signe d’appréhension positif en extension forcée, rotation externe et abduction à 90 degrés.
Le reste de l’examen de l’épaule est sans particularité.
Au niveau des membres supérieurs, les réflexes du biceps, triceps et stylo radial sont présents et symétriques.
Les mensurations des deux bras sont symétriques de même que celles des deux avant-bras.
L’on note un signe de Tinel fortement positif au coude droit et fortement positif au poignet droit.
Ces deux signes sont absents à gauche.
L’examen sensitif d’aujourd’hui démontre une diminution de sensibilité à la face palmaire du pouce, de l’index, du majeur, de l’annulaire et de l’auriculaire comparé à la main gauche et la diminution de sensibilité est plus marquée au niveau de l’index de la main droite qu’au niveau du quatrième doigt.
La force musculaire est préservée au niveau des deux membres supérieurs.
Il est à noter que lors de l’amplitude articulaire des épaules à droite, lorsque l’épaule dépasse 160 degrés d’abduction ou 160 degrés d’élévation antérieure, le patient se plaint de douleurs cervicales intenses localisées au niveau du trapèze droit.»
[37] Il est d’avis que le diagnostic en relation avec le fait accidentel est une entorse cervicale avec séquelles fonctionnelles objectivées. Il note que son examen met en évidence une radiculopathie droite à C7 parce que le travailleur présente une névrite cubitale et une compression du nerf médian au niveau du poignet. Il précise qu’il peut s’agir d’une addition d’atteinte cervicale C7 droite sur une névrite cubitale au coude mais l’hypoesthésie peut être due aux deux lésions. Il n’établit pas de lien entre le problème à l’épaule et l’événement. Il accorde une atteinte permanente de 2 % pour entorse cervicale et recommande les limitations fonctionnelles suivantes, soit d’éviter les mouvements répétitifs du rachis cervical, éviter les mouvements à grande amplitude du rachis cervical. Éviter d’avoir les bras au-dessus de la position horizontale, éviter les positions soutenues en flexion ou en inclinaison latérale pour le rachis cervical, éviter les efforts de plus de 7 à 10 kilogrammes avec les membres supérieurs. Ces limitations fonctionnelles sont, selon lui, incompatibles avec le travail de chauffeur de camion.
[38] À l’audience, le travailleur explique la nature de son travail tel qu’il l’exerçait depuis quelques mois chez l’employeur lors du fait accidentel. Il décrit les mouvements qu’il doit effectuer tant lors du chargement que lors de la conduite du camion.
Il décrit également la façon dont l’accident est survenu et les visites médicales. Il déclare que lors de l’examen du Dr L’Espérance, il avait encore la main droite engourdie et un point dans le dos à la hauteur du trapèze qui irradiait jusque dans le bras et la main droite. Il déclare que sa condition physique n’était pas adéquate et qu’il ne pouvait refaire son travail de camionneur. Il décrit tout ce qu’il ne croit plus être en mesure de faire. Il soutient qu’il a été congédié vers le 8 décembre 1998 et qu’il a reçu sa cessation d’emploi par la poste. Il précise qu’entre mars 1999 et avril 2001, il a bénéficié de traitements et a été opéré en février 2000 pour son épaule droite. Depuis cette intervention la douleur au bras droit a diminué bien que l’engourdissement aux 3 derniers doigts de la main droite demeure constant. Il conserve toujours des douleurs au cou s’il est stressé ou s’il effectue des mouvements du cou et lève les bras.
[39] Aux questions du tribunal, le travailleur soutient que l’engourdissement de la main droite est survenu rapidement après le fait accidentel. Il soutient que l’engourdissement se faisait sentir à toute la main, au bras et à l’avant-bras au point de le réveiller la nuit. Il précise que depuis l’intervention chirurgicale à l’épaule droite, l’engourdissement se situe maintenant aux 3 derniers doigts de la main droite.
[40] Dr Gilles Roger Tremblay témoigne au bénéfice du travailleur. Il explique l’avoir examiné en juin 2001 et décrit les symptômes ressentis par ce dernier. Concernant la perte de sensibilité, en raison de son étendue, il est d’avis qu’elle ne traduit pas une atteinte radiculaire. Les causes peuvent provenir d’un syndrome du tunnel carpien ou d’un coup au coude. Il retient le diagnostic de radiculopathie à C7 parce que le travailleur présente un engourdissement au pouce et à l’index de la main droite. Cette hypoesthésie est compatible avec une arthrose cervicale rendue symptomatique. De fait, il reconnaît une relation avec la lésion puisque le travailleur présente une entorse cervicale sur une discarthrose démontrée à la résonance magnétique et à la tomographie. Il existe donc une condition dégénérative mais pour laquelle le travailleur a déclaré être asymptomatique antérieurement à l’événement. De plus, par le fait accidentel où le travailleur a eu un coup sur la tête, il est possible qu’il y ait eu aggravation de la pathologie discale. En ce qui concerne l’engourdissement aux autres doigts, il déclare que cela relève d’un autre problème. Il explique à partir des examens médicaux des autres médecins en quoi, en décembre 1998, le travailleur ne pouvait retourner au travail. Selon lui, les examens pratiqués n’étaient pas normaux justifiant une atteinte permanente de 2 % et des limitations fonctionnelles qui l’empêchent de faire son travail de camionneur.
[41] En contre-interrogatoire, il convient que son diagnostic est une entorse cervicale greffée sur une condition dégénérative. Concernant les engourdissements aux doigts, il tente de faire la part des choses en reprenant les expertises des autres médecins. Il convient qu’une radiculopathie sensitive dure entre 3 et 6 mois. Il n’a pas d’explication au fait que la chirurgie à l’épaule a pu atténuer l’engourdissement.
Il explique difficilement l’hypoesthésie aux 5 doigts rapidement après le fait accidentel. Il n’y a pas d’étiologie traumatique qui permet d’expliquer l’étendue de cet engourdissement. Il croit que les traitements de physiothérapie et d’ergothérapie ont pu contribuer à la névrite cubitale. Enfin, il est d’accord avec un écart de 10 degrés dans le calcul des amplitudes articulaires.
[42] Monsieur Richard Boulé témoigne pour l’employeur. Il est préposé à l’embauche chez ce dernier. Il déclare avoir été convoqué pour expliquer la nature des réparations et le temps nécessaire pour les effectuer. Il soutient qu’il n’a pas gardé le descriptif des réparations parce que cela remonte à plus de deux ans. Il déclare que les réparations au camion accidenté ont nécessité une journée complète de réparation. Il n’y a pas eu de réparation à effectuer à la structure du camion parce qu’il n’y a pas eu de réclamation à l’assurance. Il déclare que le travailleur a été congédié avant la date de consolidation de sa lésion en raison de son attitude au travail. Il soutient qu’avant le fait accidentel, le travailleur avait mal au cou et ne faisait pas beaucoup d’heures sur la neige en raison de ce problème. Il déclare que tous les camions sont munis d’une suspension à air, que la marchandise est placée avec un «loader» et que la porte étant placée sur un «balan», aucune force n’est déployée pour la fermer.
[43] Dr Pierre Legendre témoigne pour l’employeur. Il explique que le travailleur est affligé d’une entorse cervicale sur une condition dégénérative antérieure. La diminution des amplitudes articulaires traduit un spasme. Il est également d'avis que la date de consolidation la lésion est le 9 décembre 1998. Il situe davantage le litige en ce qui a trait à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles. À partir d’un tableau comparatif des amplitudes articulaires retenues par les différents médecins qui ont examiné le travailleur, il souligne le fait que certaines d’entre elles étaient diminuées normalement de façon contemporaine à l’événement en raison de l’entorse cervicale et questionne le fait que la diminution soit plus marquée en juin 2001. Cette situation l’amène à conclure que la diminution des amplitudes articulaires observées en juin 2001 relève davantage de la condition dégénérative du travailleur. En ce qui concerne le problème de dysesthésie sensitive, il note qu’elle est très variable. Il explique les atteintes par niveau correspondant à chaque doigt pour expliquer que s’il y a radiculopathie, elle est à plusieurs niveaux puisque le travailleur soutient avoir un engourdissement à tous les doigts de la main et ce, de façon fluctuante. Il émet des réserves quant à l’existence même de cet engourdissement puisque à l’électromyogramme, le test démontrait davantage de modification à gauche qu’à droite. Il n’est donc pas prouvé ni confirmé par test. La diminution sensitive et la diminution des amplitudes articulaires étant les seuls éléments pouvant expliquer l’existence de séquelles fonctionnelles, il conclut que le travailleur ne conserve aucune atteinte permanente résultant de l’entorse cervicale puisqu’elle n’a laissé aucune séquelle fonctionnelle objectivée. Quant aux limitations fonctionnelles, il est d’avis que le tableau clinique ne permet pas d’en reconnaître.
Il rappelle que Dr L’Espérance en avait seulement reconnu pour une période temporaire, soit pour six mois en raison de la persistance de la douleur. Rien ne permettait de les objectiver de façon permanente si ce n’est la douleur alléguée.
[44] En contre-interrogatoire, il explique que son tableau comparatif a pour but de montrer l’évolution de la condition du travailleur et non pour attribuer un déficit anatomo-physiologique. Selon lui, la diminution des amplitudes articulaires constatée lors de l’examen du Dr Tremblay au niveau de la rotation gauche et de la flexion latérale gauche résulte davantage de la condition personnelle du travailleur observée par tests que de l’événement puisqu’elle arrive trois ans plus tard. Il est également d’avis que la condition d’arthrose n’est pas plus marquée après trois ans parce qu’il n’a pu constater une évolution négative lors des six examens médicaux pratiqués.
L'AVIS DES MEMBRES
[45] Le membre issu des associations d'employeurs est d’avis que l’événement du 22 février 1998 a engendré une entorse cervicale. Toutefois, il estime que la preuve prépondérante de nature médicale ne permet pas d’associer cette entorse à la discopathie dégénérative puisque plusieurs médecins n’y réfèrent pas. Il est également d’avis que la preuve médicale ne permet pas de convenir que la radiculopathie C7 découle de l’événement puisque dès le fait accidentel, le travailleur a témoigné à l’effet que toute sa main droite était engourdie. De plus, l’engourdissement fluctue considérablement avec le temps et demeure très étendue. Il rappelle que l’électromyogramme ne démontrait aucune atteinte du côté droit. Il est d'avis de retenir l’avis du Dr Legendre à l’effet que la lésion est consolidée le 9 décembre 1998 sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. Le travailleur est donc devenu capable d’exercer son emploi à cette date. Enfin, il est d’avis que le travailleur n’a pas droit au bénéfice de l’article 48 de la loi et qu’il doit la somme de 52.73 $ puisqu’il a été avisé le 10 mars 1999 de sa capacité à exercer son emploi.
[46] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que le travailleur a subi une entorse cervicale sur discopathie dégénérative. Toutefois, il ne retient pas le diagnostic de radiculopathie C7 parce qu’il juge ce diagnostic non en relation avec l’événement. L’étendue de l’engourdissement à la main droite, la fluctuation de cet engourdissement, l’absence de signes à l’électromyogramme sont autant de motifs pour conclure ainsi. La lésion est consolidée le 9 décembre 1998 et le travailleur est devenu capable d’exercer son emploi à cette date puisqu’il ne conserve aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle de l’accident du travail. De fait, la preuve prépondérante médicale est à l’effet qu’il ne garde pas de séquelle. Le travailleur n’a toutefois pas à rembourser la somme de 52.73 $ pour la journée du 11 mars 1999 puisqu’il a été avisé par écrit de sa capacité que le 16 mars 1999.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[47] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer le diagnostic de la lésion professionnelle du 22 février 1998, la date de consolidation de cette lésion, l’existence de limitations fonctionnelles et d’une atteinte permanente. Elle doit également déterminer si le travailleur est capable d’exercer son emploi et s’il a droit à l’indemnité de remplacement du revenu.
[48] Concernant le diagnostic de la lésion, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la preuve médicale prépondérante permet de conclure à l’existence d’une entorse cervicale. De fait, tant le Dr Can, le jour de l’événement, que les docteurs Charbonneau, L’Espérance, Beaumont, Temblay et Legendre en conviennent.
[49] Quant à savoir maintenant si le travailleur est affligé d’une entorse cervicale sur discopathie cervicale, la Commission des lésions professionnelles constate que le Dr Goupil en parle pour la première fois le 22 janvier 1999. Dr Ladouceur réfère plutôt, le 19 mars 1999, à une discarthrose cervicale. Enfin, le 5 janvier 2001, Dr Tremblay note que le travailleur, à titre de camionneur, démontre de légers signes de discarthrose cervicale. La Commission des lésions professionnelles ne doute pas que le travailleur soit affligé d’une discopathie cervicale mais elle estime que cette dernière ne peut être associée à l’entorse cervicale puisque rien ne démontre qu’elle a été aggravée par le fait accidentel du 22 février 1998. Elle s’explique.
[50] Dans un premier temps, ce diagnostic est retenu par trois médecins postérieurement à la date de consolidation de la lésion, soit le 9 décembre 1998. De plus, à la lumière des examens cliniques pratiqués par les médecins, la Commission des lésions professionnelles retient qu’outre la première évaluation effectuée par le Dr Maléki, en juin 1998, où il y avait diminution des amplitudes articulaires s’expliquant par la survenance de l’entorse cervicale, ces dernières sont demeurées, par la suite, relativement stables et normales. Les amplitudes articulaires en rotation et en flexion latérale gauche ont connu une diminution appréciable lors de l’examen effectué par le Dr Tremblay, le 5 janvier 2001. Force est de conclure qu’il s’est écoulé trois ans depuis l’événement ce qui laisse douter que la condition personnelle du travailleur ait pu être aggravée par l’accident du travail. La Commission des lésions professionnelles croit plutôt que le tableau clinique observé par le Dr Tremblay, sur cet aspect, traduit davantage la condition dégénérative du travailleur qui certains jours se présente par une moins grande mobilité du rachis.
[51] Concernant le diagnostic de hernie discale C6-C7, la Commission des lésions professionnelles constate qu’à la résonance magnétique du 21 avril 1998, la petite hernie discale postérieure médiane visualisée ne comprime pas la moelle et les racines.
Les examens cliniques détaillés contenus au dossier tel que pratiqués notamment par les docteurs Maléki, L’Espérance, Beaumont, Legendre et Tremblay ne permettent pas de conclure à l’existence de signes cliniques objectifs propres à une hernie discale. Outre une fluctuation dans les amplitudes articulaires et une dysesthésie fluctuante, aucun signe clinique ne traduit l’existence d’une hernie discale C6-C7. Ce diagnostic n’est donc pas retenu à titre de lésion professionnelle.
[52] Reste le diagnostic de radiculopathie C7. La Commission des lésions professionnelles est d'avis de ne pas retenir ce diagnostic. Dans un premier temps, la Commission des lésions professionnelles retient que suite à l’événement, le travailleur a connu une paresthésie du membre supérieur droit. Toutefois, du témoignage du travailleur, toute sa main droite était engourdie ce qui laisse douter de l’existence même de cette radiculopathie. L’engourdissement aux doigts de la main droite fluctue de façon importante dans le temps et se localise tantôt aux trois premiers doigts de la main parfois à l’index et au majeur ou encore aux trois derniers doigts de la main droite. Plus encore, le travailleur précise à l’audience que depuis son intervention chirurgicale à l’épaule en février 2000, l’engourdissement s’est considérablement atténué au niveau du bras mais elle persiste maintenant aux trois derniers doigts de la main droite. Pour la Commission des lésions professionnelles, l’étendue de la dysesthésie et la fluctuation de cette dernière dans le temps laisse perplexe et amène à douter de son existence et, plus encore, de sa relation avec le fait accidentel. De plus, la Commission des lésions professionnelles tient à souligner que l’électromyogramme réalisé le 23 septembre 1998 démontrait qu’il n’y avait aucune dénervation qui pouvait suggérer la présence d’une lésion radiculaire destructive. Plus encore, s’il y a atteinte, celle-ci se situe davantage du côté gauche et non à droite comme voudrait le faire reconnaître le travailleur.
[53] Le représentant du travailleur plaide qu’il est possible que cette radiculopathie ait existé de façon contemporaine à l’événement et ce, de façon temporaire puisque les docteurs Maléki et L’Espérance ont retenu ce diagnostic. Pour les mêmes raisons, la Commission des lésions professionnelles estime que le fait que le travailleur ait connu une dysesthésie à toute la main droite dès le début avec une migration à certains doigts ne permet pas de conclure à l’existence de cette lésion ni à sa relation avec l’événement.
[54] Enfin, la Commission des lésions professionnelles ne peut passer sous silence les explications fournies par le Dr Tremblay à l’audience concernant cette radiculopathie en C7 et constate que ce dernier demeure, à certains égards, perplexe face à la situation. C’est ainsi qu’il déclare que l’étendue de la perte de sensibilité dépasse l’atteinte radiculaire de C5 à C8 et que la situation est difficile à expliquer. Il questionne également le fait que l’intervention chirurgicale à l’épaule ait pu contribuer à améliorer cette dysesthésie.
Il explique que les causes à la dysesthésie peuvent être un syndrome du canal carpien ou un coup au coude découlant peut-être des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie dont le travailleur a bénéficié mais il ne peut en être certain. Enfin, il explique que l’atteinte sensitive à C7 peut être causée par le fait que le travailleur est affligé d’une discarthrose cervicale telle que démontrée par les différents tests. Le fait que le travailleur ait déclaré qu’il était asymptomatique avant l’événement lui permet de conclure à la relation. La Commission des lésions professionnelles tient à préciser que ce témoignage ne l’a pas convaincue de l’existence de cette lésion ni de la relation avec le fait accidentel. Le fait que le travailleur se dise asymptomatique avant l’événement n’est pas un élément objectif d’autant plus que ce fait est contredit à l’audience. Quant à la discarthrose cervicale, telle qu’expliquée, la Commission des lésions professionnelles ne l’a pas retenu ni associée à l’entorse cervicale.
[55] La Commission des lésions professionnelles retient davantage l’opinion du Dr Beaumont et du Dr Legendre pour qui la radiculopathie C7 n’est pas démontrée par l’examen clinique et l’électromyogramme. L’étendue de la dysesthésie et sa fluctuation dans le temps contribuent à rejeter ce diagnostic.
[56] Concernant la date de consolidation de la lésion, l’article 2 de la loi définit ainsi cette notion :
« consolidation » : la guérison ou la stabilisation d'une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l'état de santé du travailleur victime de cette lésion n'est prévisible ;
[57] En l’instance, Dr Beaumont et Dr L’Espérance ont convenu que la lésion professionnelle est consolidée le 9 décembre 1998. Cet aspect n’est pas remis en cause par les parties. De plus, la Commission des lésions professionnelles constate qu’en regard de l’entorse cervicale, cette lésion avait atteint un tableau thérapeutique à cette date. À partir du moment où le travailleur a consulté Dr Chartrand, en février 1999, il a été traité pour autre chose que l’entorse cervicale, soit pour une hernie discale et un problème à l’épaule droite.
[58] En ce qui a trait à l’atteinte permanente, le représentant du travailleur soutient que cette évaluation doit se faire au moment de la date de consolidation de la lésion et qu’en ce sens, les conclusions du Dr Legendre ne peuvent être retenues puisqu’il intervient qu’en juillet 2000. Il soutient également que le tribunal ne peut retenir l’avis du Dr Beaumont du BEM puisque la procédure d’évaluation médicale est illégale en ce que le médecin traitant et le médecin désigné s’entendent. Il demande donc de retenir l’avis du médecin ayant charge du travailleur, soit l’avis du Dr Chartrand.
[59] En ce qui concerne la procédure d’évaluation médicale, la Commission des lésions professionnelles constate que le médecin ayant charge du travailleur à la période contemporaine à la procédure d’évaluation médicale enclenchée en vertu des articles 204, 205 et 206 de la loi est le Dr Goupil. Ce médecin voit le travailleur jusqu’au 29 janvier 1999. C’est le rapport du 10 décembre 1998 qui est en cause. Il indique que le travailleur est affligé d’une cervicalgie, d’un engourdissement au bras qui nécessite des traitements de chiropractie et qu’une période additionnelle pour consolidation de 60 jours ou moins est nécessaire. Ce rapport s’oppose à l’opinion du Dr L’Espérance qui conclut notamment à un diagnostic différent, à une date de consolidation de la lésion au 9 décembre 1998 et à une suffisance de traitements à cette date. Contrairement à ce que prétend le représentant du travailleur, le rapport du Dr L’Espérance infirme les conclusions du médecin ayant charge du travailleur, Dr Goupil. C’est à juste titre et de façon légale que la CSST initie la procédure d’évaluation au BEM. Le tribunal ne pourrait conclure comme le fait le représentant du travailleur que son médecin est Dr Chartrand puisque ce dernier voit le travailleur pour la première fois le 10 février 1999, soit deux jours après que la procédure ait été initiée par la CSST tel qu’en fait foi le formulaire de demande d’évaluation au BEM du 8 février 1999 contenu au dossier. La procédure d’évaluation étant régulière, le tribunal apprécie l’ensemble de la preuve, incluant l’opinion du Dr Legendre, pour convenir de l’existence d’une atteinte permanente et il n’est lié par aucune opinion médicale puisque la prépondérance de preuve de nature médicale s’applique.
[60] Dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’entorse cervicale entraîne une atteinte permanente. Les docteurs L’Espérance et Tremblay accordent un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour une entorse cervicale avec séquelles fonctionnelles objectivées. Mais quelles sont ces séquelles ? Après analyse, la Commission des lésions professionnelles constate que les seuls éléments permettant aux médecins de convenir de séquelles permanentes sont, soit la dysesthésie, les séquelles douloureuses ou la perte d’amplitudes articulaires.
[61] De fait, Dr L’Espérance accorde un pourcentage de 2 % pour une entorse cervicale avec séquelles objectivées uniquement sur la base de l’existence d’une dysesthésie puisque son examen clinique est dans les limites de la normale. La Commission des lésions professionnelles n’ayant pas retenu la radiculopathie se manifestant par la dysesthésie à titre de lésion professionnelle, elle ne peut retenir sur cette base la dysesthésie en tant que séquelle fonctionnelle objectivée à l’entorse cervicale.
[62] Quant au Dr Tremblay, il accorde également un déficit anatomo-physiologique de 2 % pour entorse cervicale avec séquelles fonctionnelles objectivées.
À la lecture de son examen clinique impliquant la région cervicale, il appuie son avis sur le fait qu’il y a perte d’amplitudes articulaires en rotation et en flexion latérale gauche et qu’il y a diminution de la sensibilité à la face palmaire des doigts de la main droite. Tel qu’expliqué ci-haut, la Commission des lésions professionnelles n’est pas convaincue, en raison de la condition dégénérative cervicale, que la diminution des amplitudes articulaires observée trois ans après la survenance de l’événement résulte de cette dernière d’autant plus que de façon contemporaine à l’événement, soit en juin 1998, Dr Maléki constatait que la rotation gauche et la flexion latérale gauche était normale. La Commission des lésions professionnelles constate également que lors des examens du Dr L’Espérance en décembre 1998, du Dr Beaumont en février 1999 et du Dr Legendre en juillet 2000, les amplitudes articulaires du rachis cervical étaient normales ce qui permet de croire que la diminution observée par Dr Tremblay résulte d’un problème autre que l’entorse cervicale. Quant à la dysesthésie, tel qu’expliqué ci-haut, la Commission des lésions professionnelles ne croit pas qu’elle origine de l’entorse cervicale mais bien de la radiculopathie qui n’a pas été reconnue à titre de lésion professionnelle. De ces faits, la Commission des lésions professionnelles ne peut retenir l’avis du Dr Tremblay quant à la reconnaissance d’une atteinte permanente en relation avec l’entorse cervicale.
[63] Certes, Dr Chartrand accorde une atteinte permanente mais la Commission des lésions professionnelles ne peut retenir son avis puisqu’il attribue des séquelles pour une lésion qui n’est pas reconnue, soit une hernie discale cervicale.
[64] Reste donc les avis des docteurs Beaumont et Legendre que la Commission des lésions professionnelles juge prépondérants. À partir d’examens cliniques normaux, ils conviennent à l’absence de séquelles fonctionnelles. Il y a allégation de douleurs aux mouvements du rachis toutefois, ces dernières ne sont pas objectivées. De ce fait, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que l’entorse cervicale n’entraîne aucune séquelle permanente.
[65] Quant aux limitations fonctionnelles permanentes, la Commission des lésions professionnelles ayant convenu que le travailleur ne conservait aucune séquelle permanente de l’entorse cervicale est d’avis que cette lésion n’entraîne pas de limitations fonctionnelles. Le représentant du travailleur soutient que les séquelles douloureuses ne permettent pas au travailleur de conduire et qu’en ce sens, il conserve des limitations fonctionnelles, soient celles émises par le Dr Tremblay. La Commission des lésions professionnelles n’a pas reconnu les douleurs à titre de séquelles fonctionnelles, elle ne saurait reconnaître sur cette base des limitations fonctionnelles qui rendent le travailleur incapable d’exercer son emploi de camionneur. La Commission des lésions professionnelles retient que Dr Beaumont et Dr Legendre n’ont pas reconnu de limitations fonctionnelles permanentes. De plus, Dr L’espérance avait reconnu des limitations fonctionnelles temporaires en regard du travail fait par le travailleur pour une période de six mois seulement.
Enfin, Dr Chartrand accorde des limitations fonctionnelles pour une lésion non reconnue par la Commission des lésions professionnelles. Quant à l’avis du Dr Tremblay, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il émet son opinion à partir d’un tableau clinique propre à une condition personnelle.
[66] De ces faits, la Commission des lésions professionnelles est d'avis que le travailleur est capable de faire son emploi de camionneur à compter du 9 décembre 1998. Ce dernier a été congédié avant la date de consolidation de la lésion. Son représentant demande l’application de l’article 48 de la loi qui se lit ainsi :
48. Lorsqu'un travailleur victime d'une lésion professionnelle redevient capable d'exercer son emploi après l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail, il a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 jusqu'à ce qu'il réintègre son emploi ou un emploi équivalent ou jusqu'à ce qu'il refuse, sans raison valable, de le faire, mais pendant au plus un an à compter de la date où il redevient capable d'exercer son emploi.
Cependant, cette indemnité est réduite de tout montant versé au travailleur, en raison de sa cessation d'emploi, en vertu d'une loi du Québec ou d'ailleurs, autre que la présente loi.
________
1985, c. 6, a. 48.
[67] L’article 48 de la loi vise à protéger le revenu d’un travailleur qui bénéficie d’un droit de retour au travail mais qui retrouve son droit à l’exercer après l’expiration du délai prévu pour l’exercice de ce droit. Dans le présent dossier, le travailleur redevient capable d’exercer son emploi le 9 décembre 1998, soit à l’intérieur de l’année ou du deux ans pour l’exercice de son droit de retour au travail puisque le fait accidentel s’est produit le 22 février 1998. La date où le travailleur est redevenu capable d’exercer son emploi est celle de la consolidation sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle et non celle de la décision rendue par la CSST[2]. De ce fait, l’article 48 de la loi ne peut trouver application.
[68] Enfin, en ce qui a trait à la réclamation du montant de 52.73 $ équivalant à l’indemnité de remplacement du revenu versée pour la journée du 11 mars 1999, la Commission des lésions professionnelles est d'avis que la CSST a avisé le travailleur de sa capacité à exercer son emploi par la décision écrite du 16 mars 1999. Rappelons que l’article 354 de la loi exige que la CSST rende une décision écrite, motivée et notifiée aux parties. La CSST s’est acquittée de son obligation le 16 mars 1999. La CSST ne pourrait réclamer au travailleur l’indemnité versée pour la journée du 11 mars 1999 puisque le travailleur n’a pas été notifié de la décision avant le 16 mars 1999.
PAR CES MOTIFS, LA
COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE en partie la requête de monsieur André Drapeau du 25 août 1999 ;
CONFIRME en partie la décision de la révision administrative du 20 juillet 1999 ;
DÉCLARE que le diagnostic de la lésion professionnelle subie le 22 février 1998 est une entorse cervicale ;
DÉCLARE que l’entorse cervicale est consolidée le 9 décembre 1998 avec suffisance de traitements à cette date ;
DÉCLARE que l’entorse cervicale n’entraîne pas d’atteinte permanente ni de limitations fonctionnelles ;
DÉCLARE que monsieur André Drapeau est devenu capable d’exercer son emploi à compter du 9 décembre 1998 ;
DÉCLARE que monsieur André Drapeau n’a pas droit à l’indemnité de remplacement du revenu en application de l’article 48 de la loi ; et
DÉCLARE que monsieur André Drapeau n’a pas à rembourser la somme de 52.73 $ pour la journée du 11 mars 1999.
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Diane Beauregard |
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Commissaire |
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Me André Laporte |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Claude Stringer |
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Représentant de la partie intéressée |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.