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Société québécoise de gestion collective des droits de reproduction (Copibec) c. Université Laval

2016 QCCS 900

 

COUR SUPÉRIEURE

(Recours collectif)

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

 

 

N° :

200-06-000179-146

 

DATE :

 26 février 2016

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

MICHEL BEAUPRÉ, j.c.s. (JB 4651)

______________________________________________________________________

 

SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISE DE GESTION COLLECTIVE DES DROITS DE REPRODUCTION (COPIBEC)

 

Requérante

et

GUY MARCHAND, connu sous le pseudonyme artistique GUY MARCHAMPS

 

Personne désignée pour les auteurs d’œuvres littéraires, dramatiques et artistiques au Canada

et

JEAN-FRÉDÉRIC MESSIER

 

Seconde personne désignée pour les auteurs d’œuvres littéraires, dramatiques et artistiques au Canada

et

ÉDITIONS LES HERBES ROUGES INC.

 

Personne désignée pour les éditeurs d’œuvres littéraires et dramatiques au Canada

et

LEMEAC ÉDITEUR INC.

  

Seconde personne désignée pour les éditeurs d’œuvres littéraires dramatiques au Canada

et

CENTRE FRANÇAIS D’EXPLOITATION DU DROIT DE COPIE (CFC)

 

Personne désignée pour les titulaires de droits hors du Canada

et

REPROBEL

 

Seconde personne désignée pour les titulaires de droits hors du Canada

c.

 

UNIVERSITÉ LAVAL

 

            Intimée

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

(sur requête réamendée pour autorisation d’exercer un recours collectif, pour être représentante et pour ordonnances de sauvegarde)

______________________________________________________________________

 

1   -     APERCU      

[1]         Le Tribunal est saisi de la requête réamendée du 13 mai 2015 (« la Requête ») de la Société québécoise de gestion collective des droits de reproduction (COPIBEC) (« Copibec ») pour autorisation d’exercer un recours collectif contre l’Université Laval (« l’Université »), et ce, pour le compte du groupe suivant :

« Toute personne, physique ou morale, titulaire ou habilitée à représenter un ou des titulaires de droits patrimoniaux et moraux sur une œuvre littéraire (à l’exception des programmes d’ordinateurs, mais incluant les paroles de chansons), une œuvre dramatique, ou une œuvre artistique (intégrée dans une œuvre littéraire ou dramatique) protégée par le droit d’auteur, que l’Université Laval et les membres de son personnel, ses mandataires et ses sous-traitants, ont sans autorisation, reproduite, mise à la disposition ou communiquée par télécommunication, aux étudiants ou aux autres membres du personnel, en format papier ou numérique, aux fins de toutes les activités d’enseignement et de recherche de l’Université Laval depuis le 1er juin 2014. »

(Le Tribunal souligne)

[2]         Copibec identifie par ailleurs à sa requête trois (3) sous-groupes, qu’elle définit comme suit : 

« A) Toutes les personnes physiques, appartenant au groupe décrit, qui sont des auteurs d’œuvres littéraires, dramatiques, ou artistiques au Canada.

B) Toutes les personnes, physiques ou morales, appartenant au groupe décrit qui sont des éditeurs d’œuvres littéraires et dramatiques au Canada ou qui sont habilitées à représenter un ou des titulaires de droits d’auteurs au Canada.

C) Toutes les personnes physiques ou morales appartenant au groupe décrit et domiciliées hors du Canada, incluant les sociétés de gestion des droits de reproduction étrangères habilitées à représenter les titulaires de droits dans leur pays respectif.

Et tout autre sous-groupe que le tribunal pourra déterminer en regard des questions de fait et des questions de droit soulevées par l’action collective. »

 (Le Tribunal souligne)

[3]         Au moment du dépôt de sa Requête, Copibec estime qu’outre elle-même, le groupe est composé de mille neuf cent soixante-et-onze (1 971) auteurs québécois, auxquels s’ajoutent un nombre indéterminé d’auteurs canadiens et étrangers, de plus de mille cinq cent trois (1 503) éditeurs, dont environ trois cent vingt-sept (327) du Québec, et d’au moins une dizaine de sociétés de gestion de droits de reproduction étrangères[1]. À l’audience, le procureur de Copibec convient que selon la définition des sous-groupes et ses représentations à ce sujet, le groupe proposé peut inclure tous les auteurs, éditeurs et sociétés de gestion de la planète dont une œuvre sur laquelle ils détiennent des droits aurait été reproduite sans autorisation par l’Université, sans compter, selon le procureur, les ayants droit, successions ou légataires d’auteurs décédés, auxquels, selon le paragraphe 14.2 (2) de la Loi sur le droit d’auteur[2] (« LDA »), sont dévolus de façon exclusive les droits moraux dont étaient titulaires les défunts.  

[4]         Les allégations sur lesquelles repose l’action collective envisagée concernent en résumé la reproduction et la communication par l’Université à diverses personnes de son personnel et aux étudiants, en format papier ou numérique, d’œuvres, ou de parties d’œuvres protégées en vertu de la LDA, le tout sans autorisation, ni compensation des titulaires des droits sur ces œuvres.

[5]         En somme, Copibec accuse l’Université d’avoir mis en place un « système institutionnel de violation des droits d’auteur »[3], et « d’inciter et encourager les membres de son personnel, ses mandataires et ses sous-traitants à se livrer à une violation systématique du droit d’auteur d’un très grand nombre d’auteurs, publiés par un très grand nombre d’éditeurs de divers pays »[4].

[6]         Les conclusions que Copibec entend rechercher au mérite, si sa Requête est accordée, visent principalement à faire cesser la violation alléguée des droits d’auteurs par voie d’injonction, ainsi qu’à obtenir une condamnation de l’Université :

-     au paiement de dommages patrimoniaux évalués à 1 961 380 $, sauf à parfaire;

-    au paiement de dommages moraux de 1 000 000 $;

-     au paiement de dommages punitifs de 1 000 000 $;

-   au remboursement de la somme de 120 000 $, sauf à parfaire, représentant l’évaluation des profits réalisés par l’Université par la vente des recueils de cours contenant les œuvres, ou parties d’œuvres, reproduites sans autorisation;

-     au remboursement de tous les honoraires et frais extrajudiciaires « encourus pour l’action collective du groupe représenté. »

[7]         Si son recours est autorisé, Copibec demande de plus des ordonnances de sauvegarde qui visent, en résumé, à obliger l’Université :

-       à consigner dans un registre numérique les données des œuvres reproduites depuis le 1er juin 2014;

-      à conserver ce registre;

-      à le lui communiquer tous les six (6) mois;

-      à rendre compte à tous les six (6) mois de tous les profits réalisés par la vente de tout recueil de textes ou matériel contenant des reproductions d’œuvres des membres du groupe.

[8]         L’Université conteste la Requête et propose à l’audience qu’elle ne rencontre aucun des critères d’autorisation prévus aux paragraphes 1003 a), b), c), et d) de l’ancien Code de procédure civile (l’« AC.p.c. »). Elle ajoute que les demandes de sauvegarde ne peuvent être considérées qu’une fois le recours autorisé.

[9]         Il convient par ailleurs de préciser que suite à l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure civile (le « C.p.c. ») durant le délibéré, dont l’article 833 prévoit qu’il est d’application immédiate, le Tribunal a ordonné la réouverture des débats compte tenu que le libellé des anciens articles 999 et 1048 AC.p.c., sur lesquels l’Université a fondé l’un de ses moyens de contestation et qui ont fait l’objet des plaidoiries des parties, est modifié par le droit nouveau prévu à l’article 571 du C.p.c. Nous y reviendrons plus en détails dans le cadre de l’analyse et de la discussion des critères d’autorisation. Quant aux critères d’autorisation proprement dits, prévus antérieurement aux paragraphes 1003 a), b), c) et d) de l’AC.p.c. les nouveaux paragraphes 575. 1°, 2°, 3° et 4° du C.p.c. reprennent le droit antérieur[5].

[10]      Cela étant dit, qu’en est-il de la demande d’autorisation de Copibec?

[11]      Avant d’analyser et de discuter des critères d’autorisation, un résumé de l’environnement législatif et juridique et du contexte particuliers dans lesquels Copibec a introduit sa Requête sera utile.

[12]      D’autant plus que cet environnement et ce contexte découlent de ce que certains juristes spécialisés en droit d’auteur ont qualifié du changement séismique (« seismic shift » [6]) causé dans le domaine du droit d’auteur en 2012 par cinq (5) arrêts rendus le même jour par la Cour suprême du Canada, d’une part, puis, d’autre part, par d’importantes modifications apportées à la LDA par le législateur fédéral en novembre de la même année concernant le droit à l’utilisation équitable d’œuvres à des fins d’éducation, et ce, sans nécessité de requérir l’autorisation des titulaires des droits d’auteur, ni de les compenser.

[13]      Incidemment, il importe de souligner qu’il ne s’agit pas pour le Tribunal à cette étape de vérification et de filtrage de la requête de Copibec de se prononcer sur le fond du litige[7], ou sur la difficulté que pourrait avoir Copibec à faire la preuve de ses allégations, ou encore sur le mérite des moyens de défense de l’Université. En effet, comme l’a réitéré la Cour suprême dans son arrêt Infineon Technologies AG c. Option consommateurs[8], le juge chargé de l’analyse relative à l’autorisation du recours collectif ne doit ni combiner, ni confondre cette étape avec l’instruction d’un recours dont l’exercice a été autorisé; chaque étape « répond à un objectif différent et l’analyse effectuée doit en tenir compte »[9].

[14]      Toutefois, parce que l’étape de vérification et de filtrage de la requête pour autorisation n’est pas un passe-droit, une analyse sommaire préalable de l’environnement juridique auquel est assujettie l’action collective envisagée et de son contexte factuel, tel qu’il ressort des allégations de la Requête, des pièces et de la preuve appropriée dont la production a été autorisée, demeure essentielle afin de jeter les bases de l’analyse particularisée de chacun des critères d’autorisation, laquelle analyse doit au surplus être faite par le juge d’autorisation à l’aune de l’exigence de proportionnalité[10].

2   -     L’ENVIRONNEMENT JURIDIQUE ET LE CONTEXTE FACTUEL

[15]      Il convient de reprendre d’abord certains principes juridiques généraux en matière de droit d’auteur. Des principes légaux et jurisprudentiels d’application plus spécifique seront soulignés plus après dans le cadre de l’analyse du contexte factuel propre à notre affaire.

2.1       Principes juridiques généraux

            2.1.1  Le domaine du droit d’auteur

[16]      Au Canada, le droit d’un auteur à la paternité, à l’intégrité et à la reproduction de son œuvre, ou d’une « partie importante » de son œuvre,  est protégé par la  LDA.

[17]      L’article 3 de la LDA, particulièrement son premier alinéa, constitue la pierre d’angle du droit d’auteur au Canada :

« 3. (1) Le droit d’auteur sur l’œuvre comporte le droit exclusif de produire ou reproduire la totalité ou une partie importante de l’œuvre, sous une forme matérielle quelconque, d’en exécuter ou d’en représenter la totalité ou une partie importante en public et, si l’œuvre n’est pas publiée, d’en publier la totalité ou une partie importante; ce droit comporte, en outre, le droit exclusif :

[…];

Est inclus dans la présente définition le droit exclusif d’autoriser ces actes.

[…] »

(Le Tribunal souligne)

[18]      L’auteur d’une œuvre peut céder son droit d’auteur ou concéder un intérêt quelconque dans ce droit par voie de licence[11], par exemple à des éditeurs ou à des sociétés de gestion comme Copibec[12], notamment le droit d’accorder à des tiers des sous-licences de reproduction de son œuvre par photocopie ou sur support numérique, et de fixer et percevoir la contrepartie exigible.

[19]      Toutefois, en ce qui concerne plus spécifiquement les droits moraux d’un auteur, le paragraphe 14.1 (2) précise qu’ils sont incessibles.

[20]      Par ailleurs, pour bénéficier de la protection prévue à la LDA une œuvre doit être une œuvre « originale »[13]. Dans un litige concernant la reproduction prétendument illicite de plus d’une œuvre, ou d’une « partie importante » d’une œuvre, l’originalité de chaque œuvre concernée doit donc être préalablement démontrée[14]. Le caractère original d’une œuvre nécessite la démonstration qu’elle résulte de l’exercice du talent et du jugement de son auteur, lequel exercice ne doit pas être négligeable[15].

[21]      De plus, la question de savoir ce qu’est une « partie importante » d’une œuvre au sens de l’article 3 de la LDA, donc dont la reproduction doit en principe être autorisée par le titulaire ou concessionnaire de droits, est une question de fait propre à chaque cas[16]. Aucune norme objective n’existe pour faire cette analyse. L’exercice s’effectue in concreto; c’est « une question de fait et de degré »[17].

[22]      La reproduction sans autorisation d’une partie qui n’est pas au moins une « partie importante » de l’œuvre ne constitue pas une contravention à la loi.

 2.1.2  La violation du droit d’auteur

[23]      L’infraction de violation du droit d’auteur est prévue à l’article 27 de la LDA, dont l’extrait suivant suffit aux fins qui nous occupent :

«  (1) Constitue une violation du droit d’auteur l’accomplissement, sans le consentement du titulaire de ce droit, d’un acte qu’en vertu de la présente loi seul ce titulaire a la faculté d’accomplir.

[…] »

(Le Tribunal souligne)

[24]      La lecture conjuguée de l’article 3 précité et du paragraphe 27(1) de la LDA permet de conclure que la reproduction d’une œuvre complète, ou d’une « partie importante » de cette œuvre, sans l’autorisation du titulaire des droits d’auteur constitue en principe une contravention à la Loi.

2.1.3    Les exceptions à l’obligation d’obtenir l’autorisation de reproduire une œuvre ou une partie importante d’une oeuvre

[25]      La LDA prévoit certaines exceptions à la règle relative à la violation d’un droit d’auteur, dont la suivante qui constitue le cœur du litige entre les parties :

« Exceptions
Utilisation équitable

« 29. L’utilisation équitable d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur aux fins d’étude privée, de recherche, d’éducation, de parodie ou de satire ne constitue pas une violation du droit d’auteur. »

(Le Tribunal souligne)

            2.1.4    Les recours en cas de violation du droit d’auteur

[26]      En ne soulignant que ceux davantage pertinents en l’espèce, les recours en cas de violation du droit d’auteur sont prévus à la Partie IV de la LDA :

-       demande de dommages pour violation des droits patrimoniaux de l’auteur[18];

-      demande de dommages pour violation des droits moraux de l’auteur[19];

-      demande de condamnation au paiement des honoraires et des frais[20];

-      conclusions de nature injonctive[21];

-      destruction du matériel reproduit illégalement[22];

-      demande de condamnation à des dommages exemplaires[23];

-      demande de condamnation au remboursement des profits réalisés par la vente du matériel reproduit sans autorisation[24].

[27]      À noter que le droit d’un auteur, ou de sa succession ou de ses ayants droits, de demander réparation pour atteinte à ses droits moraux en raison de la reproduction de son œuvre, en totalité ou pour une partie importante, nécessite davantage que la seule preuve du défaut d’autorisation. Le paragraphe 14.1 (1) et l’article 28.2 de la LDA prévoient en effet ce qui suit :

                                                  « DROITS MORAUX

14.1 (1) L’auteur d’une œuvre a le droit, sous réserve de l’article 28.2, à l’intégrité de l’œuvre et, à l’égard de tout acte mentionné à l’article 3, le droit, compte tenu des usages raisonnables, d’en revendiquer, même sous pseudonyme, la création, ainsi que le droit à l’anonymat.

[…]

                                           VIOLATION DES DROITS MORAUX

28.2 (1) Il n’y a violation du droit à l’intégrité que si l’œuvre ou la prestation, selon le cas, est, d’une manière préjudiciable à l’honneur ou à la réputation de l’auteur […], déformée, mutilée ou autrement modifiée, ou utilisée en liaison avec un produit, une cause, un service ou une institution. »

(Le Tribunal souligne)

[28]      Ainsi, la Cour suprême a souligné « l’exigence importante » pour l’auteur qui allègue la violation de ses droits moraux de prouver non seulement le défaut d’autorisation avant la reproduction de son œuvre, mais aussi que la manière dont elle a été ainsi modifiée cause au surplus un préjudice à son honneur et à sa réputation[25].

[29]      Cela étant dit quant au droit et aux principes juridiques généraux applicables au droit d’auteur, voici maintenant le contexte dans lequel Copibec a introduit sa Requête.

2.2      Le contexte

[30]      Copibec est une personne morale de droit privé, sans but lucratif, fondée le 25 novembre 1997 par l’Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ), et par l’Association nationale des éditeurs de livres. Elle a été constituée en vertu de la partie III de la Loi sur les compagnies[26].

[31]      À titre de société de gestion selon la définition de l’article 2 et les paragraphes 13 (4) et (7) de la LDA, elle a pour mission de gérer, pour les titulaires de droit qu’elle représente, les droits de reproduction de leurs œuvres littéraires ou dramatiques protégées par le droit d’auteur au Canada[27].

[32]      Comme l’a par ailleurs précisé sa directrice générale de l’époque lors de son interrogatoire, dont le Tribunal a autorisé la production de la transcription à titre de preuve appropriée[28], Copibec n’est pas elle-même «personnellement» titulaire de droits d’auteur, ni éditeur[29].

[33]      À noter que Copibec ne gère ainsi que les droits patrimoniaux des titulaires de droits, les droits moraux de ces derniers à l’intégrité de leur œuvre étant incessibles et inaliénables, comme on l’a vu et comme l’admet Copibec[30].

[34]      De plus, en confiant à Copibec la gestion des droits patrimoniaux sur leur œuvre, ou sur celle dans laquelle ils ont un intérêt, les titulaires de droits, dont les personnes désignées pour représenter les sous-groupes des auteurs et des éditeurs, ont, comme le permet la LDA[31], renoncé expressément à exercer tout recours en justice pour violation de leur droit et en ont confié le mandat à Copibec. Les licences que Copibec fait signer aux titulaires de droits d’auteurs, auteurs ou éditeurs, prévoient en effet ce qui suit :

« 2.1 Par la présente, le titulaire concède à COPIBEC une licence exclusive de reproduction des œuvres du répertoire du titulaire permettant à COPIBEC, sans limitation et à sa discrétion, dans le monde entier, d’accorder à des usagers des sous-licences non exclusives de reproduction;

2.2     À cette fin, le titulaire autorise spécifiquement COPIBEC à :

[…]

2.2.4 Prendre toutes les mesures nécessaires, incluant les procédures judiciaires, afin de faire exécuter et respecter toutes les conditions et modalités prévues dans les sous-licences accordées par COPIBEC et, généralement, afin de contrôler les reproductions des œuvres du répertoire du titulaire, d’empêcher ou de faire cesser toute violation du droit de reproduction à l’égard des œuvres du répertoire du titulaire.;

[…]

5.1 Le titulaire s’engage à ce qui suit :

[…]

5.1.7 Renoncer à poursuivre, sauf autorisation expresse de COPIBEC, toute personne agissant en violation des droits concédés à COPIBEC par la présente licence. »[32]

[35]      Un protocole de gestion est annexé à chacune de ces licences pour en faire partie intégrante, lequel protocole prévoit ce qui suit :

« 1.2 Pouvoirs

[…]

Plus particulièrement, COPIBEC accorde aux usagers les autorisations nécessaires afin de leur permettre de reproduire les œuvres dont elle gère les droits de reproduction, perçoit, administre et distribue les redevances en provenance des usagers, intente les recours nécessaires pour protéger les droits de reproduction sur les œuvres constituant son répertoire et prend les mesures nécessaires pour en prévenir la violation; »[33]

(Le Tribunal souligne)

[36]      En vertu de ces licences que lui accordent les titulaires de droits d’auteur, Copibec accorde aux utilisateurs des œuvres littéraires contenues à son répertoire des sous-licences globales autorisant la reproduction de ces œuvres sur support papier ou numérique, selon des limites établies contractuellement, et prévoyant les sommes exigibles en contrepartie[34]. Copibec remet la somme perçue au titulaire des droits sur l’œuvre, après en avoir conservé 14% à titre de rémunération pour ses services[35].

[37]      C’est ainsi que de 1999 à 2014 Copibec a accordé à l’Université, et renouvelé pour des durées variables, une sous-licence globale de reproduction des œuvres de son répertoire, en contrepartie du paiement des tarifs de reproduction prévus aux versions successives de la licence[36].

[38]      Dans l’intervalle, et peu avant l’entrée en vigueur de la dernière licence liant les parties, le 12 juillet 2012 la Cour suprême du Canada déposait cinq (5) arrêts dans le domaine du droit d’auteur[37], auxquels les initiés réfèrent comme la « pentalogie » du droit d’auteur[38]. Qu’il suffise pour l’instant de souligner que plus particulièrement dans deux de ces arrêts, soit Alberta (Éducation) c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright) et Socan c. Bell Canada[39], la Cour suprême a réitéré et précisé la portée de son arrêt de 2004 dans l’affaire CCH c. Barreau du Haut-Canada[40] et confirmé que les exceptions prévues à l’article 29 de la LDA, lesquelles permettent l’utilisation équitable (« fair dealing » dans la version anglaise) d’une œuvre protégée aux fins identifiées, sans nécessité de requérir l’autorisation du titulaire des droits d’auteur, ni de le compenser pour cette utilisation, ne doivent pas être interprétées restrictivement [41] et que ces exceptions ne constituent pas un simple moyen de défense technique à l’encontre d’une accusation de violation d’un droit d’auteur, mais bel et bien un droit des utilisateurs[42].

[39]      La Cour suprême ajoutait que le caractère équitable de l’utilisation d’une œuvre est une question de fait qui « doit être tranchée à partir des circonstances de l’espèce », « à la lumière de tous les éléments à considérer »[43], et ce, à l’aide de six (6) critères qu’elle confirmait, tout en soulignant qu’ils ne sont pas exhaustifs, chaque situation pouvant en effet justifier le recours à un ou des critères supplémentaires[44].

[40]      À ce sujet, il est pertinent de souligner d’entrée de jeu l’extrait suivant de l’énoncé de principe formulé par Lord Denning dans son opinion dans l’affaire Hubbard v. Vosper[45], que la Cour suprême souligne avec approbation[46] quant à la nécessité, dans chaque cas, d’une analyse particularisée et à plusieurs volets du caractère équitable, ou non, de l’utilisation d’une œuvre :

« It is impossible to define what is « fair dealing ». It must be a question of degree. You must consider first the number and extent of the quotations and extracts. Are they altogether too many and too long to be fair? Then you must consider the use made of them […] Next you must consider the proportions. To take long extracts and attach short comments maybe unfair. But, short extracts and long comments may be fair. Other considerations may come to mind also. But, after all is said and done, it must be a matter of impression […] The tribunal of fact must decide. »[47]

(Le Tribunal souligne)

[41]      Sur la base de ce principe d’une évaluation au cas par cas, la Cour suprême a identifié les six (6) critères d’analyse de base suivants pour déterminer, en les pondérant, si l’utilisation d’une œuvre, ou d’une partie importante d’une œuvre, pour l’une des fins mentionnées à l’article 29 de la LDA est équitable :

i)     le but de l’utilisation de l’œuvre ou d’une partie importante de l’œuvre (la fin poursuivie doit être l’une de celles prévues à l’article 29 de la LDA);

ii)    la nature de l’utilisation (une large diffusion conforme aux usages ou pratiques dans un secteur d’activités donné peut être prise en compte[48]); l’ampleur de l’utilisation (si une partie non « importante » de l’œuvre est utilisée ou reproduite il n’y a pas de violation du droit d’auteur compte tenu de l’exigence prévue à l’article 3 de la LDA; il s’agit en somme d’évaluer le caractère équitable de l’utilisation en comparant la proportion de l’extrait ou des extraits reproduits avec l’œuvre complète concernée, et non avec la quantité totale de ces extraits qui est reproduite et diffusée; il est par ailleurs possible d’utiliser équitablement une œuvre entière) [49];

iii)   les solutions de rechange à l’utilisation (dans le cas d’une institution d’enseignement, l’achat d’exemplaires intégraux de chaque œuvre en nombre suffisant pour les élèves n’est pas une solution de rechange réaliste[50]; la possibilité d’obtenir une licence n’est pas non plus une solution de rechange opposable à l’utilisateur[51]);

iv)   la nature de l’œuvre (l’œuvre est-elle de celles qui devraient être largement diffusées dans l’intérêt public)[52];

v)    l’effet de l’utilisation sur l’œuvre (une preuve doit être administrée afin d’établir que l’utilisation aux fins équitables poursuivies a un impact à la baisse sur les ventes de l’œuvre et, en conséquence, sur les revenus que l’auteur peut en tirer; une preuve de la baisse globale du marché pour le genre d’œuvre en question n’est pas suffisante[53]; il s’agit d’évaluer le risque que l’utilisation de la reproduction de l’œuvre lui nuise ou lui fasse concurrence sur le marché; une utilisation d’une partie d’une œuvre moins diffusée peut avoir pour effet de la faire connaître, d’augmenter ses ventes et la rémunération de son auteur, n’avoir donc pas d’incidence négative et être en conséquence équitable)[54].

[42]      Le 7 novembre 2012, soit à peine quatre (4) mois après la pentalogie de la Cour suprême, le législateur fédéral modifiait l’article 29 de la LDA par la Loi sur la modernisation du droit d’auteur[55]. Tel que l’indique le sommaire introductif de cette loi, deux (2) de ses objectifs sont, d’une part, de « permettre aux enseignants et aux bibliothèques de faire un plus grand usage de matériel protégé par le droit d’auteur sous forme numérique » et, d’autre part, de «  permettre aux enseignants et aux élèves de faire un plus grand usage de matériel protégé par le droit d’auteur ».

[43]      A ces fins, et parmi les modifications apportées à la LDA, le législateur fédéral modifiait l’article 29 pour y ajouter à l’étude privée et à la recherche, comme fins possibles d’utilisation équitable d’une œuvre, celles d’éducation, de parodie et de satire[56]. Les fins d’étude privée, de recherche et surtout d’éducation sont évidemment davantage pertinentes dans la présente affaire.

[44]      Comme le soulignait madame la Juge en chef McLachlin pour une formation unanime de la Cour dans l’arrêt précité CCH Canadienne ltée c. Barreau du Haut Canada[57] :

« 48. […] Un acte visé par l’exception relative à l’utilisation équitable ne viole pas le droit d’auteur. À l’instar des autres exceptions que prévoient la Loi sur le droit d’auteur, cette exception correspond à un droit des utilisateurs. Pour maintenir un juste équilibre entre les droits des titulaires du droit d’auteur et les intérêts des utilisateurs il ne faut pas l’interpréter restrictivement. »

(Le Tribunal souligne)

[45]      Il convient de reproduire à nouveau l’article 29 de la LDA dans sa version en tout temps pertinente à notre affaire :

                                                           «  Exceptions

Utilisation équitable

29. L’utilisation équitable d’une œuvre ou de tout autre objet du droit d’auteur aux fins d’étude privée, de recherche, d’éducation, de parodie ou de satire ne constitue pas une violation du droit d’auteur. »                     

[46]      Dès après ces enseignements de la plus haute cour au pays et ces changements législatifs importants en matière d’éducation, la doctrine a souligné les nouvelles avenues ouvertes aux institutions d’enseignements canadiennes. Le professeur Trosow a suggéré sa conception de la voie à suivre :

 « With the benefit of the pentalogy rulings and the passage of Bill C-11 with educational fair dealing intact, the task facing Canadian educational institutions is clear. Schools that have already entered into license agreements with Access Copyright should terminate them at the earliest possible opportunity, and guidelines for campus copyright practices should be crafted. These guidelines should provide useful guidance to academic staff and students about their copyrights rights and obligations, but should also be flexible enough to accommodate the varied instances in which fair dealing might arise. »[58], [59]

[47]      Que les suggestions des auteurs spécialisés en aient été l’inspiration directe ou non, le 10 mars 2014 l’Université informe Copibec de son intention de ne pas renouveler la licence globale qu’elle détenait pour la période 2013-2014 et qui venait à échéance le 31 mai 2014[60].

[48]      Puis, le 21 mai 2014 l’Université adopte des Politique et directives relatives à l’utilisation de l’œuvre d’autrui aux fins des activités d’enseignement, d’apprentissage, de recherche et d’étude privée à l’Université Laval (« la Politique »)[61].

[49]      Les objectifs de la Politique sont prévus à son article 3, dont les suivants :

« La Politique a pour objet d’énoncer l’importance que l’Université accorde à la protection des droits d’auteur, d’établir les choix prioritaires qui doivent être faits par le personnel enseignant relativement à l’utilisation de l’Oeuvre d’autrui aux fins des activités d’enseignement, d’apprentissage, de recherche et d’étude privée et de définir un concept administratif de l’utilisation équitable de l’Oeuvre d’autrui à ces fins […]. »

[50]      La Politique prévoit par ailleurs ce qui suit, sous la rubrique « L’utilisation équitable » :

« 5.6  L’utilisation équitable de l’Oeuvre d’autrui […] est un droit reconnu à l’utilisateur qui désire s’en prévaloir, d’en bénéficier à certaines fins précises dont celles de l’éducation, la recherche et l’étude privée si, et seulement si, cette utilisation s’avère équitable.

5.7 Le droit à l’utilisation équitable de l’œuvre d’autrui aux fins d’éducation, de recherche ou d’étude privée, doit cependant constituer la fin réelle de l’utilisation et non un prétexte à une utilisation inavouée telle une utilisation commerciale par exemple. Agir ainsi serait une appropriation du travail d’autrui, une utilisation inéquitable et une contravention à la Loi sur le droit d’auteur.

[…]

5.9  […] Dans le but d’éviter que la notion d’utilisation équitable puisse faire l’objet de diverses interprétations dont certaines risqueraient d’excéder les limites de ce droit d’utilisation, l’Université a établi une norme administrative de ce qu’elle considérait et établissait comme une utilisation équitable de l’Oeuvre d’autrui. Cette définition de l’utilisation équitable fait partie intégrante de la Politique et doit être observée et appliquée par tout le Personnel enseignant. Elle a été établie en tenant compte le plus justement possible des critères dégagés par la jurisprudence et d’un droit que veut exercer l’Université de façon cohérente, raisonnable et respectueuse du droit des auteurs dans le cadre de la conduite quotidienne de ses activités d’enseignement, d’apprentissage, de recherche et d’étude privée. »

[51]      La Politique de l’Université prévoit que de « courts extraits » de l’œuvre d’autrui pourront être reproduits aux fins d’éducation, de recherche et d’étude privée[62]. Elle définit le terme « court extrait » comme suit à son article 5.11 :

« 5.11.1 Jusqu’à dix pour cent (10 %) d’une œuvre protégée par droit                      d’auteur (y compris une œuvre littéraire, une partition musicale, un enregistrement sonore ou une œuvre audiovisuelle);

5.11.2  Un chapitre d’un livre;

5.11.3  Un article de périodique;

5.11.4 Une œuvre artistique dans sa forme intégrale (y compris une peinture, une impression, une photo, un diagramme, un dessin, une carte, un tableau ou un plan) extraite d’un œuvre protégée par le droit d’auteur contenant d’autres œuvres artistiques;

5.11.5     Une page ou un article complet de journal;

5.11.6     Un poème ou une partition musicale dans sa forme intégrale, extrait d’une œuvre protégée par le droit d’auteur contenant d’autres poèmes ou partitions musicales;

5.11.7     Une entrée entière tirée d’une encyclopédie, d’une bibliographie annotée, d’un dictionnaire ou d’un ouvrage de référence similaire, pourvu que, dans chacun des cas, la quantité copiée ne dépasse pas la quantité requise aux fins énumérées ci-devant;

5.11.8     dans la mesure où, dans chacun des cas, le court extrait n’excède pas la reproduction de ce qui est nécessaire pour les fins auxquelles il est destiné et permise en vertu de la Politique. »

[52]      La Politique prévoit que les pages dépassant le nombre de pages limite fixé pour la reproduction sans autorisation doivent faire l’objet d’une demande d’autorisation particulière auprès du titulaire des droits d’auteur ou de son représentant[63].

[53]      Le même 21 mai 2014, l’Université adopte aussi un Règlement sur le matériel de cours à l’Université Laval (« Règlement »)[64].

[54]      À l’article 5.1 du Règlement, l’Université énonce le principe général suivant :

« 5.1     L’Université a la responsabilité de mettre en œuvre les moyens requis pour que les étudiants puissent avoir accès aux moyens de formation que constitue le matériel de cours que les membres du personnel enseignant jugent utile de mettre à leur disposition. Cette responsabilité entraîne pour l’Université l’obligation de fournir au personnel enseignant l’assistance nécessaire pour assurer la confection, l’accès et la distribution de matériel de cours dans le respect des dispositions du Règlement, de celles de la Loi sur le droit d’auteur et de la Politique. À cette fin, elle a institué le Bureau du droit d’auteur dont le mandat principal est d’assurer le respect du droit d’auteur et de la Politique et de constituer une ressource privilégiée de première ligne à la disposition du personnel enseignant afin d’assurer le respect du Règlement et de la Politique. »

[55]      Cette décision de l’Université de ne pas renouveler la licence globale de Copibec à son échéance le 31 mai 2014, pour plutôt se prévaloir de son droit à l’utilisation équitable d’une œuvre aux fins d’étude privée, de recherche et d’éducation, tel que définie par la Cour suprême, et adopter sa Politique et son Règlement, n’a évidemment pas plu à tous, comme on le constate avec acuité en l’espèce. Le modèle d’affaires de Copibec est compromis.

[56]      À noter incidemment que dans les conclusions de sa Requête Copibec ne recherche toutefois pas l’annulation de la Politique ou du Règlement de l’Université, et qu’elle ne propose aucune question commune à ce sujet.

[57]      Toutefois, tel que mentionné plus avant, Copibec allègue que l’adoption de la Politique résulte en la mise en place d’un « système institutionnel de violation des droits d’auteur »[65] et ajoute ce qui suit :

 « 71. (…), l’intimée oublie volontairement et sciemment que, selon les enseignements de la Cour suprême en matière d’utilisation équitable d’une œuvre :

« A) le caractère équitable ou non d’une utilisation d’une œuvre littéraire, dramatique ou artistique protégée par le droit d’auteur est une question factuelle, qui s’apprécie dans les circonstances de chaque espèce, de sorte qu’il est impossible de décréter une règle générale applicable à toutes les œuvres et pour tous les usages que fait l’intimée;

B) pour qu’une utilisation soit équitable, on doit satisfaire à des critères précis auxquels les reproductions illicites des préposés de l’intimée ne répondent nullement;

C) un usage contractuel d’une licence générale permettant la reproduction d’ouvrages jusqu’à concurrence d’un pourcentage déterminé ne peut se transformer en prétendue exception légale au droit d’auteur, sans rémunération, par décision du conseil d’administration de l’intimée. »

(Le Tribunal souligne)

[58]      Ces allégations appellent deux commentaires.

[59]      Premièrement, elles contiennent de l’argumentation juridique et de l’opinion que le Tribunal devra élaguer pour les fins de l’analyse des critères d’autorisation[66].

[60]      Deuxièmement, elles révèlent que Copibec ne conteste pas que pour analyser le caractère équitable d’une utilisation d’une œuvre par l’Université il faut considérer « les circonstances de chaque espèce ». Nous y reviendrons.

[61]      Cette mise en contexte juridique et factuelle étant faite, la Requête de Copibec répond-elle aux critères d’autorisation prévus à l’article 575 C.p.c.?

3   -     ANALYSE ET DISCUSSION

[62]      Il convient à nouveau de rappeler d’abord certains principes juridiques généraux applicables, cette fois en lien avec l’étape de l’autorisation d’un recours collectif. Le Tribunal reviendra plus en détails sur certains principes d’application plus particulière lorsque jugé opportun dans le cadre de l’analyse et de la discussion qui suivront en regard de chacun des quatre (4) critères d’autorisation.

3.1       Principes généraux applicables au stade de l’autorisation

[63]      Dans son jugement rendu dans l’affaire Charest c. Dessau inc.[67] monsieur le juge Lacoursière résumait ainsi, suivant l’ancienne numérotation des articles, jurisprudence de la Cour suprême et de la Cour d’appel à l’appui, les principes devant guider le Tribunal saisi d’une requête pour autorisation d’exercer un recours collectif :

« [29] La jurisprudence a développé certains grands axes, applicables au dossier en l’instance, pour guider le juge saisi de la demande d’autorisation :

a)     Le juge doit simplement s’assurer que le requérant satisfait aux critères de l’article 1003 C.p.c. sans oublier le seuil de preuve peu élevé prescrit par cette disposition (Infineon technologies AG c. Option Consommateurs, 2013 CSC 59, par. 59);

b)     Le juge jouit d’une discrétion dans l’appréciation des quatre critères de l’article 1003 C.p.c. (Union des Consommateurs c. Bell Canada), 2012 QCCA 1287, paragraphe 89). Cependant, une fois ces quatre critères jugés satisfaits, il est dépouillé de tout pouvoir additionnel et il doit autoriser les recours (Bouchard c. Agropur Coopérative, 2006 QCCA 1342, paragraphe 36);

c)     L’analyse des critères d’autorisation doit bénéficier d’une approche généreuse plutôt que restrictive. Ainsi, le doute doit jouer en faveur des requérants, c’est-à-dire en faveur de l’autorisation du recours collectif (Infineon technologies AG, précité paragraphe 60; Union des Consommateurs, précité, par. 117);

d)     La règle de la proportionnalité de l’article 4.2 C.p.c. doit être considérée dans l’appréciation de chacun des critères de l’article 1003 C.p.c. mais ne constitue pas un cinquième critère indépendant (Vivendi Canada inc., 2014 CSC 1, par. 66);

e)     Le défaut de satisfaire un seul des quatre critères de l’article 1003 C.p.c. entraîne le rejet de la requête (Options Consommateurs c. Novopharm ltée, 2006 QCCS 118, par. 71, appel rejeté, 2008 QCCA 949; demande de permission d’appeler à la Cour suprême rejetée, 2008 CSC 63502);

f)      Le juge doit exclure de son examen les éléments de la requête qui relèvent de l’opinion, de l’argumentation juridique, des inférences, des hypothèses ou de la spéculation. Le requérant doit alléguer des faits suffisants pour que soit autorisé le recours (Options Consommateurs c. Bell Mobilité, 2008 QCCA 2201, par. 37-38);

g)     Enfin, le Tribunal doit s’assurer que les parties ne soient pas inutilement assujetties à des litiges dans lesquels elles doivent se défendre contre des demandes insoutenables. Le fardeau imposé au requérant consiste à établir une cause défendable (Infineon Technologies AG, précité, par. 61-67). »

[64]      Ajoutons, comme le soulignait monsieur le juge Gascon, alors de cette Cour, dans Options Consommateurs c. Banque de Montréal[68], que :

« [53]    […] l’importance de l’étape de l’autorisation n’existe pas seulement pour les requérants, mais également pour les intimées. Cette étape possède, (…), un effet intrinsèque de protection de l’intérêt du défendeur. Un des objectifs de la mesure de filtrage est de s’assurer qu’une partie ne sera pas poursuivie collectivement sans fondement, dans des conditions où sa responsabilité virtuelle pourrait s’élever à plusieurs millions de dollars. »

[65]      Depuis la revue des principes applicables par le juge Lacoursière en 2014, la Cour d’appel a rappelé le large pouvoir discrétionnaire d’appréciation dont le juge saisi d’une requête en autorisation dispose en regard de chacun des critères[69].

[66]      La Cour suprême a aussi souligné que le véhicule procédural du recours collectif ne modifie et ne crée aucun droit substantiel et qu’il ne donne pas ouverture à de nouvelles règles de preuve au mérite[70].

[67]      Enfin, bien que dans un contexte différent, la Cour suprême a aussi souligné de façon générique que, malgré son rôle social et juridique considérable, le recours collectif est un type de recours qui « doit être exercé à bon escient »[71].

[68]      Ces principes d’application générale étant posés, il s’agit maintenant d’analyser l’application de chacun des critères de l’article 575 C.p.c. à la présente affaire.

3.2       Application des principes à la requête de Copibec

[69]      L’article 575 C.p.c. se lit comme suit :

« 575. Le tribunal autorise l'exercice de l'action collective et attribue le statut de représentant au membre qu'il désigne s'il est d'avis que:

 

 1° les demandes des membres soulèvent des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes;

 

 2° les faits allégués paraissent justifier les conclusions recherchées;

 

 3° la composition du groupe rend difficile ou peu pratique l'application des règles sur le mandat d'ester en justice pour le compte d'autrui ou sur la jonction d'instance;

 

 4° le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant est en mesure d'assurer une représentation adéquate des membres. »

[70]      Ces critères reprennent le droit antérieur, prévu à l’article 1003 AC.p.c.[72]

[71]      Le Tribunal débutera l’analyse par le critère prévu au paragraphe 575.2o pour poursuivre avec les critères des paragraphes 575.1o, 3o et 4o [73].

[72]      Incidemment, la Cour d’appel rappelait ce qui suit dans l’affaire Union des consommateurs c. Air Canada[74] :

 « [37] […], il faut que chacun des critères de l’article 1003 C.p.c. soit analysé à son mérite, quoique l’un puisse influencer l’autre. Comme le soulignait le juge Pelletier dans l’affaire Del Guidice [3], « les conditions prévues par le législateur pour l’exercice du recours sont comme des vases communicants, ce qui explique pourquoi, dans certaines circonstances, la contestation portant sur l’une d’entre elles peut entraîner la remise en question de l’autre ».

(Référence omise)

3.2.1   Les faits allégués à la Requête paraissent-ils justifier les conclusions recherchées (art. 575.2°)?

[73]      Ce critère d’autorisation requiert l’analyse du syllogisme juridique proposé par Copibec, en tenant les faits qu’elle allègue pour avérés. C’est le recours des personnes désignées qui est analysé[75].

[74]      La Cour d’appel a rappelé récemment le seuil peu élevé de ce critère[76].

[75]      Et la Cour suprême a précisé dans l’affaire Infineon que « même si la demande peut, en fait, être ultimement rejetée, le recours devrait être autorisé à suivre son cours si le requérant présente une cause défendable eu égard aux faits et au droit applicable »[77]. (Le Tribunal souligne)

[76]      En l’espèce, le syllogisme que propose COPIBEC, que traduisent les allégations de sa Requête, les deux (2) questions communes qu’elle propose au paragraphe 95 de cette dernière et les conclusions qu’elle recherche, est simple et peut être résumé comme suit :

1)   Les membres des sous-groupes sont titulaires de droits d’auteur sur des œuvres protégées suivant la LDA, soit à titre d’auteurs des œuvres eux-mêmes, soit en vertu de droits que leur ont reconnus des auteurs;

2)   L’Université a reproduit des œuvres et parties importantes d’oeuvres protégées, et ce, sans autorisation des auteurs, des titulaires de droits ou de Copibec;

3)   Donc, l’Université a violé les droits des membres des sous-groupes, en contravention des articles 3 et 27 de la LDA, donnant ainsi ouverture aux conclusions recherchées.

[77]      L’allégation que le droit de l’Université à l’utilisation équitable aux fins de recherche, d’étude privée et d’éducation n’est pas applicable en l’espèce relève de l’opinion juridique et de l’argumentation et ne peut donc être considérée comme faisant partie des allégations de fait sur lesquelles le syllogisme est fondé[78].

[78]      De plus, à certains égards le syllogisme proposé par Copibec, centré sur le défaut d’autorisation des titulaires de droits d’auteurs, reflète le paradigme juridique d’avant l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire CCH en 2004 et la pentalogie de la Cour de 2012, et même celui d’avant son arrêt Théberge en 2002[79]. Ces arrêts du plus haut tribunal au pays ont en effet mis fin à la perspective « auteur-centriste » du droit d’auteur qui avait cours jusque là au Canada[80], ont souligné la nécessité d’instaurer un équilibre entre l’intérêt des auteurs et celui du public de bénéficier de la plus large diffusion possible des œuvres créatrices, et reconnu à cette fin le droit à l’utilisation équitable d’une œuvre, notamment au bénéfice de la recherche, de l’étude privée et de l’éducation en général.

[79]      De plus, même si le Tribunal n’a pas à en tenir compte pour les fins de l’exercice de filtrage de sa Requête, l’argumentaire et l’opinion de Copibec qu’il est « impossible » pour l’Université, par sa Politique, « de décréter une règle générale applicable à toutes les œuvres »[81] est difficilement compatible avec la mise en garde contenue à la lettre  R-9 du 14 mai 2014 de la présidente de son conseil d’administration, transmise au président du conseil de l’Université, qu’à défaut de renouveler la licence de Copibec l’Université « devra établir des lignes directrice pour déterminer ce qui constitue une utilisation équitable des œuvres » afin d’éviter que son personnel, à grands frais, soit contraint de considérer chaque cas « à la pièce ».

[80]      Cela étant dit, si on peut entretenir des doutes sur la faute et la responsabilité de l’Université et sur les allégations de Copibec que le droit à l’utilisation équitable des œuvres, ou parties d’œuvre, ne peut être invoqué par l’Université en l’espèce, ce débat soulève des questions mixtes de faits et de droit et, à l’étape de l’autorisation, le Tribunal ne doit tirer aucune conclusion de fond, à moins qu’il soit évident, dès à présent que la cause n’est pas défendable et que le recours est clairement voué à l’échec, ce qui n’est pas le cas.

[81]             En conséquence, compte tenu du seuil peu élevé qui lui est applicable, le Tribunal conclut que le critère du paragraphe 575.2° est rencontré.

3.2.2   Les recours des membres soulèvent-ils des questions de droit ou de fait identiques, similaires ou connexes (art. 575.1°)?

            3.2.2.1  Copibec ne propose pas une question commune

                         pouvant être tranchée collectivement et faire

                         progresser le  règlement du litige de façon non

                         négligeable pour l’ensemble des membres du groupe

[82]      Dans les conclusions de sa requête, Copibec identifie les deux (2) questions de fait et de droit suivantes « à traiter de manière collective » :

« (I) L’université Laval et les membres de son personnel, ses mandataires et ses sous-traitants, dans leurs activités d’enseignement et de recherche, ont-ils contrevenu aux droits patrimoniaux des membres du groupe, selon l’article 3 de la Loi sur le droit d’auteur

(a)   En reproduisant,

(b)   Et en communiquant par télécommunication,

(c)   Incluant la mise à disposition [sic] du public par télécommunication des œuvres littéraires, dramatiques et artistiques protégées sans autorisation des titulaires de droit ou de leurs représentants?

(II)    L’Université Laval et les membres de son personnel, ses mandataires et ses sous-traitants, dans leurs activités d’enseignement et de recherche, ont-ils contrevenu aux droits moraux des membres du groupe qui sont auteurs, selon l’article 14.1 de la Loi sur le droit d’auteur

(a)   En reproduisant,

(b)   En communiquant par télécommunication,

(c)   Incluant la mise à disposition [sic] par télécommunication des extraits des œuvres littéraires, dramatiques, artistiques et musicales protégées sans l’autorisation des auteurs ou de leurs représentants»

(Le Tribunal souligne)

[83]      La Cour suprême a précisé dans l’arrêt Infineon Technologies AG c. Option consommateurs que la présence d’une seule question de droit identique, similaire ou connexe pour tous les membres du groupe est suffisante, pourvu toutefois que son importance soit susceptible d’influencer le sort du recours pour tous[82].

[84]      Et plus récemment, dans son arrêt dans l’affaire Vivendi Canada c. Dell’Aniello[83], où ce critère des questions communes était au cœur du pourvoi[84], la Cour a précisé que le juge d’autorisation bénéficie d’un pouvoir d’appréciation important en regard de chacun des critères d’autorisation[85] et souligné, après comparaison des régimes juridiques du recours collectif dans les provinces de Common Law et au Québec, que :

« Pour satisfaire aux critères de la communauté de questions de l’article 1003 a) C.p.c., le requérant doit démontrer qu’un aspect du litige se prête à une décision collective et qu’une fois cet aspect décidé, les parties auront réglé une part non négligeable du litige. […] »[86]

(Le Tribunal souligne)

[85]      Au paragraphe 60 de son arrêt, la Cour ajoutait que le juge d’autorisation ne doit pas insister sur la possibilité que de nombreuses questions individuelles doivent éventuellement être analysées, mais plutôt se demander si le requérant en autorisation établit « […] la présence d’une question commune qui ferait progresser le règlement du litige pour l’ensemble des membres du groupe et qui ne jouerait pas un rôle négligeable quant au sort du litige. » (Le Tribunal souligne)

[86]      En l’espèce, à supposer même que le Tribunal répondait affirmativement aux questions communes formulées par Copibec et qu’il concluait en conséquence que l’Université n’a pas obtenu les autorisations des personnes désignées pour représenter les auteurs, éditeurs ou titulaires de droit hors Canada avant de reproduire les œuvres à l’égard desquels elles sont titulaires, ou concessionnaires, de droit, « une fois cet aspect décidé », les parties n’auraient pas « réglé une part non négligeable du litige ». La décision sur cette question d’absence d’autorisation n’aurait en effet qu’un impact  négligeable, voire aucun impact, sur le sort du recours des membres puisque le litige sur la question de la faute de l’Université, en l’occurrence la violation de droits d’auteur en contravention de la LDA, demeurerait entier, étant donné que celles relatives au caractère « original » de chaque œuvre, à la détermination de l’« importance » de chaque partie d’œuvre reproduite et du droit de l’Université à l’utilisation équitable de ces œuvres demeureraient non résolues.

[87]      Au surplus, suivant le droit applicable ces questions nécessitent une étude individualisée des circonstances propres à chaque œuvre et chaque membre. Ainsi, la faute et la responsabilité de l’Université à l’égard de chacun des membres, et donc le droit de chacun d’eux aux conclusions recherchées, ne peut pas découler d’ « une décision collective »[87] qui ferait progresser le règlement du litige « pour l’ensemble des membres du groupe »[88].

[88]      Par analogie, dans l’affaire récente Jasmin c. Société des alcools du Québec[89], où la requête en autorisation fut rejetée[90], monsieur le juge Sansfaçon, j.c.s., référant à la faute et à la responsabilité résultant de l’application d’une clause abusive au sens des articles 8 de la Loi sur la protection du consommateur[91] et 1437 du Code civil du Québec, observait que compte tenu de la nécessité de son appréciation au cas par cas une telle faute ne peut fonder un recours collectif :

«  [49]        L’article 8 de la L.p.c. comporte deux sources distinctes de fautes, tel que l’a constaté la Cour d’appel.

    […]

    [52]        La deuxième source de faute contenue à l’article 8 L.p.c. que reconnait la Cour d’appel dans l’arrêt Riendeau, est dite subjective et se retrouve à la deuxième partie de son paragraphe premier. Cette source de faute, distincte de la première, se manifeste dès lors que l'obligation du consommateur est excessive, abusive ou exorbitante. L’appréciation de cette faute fait toutefois nécessairement appel à une analyse au cas par cas, ce qui rendrait irrecevable de ce seul fait toute demande de recours collectif qui l’invoquerait comme source de la faute. »

(Le Tribunal souligne; référence omise)

[89]      Avec les adaptations qui s’imposent quant au droit applicable, la même conclusion s’applique à notre cas où Copibec invoque comme faute de l’Université la violation de droits d’auteur en contravention de la LDA.

[90]      Sans préjuger du fond, ou des difficultés de la preuve en demande, ou du bien-fondé du droit de l’Université à l’utilisation équitable des œuvres concernées, voici, strictement quant au processus décisionnel qui s’imposerait au mérite suivant le droit et les critères précités applicables, l’analyse juridique à laquelle on devrait procéder de façon répétée dans le cas de chacune des œuvres de chacun des membres afin de décider de la faute et de la responsabilité de l’Université :

i)     L’œuvre sur laquelle le membre prétend être titulaire de droit est-elle une œuvre originale?

ii)    À supposer même, pour fins de discussion, que toutes les œuvres sur lesquelles chacun des membres des sous-groupes est titulaire de droit soient des œuvres « originales », l’Université a-t-elle reproduit ces œuvres intégralement, ou une  « partie importante »?

iii)   À supposer même, pour les fins de discussion, que dans tous les cas les reproductions partielles constituent des parties importantes d’une œuvre protégée, ces reproductions ont-elles été faites sans autorisation?

[91]      Copibec, en sa qualité de société de gestion et suivant les licences qui lui ont été confiées, représente les intérêts de plusieurs des auteurs et éditeurs québécois visés par le groupe et, à ce titre, allègue que l’Université n’a pas obtenu son autorisation avant de reproduire leur(s) œuvre(s) incluse(s) à son répertoire.

[92]      Mais, compte tenu de l’allégation contenue au paragraphe 25 de la Requête, le procureur de Copibec a admis à l’audience que des auteurs et éditeurs gèrent eux-mêmes leurs droits de reproduction, sans faire appel aux services de Copibec, ni à ceux de toute autre société de gestion.

[93]      Ce n’est donc pas parce que dans le cas de l’une ou l’autre des personnes désignées leur œuvre aurait été reproduite sans autorisation, ou sans celle de Copibec, que ce serait nécessairement le cas pour tous les membres du groupe.

[94]      L’examen de l’absence d’autorisation devrait donc être effectué de façon individualisée pour les titulaires de droits non liés à Copibec.

iv)  À supposer même que l’Université aurait reproduit sans autorisation l’intégralité ou une partie importante d’une œuvre originale sur laquelle l’une ou l’autre des personnes désignées détient des droits, une telle reproduction constitue-t-elle néanmoins une utilisation équitable de l’œuvre aux fins d’éducation, de recherche ou d’études privées?

[95]      Comme la Cour suprême l’a souligné, l’exception d’utilisation équitable d’une œuvre aux fins prévues à l’article 29 de la LDA n’est pas un simple moyen de défense mais bien un droit. Une reproduction d’une œuvre protégée et visée par l’exception relative à l’utilisation équitable « ne viole pas le droit d’auteur ». [92]

[96]      Et le caractère équitable de l’utilisation d’une reproduction ne peut résulter d’une analyse in abstracto ou de l’application d’une règle normative, « il s’agit d’une question de fait qui doit être tranchée à partir des circonstances de l’espèce »[93], et ce, par la  pondération des six (6) critères confirmés par la Cour suprême du Canada, qui ne sont pas exhaustifs par ailleurs. Il s’agit de répondre aux questions suivantes :

-       Quel est le but de l’utilisation de l’œuvre?

-       Quelle est la nature de cette utilisation?

-       Quelle est l’ampleur de cette utilisation?

-       Existe-t-il des solutions de rechange possibles à l’utilisation?

-       Quelle est la nature de l’œuvre concernée? et,

-       Quel est l’effet de l’utilisation sur l’œuvre concernée?

[97]      Aucune de ces questions ne se prête pas à une « décision collective »  sur la base de la situation des personnes désignées, et qui réglerait « une part non négligeable du litige » pour l’ensemble des membres du groupe.

[98]      Ce constat, joint au surplus au nombre important de permutations possibles en fonction de la situation propre à chacun des membres du groupe proposé, permet de conclure que, analysé en conjonction avec l’exigence de proportionnalité, le critère du paragraphe 575.1° C.p.c. n’est pas rencontré. On n’a qu’à considérer pour s’en convaincre davantage que la présidente du conseil d’administration de Copibec mentionnait à sa lettre R-9 du 14 mai 2014  transmise au président du conseil de l’Université que sans une licence octroyée par Copibec, le personnel de l’Université se verrait contraint de revoir « à la pièce » un nombre d’œuvres qu’elle estimait alors à 7 200. En l’espèce, on devrait analyser les questions précitées et pondérer les critères de l’utilisation équitable en regard d’un nombre d’œuvres encore plus élevé, compte tenu qu’il s’agit là uniquement du nombre des œuvres qui composent le répertoire de Copibec. L’exercice serait exponentiel.

[99]      Or, comme l’a souligné madame la juge Bélanger pour la Cour d’appel dans l’affaire Union des consommateurs c. Air Canada[94], le principe de la proportionnalité doit être considéré dans l’appréciation de chacun des critères d’autorisation, et c’est particulièrement « lorsque se pose la question de l’ampleur du recours et de la détermination des questions communes, dites « connexes » que le critère de la proportionnalité peut jouer un grand rôle »[95].

[100]   Monsieur le juge Morin s’exprimait dans la même veine dans l’arrêt Lorrain c. Pétro Canada[96], en confirmant la décision de la première juge de rejeter la requête en autorisation d’exercer un recours collectif au motif que le critère des questions communes n’était pas rencontré :

« [91] De fait, on constate facilement que l’intensité du préjudice peut varier infiniment entre chaque membre du groupe. […] De fait, le nombre de permutations possibles quant aux situations visant chaque membre du groupe est proprement effarant.

[92] Si on combine ce problème avec la difficulté de preuve déjà mentionnée en traitant de l’application du paragraphe 1003 b) C.p.c., dans le cadre de l’article 4.2 C.p.c., il y a lieu de conclure que la juge a eu raison de se prononcer comme elle l’a fait en disant que le recours collectif envisagé ne remplit pas les conditions du paragraphe 1003 a)     C.p.c. »

(Le Tribunal souligne)

[101]   La considération du critère de la proportionnalité dans l’analyse du critère du paragraphe 575.1° C.p.c. présente une pertinence encore accrue si l’on considère aussi le témoignage de la directrice de Copibec que la collecte des droits de reproduction des œuvres du répertoire de cette dernière représente des montants de « quelques sous ou quelques dollars » compte tenu du nombre de pages reproduites par les sous-licenciés, ce qu’elle qualifie à juste titre de « microgestion »[97].

[102]   Or, bien que l’on ne saurait évidemment nier le droit d’un justiciable en raison du montant peu élevé de sa réclamation potentielle, particulièrement dans le contexte d’un recours collectif, il n’en demeure pas moins que l’autorisation d’un tel recours ne saurait avoir comme résultante au mérite une répétition de l’analyse juridique des questions de faute et de responsabilité et une microgestion du quantum pour chaque membre.

[103]   En d’autres mots, si la nécessité de multiples petits procès de nature comptable à l’étape de l’établissement des réclamations individuelles ne fait pas en principe obstacle à l’autorisation d’un recours collectif, il en va autrement lorsque la nécessité de multiples petits procès et une répétition de l’analyse juridique sont aussi nécessaires pour établir la responsabilité du défendeur et le droit même des membres du groupe aux conclusions monétaires recherchées.

[104]   Ces difficultés doivent au surplus être considérées dans l’optique où le véhicule procédural du recours collectif ne crée pas de nouvelles règles de preuve[98].

[105]   Encore une fois, il ne s’agit pas ici de se prononcer sur le fond du litige, ou encore de mettre l’emphase sur le nombre de questions individuelles que soulève l’action collective envisagée, au détriment de l’identification d’une question commune qui pourrait être tranchée collectivement et dont l’importance serait non négligeable sur le sort du litige pour tous les membres.

[106]   Dans l’affaire Vivendi Canada c. Dell’Aniello, où la Cour suprême avait noté que le juge d’autorisation avait insisté sur la possibilité que de nombreuses questions individuelles doivent être éventuellement analysées, plutôt que de se demander si le requérant avait établi la présence d’une question commune qui ferait progresser le règlement du litige pour l’ensemble des membres du groupe, et qui ne jouerait pas un rôle négligeable quant au sort du litige[99], la question commune était claire et concernait la validité ou la légalité des modifications apportées unilatéralement par l’employeur au contrat constituant le régime de retraite de l’entreprise. Trancher une telle question ne requérait en effet pas l’examen du droit de chacun des participants aux avantages du régime. Or, la Cour suprême a conclu dans cette affaire qu’il ne faisait aucun doute, à la lecture des motifs du juge d’autorisation, qu’il s’était prononcé de façon anticipée sur cette question touchant le fond du litige, comme elle le souligne au paragraphe 70 de son arrêt.

[107]   À la différence de ce qu’a conclu la Cour suprême dans cette affaire Vivendi, ou la Cour d’appel dans la récente affaire Masella[100], concernant l’analyse effectuée par le juge d’autorisation, le Tribunal ne conclut pas en l’espèce et à ce stade-ci de la vérification et du filtrage du recours que le droit des personnes désignées et des membres des sous-groupes aux réclamations et mesures réparatrices recherchées est inexistant ou qu’il « n’est pas cristallisé »[101], et ne fait pas siennes les prétentions de l’Université sur le fond du litige,[102]mais conclut plutôt que, à la base même, les questions communes que propose Copibec ne permettraient pas de régler une part non négligeable du litige pour l’ensemble des membres du groupe, de façon à le faire progresser pour tous les membres.

[108]   Ajoutons qu’outre ce constat quant à l’absence d’une question commune concernant la responsabilité de l’Université, au chapitre des dommages moraux réclamés une conclusion favorable en faveur de l’une des personnes désignées pour représenter le sous-groupe des auteurs, à supposer même qu’elles aient l’intérêt suffisant pour exercer un tel recours au nom des titulaires des droits moraux, ce dont nous discuterons plus loin dans l’analyse du critère du paragraphe 575.4°, n’aurait non plus aucun impact positif sur le droit des membres du sous-groupe à ces dommages.

[109]   En effet, selon l’article 28.2 de la LDA, le droit aux dommages moraux nécessite l’analyse de la « manière » dont l’œuvre a été reproduite illégalement, de façon à vérifier s’il s’agit d’une modification telle qu’elle porte atteinte à l’honneur et à la réputation de l’auteur concerné. Encore une fois, tel que démontré lors de la discussion qui précède sur les principes juridiques généraux en matière de droit d’auteur, cette analyse est essentiellement subjective et ne peut être effectuée qu’au cas par cas.

[110]   En somme, dans notre affaire, loin d’éviter une répétition de l’analyse juridique, le recours envisagé nécessiterait au contraire la présentation d’une preuve particularisée dans chaque cas et une appréciation de multiples questions individualisées, et ce, tant pour établir la faute et la responsabilité de l’Université, que le droit des titulaires aux dommages réclamés.

[111]   Mais il y a plus.

[112]   En effet, l’analyse du critère des questions communes révèle en l’espèce un autre obstacle à l’autorisation du recours, lié celui-là à la définition du groupe.

3.2.2.2  Les problèmes liés à la définition du groupe, en relation

             avec les questions communes

[113]   Comme l’a rappelé madame la juge Savard, alors de cette Cour, le respect du critère des questions communes doit être analysé en fonction du groupe proposé, dont la description même est un élément fondamental de tout recours collectif et doit répondre aux critères suivants :

1)  la définition du groupe doit être fondée sur des critères objectifs;

2)  les critères doivent s’appuyer sur un fondement rationnel;

3)  la définition du groupe ne doit être ni circulaire ni imprécise;

4)  la définition du groupe ne doit pas s’appuyer sur un ou des critères qui dépendent de l’issue du recours collectif au fond;[103]

[114]   Ces critères ont été énoncés par la Cour d’appel dans l’affaire George c. Québec (procureur général)[104], notamment en lien avec les propos de la Cour suprême dans l’affaire Western Canadian Shopping Centers inc. c. Dutton[105].

[115]   En l’espèce, rappelons que le groupe proposé au paragraphe 1 de la Requête vise essentiellement « Toute personne…titulaire ou habilitée à représenter un ou des titulaires de droits patrimoniaux et moraux sur une œuvre…protégée par le droit d’auteur…que l’Université [a] sans autorisation reproduite…» (Le Tribunal souligne)

[116]   En l’espèce, ne pourraient donc faire partie du groupe aux fins du recours collectif envisagé par Copibec que les personnes dont l’œuvre aurait été non seulement reproduite sans autorisation par l’Université, mais aussi, puisqu’on parle d’œuvres protégées par la LDA, dont la reproduction consiste en une « partie importante » d’une œuvre «originale», d’une part, et dans la mesure où l’utilisation de la reproduction est inéquitable, d’autre part. Or, ces conditions d’appartenance au groupe nécessitent, comme on l’a vu, l’appréciation de critères subjectifs et individualisés. En conséquence, un membre ne pourrait savoir s’il fait partie du groupe qu’après une décision au fond concernant le caractère protégé ou non de l’œuvre sur laquelle il prétend détenir un droit d’auteur.

[117]   Dans l’affaire George c. Québec (procureur général) précitée, la Cour d’appel a rejeté l’appel logé à l’endroit du jugement de première instance ayant refusé l’autorisation d’exercer un recours collectif, notamment parce que la définition du groupe proposé ne rencontrait pas les quatre (4) critères précités.

[118]   Monsieur le juge Trudel (ad hoc) écrit ce qui suit dans son opinion pour une formation unanime :

«[41]  En l'espèce, la définition du groupe proposée par l’appelant devant cette Cour ne répond pas à ces exigences en ce que la deuxième partie de la définition apparaît, d'une part, comme étant subjective et, d'autre part, fondée sur un critère dépendant de l’issue du litige au fond. En effet, il serait aisé pour une personne de déterminer si son emploi était couvert par la Directive concernant les étudiants. Par contre, comment pourrait-elle savoir si elle a effectué un travail équivalent à celui d'un employé occasionnel?

[…]

[44]   Mis à part l’appréciation subjective à laquelle devraient se prêter les personnes concernées, la seule autre manière de déterminer si elles sont membres du groupe visé par le recours consisterait à procéder au fond à un examen individualisé au cas par cas pour chacune d'elles. […]

 [45]   En conséquence, puisque l’un des deux critères sur lequel repose la définition du groupe proposée en appel est non seulement subjectif et individuel, mais dépend en plus de l’issue du recours au fond, ce moyen d’appel doit échouer. »

[119]   Avec les adaptations qui s’imposent, les mêmes conclusions sont applicables à notre affaire.

[120]   Il est d’ailleurs raisonnable de penser que Copibec était consciente des difficultés que pouvait poser la définition du groupe et des sous-groupes lorsqu’elle mentionne au paragraphe 2 de sa requête qu’elle souhaite représenter les sous-groupes « et tout autre sous-groupe que le Tribunal pourra déterminer en regard des questions de fait et des questions de droit soulevées par l’action collective ».

[121]   Si le juge d’autorisation peut ciseler les définitions du groupe ou des sous-groupes telles que proposées, il ne lui revient toutefois pas de les créer, encore moins lorsque, comme en l’espèce, les données pour les composer sont insuffisantes et que leurs déclinaisons possibles sont nombreuses. Il y a un risque pour le requérant en autorisation lorsqu’il juge opportun d’élargir la définition du groupe : « il y a en effet un rapport étroit entre la définition du groupe et l’exigence du paragraphe 1003 a) C.p.c.».[106]

[122]   Les propos suivants de la Cour d’appel dans l’affaire Lallier c. Volkswagen Canada inc.[107] sont pertinents en l’espèce :

« [17]  L’étendue de la définition proposée commande ici certains commentaires portant sur le rapport étroit qui, en cette matière, unit la définition du groupe à l’exigence de connexité que prévoit le paragraphe a) de l’article 1003 C.p.c.  À cet égard, on peut affirmer de façon générale que plus le requérant tend à élargir la configuration du groupe, plus il court le risque de diluer l’importance des questions communes.  […]

[18] Pendant longtemps, la jurisprudence a insisté sur le pouvoir du juge d’autorisation de modifier la composition du groupe proposé par le requérant en recours collectif. Sans minimiser l’importance de ce pouvoir, je note que cette insistance a pu avoir l’effet pervers d’inciter certains requérants à proposer des définitions fort larges. Se fiant sur cette faculté du juge de remodeler le groupe dans des proportions logiques et raisonnables, ces requérants sous-estiment le risque qu’ils encourent de voir leur requête rejetée pour défaut de conformité avec l’exigence du paragraphe a) de l’article 1003 C.p.c.  Il faut garder en mémoire que la personne la mieux placée pour définir adéquatement le groupe de réclamants demeure celle qui a fait enquête avant d’introduire la demande d’autorisation, en l’occurrence celle qui postule le statut de représentant.  Sans doute le juge peut-il, après audition, intervenir pour ciseler la définition sous quelque rapport, mais il ne lui revient pas au premier chef de la créer.

[…]

[21] Lorsqu’il constate que le groupe proposé n’est pas suffisamment homogène de sorte que l’usage du véhicule procédural du recours collectif devient inapproprié en raison de l’importance prépondérante de questions individuelles, le juge a le choix de rejeter la requête ou de tenter de remodeler la composition du groupe.  Il n’a pas l’obligation stricte d’opter pour la seconde branche de l’alternative, notamment s’il estime ne pas avoir en main les éléments lui permettant d’imposer au requérant une définition que celui-ci, au départ, n’a pas jugé opportun de retenir ou s’il estime que, tout compte fait, la redéfinition n’assurera pas la conduite d’un procès conciliant efficacité et équité, pour paraphraser les termes utilisés par le juge en chef McLachlin dans Western Canadian Shopping Centre[. »

(Le Tribunal souligne)

3.2.2.3        Certains commentaires sur la jurisprudence invoquée par  Copibec

[123]   Au soutien de sa prétention que sa requête respecte le critère des questions communes, Copibec invoque plus spécifiquement deux (2) jugements, l’un rendu en Ontario, l’autre au Québec. Selon elle, ces jugements ont autorisé des recours qui soulevaient des questions de fait et de droit communes de même nature que celles qu’elle identifie à sa Requête, de sorte que son recours devrait lui aussi être autorisé.

[124]    Or, une lecture de ces deux (2) jugements, rendus incidemment avant la pentalogie de la Cour suprême de juillet 2012 et les exceptions apportées à la LDA en faveur du milieu de l’éducation par le législateur fédéral en novembre 2012, permet de conclure que les questions relatives à la responsabilité des défenderesses dans ces affaires étaient fort différentes de celles qui nous occupent, d’une part, et supporte la conclusion du Tribunal que plusieurs des questions que soulève l’allégation de violation de droits d’auteur ne peuvent être tranchées collectivement, d’autre part.

[125]   En somme, dans ces deux (2) affaires, contrairement à la nôtre, la question de la responsabilité de la partie défenderesse pouvait être décidée après analyse d’une situation bien circonscrite en fait et en droit, et commune à tous les membres. C’est pour cette raison que les recours ont été autorisés, malgré le grand nombre de questions individuelles.

                        i) Waldman c. Thomson Reuters

[126]   Dans l’affaire Waldman v. Thomson Reuters Corporation[108], la défenderesse Thomson Reuters Corporation (« Thomson ») opérait par l’une de ses filiales, Carswell, une banque de données informatisée connue sous le nom « Litigator ». Cette banque contenait plusieurs documents judiciaires dont les auteurs étaient des avocats praticiens, et que les abonnés à «Litigator» pouvaient obtenir, reproduire et modifier, en tout ou en partie, pour leur propre usage, et ce, sans autorisation des auteurs.

[127]   Le requérant Waldman, lui-même avocat et auteur de documents offerts par Thomson sur «Litigator», souhaitait représenter tous les avocats-auteurs dans sa situation aux fins d’une action collective contre Thomson.

[128]   Voici comment le juge Perell identifie le cœur du litige dans cette affaire :

 [22]  The Licence Agreement expressly permits copying but requires the subscriber to acknowledge the intellectual property rights of “Carswell or its suppliers and licensors”  In this regard, s. 2.1 of the agreement states

2.1 The Subscriber acknowledges that all intellectual property, including all copyrights, trademarks, patents or rights to trade secrets in the Features and Data, belongs to Carswell or its suppliers and licensors, as the case may be, and that the Subscriber’s rights do not extend beyond the limited license expressly granted herein.

[…]

« [23] When a subscriber uses Litigator, a copyright notice appears from clicking “copyright“ from the “What’s in Litigator” page, which includes the following language :

… Each reproduction (as permitted and/or required by the Licence Agreement for Westlaw Canada) of a portion of Westlaw Canada (specifically other than court documents) must contain notice of copyright as follows :

Copyright © CARSWELL, a division of Thomson Reuters Canada Limited, or its licensors. All rights reserved … »

(Le Tribunal souligne)

[129]   C’est la question de la légalité de ces mentions aux licences octroyées par Thomson aux abonnés en ligne, qualifiées de « conduct » par le juge et assimilables à de fausses représentations et à l’usurpation de droits d’auteurs, qui était commune à tous les membres du groupe.

[130]   C’est dans ce contexte que le juge a pu autoriser les deux questions suivantes relatives à la responsabilité de Thomson, communes à tous les membres du groupe proposé, et qui permettaient de faire avancer le litige de façon non négligeable pour tous :

« [176] I conclude that within proposed question 3, there are certifiable common issues as follows :

Thomson’s Conduct

- Did Thomson through its Litigator service reproduce, publish, telecommunicate to the public, sell, rent, translate, or hold itself out as the author or owner of court documents?

- Did Thomson through its Litigator service authorize subscribers to reproduce, publish, telecommunicate to the public, sell, rent, translate, or hold themselves out as the author or owner of court documents? »

(Le Tribunal souligne)

[131]   La détermination du caractère fautif de cette façon d’agir de Thomson n’impliquait donc pas la considération de questions purement individuelles propres à chaque membre du groupe.

[132]   Il s’agit là d’une première différence fondamentale avec notre affaire.

[133]   Deuxièmement, il importe de constater que le juge Perell a refusé de reconnaître comme des questions pouvant être tranchées de façon collective plusieurs questions de même nature que celles que soulève notre affaire, parce qu’elles nécessitaient une analyse individualisée, dont celles de l’existence même de droits d’auteurs sur chaque œuvre (« originalité » et « partie importante »), du défaut d’autorisation de reproduction, du quantum des dommages patrimoniaux dans chaque cas, de même que celles de la violation des droits moraux et du quantum des dommages moraux.[109]

[134]   Enfin, quant à la question du droit de Thomson à l’utilisation équitable des œuvres, il importe d’emblée de souligner que le juge d’autorisation ne bénéficiait pas des précisions apportées à ce sujet par la pentalogie de juillet 2012.

[135]   Cela explique probablement pourquoi il a concentré son attention sur les exigences que pose le premier volet du test de l’utilisation équitable, plutôt que de relever celles du deuxième volet, lesquelles requièrent une analyse individualisée et au cas par cas.

[136]   Voici comment le juge Perell justifie le caractère commun de la question relative au droit à l’utilisation équitable  prévu à l’article 29 de la LDA :

                   « (c)   Defences

[…]     

[178]  In my opinion, Thomson’s fair dealing, public policy, and implied consent defences can be established by general practice evidence and, therefore, questions about these defences have commonality.

[179] The commonality of questions about the conduct of an alleged mass copyright infringer is demonstrated by CCH Canadian Limited v. Law Society of Upper Canada, supra, the facts of which were discussed above. In that case, Chief Justice McLachlin decided that the Law Society’s fair dealing defence could be established by general practice evidence. The fair dealing question was a common or generalized issue independent of particular instances of photocopying the publisher’s legal texts. The Chief Justice stated at paras. 63-64 :

63. This raises a preliminary question: is it incumbent on the Law Society to adduce evidence that every patron uses the material provided for in a fair dealing manner or can the Law Society rely on its general practice to establish fair dealing? I conclude that the latter suffices. Section 29 of the Copyright Act states that "[f]air dealing for the purpose of research or private study does not infringe copyright." The language is general. "Dealing" connotes not individual acts, but a practice or system. This comports with the purpose of the fair dealing exception, which is to ensure that users are not unduly restricted in their ability to use and disseminate copyrighted works. Persons or institutions relying on the s. 29 fair dealing exception need only prove that their own dealings with copyrighted works were for the purpose of research or private study and were fair. They may do this either by showing that their own practices and policies were research-based and fair, or by showing that all individual dealings with the materials were in fact research-based and fair.

64. The Law Society's custom photocopying service is provided for the purpose of research, review and private study. The Law Society's Access Policy states that "[s]ingle copies of library materials, required for the purposes of research, review, private study and criticism ... may be provided to users of the Great Library." When the Great Library staff make copies of the requested cases, statutes, excerpts from legal texts and legal commentary, they do so for the purpose of research. Although the retrieval and photocopying of legal works are not research in and of themselves, they are necessary conditions of research and thus part of the research process. The reproduction of legal works is for the purpose of research in that it is an essential element of the legal research process. There is no other purpose for the copying; the Law Society does not profit from this service. Put simply, its custom photocopy service helps to ensure that legal professionals in Ontario can access the materials necessary to conduct the research required to carry on the practice of law. In sum, the Law Society's custom photocopy service is an integral part of the legal research process, an allowable purpose under s. 29 of the Copyright Act.

[180]      I appreciate that there are differences between Thomson’s for profit service and the Law Society’s not-for-profit photocopying service, but it will be for the common issues judge to determine whether Thomson’s reproduction of legal works was systemically for the purpose of research by subscribers and a fair dealing for Thomson to facilitate the research efforts of the subscribers.

(Le Tribunal souligne)

[137]   Le juge d’autorisation semble donc avoir accordé un poids déterminant au premier volet du test de l’utilisation équitable pour évaluer la possibilité d’examiner et trancher cette question de façon collective.

[138]   Or, si la question de savoir si une œuvre a été utilisée à l’une des huit (8) fins énumérées à l’article 29 de la LDA peut effectivement être déterminée collectivement, en examinant une pratique de l’utilisateur indépendamment de la situation propre à chaque titulaire de droits et des caractéristiques de reproduction de chaque œuvre concernée, là n’est pas le cœur de l’analyse du droit à l’utilisation équitable.

[139]   La pentalogie de la Cour suprême a en effet précisé que le cœur de l’analyse, qui dépend des circonstances de chaque cas et de la pondération des six (6) facteurs identifiés dans l’arrêt CCH, se trouve au deuxième volet du test, que la juge Abella a d’ailleurs qualifié de «  grand branle-bas analytique » ( « the analytical heavy-hitting » dans la version anglaise) dans l’arrêt SOCAN c. Bell Canada.[110]

[140]   D’abord, voici comment la Cour suprême réitérait la nécessité d’une analyse en deux temps du droit à l’utilisation équitable dans son arrêt Alberta c. Canadian Copyright Licensing Agency[111] :

« [12] Comme il est expliqué dans le pourvoi connexe Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Bell Canada, 2012 CSC 36 (CanLII), [2012] 2 R.C.S. 326 (SOCAN c. Bell), l’utilisation équitable s’entend de certaines activités qui, sans cette exception, pourraient violer le droit d’auteur.  Énoncé dans l’arrêt CCH, le critère qui permet de déterminer si une utilisation est équitable ou non comporte deux volets.  Premièrement, l’utilisation a - t-elle pour objet […] l’une ou l’autre des fins permises aux art. 29, 29.1 et 29.2 de la LoiDeuxièmement, l’utilisation est-elle « équitable »?  Il incombe à la personne qui invoque l’« utilisation équitable » de satisfaire aux deux volets.  Selon la Cour, un certain nombre d’éléments permettent de déterminer si une utilisation est « équitable » : le but, la nature et l’ampleur de l’utilisation, l’existence de solutions de rechange à l’utilisation, la nature de l’œuvre et l’effet de l’utilisation sur l’œuvre.»

[141]   Puis, dans SOCAN c. Bell Canada la Cour précisait et insistait sur l’importance du deuxième volet :  

«[27]   Dans CCH, en prescrivant une interprétation généreuse des fins auxquelles il peut y avoir utilisation équitable, dont la « recherche », la Cour applique un critère relativement peu strict au premier volet, de sorte que le grand branle-bas analytique n’intervient qu’au second volet, celui de la détermination du caractère équitable.» [112]  

(Le Tribunal souligne)         

[142]   En l’espèce, si une décision sur le premier volet du test, à savoir si l’Université a reproduit les œuvres en litige aux fins de recherche, d’étude privée ou d’éducation prévues à l’article 29 de la LDA pourrait avoir une certaine utilité pour tous les membres du groupe, une telle décision n’aurait toutefois qu‘un impact négligeable sur le litige. En effet, la nécessité d’une analyse du deuxième volet du test et du « grand branle-bas analytique » qu’il commande demeurerait entière. Or, cette analyse de questions de fait déterminantes ne peut être effectuée de façon collective.

[143]   Ajoutons que l’affaire CCH ne concernait pas l’autorisation d’une action collective et l’analyse des critères à cet effet.

[144]   Pour tous ces motifs, le Tribunal estime que le jugement d’autorisation dans l’affaire Waldman ne peut être invoqué comme précédent au soutien de l’autorisation de l’action collective envisagée par Copibec.[113]

           ii) Electronic-Rights Defence Committee (ERDC) c. Southam

[145]   Quant à l’affaire Electronic-Rights Defense Committee (ERDC) c. Southam inc. [114], les deux (2) questions communes à l’ensemble des membres du groupe pouvant être déterminées de façon collective afin de faire progresser le litige de façon non négligeable pour tous consistaient à déterminer, en lien avec les éditions en ligne du quotidien The Gazette,:

-     si, avant 1996, Southam avait contrevenu au droit d’auteur de ses journalistes sur leurs articles en publiant ces articles plus d’une fois, en contravention avec l’entente contractuelle verbale conclue entre les parties;

-     si, après 1996, en obligeant ses journalistes à signer le contrat écrit en litige et compte tenu de la teneur de ce dernier, Southam avait publié leurs articles plus d’une fois sans autorisation valable.

[146]   La question de la responsabilité de Southam requérait donc l’analyse des termes des deux mêmes (2) ententes contractuelles conclues entre Southam et chacun des membres du groupe proposé.

[147]   C’est l’analyse de la légalité de ces contrats qui constituait la question commune indiscutable dans cette affaire. Voici d’ailleurs ce que madame la juge Petras écrit au paragraphe [74] :

« [74] In this case, the fact that these contracts appear to be adhesion contracts, which the majority of authors were obliged to sign in order to be published in The Gazette, is sufficient for the Court to surmount any of the obstacles raised by the Respondents. It is the general principle of such contracts that is at stake. »

(Le Tribunal souligne)

[148]   C’est pour cette raison que, malgré la présence de plusieurs questions individuelles, la juge Petras a autorisé le recours. Une seule question relative à la faute contractuelle de Southam, découlant d’un même contrat pour tous les membres du groupe, susceptible de faire progresser le litige de façon non négligeable pour tous, pouvait ainsi être tranchée collectivement.

[149]   Pour ces raisons, le Tribunal conclut que cette affaire se distingue elle aussi de la nôtre et qu’elle ne peut non plus appuyer la position de Copibec.

[150]   Pour tous ces motifs, le critère du paragraphe 575.1° n’est pas rencontré.

3.2.3     La composition du groupe rend-elle difficile ou peu pratique l’application des règles sur le mandat d’ester en justice pour le compte d’autrui ou sur la jonction d’instance (art. 575.3)?

[151]   Les articles 91 et 143 al. 2 du NC.p.c. prévoient ce qui suit :

 

           «  91. Plusieurs personnes ayant un intérêt commun dans un litige peuvent mandater     l'une d'elles pour agir en justice pour leur compte. Il doit être fait état du mandat dans la demande introductive d'instance ou dans la défense.

 

[…]

 

143. […]

 

Des demandeurs peuvent présenter leurs prétentions et leurs conclusions conjointement dans la même demande si elles ont le même fondement juridique, reposent sur les mêmes faits ou soulèvent les mêmes points de droit, ou encore si les circonstances s'y prêtent. Ils peuvent aussi, s'ils s'entendent sur les faits, ne faire porter leur demande que sur la question de droit susceptible de donner lieu à un litige entre eux. »

[152]   Ces dispositions remplacent les articles 59 et 67 de l’ ACpc, dont la doctrine et la jurisprudence traitaient dans le cadre du critère d’autorisation prévu au paragraphe 1003 c) de l’ancien Code.

[153]   La jurisprudence et la doctrine sous l’ancien régime légal demeurent donc pertinentes, avec les adaptations qui s’imposent quant à la numérotation des articles.

[154]   Les conditions applicables à ce critère avaient été exposées par l’auteur Lauzon dans son ouvrage Le Recours collectif[115] :

« C’est ainsi que les divers aspects ou facteurs ci-après ont été retenus par les tribunaux comme pertinents dans l’analyse de la causalité entre la « composition du groupe » et le fait qu’il est difficile ou peu pratique d’appliquer les articles 59 et 67 C.p.c. au recours projeté par le requérant :

·         Le nombre probable de membres;

·         La situation géographique des membres;

·         L’état physique ou mental des membres;

·         La nature du recours entrepris;

·         Les aspects financiers du recours tels les divers coïmpliqués, le montant en jeu pour chaque membre, les risques associés aux dépens en cas d’insuccès et l’aide financière disponible;

·         Les contraintes pratiques et juridiques inhérentes à l’utilisation du mandat et de la jonction des parties en comparaison avec le recours collectif. »

[155]   Ces critères avaient été repris par la jurisprudence, notamment dans l’affaire dans l’affaire Brière c. Rogers Communications[116].   

[156]   En l’espèce, l’application des règles sur la jonction d’instance serait difficile ou peu pratique.  

[157]   En ce qui concerne l’application des règles sur le mandat d’ester en justice pour le compte d’autrui, la jurisprudence foisonne de cas où la Cour a autorisé un recours collectif après démonstration par le requérant que, par exemple en raison du nombre de membres composant le groupe envisagé, il était difficile ou peu pratique pour lui de tenter de communiquer avec ces derniers afin d’obtenir un mandat de les représenter.

[158]   Mais qu’en est-il lorsque le requérant détient déjà un mandat pour représenter les membres du groupe lorsqu’il introduit sa requête en autorisation?

[159]   L’Université soutient qu’en raison des mandats d’intenter les procédures judiciaires qui lui sont confiés dans les licences, et de la renonciation des titulaires de droits à exercer eux-mêmes tels recours, le véhicule procédural du recours collectif est inapproprié puisque Copibec a déjà le mandat de représenter les membres du groupe proposé.

[160]   Le Tribunal n’est pas d’accord avec cette proposition trop générale et qui omet certaines distinctions.

[161]   En effet, il convient ici de préciser le statut de Copibec à l’égard des personnes désignées qu’elle propose, d’une part, et des membres du groupe proposé, d’autre part.

[162]   Tel que déjà mentionné, la production de la transcription de l’interrogatoire de la directrice générale de Copibec, et des licences qu’elle a communiqués à cette occasion, a été autorisée par le Tribunal.   

[163]   Le Tribunal retient ce qui suit des allégations contenues à la Requête et de cette preuve testimoniale et documentaire autorisée :

-     Copibec assume sa mission de gestion collective des droits de reproduction des auteurs et éditeurs titulaires de droit sur une œuvre en vertu de mandats qui lui sont confiés en ce sens[117], et qui lui permettent de parler seule aux noms de ces titulaires qu’elle représente[118];

-     Les première et seconde personnes désignées à la procédure pour représenter les membres du sous-groupe des auteurs, et celles suggérées pour les remplacer[119], n’ont pas confié à Copibec de mandat afin de gérer leurs droits de reproduction, mais l’ont fait en faveur de leurs éditeurs qui, eux, ont confié une licence/mandat à Copibec afin qu’elle gère les droits de reproduction des œuvres contenues à leur répertoire et qu’elle intente, si nécessaire, les recours en justice à cette fin[120];

-     Ce sous-groupe des auteurs n’est toutefois pas composé uniquement d’auteurs liés à Copibec directement ou indirectement, par de tels licences/mandats[121];

-     Les première et seconde personnes morales désignées à la procédure pour représenter les membres du sous-groupe des éditeurs, et celles suggérées pour les remplacer[122], ont confié à Copibec une licence/mandat, de gérer les droits de reproduction des œuvres contenues dans leurs répertoires et d’intenter, si nécessaire, les recours en justice à cette fin [123];

-     Toutefois, ce sous-groupe n’est pas non plus composé uniquement d’éditeurs liés à Copibec par de tels licences/mandats[124];

-     Les première et seconde personnes morales désignées pour représenter le sous-groupe des titulaires de droit hors Canada, ont convenu avec Copibec d’ententes bilatérales permettant à l’une de gérer sur son territoire les droits de reproduction des œuvres incluses aux répertoires de l’autre, et vice-versa, sans toutefois lui confier de mandat d’entreprendre les procédures judiciaires jugées nécessaires[125].

[164]   En conséquence, le groupe tel que proposé n’est pas limité à des titulaires de droit ayant déjà confié à Copibec le mandat de prendre des procédures judiciaires afin d’assurer le respect de leurs droits de reproduction.

[165]   Le nombre de membres potentiels qui ne sont pas déjà des mandants de Copibec rend difficile ou peu pratique l’application des règles sur le mandat d’ester en justice pour le compte d’autrui.

[166]   Pour ces motifs, le Tribunal estime que Copibec rencontre le critère du paragraphe 575.3° C.p.c.

3.2.4Copibec est-elle en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres (art. 575.4o)?

[167]   Ce critère d’autorisation correspond au paragraphe 1003 d) de l’ AC.p.c.

[168]   Le seuil que la jurisprudence a établi pour rencontrer ce critère est  peu élevé.

[169]   Dans l’arrêt Infineon[126], la Cour suprême reprenait en ces termes les exigences que pose tout de même ce critère :

« [149]   Selon l’alinéa 1003 d) C.p.c., « le membre auquel il entend attribuer le statut de représentant [doit être] en mesure d’assurer une représentation adéquate des membres ».  Dans le recours collectif comme voie d’accès à la justice pour les consommateurs (1996), Pierre-Claude Lafond avance que la représentation adéquate impose l’examen de trois facteurs : « l’intérêt à poursuivre […], la compétence […] et l’absence de conflit avec les membres du groupe […] ». Pour déterminer s’il est satisfait à ces critères pour l’application de l’alinéa 1003 d), la Cour devrait les interpréter de façon libérale. »

                 (Le Tribunal souligne)

[170]   Lors de son interrogatoire, la directrice générale de Copibec a admis que cette dernière, « personnellement », ne détient aucun droit d’auteur et qu’elle n’est titulaire d’aucun droit à titre d’éditeur.[127]

[171]   Copibec n’a donc pas l’intérêt suffisant pour exercer les recours de ces derniers.

[172]   C’est pour cette raison qu’elle a désigné des personnes, physiques et morales, pour représenter les membres des sous-groupes qu’elle propose à sa requête.

[173]   À ce sujet, lors de l’audience les procureurs des parties ont soumis des représentations basées sur les anciens articles 999 et 1048 AC.p.c. Essentiellement, l’Université a proposé que suivant le libellé du deuxième alinéa de l’ancien article 999, Copibec ne pouvait être membre du groupe, tel qu’elle l’allègue, puisqu’elle était liée contractuellement aux personnes désignées pour représenter les membres des sous-groupes.

[174]   L’ancien article 999 AC.p.c. se lisait comme suit :

                «    LIVRE  IX

LE RECOURS COLLECTIF

1978, c. 8, a. 3.

 

TITRE I 


DISPOSITIONS INTRODUCTIVES

1978, c. 8, a. 3.

 

999. Dans le présent Livre, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 a) « jugement » : un jugement du tribunal;

 b) « jugement final » : le jugement qui dispose des questions de droit ou de fait traitées collectivement;

 c) « membre » : une personne physique, une personne morale de droit privé, une société ou une association faisant partie d'un groupe pour le compte duquel une de ces personnes, une société ou une association exerce ou entend exercer un recours collectif;

 d) « recours collectif » : le moyen de procédure qui permet à un membre d'agir en demande, sans mandat, pour le compte de tous les membres.

La personne morale de droit privé, la société ou l'association ne peut être membre d'un groupe que si, en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède la requête pour autorisation, elle comptait sous sa direction ou son contrôle au plus 50 personnes liées à elle par contrat de travail et qu'elle n'est pas liée avec le représentant du groupe.»

(Le Tribunal souligne)

[175]   Or, cette condition d’absence de lien ne figure plus au nouvel article 571 C.p.c. :

                                    « TITRE III 

           LES RÈGLES PARTICULIÈRES À L'ACTION COLLECTIVE

 

          CHAPITRE I 
          DISPOSITIONS INTRODUCTIVES

 

571. L'action collective est le moyen de procédure qui permet à une personne d'agir en demande, sans mandat, pour le compte de tous les membres d'un groupe dont elle fait partie et de le représenter.

Outre une personne physique, une personne morale de droit privé, une société ou une association ou un autre groupement sans personnalité juridique peut être membre du groupe.

Une personne morale de droit privé, une société ou une association ou un autre groupement sans personnalité juridique peut, même sans être membre d'un groupe, demander à représenter celui-ci si l'administrateur, l'associé ou le membre désigné par cette entité est membre du groupe pour le compte duquel celle-ci entend exercer une action collective et si l'intérêt de la personne ainsi désignée est lié aux objets pour lesquels l'entité a été constituée.»

[176]   Voici d’ailleurs ce que dit la ministre de la Justice au sujet de l’article 571 dans ses commentaires sur le nouveau Code :

« […], la disposition supprime les conditions selon lesquelles les personnes morales de droit privé, les sociétés et les associations…ne devaient pas être liées au représentant du groupe.»[128]

(Le Tribunal souligne)

[177]   Compte tenu que l’article 571 du C.p.c. conjugue les anciens articles 999 et 1048 et qu’il les modifie sur un point plaidé par les parties à l’audience, le Tribunal a ordonné la réouverture des débats durant le délibéré sur la base des articles 17 et 323 du nouveau C.p.c., et ce, afin que les parties puissent faire valoir leurs points de vue sur l’application immédiate de l’article 571, ou le maintien des anciennes règles aux fins du présent jugement

[178]   Les représentations écrites des procureurs des parties ont été complétées à ce sujet le 5 février 2016, date à laquelle le Tribunal a repris l’affaire en délibéré.[129]

[179]   Le Tribunal conclut que l’article 571 C.p.c. trouve application aux fins du présent jugement.

[180]   Premièrement, l’article 833 C.p.c. prévoit ce qui suit :

« 833. Le nouveau Code de procédure civile (chapitre C-25.01) remplace le Code de procédure civile (chapitre C-25).

Ce Code est, dès son entrée en vigueur, d'application immédiate. Cependant:

1° en première instance, les demandes introductives d'instance déjà déposées demeurent régies par la loi ancienne en ce qui concerne uniquement l'entente sur le déroulement de l'instance et sa présentation au tribunal et les délais pour y procéder;

2° les affaires qui deviennent de la compétence d'une autre cour se poursuivent devant le tribunal qui en est déjà saisi et celles qui deviennent de la compétence de la division des petites créances de la Cour du Québec se poursuivent devant la Cour du Québec qui en est déjà saisie;

3° en appel, les délais relatifs à la constitution du dossier d'appel continuent de s'appliquer à l'égard des affaires déjà portées en appel;


4° l'exécution déjà entreprise d'un jugement, d'une décision ou d'un acte juridique ayant valeur exécutoire se poursuit suivant la loi ancienne, sauf s'il s'agit d'une exécution déjà entreprise selon les règles du dépôt volontaire;

5° pour l'application du livre VIII, la publication des avis au registre des ventes est, jusqu'à la publication d'un arrêté du ministre de la Justice à la Gazette officielle du Québec indiquant que le registre des ventes est opérationnel, faite comme suit:

a) l'avis qui précède la vente, prévu à l'article 748, est publié conformément aux règles établies par le nouveau Code de procédure civile pour la notification par avis public et notifié aux personnes mentionnées au deuxième alinéa de l'article 749;

b) l'avis indiquant que la vente n'a pas lieu ou qu'elle est suspendue est notifié aux personnes qui ont été notifiées de l'avis de vente;

c) l'avis indiquant que la vente a été effectuée, prévu à l'article 757, est déposé au greffe du tribunal où est déposé l'avis d'exécution;

d) l'avis de vente publié avant la date fixée par l'arrêté ministériel n'a pas à être publié au registre des ventes; les règles prévues aux sous-paragraphes b et c s'appliquent alors, compte tenu des adaptations nécessaires. »

(Le Tribunal souligne)

[181]   Dans ses commentaires sur le nouveau Code, la ministre de la Justice souligne que le principe d’application immédiate du nouveau Code prévu à l’article 833 est pratiquement absolu, sous réserve des seules exceptions prévues à son deuxième alinéa, dont aucune par ailleurs ne vise la situation qui nous occupe :

« COMMENTAIRES

L’article établi en premier lieu que le nouveau Code de procédure civile est, dès son entrée en vigueur, d’application immédiate. Dès lors, les règles qu’il établit s’appliquent aux situations juridiques en cours pour tout fait ou tout effet qui se produit après cette entrée en vigueur. Le caractère absolu du principe de l’effet immédiat de la loi nouvelle doit cependant être nuancé pour tenir compte des contraintes liées aux situations existantes ou à la mise en œuvre d’outils de gestion technologiques, comme le registre des ventes.

Le paragraphe 1 du deuxième alinéa vise la procédure en matière contentieuse et assujettit aux nouvelles règles toutes les affaires en cours dès lors que l’entente des parties sur le déroulement de l’instance et sa présentation au tribunal est accomplie. Les parties n’ont pas le loisir de choisir de terminer l’affaire suivant la loi ancienne. »[130]

(Les caractères gras et les soulignements sont du Tribunal)

[182]   Deuxièmement, à supposer que des questions de droit substantif échapperaient à la règle de l’application immédiate du nouveau Code, il importe de rappeler que le mécanisme d’autorisation d’une action collective est de nature essentiellement procédurale, et que l’action collective elle-même constitue un « instrument de procédure »[131]. En raison du caractère procédural de la décision discrétionnaire que constitue l’autorisation d’exercer un recours collectif, l’article 571 est d’application immédiate[132].

[183]   Enfin, et plus spécifiquement, dans l’arrêt récent rendu dans l’affaire Masella c. TD Financial Group[133],  la Cour d’appel mentionnait ce qui suit concernant la procédure d’autorisation de l’action collective et le nouveau Code : « Depuis le 1er janvier 2016, il y a lieu de s’en remettre à l’article 575 du nouveau Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01, qui reprend le droit antérieur. »[134] On doit en toute logique faire de même avec l’article 571.

[184]   Pour ces motifs, le Tribunal conclut que la condition suivant laquelle Copibec ne peut être liée à l’un ou l’autre des représentants désignés pour représenter les sous-groupes, tel que prévue au dernier alinéa de l’ancien article 999, n’est plus pertinente aux fins du présent jugement puisque l’article 571 C.p.c., d’application immédiate, ne l’a pas reprise.

[185]   Cela étant dit, l’article 571 C.p.c. maintient toutefois une autre condition prévue par l’article 1048 AC.p.c., que Copibec ne rencontre pas : les personnes désignées par Copibec pour représenter les membres des sous-groupes doivent être des membres de Copibec, ce qui n’est pas le cas.

[186]   Pour apprécier davantage l’importance que le législateur a accordée à cette condition, qui peut laisser perplexe à première vue, un bref historique législatif sera utile.

[187]   L’article 1048 de l’AC.p.c. prévoyait ce qui suit :

 « 1048. Une personne morale de droit privé, une société ou une association visée au deuxième alinéa de l'article 999 peut demander le statut de représentant si:

a) un de ses membres qu'elle désigne est membre du groupe pour le compte duquel elle entend exercer un recours collectif; et

b) l'intérêt de ce membre est relié aux objets pour lesquels la personne morale ou l'association a été constituée.

Hormis une personne morale régie par la partie III de la Loi sur les compagnies (chapitre C-38), une coopérative régie par la Loi sur les coopératives (chapitre C-67.2) ou une association de salariés au sens du Code du travail (chapitre C-27), une personne morale de droit privé, une société ou une association ne peut en aucun cas obtenir l'aide financière du Fonds d'aide aux recours collectifs pour exercer son recours. »

(Le Tribunal souligne)

[188]   L’article 1048 AC.p.c. était par ailleurs un aménagement législatif d’exception, compte tenu qu’il apportait un bémol au principe de droit substantif relatif à l’intérêt pour agir en justice[135].

[189]   Comme le souligne Me Marie Audren dans son article L’article 1048 C.p.c. : une disposition d’exception[136] :

« Dans un recours collectif, comme dans toute demande en justice, le représentant doit avoir un intérêt direct et personnel. Par le truchement de la qualité, l’article 1048 C.p.c. permettra à une entité n’ayant pas un tel intérêt de respecter cette exigence. Pour avoir cette qualité, une entité doit respecter les deux conditions de l’article 1048 C.p.c. […] Puisqu’elles font exception à la règle voulant que le représentant ait un intérêt direct et personnel, les conditions substantives et d’ordre public de l’article 1048 C.p.c. devront recevoir une interprétation restrictive. »[137]

(Le Tribunal souligne)

[190]   L’auteur Pierre-Claude Lafond abonde dans le même sens[138].

[191]   La jurisprudence a aussi confirmé que les conditions de l’article 1048 C.p.c. sont cumulatives, que le législateur n’a pas voulu octroyer un avantage en faveur des entités décrites à cet article 1048 et qu’il s’agit donc d’une disposition d’exception, à interprétation restrictive[139].

[192]   Dans son article précité, Me Audren écrit ce qui suit concernant cette condition et précise que la personne désignée pour représenter un groupe doit avoir adhéré comme membre à la personne morale requérante en autorisation :

« L’entité qui veut obtenir le statut de représentant doit désigner un de ses membres, lequel doit lui-même être membre du groupe que l’entité veut représenter. Ce membre désigné doit donc appartenir à deux communautés : à l’entité qui demande le statut de représentant et au groupe que l’entité veut représenter.

[…]

 (Le Tribunal souligne)

[193]   En l’espèce, aucune des personnes désignées, ou suggérées pour les remplacer en cas d’incapacité[140],  le cas échéant, n’est membre de Copibec.

[194]   Dans la jurisprudence consultée, la personne désignée par la personne morale requérante en autorisation est toujours membre de cette dernière, ou à la rigueur l’un de ses administrateurs, une possibilité que l’article 571 C.p.c. reconnaît maintenant de façon expresse. Et dans certains cas, le libellé des motifs des tribunaux laisse clairement voir que pour les juges saisis la personne désignée doit bel et bien être un membre en bonne et due forme de la personne morale requérante elle-même. À titre d’exemple significatif, dans l’arrêt de la Cour suprême dans l’affaire Infineon Technologies AG c. Option consommateurs[141] les juges Lebel et Wagner écrivaient ceci pour la Cour en regard du respect du paragraphe 1003 d) dans le contexte de l’application de l’article 1048 :

« Puisque madame Cloutier est membre d’Option consommateur et du groupe proposé, l’article 1048 n’interdit pas à Option consommateurs de représenter en l’espèce les intérêts des membres. » [142]

(Le Tribunal souligne)

[195]   Et si un «  membre » au sens du paragraphe 1048 a) pouvait parfois être un dirigeant de la personne morale[143], en l’espèce aucune des personnes désignées à la Requête est administrateur, officier ou dirigeant de Copibec selon l’État des renseignements d’une personne morale au registre des entreprises que Copibec allègue à sa Requête sous la cote R-22.

[196]   Le nouvel article 571 C.p.c. a précisé qu’un administrateur ou un associé peut être une personne désignée, mais n’a toutefois pas modifié l’exigence que la personne désignée, si elle n’est ni administrateur ou associé, doit être non seulement membre du groupe proposé, mais aussi un « membre » de l’entité requérante :

« 571. L'action collective est le moyen de procédure qui permet à une personne d'agir en demande, sans mandat, pour le compte de tous les membres d'un groupe dont elle fait partie et de le représenter.

Outre une personne physique, une personne morale de droit privé, une société ou une association ou un autre groupement sans personnalité juridique peut être membre du groupe.

Une personne morale de droit privé, une société ou une association ou un autre groupement sans personnalité juridique peut, même sans être membre d'un groupe, demander à représenter celui-ci si l'administrateur, l'associé ou le membre désigné par cette entité est membre du groupe pour le compte duquel celle-ci entend exercer une action collective et si l'intérêt de la personne ainsi désignée est lié aux objets pour lesquels l'entité a été constituée. »

(Le Tribunal souligne)

[197]   Si le législateur n’a pas jugé opportun qu’une personne morale requérante puisse simplement désigner « une personne » de son choix pour représenter les membres d’un sous-groupe dont elle ne fait pas elle-même partie, mais bien un de ses membres, le sens du mot « membre » ne peut être interprété de façon indûment large. D’autant plus que, suivant la doctrine et la jurisprudence, l’article 1048 C.p.c., et donc le nouvel article 571, crée une exception à la règle de l’intérêt pour agir en justice.

[198]   Suite à l’examen des textes législatifs clairs, de la jurisprudence et de la preuve autorisée, deux (2) constats s’imposent en l’espèce.

[199]   Premièrement, le paragraphe 18 de la requête définit Copibec comme « une personne morale de droit privé sans but lucratif ». Selon l’« État de renseignements d’une personne morale aux registres des entreprises » R-22, Copibec a été constitué en vertu de la « Loi sur les compagnies, partie III ». Cette partie III est toujours applicable malgré l’entrée en vigueur en 2012 de la nouvelle Loi sur les sociétés par actions[144], tel que le prévoit l’article 728 de cette dernière.

[200]   En conséquence, un « membre » de Copibec doit être un membre selon la définition donnée à ce terme à la partie III de la Loi sur les compagnies.

[201]    Or, l’article 216 de la Loi sur les compagnies définit comme suit le membre d’une société sans but lucratif comme Copibec :

« 216.  Dans la présente partie et dans toutes lettres patentes ou lettres patentes supplémentaire accordée sous son empire ainsi que dans les règlements de la personne morale, à moins que le contexte n’exige une interprétation différente :

[…]

3˚ Le mot « membre » signifie toute personne reconnue comme tel par les règlements de la personne morale;

[…] »

(Le Tribunal souligne)

[202]   En l’espèce, la directrice générale de Copibec a témoigné que Copibec, société sans but lucratif, compte huit (8) membres, incluant des membres fondateurs, et que l’adhésion comme membre à Copibec nécessite la présentation d’une demande d’admission et son acceptation par le conseil d’administration[145].

[203]   Rien n’est allégué à la requête concernant le respect de ce processus par l’une ou l’autre des personnes désignées, ou leur statut de membre en bonne et due forme de Copibec.

[204]   Deuxièmement, l’auteur Lafond[146] observe qu’en 1982 le législateur a modifié l’ancien article 1048 C.p.c. pour retrancher la troisième condition qui y était alors prévue concernant la nécessité de l’antériorité de l’appartenance du membre désigné à l’entité requérante[147].

[205]   Si le législateur ne parle jamais pour ne rien dire, dans certaines circonstances il est permis d’ajouter que son mutisme ou son abstention sur un élément d’une disposition législative, alors qu’il en modifie un autre de la même disposition, peut être révélateur du choix d’opportunité législative. En l’espèce, lors de ces modifications de 1982 à l’article 1048 force est de constater que le législateur n’a pas jugé opportun de modifier aussi la condition prévue au paragraphe 1048 a) concernant la nécessité que la personne désignée soit membre de la personne morale requérante.

[206]   En conséquence, si l’auteur Lafond invitait les tribunaux à ne pas se montrer trop limitatifs à l’égard de l’interprétation et de l’application de l’article 1048, il était toutefois contraint d’admettre du même souffle que :

« Dans sa version actuelle, l’article 1048 demeure encore beaucoup trop restrictif. Il n’autorise la représentation par une association que par l’intermédiaire d’un de ses membres. »[148]

(Le Tribunal souligne)

[207]   Malgré cet appel à l’intervention législative en 1996, l’année où l’auteur Lafond a écrit ces lignes, la condition prévue au paragraphe 1048 a) C.p.c. est demeurée inchangée, et ce, malgré les modifications qui ont été apportées par la suite à cet article par le législateur[149].

[208]   Et, de façon plus pertinente pour nos fins, il importe de souligner que le nouvel article 571 C.p.c. n’a toujours pas modifié ou aboli cette exigence relative au statut de « membre », laquelle conserve donc son importance.

[209]   Or, dans les circonstances, force est d’admettre que Copibec et les personnes désignées pour représenter les membres des sous-groupes ne la respectent pas.

[210]   Le rôle du juge est d’appliquer ou d’interpréter la loi, mais jamais de la changer. Le pouvoir judiciaire ne peut modifier une partie du texte de loi alors que, malgré des modifications législatives successives et couvrant une longue période, le pouvoir législatif n’a pas jugé opportun de le faire. Le Tribunal ne peut en l’espèce faire des personnes désignées par Copibec des « membres » de Copibec qu’elles ne sont pas.

[211]   Par ailleurs, en terminant, à supposer même, pour fins de discussion, que Copibec pourrait être requérante pour représenter les membres des sous-groupes compte tenu des personnes dont elle suggère la désignation à cette fin, une difficulté demeure.

[212]   Tel que souligné précédemment, la Cour suprême a mentionné dans son arrêt Infineon que la représentation adéquate des membres d’un groupe impose l’examen de trois (3) facteurs, dont l’intérêt à poursuivre.

[213]   En l’espèce, le Tribunal estime que ni Copibec, ni l’une ou l’autre des personnes désignées, ne possèdent l’intérêt juridique suffisant pour intenter et mener à bien le volet spécifique du recours collectif relatif à la violation des droits moraux des membres du groupe, et à leur indemnisation en conséquence.

[214]   Lors de son interrogatoire la directrice générale de Copibec a clairement admis que Copibec n’intervient d’aucune façon quant à la protection des droits moraux des auteurs à l’égard de leur œuvre, si ce n’est, parfois, pour uniquement les mettre en contact avec un usager dont la demande implique ces droit moraux :

« Q. Maintenant, est-ce que vous gérez strictement les droits patrimoniaux ou est-ce que vous intervenez également au niveau des droits moraux des auteurs?

R. On n’intervient pas au niveau de la gestion des droits moraux. Si on a une demande à cet égard qui va impliquer, selon nous, l’utilisation du droit moral d’un auteur, on réfère à ce moment là l’usager à l’auteur ou on communique nous-mêmes à l’auteur pour les mettre en lien ou pour agir comme intermédiaires si on nous demande de le faire.

Q. Donc, vous facilitez le contact?

R. Tout à fait.

Q. C’est la limite de votre intervention?

R. Oui. »[150]

(Le Tribunal souligne)

[215]   Bien que la directrice générale de Copibec n’ait pas témoigné sur les motifs pour lesquels cette dernière n’intervient d’aucune façon pour assurer la protection des droits moraux des titulaires de droit, l’explication se trouve forcément à l’article 14.1 de la LDA, lequel prévoit que les droits moraux d’un auteur sont incessibles.[151]

[216]   Or, en droit, un tiers ne peut exercer le droit incessible d’autrui.

[217]   En matière spécifiquement de droit d’auteur, monsieur le juge Gilles Blanchet de cette Cour écrivait ce qui suit dans Les Salons Marcel Pelchat inc. c. Breton (Clinique santé Relaxe enr.)[152] :

« 83. La Loi sur le droit d'auteur prévoit, aux articles 14 et 34 (2), les recours ouverts à l'auteur lui-même en cas de violation de ses droits moraux. Ces droits étant incessibles, il s'ensuit qu'un titulaire du droit d'auteur, autre que l'auteur lui-même, n'a pas ouverture à ce recours spécifique pour droits moraux. »

(Le Tribunal souligne)

[218]   L’incessibilité des droits moraux, et l’impossibilité qui en découle pour un demandeur d’intenter un recours pour en assurer le respect s’il n’en est pas lui-même et personnellement le titulaire, découle de la loi et est incontournable.

[219]   Pour tous ces motifs, le Tribunal estime que le critère du paragraphe 575.4˚ C.p.c. n’est pas rencontré.

4   -     RÉSUMÉ DES DÉCISIONS SUR LES CRITÈRES

[220]   Étant donné tout ce qui précède, le Tribunal conclut que la requête de Copibec pour autorisation d’exercer un recours collectif doit être rejetée vu le non-respect des critères prévus aux paragraphes 571.1° et 4°  C.p.c. Les critères des paragraphes 2° et 3° sont par ailleurs rencontrés.

[221]   Compte tenu du rejet de la demande d’autorisation, il n’y a pas lieu de se pencher sur la demande accessoire d’ordonnances de sauvegarde.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[222]   REJETTE la requête en autorisation d’exercer le recours collectif;

[223]   REJETTE la demande d’ordonnances de sauvegarde;

[224]   AVEC LES FRAIS DE JUSTICE[153].

 

 

 

 

__________________________________

MICHEL BEAUPRÉ, j.c.s.

 

Me Daniel Payette

Cabinet Payette

47, rue Wolfe

Lévis (Québec) G6V 3X6

Pour la requérante

 

Me Geneviève Cotnam

Stein Monast

(Casier 14)

et

Me Sylvain Dufour

Avocat-conseil

Pour l'intimée

 

Dates d’audience :

9 et 10 juin 2015, et représentations écrites complétées en réouverture d’enquête le 5 février 2016.

 

 

 

 

 

 

 



[1]     Par. 118 de la Requête.

[2]     L.R.C. (1985), c. C-42.

[3]     Par. 67 in fine de la Requête.

[4]     Par. 64 de la Requête.

[5]    Commentaires de la ministre de la Justice, Code de procédure civile, c. C-25.01, Wilson & Lafleur (2015) précités supra note 6, pp. 420, 421.

[6]    The Copyright Pentalogy : How the Supreme Court of Canada Shook the Foundations of Canadian Copyright Law, University of Ottawa Press, 2013, p. iii.

[7]     Vivendi c. Dell’Aniello, [2014] 1 R.C.S. 3, par. 69 à 71; Sofio c. Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières, 2015 QCCA 1820, par. [24]; Masella c. TD  Bank Financial Group, 2016 QCCA 24, par. [7].

[8]     [2013] 3 R.C.S. 600.

[9]     Id., par. 58.

[10]   Vivendi c. Dell’Aniello, précité supra note 7, par. 66 in fine.

[11]    Art. 13 (4) et (7) de la LDA.

[12]    Voir la définition de « société de gestion » à l’article 2 de la LDA.

[13]    CCH c. Barreau du Haut-Canada, [2004] 1 R.C.S. 339, par. 14.

[14]    Id., par. 26 à 36.

[15]    Id., par. 16 et 28.

[16]   Distrimedic Inc. c. Dispill Inc., 2013 CF 1043, par. [361].

[17]    Productions Avanti Ciné-Vidéo inc. c. Favreau, 1999 CanLII 13258 (QC CA), p. 8.

[18]    Art. 34 (1) de la LDA.

[19]    Art. 34 (2) et (4) de la LDA.

[20]    Art. 34 (3) de la LDA.

[21]    Art. 34 (1) de la LDA.

[22]    Art. 38 (2) de la LDA.

[23]    Art. 38.1 (7) de la LDA.

[24]    Art. 35 (1) de la LDA.

[25]    Galerie d’Art du Petit Champlain c. Théberge, [2002] 2 R.C.S. 336, par. 17 et 60.

[26]    Par. 18 de la Requête et statuts constitutifs R-23.

[27]    Par. 22 de la Requête.

[28]    Jugement sur requête pour permission de présenter une preuve appropriée rendu le 20 mars 2015.

[29]    P. 50 de la transcription des notes sténographiques prises lors de l’interrogatoire de madame Hélène Messier, directrice-générale de Copibec (« n.s.»).

[30]    Par. 72 de la Requête et p. 36 n.s.

[31]    Art. 13(6) de la LDA.

[32]    Licence type IM-2, produite avec l’autorisation du Tribunal à titre de preuve appropriée.

[33]    Protocole de gestion type, joint à la licence type IM-2 précitée, produit avec l’autorisation du Tribunal à titre de preuve appropriée.

[34]    Par. 29 de la Requête et exemples de licences et protocoles de gestion IM-1 à IM-3, IM-6a et 6b,   IM-7a et 7b, IM-8a et 8b, IM-9a et 9b, IM-10a et 10b et IM-11 à IM-13, produits avec l’autorisation du Tribunal à titre de preuve appropriée.

[35]    Page 35 n.s.

[36]    Par. 37 à 41 de la Requête.

[37]   Alberta (Éducation) c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), 2012 CSC 37; Socan c. Bell Canada, 2012 CSC 36; Rogers Communications Inc. c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et auteurs de musique, 2012 CSC 35; Entertainment Software Association c. Société canadienne des auteurs, compositeurs et auteurs de musique, 2012 CSC 34; Re : Sonne c. Fédération des associations de propriétaires de cinémas du Canada, 2012 CSC 38.

[38]    The Copyright Pentalogy : How the Supreme Court of Canada Shook the Foundations of Canadian Copyright Law, University of Ottawa Press, précité, supra note 6.

[39]    Précités, supra note 37.

[40]    Précité, supra note 13.

[41]    Id., p. 364, par.48.

[42]    Ibid.

[43]   CCH c. Barreau du Haut-Canada, précité, supra note 13, p. 365; Socan c. Bell Canada, précité supra note 37, par. 32.

[44]    CCH c. Barreau du Haut-Canada, précité, supra note 13, p. 369.

[45]   [1972] 1 All E.R. 1023.

[46]    CCH c. Barreau du Haut-Canada, précité, supra note 13, par. 52; Alberta (Éducation) c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), précité, supra note 37, par. 37; Socan c. Bell Canada, précité, supra note 37, par. 32.

[47]   Hubbard v. Vosper, précité, supra note 45, p. 1027.

[48]    CCH c. Barreau du Haut-Canada, précité, supra note 13, p. 367.

[49]    CCH c. Barreau du Haut-Canada, précité, supra note 13, pp. 367-368; Alberta (Éducation) c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), précité, supra note 37, par. 28 et 29.

[50]    Alberta (Éducation) c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), précité, supra note 37, par. 31 et 32.

[51]    CCH c. Barreau du Haut-Canada, précité supra note 13, p. 373.

[52]    Socan c. Bell Canada, précité, supra note 37, par. 41.

[53]   Alberta (Éducation) c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), précité, supra note 37, par. 33 à 35.

[54]    Socan c. Bell Canada, précité, supra note 37, par. 48.

[55]    L.C. 2012, c. 20.

[56]    Id., art. 21.

[57]    Précité, supra note 13.

[58]  Samuel E. TROSOW, Fair Dealing Practices in the Post-Secondary Education Sector after the Pentalogy, dans The Copyright Pentalogy : How the Supreme Court of Canada Shook the Foundations of Canadian Copyright Law, précité, supra note 6, 213, p. 228.

[59]   À l’audience, les procureurs ont mentionné qu’Access Copyright est la société de gestion des droits d’auteur qui est ni plus ni moins un pendant au Canada de Copibec au Québec. Comparer en effet les allégations de la Requête concernant Copibec, particulièrement aux paragraphes 22, 28 et 29, et la description de Access Copyright par la Cour suprême dans Alberta (Éducation) c. Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright), précité, supra note 37, par. 2.

[60]    Par. 37 et 47 à 52 de la Requête et échange de correspondance R-6 à R-10 entre la présidente du conseil d’administration de Copibec et le recteur et le président du conseil d’administration de l’Université.

[61]    Par. 53 de la Requête et pièce R-11.

[62]    Article 5.10 de la Politique R-11.

[63]   Par. 57 de la Requête; au par. 63 de la version originale de sa requête, Copibec allègue que pour la période du 1er juin 2014 au 7 novembre 2014 l’Université avait demandé de telles autorisations particulières pour photocopier 138 973 pages d’œuvres protégées, pour lesquelles Copibec a requis et reçu en contrepartie la somme de 20 846 $. Ce nombre de pages et ce montant n’ont pas été amendés dans les versions ultérieures de la Requête de Copibec.

[64]    Par. 54 de la requête et pièce R-12.

[65]   Par. 67 in fine de la Requête.

[66]    Option Consommateurs c. Bell Mobilité, 2008 QCCA 2201, par. [38]; Stéphanie Baulne c. Yves Bélanger et als, 2015 QCCS 5750, par. [9].

[67]    2014 QCCS 1891 (appel rejeté sur requêtes en rejet d’appel, 2014 QCCA 2052).

[68]    2006 QCCS 5353.

[69]    Lévesque c. Vidéotron s.e.n.c., 2015 QCCA 205, par. [37] et [38].

[70]    Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’hôpital St-Ferdinand, [1996] 3 R.C.S. 211, par. 31 et 32; Bisaillon c. Université Concordia, 2006 CSC 19, par. 17 et 18.

[71]    Marcotte c. Longueuil (Ville de), [2009] 3 R.C.S. 65, par. 43 des motifs du juge Lebel pour la majorité.

[72]    Commentaires de la ministre de la Justice, Code de procédure civile, précité, supra note 5, pp. 419-420.

[73]    Les citations qui suivent, tirées de la jurisprudence et de la doctrine, réfèrent à la numérotation de l’ancien article 1003 AC.p.c. Leur lecture doit évidemment être effectuée avec les adaptations qui s’imposent en fonction de la nouvelle numérotation de l’article 575 NC.p.c.

[74]    2014 QCCA 523.

[75]   Option consommateurs c. Merck & Co inc., 2013 QCCA 57, par. [25].

[76]    Sofio c. Organisme canadien de réglementation des valeurs mobilières (OCRVM), précité, supra    note 7, par. [24].

[77]    Infineon Technologies AG c. Option Consommateurs, précité, supra note 8, par. 65.

[78]    Option Consommateurs c. Bell Mobilité, précité supra note 66, par. 34 à 38.

[79]    Précité, supra note 25.

[80]    Socan c. Bell Canada, précité, supra note 37, par. 9 et 10; à titre d’illustration de l’ancien paradigme centré sur le droit d’auteur : Bishop c. Stevens, [1990] 2 R.C.S. 467, par. 58; Michelin c. CAW Canada, [1997] 2 C.F. 306; sur le changement de paradigme opéré par les arrêts ultérieurs de la Cour suprême : Michael GEIST, Fairness Found : How Canada Quietly Shifted from Fair Dealing to Fair Use, dans The Copyright Pentalogy : How the Supreme Court of Canada Shook the Foundations of Canadian Copyright Law,  précité note 6, p. 157,166; Elizabeth F. JUDGE, Righting a Right : Entairtainment Software Association v. Socan and the Exclusive Rights of Copyright, id., p.403, 417.

[81]    Par. 71 A) de la Requête.

[82]    Précité, supra note 8, par. 72.

[83]    Précité, supra note 7.

[84]    Id., par. 2.

[85]    Id., par. 33 et 34.

[86]    Id., par. 25.

[87]    Vivendi Canada c. Dell’Aniello, précité, supra note 7, par. 58.

[88]    Id., par. 60.

[89]    2013 QCCS 4162.

[90]    Confirmé par la Cour d’appel : 2015 QCCA 36.

[91]    RLRQ c. P-40.1.

[92]    CCH c. Barreau du Haut-Canada, précité, supra note 13, par. 48.

[93]    Id. par. 52.

[94]    2014 QCCA 523.

[95]    Id., par. [43].

[96]    2013 QCCA 332.

[97]    P. 37 n.s.

[98]    Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’Hôpital St-Ferdinand, précité supra note 70, par. 31 et 36; Bisaillon c. Université Concordia, précité, supra note 70, par. 17 et 18.

[99]    Précité, supra note 7, par. 60.

[100]  Précité, supra note 7, par. 10.

[101]   Vivendi Canada c. Dell’Aniello, précité, supra note 7, par. 70.

[102]  Masella c. TD Bank Financial Group, précité supra note 7, par. [10].

[103]   Comité des citoyens inondés de Rosemont et Robitaille c. Ville de Montréal, 2011 QCCS 751, par. [11] et [12].

[104]   2006 QCCA 1204.

[105]   [2001] 2 R.C.S. 534, 554.

[106]   Lallier c. Volkswagen Canada inc., 2007 QCCA 920, par. [17] et [18]; Contat c. General Motors du Canada ltée, 2009 QCCA 1699, par. [41] à [44].

[107]   Id.

[108]   2012 ONSC 1138 (Ontario Superior Court of Justice).

[109]   Id., par. [161], [162], [169], [171] à [173].

[110]  Précité supra note 37.

[111]  Id.

[112]  Id.

[113]  L’affaire Waldman n’a pas encore été tranchée au mérite. L’approbation du règlement négocié par les parties, notamment après qu’elles aient convenu que la pentalogie de la Cour suprême, rendue après le jugement d’autorisation, « substantially increased the litigation risk for the Members », fut refusée. (2014 ONSC 1288, par. 45, 46, et 95; confirmé par 2015 ONCA 53).

[114]  2009 QCCS 1473.

[115]   Yves LAUZON, Le Recours collectif, Éd. Yvon Blais, Cowansville, 2001, p. 38, 39 et 42.

[116]   2012 QCCS 2733, par. [71] et [72].

[117]   P. 12 et 14 n.s.

[118]   P. 38 n. s.

[119]   Par. 7, 81 et 82 de la Requête.

[120]   P. 27 à 30 n. s.

[121]   Par. 25 de la Requête.

[122]   Par. 7, 85, 86 et 87 de la Requête.

[123]   P. 15, 24 et 25 n. s, licence et protocole de gestion types IM-2, licence et protocole de gestion IM-6.

[124]   Ibid.

[125]   P. 31 à 34 n. s. et ententes IM-12 a) à 12 d) et IM-13.

[126]  Précité, supra note 8.

[127]  P. 50 n.s.

[128]   Commentaires de la ministre de la Justice, Code de procédure civile, précités, supra note 5, p. 416.

[129]   Les représentations écrites principales de Copibec ont été transmises au Tribunal le 28 janvier, celles de l’Université le 5 février, et la réplique de Copibec le même jour.

[130]   Commentaires de la ministre de la Justice, Code de procédure civile, précité note 5, page 585.

[131]   A.I.C. Limitée c. Fischer, 2013 CSC 69, par. 30.

[132]   Par anologie, Droit de la famille-16325, 2016 QCCA 289, par. 1.

[133]   Précité supra note 7.

[134]   Id. note infrapaginale 16.

[135]   Jeunes Canadiens pour une civilisation chrétienne c. Fondation du Théâtre du Nouveau Monde, [l979] C.A. 491, 493.

[136]   Marie AUDREN, Développements récents sur les recours collectifs, Service de la formation permanente du Barreau du Québec, 2005, vol. 232 (Éditions Yvon Blais), p. 133.

[137]   Id, p. 137.

[138]   Pierre-Claude LAFOND, Le recours collectif comme voie d’accès à la justice pour les consommateurs, Montréal, Les Éditions Thémis, 1996, p. 364-365.

[139]   Association des résidents riverains de La Lièvre inc. c. Canada, 2006 QCCS 5661, par. [52]; Union des consommateurs c. Banque Toronto Dominion, 2007 QCCS 1313, par. [23] et [32].

[140]   Par. 7 de la requête.

[141]   Précité, supra note 8, par. 153.

[142]  Dans le même sens, voir aussi Option consommateurs c. Merck & Co. Inc., précité, supra note 76, par. 10; Association des résidents riverains de la Lièvre inc. c. Canada, précité, supra note 125, par. [182] et [183];

[143]  Regroupement des citoyens du secteur des Constellations c. Lévis (Ville de), 2011 QCCS 1399, par. [5] et [6].

[144]   RLRQ c.S-31.1.

[145]   P. 8 et 9 n.s.; l’identité des membres de Copibec est alléguée au par. 22 de la Requête; aucune des personnes désignées n’en fait partie.

[146]   Pierre-Claude LAFOND, Le recours collectif comme voie d’accès à la justice pour les consommateurs, précité supra note 137, pp. 364-365.

[147]   Loi modifiant le Code du travail, le Code de procédure civile et d’autres dispositions législatives, L.Q. 1982, c. 37, art. 23.

[148]   Pierre-Claude LAFOND, Le recours collectif comme voie d’accès à la justice pour les consommateurs, précité, supra note 137, pp. 364-365.

[149]   L.Q. 2002, c. 7, art. 156 et L.Q. 2002, c. 54, art. 10.

[150]   P. 36 n.s.

[151]  Aussi Théberge c. Galerie D’Art du Petit-Champlain, précité supra note 25, par. 15.

[152]   [2004] J.Q. no 622, J.E. 2004-603.

[153]  Syndicat des travailleuses et travailleurs de l’Hôtel Méridien de Montréal (CSN) c. Vézina, 2016 QCCS 11, par. [56], et note de bas de page correspondante : «Le Nouveau Code de procédure civile étant d’application immédiate (sauf exceptions ici inapplicables), même si l’audition de la requête a eu lieu et l’affaire prise en délibéré avant le 1er janvier 2016, le Tribunal ne peut plus accorder les dépens de l’ancien article 477 C.p.c. En effet, les dépens ou frais de justice ne se gagnent pas au fur et à mesure que l’instance se déroule, mais plutôt par le jugement qui les accorde (cf. à cet égard le texte des articles 481 de l’ancien Code et 343 du nouveau Code). C’est donc le droit en vigueur au jour du jugement qui détermine le droit applicable en cette matière (cf. P. Roubier, Le droit transitoire, 2e édition, Dalloz, 1993, p. 563 : «La loi qui règle les formes et les effets du jugement est la loi du jour du jugement…»).»

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