Rajotte et 2428-8524 Québec inc. |
2007 QCCLP 831 |
|
||
COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
||
|
||
Joliette |
8 février 2007 |
|
|
||
Région : |
Saguenay-Lac-Saint-Jean |
|
|
||
|
||
Dossier CSST : |
117494179 |
|
|
||
Commissaire : |
Michèle Juteau, avocate |
|
|
||
Membres : |
M. André Beaulieu, associations d’employeurs |
|
|
M. Gilles Gagnon, associations syndicales |
|
______________________________________________________________________ |
||
|
||
|
||
Partie requérante |
|
|
|
|
|
Et |
|
|
|
|
|
2428-8524 Québec inc. |
|
|
Les Ateliers du Lac inc. |
|
|
Atlantique Sous-Marine inc. |
|
|
Centre d’optimisation de la fibre |
|
|
Construction Domi inc. |
|
|
Construction Proco inc. |
|
|
E.B.C. Ctr Senc. inc. |
|
|
Les Entreprises Pro-Sag inc. |
|
|
Les Entreprises Genmont inc. |
|
|
Les Entreprises GG Fleury inc. |
|
|
Les Entreprises Verville & fils ltée |
|
|
Les Immeubles Guay ltée |
|
|
Les Immeubles Jolika |
|
|
Les industries Plani-Pro ltée |
|
|
Soudure Jean-Marc Maltais enr. |
|
|
Technosoude inc. |
|
|
Villebrequin Québec inc. |
|
|
Parties intéressées |
|
|
|
|
|
Et |
|
|
|
|
|
Commission de la santé et de la sécurité du travail |
|
|
Partie intervenante |
|
|
|
|
|
______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
[1] Le 2 octobre 2000, monsieur Marc Rajotte (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une contestation d’une décision rendue le 23 août 2000 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme sa première décision. Elle juge que le travailleur n’a pas subi une lésion professionnelle et qu’il n’a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[3] L’audience a été tenue à Saguenay les 3 mai 2005, 25 août 2005 et 21 novembre 2005. Le travailleur était présent et représenté. Les parties intéressées et la CSST n’étaient pas représentées à l’exception des employeurs Technosoude inc. et E.B.C. Ctr Senc. inc.
[4] Le présent dossier a été mis en délibéré le 14 décembre 2005 à l’expiration du délai accordé aux parties pour présenter le complément de leur argumentation écrite.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le cancer de l’amygdale droite (carcinome épidermoïde), pour lequel il réclame des prestations, constitue une maladie professionnelle au sens de la loi.
L’AVIS DES MEMBRES
[6] Le membre issu des associations d’employeurs rejetterait la requête du travailleur. Il considère que le cancer de l’amygdale est relié à l’association tabac-alcool. Il croit que le travailleur n’a pas été assez exposé aux fumées de soudure pour constituer un risque particulier. De plus, il ajoute que les résultats de l’étude suédoise ne sont pas suffisamment corroborés pour constituer une preuve prépondérante de la relation entre le cancer de l’oropharynx et l’exposition aux fumées de soudure. Il fait remarquer que le travailleur n’a pas présenté de données sur son exposition. Il pense que le travailleur a minimisé sa consommation d’alcool et de tabac lors de son témoignage. À son avis la maladie du travailleur est strictement personnelle.
[7] Le membre issu des associations syndicales accueillerait la requête du travailleur. Il retient l’avis du docteur Serge Lecours. Il croit que le travailleur a été suffisamment exposé aux fumées de soudure pour constituer un risque particulier du travail en rapport avec le cancer dont celui-ci est atteint. Il considère que la preuve prépondérante montre que les fumées de soudure sont de probables cancérigènes. Il pense que les habitudes tabagiques et la consommation d’alcool du travailleur représentent un risque moindre. Il fait remarquer que le cancer de l’oropharynx est surtout relié à l’abus d’alcool associé avec le tabagisme. Dans le cas du travailleur, à son avis, cette association est faible puisque le travailleur ne prend que quelques bières par année. Il croit que le travailleur a fait valoir une preuve prépondérante que son cancer de l’amygdale droit est relié aux risques particuliers de son travail.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[8] Au cours de sa vie active, le travailleur a occupé différents emplois. Il a notamment exercé le métier de soudeur et de monteur de structures d’acier pour différents employeurs opérant dans le secteur industriel, la construction et le secteur commercial.
[9] À l’audience, le travailleur a fait l’historique de ses emplois. Il a décrit les conditions d’exercices, la nature du travail effectué, l’environnement et les techniques utilisés.
[10] Le 19 novembre 1999, le travailleur fait une réclamation à la CSST. Il prétend que le cancer de l’amygdale droite, diagnostiqué quelques mois plus tôt, est relié à l’inhalation de contaminants auxquels il a été exposé par le fait et à l’occasion de son travail.
[11] À l’appui de sa réclamation, le travailleur soumet une lettre signée par le docteur Renald Drolet qui atteste du diagnostic de cancer de l’amygdale.
Monsieur Marc Rajotte est âgé de 47 ans. Son métier est celui de monteur de structure. Depuis le 21 novembre 1998, il est suivi et traité pour une tumeur de l’amygdale. Il fut opéré le 15 février 99 et a dû subir de la radiothérapie à la région cervicale et scapulaire droite.
La phase de réadaptation n’est pas encore terminée. Notre patient a des problèmes de déglutition de même que d’ankylose du niveau de l’épaule droite. Nous considérons qu’il est encore inapte au travail pour encore une période minimale de 6 mois.
[12] Aux fins de la présente décision, il convient de préciser que l’amygdale est une structure anatomique située dans la partie supérieure du pharynx (l’oropharynx).
[13] Avant de disposer de la réclamation du travailleur, la CSST demande certains renseignements spécialisés à un hygiéniste du travail et l’opinion d’un médecin.
[14] L’hygiéniste Renald Laforest produit une étude faisant la nomenclature des différents contaminants auxquels le travailleur aurait pu être exposé. Il y annexe des renseignements sur la toxicité de composés chimiques, dont certains sont des cancérigènes prouvés.
[15] Selon la documentation fournie, plusieurs de ces produits sont susceptibles de se retrouver dans la fumée de soudage selon le matériel et la technique de soudage qui sont utilisés. Par exemple, du chrome VI et le nickel peuvent émaner du soudage ou du coupage sur acier galvanisé ou inoxydable. Le nickel peut aussi provenir du soudage ou du coupage d’alliage de cuivre-nickel.
[16] Les données de l’IRSST[2], fournies par l’hygiéniste, indiquent que le type de baguette utilisée pour le soudage influe sur la composition de la fumée. Certaines contiennent du nickel ou du chrome.
[17] À la suite de l’étude de l’hygiéniste Laforest, le docteur Marc Mony donne son opinion en tenant compte de la revue de littérature médicale qu’il a faite. Il affirme qu’il y a une forte relation entre le tabagisme, l’abus d’alcool et le cancer de l’oropharynx. Il précise que chez l’homme, dans 80 % des cas, ces facteurs de risques sont présents. Il conclut que la preuve n’a pas été faite de l’exposition à un cancérigène reconnu pour l’oropharynx.
[18] Les notes cliniques reproduites au dossier de la CSST comportent des mentions relatives aux habitudes tabagiques et à la consommation d’alcool du travailleur.
[19] Celui-ci a fumé d’un à deux paquets de cigarettes par jour depuis l’âge de 16 ans. Le 20 novembre 1998, lors de la première consultation médicale, il rapporte au médecin qu’il fume deux paquets de cigarettes par jour. Sa consommation pouvait donc aller de 25 à 50 cigarettes par jour en prenant comme base de référence un paquet de 25 cigarettes.
[20] La mesure de la dose d’alcool consommée est moins précise. Dans le dossier hospitalier du travailleur, sa consommation est qualifiée de modérée. On indique aussi que le travailleur est un buveur social. Le 20 novembre 1998, le médecin consulté écrit ROH+. À l’audience, le travailleur affirme qu’il ne prend que quelques bières par année.
[21] Le travailleur a sans doute minimisé sa consommation d’alcool. Cependant, il n’est pas établi qu’il en ait abusé. En effet, la mention aux notes cliniques du 20 novembre 1998 est insuffisante pour en arriver à cette conclusion. On peut penser que si sa consommation avait été importante, le médecin l’aurait indiquée plus clairement, comme il l’a fait pour la cigarette. Le tribunal retient que le travailleur a eu une consommation plutôt modérée quant à l’alcool.
[22] Sur la base de l’avis du docteur Mony, la CSST conclut que le travailleur n’a pas été exposé à un risque professionnel associé au cancer de l’amygdale.
[23] En août 2004, le docteur Serge Lecours, de la clinique toxicologique de Montréal, produit une expertise médico-toxicologique à la demande du représentant du travailleur. Il se prononce sur la relation entre le cancer de l’oropharynx et les emplois occupés par ce dernier.
[24] Le docteur Lecours donne son opinion après avoir analysé le dossier qui inclut l’opinion du docteur Mony et les renseignements fournis par l’hygiéniste Laforest. De plus, il fait une revue de la littérature scientifique.
[25] Il conclut à la vraisemblance d’une relation entre la fumée de soudage et le cancer de l’oropharynx. Il résume ainsi sa pensée :
En résumé, selon les études de Gustavson et de Zéka, le cancer de l’oropharynx de M. Rajotte pourrait être relié davantage à son exposition à des agents cancérigènes des fumées de soudage qu’à l’effet du tabac. Par ailleurs, l’effet de ces deux sources pourrait être interactif.
[26] Le docteur Lecours a expliqué son raisonnement lors de son témoignage. Il a aussi déposé les études épidémiologiques pour appuyer son opinion et d’autres textes d’ordre scientifique. Nous y reviendrons plus loin.
[27] À partir des documents au dossier et de la preuve faite à l’audience, le tribunal doit déterminer si le cancer de l’amygdale, dans le cas du travailleur, est une maladie professionnelle.
[28] L’article 2 de la loi définit ainsi la notion de «maladie professionnelle» :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[29] Les articles 29 et 30 prescrivent les éléments à prouver pour établir qu’un travailleur est atteint d’une maladie professionnelle :
29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
__________
1985, c. 6, a. 29.
30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
__________
1985, c. 6, a. 30.
[30] Le cancer de l’amygdale n’est pas une maladie visée par l’annexe I.
[31] Le représentant du travailleur prétend que l’article 29 s’applique à la situation du travailleur parce que le cancer constitue la phase aiguë de l’intoxication.
[32] Considérant la conclusion à laquelle le tribunal en arrive sur l’application de l’article 30, il n’y a pas lieu de discuter de cet argument.
[33] Le docteur Lecours affirme que le cancer de l’oropharynx est une maladie reliée aux risques particuliers que représentent les fumées de soudure. Il soumet de la littérature médicale pour soutenir son opinion.
[34] Il cite une étude publiée par un groupe de chercheurs suédois en 1997. Ces chercheurs ont recensé des cas de cancers de la cavité orale, du pharynx, du larynx ou de l’œsophage. Ils ont comparé les habitudes de vie, le tabagisme, la consommation d’alcool et l’histoire occupationnelle. Certains risques professionnels ont été analysés plus spécifiquement, dont l’exposition aux fumées de soudure. En rapport avec ce risque, il a été démontré qu’une exposition de plus de huit ans accroît l’occurrence des cancers pharyngés de manière significative (2.26 fois plus de risque)[3].
There were increased risks of cancer of the larynx ans pharynx after more than eight years of exposure to welding fumes. Welding involves exposure to many chemicals, including metal dust, irritant gases, and PAHs. Welding in stainless steel is associated with an increased risk of lung cancer, due to exposure to hexavalent chromium. Welding in other materials has not been consistently shown to be associated with an increased risk of cancer. The present data indicate that other components of welding fumes may be carcinogic as well, as regression models of risk of laryngeal cancer, incorporating welding, asbestos, and chromium showed independent effects of both asbestos and welding.
[35] Les auteurs de l’étude suédoise indiquent que d’autres études devraient confirmer leurs résultats avant d’entreprendre la réduction des niveaux d’exposition minimale. Cette affirmation ne vient pas réduire la valeur de la preuve au plan juridique.
[36] Si le tribunal recherchait une certitude scientifique de la relation entre l’exposition aux fumées de soudure et le cancer de l’oropharynx, sa conclusion serait fort différente. Toutefois, son analyse est tout autre. Il doit plutôt déterminer si cette relation causale est vraisemblable[4].
[37] Le docteur Lecours dépose aussi un extrait du site Web du Centre canadien d’hygiène industrielle qui concerne les risques du métier de soudeur[5]. On peut y lire que les soudeurs sont plus à risque de souffrir de cancers. Ce document mentionne, notamment, que le Centre de recherche international sur le cancer (CIRC) classe les fumées de soudure dans les cancérigènes probables pour l’homme.
[38] Le tribunal comprend que le classement du CIRC repose sur une revue mondiale d’études épidémiologiques dont les résultats ne sont pas tous concluants, mais dont les données scientifiques sont suffisamment positives pour croire à la probabilité de l’effet cancérigène des fumées de soudure[6].
[39] Le tribunal juge donc qu’il est établi que le cancer de l’amygdale est une maladie reliée aux risques provenant de l’exposition aux fumées de soudure.
[40] Est-ce que ce risque a joué un rôle déterminant et significatif dans le développement de la maladie du travailleur?
[41] De 1978 à 1998, le travailleur a occupé différents emplois où il a été exposé aux fumées de soudure provenant de son travail ou de celui de collègues. Il a été à tour de rôle machiniste, ajusteur mécanique, soudeur, soudeur-monteur, monteur de structures d’acier, sans jamais occuper un emploi sur une longue période de manière continue. Il a travaillé dans diverses conditions environnementales, techniques et climatiques.
[42] L’intensité et la durée de l’exposition sont difficiles à évaluer de manière exacte. Toutefois, en tenant compte du nombre d’heures travaillées et sur la foi du témoignage crédible du travailleur, le tribunal considère que la durée de l’exposition aux fumées de soudure s’approche de huit ans.
[43] Il y a donc un risque probable de cancer, d’autant plus que le classement de CIRC reconnaît la possibilité de l’effet cancérigène des fumées de soudure sans établir de seuil d’exposition ou de dose réponse minimale.
[44] Jusqu’à présent, le tribunal considère que le cancer de l’amygdale peut être relié aux risques particuliers des emplois occupés par le travailleur à titre de soudeur, de monteur de structures d’acier, de soudeur-assembleur, d’ajusteur et de machiniste.
[45] Reste donc à déterminer si la maladie du travailleur peut avoir été causée par un autre facteur de risques d’ordre personnel qui constituerait une cause dominante qui évacuerait du tableau étiologique le risque associé aux fumées de soudure.
[46] Les docteurs Lecours et Mony sont tous les deux d’accord pour affirmer que l’association tabac-alcool est un facteur de risques important.
[47] Le docteur Lecours dépose un texte qui fait état de cette relation. Les auteurs d’un ouvrage sur les maladies de la bouche et du pharynx relient le cancer du pharynx à la combinaison tabac et abus d’alcool.
This is a fairly frequent site for carcinoma. The male/female ratio is 70 : 30, but it depends on the site and race. The average age is 50 to 60 years. There is a statistically significant history of smoking and alcohol abuse in these patients, about 85 % with this history and only 15 % without this combination. Further suspected etiologic factors include poor dental care and poor oral hygiene[7].
[48] Une méta-analyse dirigée par Ariana Zeka de l’université du Massachusetts dont il est fait mention dans la conclusion du docteur Lecours montre que le cancer du pharynx est surtout relié à la consommation d’alcool qu’au tabagisme.
Tobacco appeared to have a much strongest effect on the larynx than on any of the other aerodigestive sites, while alcohol’s effect was strongest on the parynx[8].
[49] Le tableau 4 du texte publié par Zeka montre que le risque de développer un cancer de l’oropharynx double pour un fumeur de 30 cigarettes par jour qui par ailleurs prend jusqu’à quatre consommations d’alcool quotidiennement si on le compare à une personne abstinente.
[50] Pour la même dose tabagique, lorsque la consommation est nulle, le risque est de 1,3 fois plus élevé que l’abstinent.
[51] Pour le gros fumeur (plus de 30 cigarettes par jour) qui ne boit pas, le risque relatif est de 2,9.
[52] La consommation d’alcool du travailleur est modérée. De l’avis du tribunal, elle est inférieure à quatre verres par jour. Elle s’approche davantage de 0. Quant à la consommation de cigarettes, elle se situe autour de 35 cigarettes par jour.
[53] Selon l’étude de Zeka, le travailleur a donc un risque de contracter un cancer de l’oropharynx qui se situe autour de 2,9, ce qui est similaire au risque professionnel comme l’a indiqué le docteur Lecours.
[54] En terme de probabilités, l’importance de la cause personnelle n’évacue pas la cause professionnelle, les niveaux de risques sont similaires. Par contre, on ne peut pas exclure le tabagisme comme une des causes du cancer de l’amygdale du travailleur. Il est probable que les deux facteurs de risques aient agi simultanément pour causer la maladie.
[55] La maladie multifactorielle à la fois reliée à un risque particulier du travail et à un risque personnel peut être qualifiée de maladie professionnelle lorsque le travail a contribué, de façon significative et déterminante, au développement de la maladie. À cet égard, il y a lieu de reprendre un passage de la décision de la commissaire Line Vallière dans Roy et Komatsu[9] :
[102] Le législateur reconnaît donc la possibilité qu’une maladie musculo-squelettique soit reliée à un travail exercé. La doctrine médicale, tant celle invoquée par le docteur Gauthier que celle invoquée par le docteur Vézina, est unanime : ce type de maladie a une étiologie multifactorielle et le travail n’est pas la seule cause. Légalement, on pourra la qualifier de «maladie professionnelle» lorsque la preuve permet de conclure que le travail a contribué de façon significative et déterminante à l’apparition ou au développement de la maladie. C’est une preuve prépondérante qui permet de conclure en ce sens, sans l’exigence d’une preuve de niveau scientifique. C’est le cadre d’analyse de l’article 30 de la Loi.
[103] Il s’agit sans doute là, comme le souligne le docteur Vézina dans son témoignage, d’un choix économique, social et politique. Il ne faut pas s’en étonner dans le cadre d’une loi à caractère social qui a pour but de réparer les conséquences d’une lésion professionnelle (article 1 de la Loi). La Commission des lésions professionnelles n’est pas un forum approprié pour discuter de la justesse des choix du législateur.
[104] La Commission des lésions professionnelles doit donc décider si monsieur Roy a prouvé que le syndrome du canal carpien bilatéral est une maladie professionnelle reliée aux risques particuliers de son travail d’assembleur chez l’employeur.
(Notre soulignement)
[56] La Commission des lésions professionnelles retient donc l’opinion du docteur Lecours. Elle conclut que la preuve présentée par le travailleur établit que le cancer de l’amygdale droit dont il a été atteint constitue vraisemblablement une maladie professionnelle au sens de la loi.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Marc Rajotte (le travailleur);
INFIRME la décision rendue le 23 août 2000 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a subi une maladie professionnelle et qu’il a droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
|
|
|
Michèle Juteau |
|
Commissaire |
|
|
|
|
Me Jean-François Maltais |
|
Cabinet Consultation Expertise |
|
Représentant de la partie requérante |
|
|
|
|
|
Me Michel Lalonde |
|
Bourque, Tétreault & ass. |
|
Représentant de E.B.C. inc. (Partie intéressée) |
|
|
|
|
|
Me Jean-Sébastien Cloutier |
|
Leblanc, Lalonde ass. |
|
Représentant de Technosoude inc. (Partie intéressée) |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Dossier de la CLP page 221, Yves CLOUTIER et Luc MÉNARD, Guide de prélèvement des fumées de soudage - section 1 Matières particulaires (Fumée totale) - Méthode et laboratoire, , Institut de recherche en santé et en sécurité du travail.
[3] P. GUSTAVSON, R. JAKOBSSON, H. JOHANSSON, F. LEWIN, S. NORELL, L.-E. RUTKVIST, Occupational Exposures and Squamous Cell Carcinoma of the Oral Cavity, Pharynx, Larynx and Oesophagus : A Case-Control Study in Sweden, Occup Environ Med 1998; 55 :393-400, p. 393.
[4] Gratton c. CLP, [1999] C.L.P. 187 (C.S.); Ferjuste et Jet de sable Trans-Canada, [2001] C.L.P. 389 .
[5] www.cchst.ca/reponsessst/occup_workplace/welder.html
[6] monographs.iarc.fr/htdocs/monographs/vol.49/welding.html
[7] Clinical Aspects of Diseases of the Mounth and Pharynx, page 381.
[8] Ariana ZEKA, Rebecca GORE et David KNEBELl, Effects of Alcohol and Tobacco and Acrodigestive cancer risks : ameta-regression analysis, Cancer Causes ans Control, 14 897- 906, 2003, page 897.
[9] Roy et Komatsu International (Canada) inc. [2001] C.L.P. 244 .
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.