Décision

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CONSEIL DE DISCIPLINE

ORDRE DES AGRONOMES DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

02-16-00037

 

DATE :

20 février 2018

______________________________________________________________________

 

LE CONSEIL :

Me MYRIAM GIROUX-DEL ZOTTO

Présidente

M. YVAN BEAUDIN, agronome

Membre

M. JULIEN GUAY, agronome

Membre

______________________________________________________________________

 

BRUNO BRETON, agronome, en sa qualité de syndic de l’Ordre des agronomes du Québec

Plaignant

c.

JACQUES NAULT, agronome

Intimé

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

 

CONFORMÉMENT AU DEUXIÈME ALINÉA DE L’ARTICLE 142 DU CODE DES PROFESSIONS, LE CONSEIL DE DISCIPLINE PRONONCE UNE ORDONNANCE DE NON-PUBLICATION, DE NON-DIVULGATION ET DE NON-DIFFUSION DU NOM DES CLIENTS MENTIONNÉS DANS LA PLAINTE DISCIPLINAIRE ET DANS LA PREUVE AINSI QUE TOUT RENSEIGNEMENT PERMETTANT DE LES IDENTIFIER POUR UN MOTIF DE VIE PRIVÉE OU DE RÉPUTATION ET DE SECRET PROFESSIONNEL.

INTRODUCTION

[1]           Bruno Breton, syndic de l’Ordre des agronomes du Québec (l’Ordre) mène l’enquête au sujet de Jacques Nault (l’intimé) et dépose une plainte disciplinaire contre celui-ci, le 15 novembre 2016.

[2]           À l’audition, c’est Yvon Caron (le plaignant), syndic de l’Ordre qui agit à titre de plaignant en reprise d’instance.

[3]           D’emblée, le plaignant demande l’autorisation de modifier la plainte en regroupant les 75 chefs d’infraction de la plainte originale en fonction de la nature de ceux-ci d’où il en résulte une plainte ne comportant que 7 chefs d’infraction, sans qu’aucun d’entre eux ne fasse l’objet d’un retrait.

[4]           L’intimé ne s’oppose pas à cette demande en soulignant que celle-ci s’inscrit dans le cadre de l’entente intervenue entre les parties au sujet de la sanction.

[5]           Ce dernier ajoute au surplus avoir l’intention d’enregistrer un plaidoyer de culpabilité à l’égard de chacun des manquements déontologiques allégués à la plainte modifiée.

[6]           En conséquence, le Conseil, unanimement et séance tenante, autorise les modifications demandées conformément à l’article 145 du Code des professions.

[7]           Dans cette plainte, le plaignant reproche à l’intimé d’avoir omis de respecter les normes de pratique généralement reconnues dans la profession d’agronome ainsi que les règles de l’art, dans le cadre de l’élaboration et de la mise à jour de plusieurs plans agroenvironnementaux de fertilisation (les PAEF) de plusieurs clients.

[8]           Il lui reproche également d’avoir fait défaut de sauvegarder son indépendance professionnelle en se laissant dicter les données de fertilisation à utiliser dans le cadre de l’élaboration de ces PAEF, d’avoir omis de fournir à une cliente les explications nécessaires à la compréhension et à l'appréciation des différents PAEF qu’il signe en faveur de cette dernière, d’avoir omis d’informer l’Ordre que six personnes, à l’emploi de l’entreprise dont il est l’un des principaux administrateurs, exercent illégalement la profession d’agronome dans le cadre de l’élaboration de ces mêmes PAEF et d’avoir fait exécuter des activités professionnelles par une personne non-agronome sans la former, la superviser, réviser son travail ou s’assurer qu’elle respecte la loi et les règlements applicables aux membres de l'Ordre.

[9]           Enfin, il allègue le défaut de l’intimé d’avoir apposé sa signature sur plusieurs PAEF sans les avoir lui-même préparés ou sans que les personnes l’ayant fait aient été sous sa direction, surveillance et sa responsabilité.

[10]        Considérant que l’intimé est membre de l’Ordre et qu’il enregistre un plaidoyer de culpabilité, le Conseil, unanimement et séance tenante, le déclare coupable des sept chefs d’infraction de la plainte disciplinaire modifiée.

[11]        Les parties informent ensuite le Conseil de leur recommandation conjointe suggérant d’imposer à l’intimé une période de radiation temporaire d’un mois sur chacun des chefs d’infraction de la plainte modifiée en plus d’une amende de 2 500 $ sur chacun d’entre eux et de le condamner au paiement des déboursés en limitant les frais d’expertise à 9 000 $.

LA PLAINTE

[12]        La plainte disciplinaire modifiée comporte sept chefs d’infraction ainsi libellés :

I.      RESPECT DES NORMES PROFESSIONNELLES ET DES RÈGLES DE L’ART

1.    À Sainte-Martine, entre le ou vers le 30 mars 2004 et le ou vers le 16 août 2013, dans le cadre de l’élaboration de plusieurs PAEF et de l’élaboration de la mise à jour de plusieurs PAEF pour le compte de différents clients, a rendu des avis incomplets, n’a pas tenu compte des normes de pratique généralement reconnues et n’a pas respecté les règles de l’art, le tout, contrairement aux articles 5 et 16 du Code de déontologie des agronomes, R.R.Q., c. A-12, r. 4.01 ou aux articles 5 et 16 Code de déontologie des agronomes, RLRQ c. A-12, r.6 ou a commis des actes dérogatoires à la discipline, à l’honneur ou à la dignité de sa profession, contrairement à l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ c C-26;

II.    INDÉPENDANCE ET DÉSINTÉRESSEMENT

2.    À Sainte-Martine, entre le ou vers le 3 mai 2010 et le ou vers le 16 août 2013, dans le cadre de l’élaboration de plusieurs PAEF et de l’élaboration de la mise à jour de plusieurs PAEF pour le compte de différents clients, a fait défaut de sauvegarder son indépendance professionnelle en se laissant dicter les données de fertilisation à utiliser, contrairement à l’article 28 du Code de déontologie des agronomes, RLRQ c. A-12, r.6 ou a commis des actes dérogatoires à la discipline, à l’honneur ou à la dignité de sa profession, contrairement à l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ c C-26;

III.   DISPONIBILITÉ ET DILIGENCE

3.    À Sainte-Martine, entre le ou vers le 17 mars 2011 et le ou vers le 16 mai 2013, n’a pas fourni à la [Compagnie A] les explications nécessaires à la compréhension et à l'appréciation des différents PAEF qu’il a signés pour cette dernière, le tout contrairement aux articles 10 et 22 du Code de déontologie des agronomes, RLRQ c. A-12, r.6 ou a commis des actes dérogatoires à la discipline, à l’honneur ou à la dignité de sa profession, contrairement à l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ c C-26;

IV.   ACTES DÉROGATOIRES

a)    Exercice illégal

4.    À Sainte-Martine, entre le ou vers le 12 mai 2010 et le ou vers le 16 août 2013, a omis d’informer les autorités de l’Ordre que M. Larry Mastine, M. Raymond Lemoyne, Mme Isabelle Hébert, Mme Julie Fauteux, Mme Stéphanie Chagnon et M. Éric Dupuis exerçaient illégalement la profession d’agronome dans le cadre de l’élaboration de plusieurs PAEF et de l’élaboration de la mise à jour de plusieurs PAEF pour le compte de différents clients, contrairement à l’article 55 (5) du Code de déontologie des agronomes, RLRQ c. A-12, r.6 ou a commis des actes dérogatoires à la discipline, à l’honneur ou à la dignité de sa profession, contrairement à l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ c C-26;

b)    Collaboration à l’exercice illégal

5.    À Sainte-Martine, entre le ou vers le 12 mai 2010 et le ou vers le 16 août 2013, dans le cadre de l’élaboration de plusieurs PAEF et de l’élaboration de la mise à jour de plusieurs PAEF pour le compte de différents clients, a collaboré avec M. Larry Mastine, M. Raymond Lemoyne, Mme Isabelle Hébert, Mme Julie Fauteux, Mme Stéphanie Chagnon et M. Éric Dupuis à la commission d’infractions visées à l’article 28 de la Loi sur les agronomes, RLRQ c. A-12, soit l’exercice illégal par ces derniers de la profession d’agronome, contrairement à l’article 55 (6) du Code de déontologie des agronomes, RLRQ c. A-12, r.6 ou a commis des actes dérogatoires à la discipline, à l’honneur ou à la dignité de sa profession, contrairement à l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ c C-26;

c)    Absence de surveillance

6.    À Sainte-Martine, entre le ou vers le 17 mars 2011 et le ou vers le 13 décembre 2013, a fait exécuter des activités professionnelles par Mme Stéphanie Chagnon, notamment des recommandations des formulations et des doses d’engrais de synthèse, sans la former, la superviser, réviser son travail ou s’assurer qu’elle respecte les dispositions de la loi et des règlements applicables aux membres de l'Ordre, contrairement à l’article 20 du Code de déontologie des agronomes, RLRQ c. A-12, r.6 ou a commis des actes dérogatoires à la discipline, à l’honneur ou à la dignité de sa profession, contrairement à l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ c C-26;

d)    Signature

7.    À Sainte-Martine, entre le ou vers le 30 mars 2004 et le ou vers le 16 août 2013, a apposé sa signature sur plusieurs PAEF et sur la mise à jour de plusieurs PAEF pour le compte de différents clients, lesquels documents n’ont pas été préparés par lui-même ou sous sa direction, surveillance et responsabilité, contrairement aux articles 55 (10) et 66 du Code de déontologie des agronomes, R.R.Q., c. A-12, r.4.01 ou aux articles 55 (10) et 66 du Code de déontologie des agronomes, RLRQ c. A-12, r.6 ou a commis des actes dérogatoires à la discipline, à l’honneur ou à la dignité de sa profession, contrairement à l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ c C-26;

Se rendant ainsi passible des sanctions prévues à l’article 156 du Code des professions, RLRQ, c. C-26.

[Reproduction intégrale]

QUESTION EN LITIGE

[13]        Le Conseil doit répondre à la question en litige suivante :

1)    La recommandation conjointe des parties relative à la sanction à imposer à l’intimé par chef, est-elle déraisonnable, susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou d’être contraire à l’intérêt public ?

[14]        Il y a lieu de répondre par la négative à cette question pour les motifs exposés plus loin.

CONTEXTE

[15]        L’intimé est membre de l’Ordre depuis 1984.

[16]        De 1989 à 1999, il offre ses services professionnels comme consultant en gestion des sols et des cultures.

[17]        En 1999, l’intimé et son frère ingénieur, Charles Nault, constituent l’entreprise Logiag inc. (Logiag).

[18]        Ceux-ci agissent à titre d’administrateurs de Logiag.

[19]        Logiag développe un logiciel qui lui permet notamment de vendre des services de gestion agricole comprenant la rédaction de plans de fertilisation de cultures en tirant profit des technologies de l'information disponibles sur le marché (les technologies).

[20]        Logiag vend également un logiciel du domaine en agronomie qui modifie l’exercice de certaines activités liées à cette profession.

[21]        Par ce logiciel, Logiag souhaite permettre aux producteurs agricoles d’être plus efficaces et d’exercer un meilleur contrôle de la gestion de certains produits utilisés tels que des fertilisants chimiques.

[22]        Entre 2001 et 2005, grâce à ces technologies, Logiag augmente sa clientèle la faisant passer de 150 à 1500 clients.

[23]        Entre les 30 mars 2004 et 16 août 2013, dans le cadre de l’élaboration de PAEF de plusieurs clients et de la mise à jour de ceux-ci, l’intimé émet des avis incomplets en omettant de tenir compte des normes de pratique généralement reconnues dans la profession et de respecter les règles de l’art propres à celle-ci.

[24]        À cette même période, il signe plusieurs PAEF et la mise à jour de ceux-ci sans les avoir lui-même préparés ou sans que l’élaboration de ceux-ci ait été sous sa direction et sa surveillance.

[25]        Entre les 3 mai 2010 et 16 août 2013, il fait défaut de sauvegarder son indépendance professionnelle en se laissant dicter les données de fertilisation à utiliser dans le cadre de l’élaboration et de la mise à jour de PAEF de plusieurs clients de Logiag notamment par des personnes ayant un lien avec des compagnies produisant des fertilisants chimiques.

[26]        Entre les 12 mai 2010 et 16 août 2013, l’intimé omet d’informer l’Ordre que six personnes exercent illégalement la profession d’agronome dans le cadre de l’élaboration et de la mise à jour de PAEF de plusieurs clients de Logiag.

[27]        Pendant la même période, par son défaut d’informer l’Ordre des activités professionnelles exercées par ces six personnes, il collabore à l’exercice illégal de la profession par ces personnes en omettant de les surveiller.

[28]        Le 30 août 2010, le Bureau du syndic de l’Ordre reçoit une demande d’enquête d’une directrice adjointe régionale à l’emploi du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (le MDDEP) au sujet de l’intimé et d’une autre agronome, exerçant ses activités professionnelles au sein de Logiag.

[29]        Cette directrice adjointe se plaint de contradictions constatées entre les données du bilan de phosphore et celles suivies par le PAEF réalisé par Logiag.

[30]        Entre les 17 mars 2011 et 16 mai 2013, l’intimé omet de fournir aux propriétaires d’une ferme les explications nécessaires à la compréhension et à l'appréciation des différents PAEF qu’il signe pour cette dernière.

[31]        Le 30 avril 2012, une deuxième demande d’enquête est transmise au Bureau du syndic de l’Ordre au sujet de l’intimé. Cette demande provient d’un autre agronome ayant constaté l’utilisation par Logiag de valeurs d’anciennes grilles de fertilisation de carottes en terre minérale, en dépit des nouvelles qui sont en vigueur depuis 2011.

[32]        Enfin, le 27 août 2014, le Bureau du syndic de l’Ordre reçoit une troisième demande d’enquête visant l’intimé provenant cette fois de l’un des propriétaires d’une ferme à qui un constat d’infraction est délivré par le MDDEP en raison du niveau de phosphore mesuré sur les terres liées à l’utilisation d’engrais chimique dépassant les limites permises dans ce domaine.

ANALYSE

[33]        Les critères devant être pris en considération par le Conseil lors de la détermination de la sanction sont énoncés par la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[1].

[34]        La Cour d’appel souligne l’importance pour le Conseil d’imposer une sanction juste et raisonnable adaptée aux circonstances particulières du cas à l’étude en rappelant que la sanction disciplinaire doit permettre d’atteindre plusieurs objectifs dont notamment : assurer la protection du public, dissuader le professionnel de récidiver, servir d'exemplarité à l'égard des autres membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables tout en considérant le droit du professionnel visé d'exercer sa profession.

[35]        Cette même Cour énonce aussi que le Conseil doit imposer la sanction après avoir pris en compte tous les facteurs objectifs et subjectifs propres au cas qui lui est soumis, d’une façon équilibrée, afin de l’individualiser.

[36]        Parmi les facteurs objectifs à considérer se retrouvent la gravité de la faute, le préjudice découlant des gestes reprochés au professionnel et subi par le public, le lien de l’infraction avec l’exercice de la profession, le fait que le geste constitue un geste isolé ou répétitif et la gradation des sanctions face à l’existence d’antécédents disciplinaires.

[37]        Concernant les facteurs subjectifs, il faut tenir compte du contexte de l’infraction, de l'expérience, du plaidoyer de culpabilité, du passé disciplinaire, du risque de récidive, de l’absence ou non de bénéfice personnel ou de préméditation et de l'âge du professionnel de même que sa volonté de corriger son comportement[2].

[38]        Il y a lieu de souligner que l’objectif de la sanction disciplinaire n’est pas de punir le professionnel, mais de corriger un comportement fautif[3].

[39]        Dans ce contexte, la globalité de la sanction doit être prise en considération par le Conseil[4] lorsque plusieurs manquements disciplinaires sont reprochés, comme en l’espèce, pour s’assurer que la sanction ne soit pas disproportionnée.

[40]        Il est opportun de rappeler que le Conseil est saisi d’une recommandation conjointe des parties au sujet de la sanction.

[41]        À cet égard, le Tribunal des professions dans l’affaire Chan[5] est clair quant aux paramètres qui peuvent amener le Conseil à écarter une recommandation conjointe au sujet de la sanction.

[42]        Selon lui, comme une telle recommandation est issue d'une négociation rigoureuse, elle dispose d'une « force persuasive certaine » de nature à assurer qu'elle sera respectée en échange du plaidoyer de culpabilité[6].

[43]        Le Tribunal des professions dans la décision Langlois[7] est d’avis qu’une recommandation conjointe ne doit pas être écartée pour ne pas discréditer un important outil contribuant à l’efficacité du système de justice, tant criminel que disciplinaire.

[44]        Ainsi, le Tribunal des professions énonce qu’à moins que la suggestion soit déraisonnable, contraire à l'intérêt public, inadéquate ou de nature à déconsidérer l'administration de la justice[8], le Conseil ne peut la substituer par sa propre appréciation.

[45]        Suivant le principe de la parité des sanctions[9], si la sanction recommandée par les parties se situe dans la fourchette des sanctions imposées en semblable matière[10], elle milite en faveur de considérer qu’elle est raisonnable sous réserve de l’appréciation par le Conseil des circonstances particulières du cas à l’étude.

[46]        Récemment, dans l’arrêt Anthony-Cook[11], la Cour suprême rappelait l’importance des recommandations conjointes dans notre système de justice ainsi que le critère applicable en cette matière à savoir que la recommandation conjointe des parties ne doit pas être susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou d’être contraire à l’intérêt public.

[47]        Dans cet arrêt, la Cour suprême précise que le critère de la recommandation conjointe contraire à l’intérêt public correspond à celui qui répond si peu aux attentes des personnes raisonnables instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice.

[48]        Également, il est énoncé que lorsqu’une recommandation conjointe au sujet de la sanction est examinée, les juges qui l’apprécient devraient « éviter de rendre une décision qui fait perdre au public renseigné et raisonnable sa confiance dans l’institution des tribunaux ».

[49]        C’est dans la perspective des principes exposés précédemment que le Conseil répond à la question en litige.

La recommandation conjointe des parties relative à la sanction à imposer à l’intimé par chef, est-elle déraisonnable, susceptible de déconsidérer l'administration de la justice ou d’être contraire à l'intérêt public?

Les facteurs objectifs

[50]        Le Conseil juge opportun de rappeler la mise en garde faite par le plaignant à l’audition d’interpréter le présent recours comme une mesure de sa part ayant pour objectif de décourager l’initiative de l’intimé de développer de nouvelles technologies dans le domaine de l’agronomie.

[51]        Par ailleurs, le plaignant souligne les risques inhérents à l’intégration de ces technologies dans les services professionnels rendus au public en rappelant la prudence attendue du professionnel qui les utilise de s’assurer que celles-ci respectent en tout temps les exigences particulières à l’agronomie.

[52]        Le Conseil est aussi de cet avis.

[53]        Il ressort de l’ensemble des manquements disciplinaires reprochés à l’intimé que ceux-ci sont objectivement graves en ce qu’ils ont pour conséquence de mettre en péril la sécurité du public en permettant notamment que des comportements dérogeant aux normes environnementales imposées en matière d’utilisation de produits chimiques dans le domaine de l’agriculture soient adoptés.

[54]        Le fondement législatif de chacun des manquements concernés par le présent recours sera analysé aux paragraphes suivants pour une meilleure compréhension des obligations déontologiques auxquelles a contrevenu l’intimé.

[55]        Les chefs d’infraction de la plainte modifiée au sujet desquels l’intimé enregistre un plaidoyer de culpabilité se fondent sur les dispositions de rattachement respectives suivantes : les articles 5, 28, 22, 55 (5), 55 (6), 20 et 55 (10) du Code de déontologie des agronomes (le Code de déontologie).

[56]        Les articles 5 et 28 du Code de déontologie traitent des devoirs de l’agronome envers le public ou le client en prévoyant que celui-ci doit exercer sa profession en tenant compte des normes de pratique généralement reconnues dans la profession et en respectant les règles de l’art en plus de sauvegarder en tout temps son indépendance professionnelle et d’éviter toute situation où il serait en conflit d’intérêts.

[57]        Relativement à l’article 20 du Code de déontologie, il confirme la responsabilité de l’agronome à l’égard d’activités professionnelles qu’il fait exercer par d’autres personnes.

[58]        De son côté, l’article 22 du Code de déontologie prévoit l’obligation qui incombe à l’agronome de fournir à son client les explications nécessaires à la compréhension et à l’appréciation des services qu’il lui rend.

[59]        Cette obligation d’information est importante, car elle favorise le retour d’un certain équilibre entre les parties liées par la relation professionnelle.

[60]        L’ensemble des obligations déontologiques analysées précédemment sont fondamentales en ce qu’elles assurent la qualité du service professionnel rendu en plus de protéger le public en veillant à ce que les intérêts de celui-ci priment sur ceux du professionnel.

[61]        En conséquence, un manquement à l’égard de celles-ci est objectivement grave en raison du risque d’atteinte à la confiance du public qu’il comporte.

[62]        La confiance étant à la base de toute relation interpersonnelle, elle revêt une importance encore plus grande dans un contexte professionnel en raison du rapport de force souvent inégal entre le client et le professionnel possédant des connaissances spécialisées.

[63]        Les articles 55 (5), (6) et (10) énoncent les obligations de l’agronome envers la profession et l’Ordre.

[64]        De façon plus spécifique, ceux-ci stipulent que l’agronome doit s’abstenir d’inciter ou de collaborer avec quelqu’un à la commission d’une infraction à l’une des règles encadrant l’exercice de sa profession, de détourner ou d’employer à des fins personnelles tout denier, valeur ou bien qui lui sont confiés, et finalement de conclure ou de permettre que soit conclue, au sein de la société dont il est associé ou actionnaire, une entente ayant pour effet de mettre en péril l’indépendance, l’objectivité et l’intégrité nécessaires à l’exercice de sa profession ou au respect des règles encadrant l’exercice de celle-ci.

[65]        Il s’agit de dispositions axées sur le respect de certaines normes de comportement attendues des membres de la profession, étant entendu qu’une contravention à l’une d’entre elles est susceptible de compromettre la confiance du public.

[66]        Agir d’une façon contraire à ce qui est énoncé aux paragraphes cinq, six et dix de l’article 55 du Code de déontologie s’associe à une trahison des intérêts du client alors que l’agronome est censé leur donner priorité.

[67]        Encore une fois, il s’agit de comportements répréhensibles objectivement graves étant donné le risque d’atteinte probable à la confiance du public à l’égard du professionnel concerné et des autres membres de la profession, considérant que ces comportements sont susceptibles d’entacher la réputation de l’ensemble des membres de la profession.

[68]        La gravité d’une infraction s’évalue aussi en fonction des conséquences probables, que celles-ci se soient matérialisées ou non[12].

[69]        En l’espèce, il est établi que plusieurs demandes d’enquête sont déposées au Bureau du syndic de l’Ordre au sujet de l’intimé au fil des années, ce qui illustre le bris du lien de confiance de certains clients ou d’employés représentant le MDDEP relativement à celui-ci.

[70]        Également, l’un des propriétaires d’une ferme a été placé en situation d’infraction par le MDDEP en raison du niveau de phosphore mesuré sur les terres eu égard à l’utilisation d’engrais chimique dépassant les limites permises dans ce domaine, et ce, malgré les conseils reçus de Logiag.

[71]        Ces éléments attestent de la gravité objective des fautes déontologiques à l’étude.

[72]        Il ressort de la preuve que les facteurs objectifs à considérer dans l’appréciation de la recommandation conjointe des parties à l’égard de la sanction à imposer sont les suivants :

·        L’intimé commet l’ensemble de ses manquements disciplinaires au cours de la période du 30 mars 2004 au 16 août 2013, soit pendant plus de neuf ans, et la période de chacune des infractions de la plainte modifiée est d’une durée allant de deux à neuf ans. En conséquence, il y a lieu de considérer qu’il ne s’agit pas d’actes isolés puisque cette période suppose une continuité et une répétition des fautes dans le temps;

·        La gravité des fautes déontologiques commises par l’intimé pour les motifs invoqués précédemment;

·        La nécessité d’imposer une sanction exemplaire pour dissuader les autres membres de la profession de poser les mêmes gestes et l’intimé de récidiver.

Les facteurs subjectifs

[73]        Au niveau des facteurs atténuants propres au présent dossier à retenir, il faut souligner :

·        Le plaidoyer de culpabilité enregistré par l’intimé à l’égard de chacun des chefs d’infraction de la plainte modifiée;

·        L’absence d’antécédents disciplinaires;

·        Le temps que l’intimé consacre à réviser la preuve recueillie au cours de l’enquête menée par le plaignant pour comprendre les reproches formulés contre lui, ce dernier ayant passé plusieurs jours à analyser les documents ainsi que l’ensemble des informations relatives aux infractions identifiées à l’issue de celle-ci. Le temps investi par celui-ci à comprendre ses fautes démontre sa volonté à apporter les changements nécessaires et le respect qu’il accorde au processus disciplinaire;

·        La reconnaissance par celui-ci des fautes professionnelles retenues contre lui;

·        L’engagement écrit de l’intimé à corriger les manquements constatés par l’Ordre dans l’exercice futur de ses activités professionnelles;

·        Les mesures qu’il a entreprises à ce jour pour modifier sa pratique dans l’objectif de la rendre conforme aux exigences de la profession, dans les meilleurs délais;

·        Les efforts que l’intimé déploie pour adapter les opérations et la technologie de Logiag de façon à ce que celle-ci offre des services d’agronomie dans le respect des règles évolutives encadrant l’exercice d’une telle discipline.

[74]        L’intimé prétend qu’il n’a jamais eu l’intention de collaborer à l’exercice illégal de la profession d’agronome en référant aux chefs d’infraction 4 et 5 de la plainte modifiée.

[75]        Cependant, cet élément ne peut être retenu à titre de facteur atténuant.

[76]        Il est bien établi que les infractions disciplinaires sont de responsabilité stricte, et que les notions de mauvaise foi ou d’intention ne présentent de pertinence que s'il s'agit d'un élément constitutif prévu dans le libellé d'une disposition[13]. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

[77]        Concernant les facteurs aggravants, ceux à considérer sont :

·        L’intimé possède entre 20 et 29 années d’expérience professionnelle lorsqu’il commet ses manquements disciplinaires. Il aurait donc dû connaître les règles entourant l’exercice de sa profession et s’assurer d’adopter une conduite qui soit en tout temps conforme d’un point de vue déontologique;

·        Au surplus, celui-ci avait l’obligation de s’assurer que les services offerts par Logiag, l’entreprise qu’il fonde et administre avec son frère, soient conformes à ces exigences en plus de les adapter en fonction de l’évolution de celles-ci;

·        La pluralité des actes reprochés étant donné la nature différente des sept chefs d’infraction de la plainte modifiée;

·        Les infractions de la plainte modifiée sont commises au cours d’une période allant du 30 mars 2004 au 16 août 2013, soit pendant plus de neuf ans, ce qui constitue une longue période;

·        La plainte modifiée vise plusieurs clients;

·        Le bénéfice personnel que l’intimé tire de ses fautes provenant du profit généré par l’augmentation de la clientèle desservie par Logiag.

[78]        Le risque de récidive est aussi un facteur pertinent à la détermination d’une sanction disciplinaire adéquate comme le rappelle le Tribunal des professions dans l’affaire Médecins (Ordre professionnel des) c. Chbeir[14].

[79]        À cet égard, le plaignant souligne que les fautes commises par l’intimé ne mettent pas en doute sa compétence, mais illustrent les limites et les risques liés à l’utilisation des nouvelles technologies dans les services professionnels d’agronomie à rendre au public.

[80]        Celui-ci prétend que le risque de récidive est faible en se disant satisfait des mesures prises par l’intimé pour corriger les manquements constatés.

[81]        En l’absence d’une preuve établissant l’existence d’un risque à cet égard, il y a lieu de se rallier à la position du plaignant et de lui faire confiance puisqu’il est le mieux placé pour évaluer s’il en existe réellement un, considérant la mission première de celui-ci qui est d’assurer la protection du public.

[82]        De plus, faut-il le rappeler, ce dernier est le seul à avoir une connaissance complète des faits propres au présent dossier en plus d’avoir eu le privilège de rencontrer l’intimé, ce qui lui donne une meilleure perspective pour apprécier le risque de récidive.

[83]        Concernant la bonne collaboration de l’intimé à l’enquête, il s’agit d’un facteur neutre puisque cette obligation incombe à tous les professionnels conformément aux articles 114 et 122 du Code des professions.

La jurisprudence

[84]        Le plaignant dépose quatre décisions[15] pour étayer la position des parties relativement à la sanction à imposer à l’intimé à l’égard de chacun des chefs de la plainte modifiée alors que ce dernier n’en soumet aucune.

[85]        Ces décisions seront analysées par catégorie d’infraction en fonction de leur disposition de rattachement pour une meilleure compréhension.

L’article 5 du Code de déontologie des agronomes : respect des normes de pratique et des règles de l’art

[86]        Les formations du Conseil des affaires pertinentes à cette catégorie[16] imposent une réprimande, une amende dont le montant est de 600 $, 1 000 $ et 1 500 $ ou une période de radiation temporaire d’un mois.

[87]        Il ressort d’autres causes consultées par le Conseil[17] que des sanctions similaires ont été imposées pour un tel manquement.

[88]        En conséquence, la recommandation conjointe des parties d’imposer à l’intimé une période de radiation temporaire d’un mois en plus d’une amende de 2 500 $ est sévère.

[89]        Cependant, le rôle du Conseil en matière de recommandation conjointe des parties ne consiste pas à vérifier si la sanction s’avère clémente ou sévère et, selon le cas, substituer son propre jugement à celui des parties.

[90]        En effet, le seul critère applicable pour justifier d’intervenir est celui de déterminer si la sanction est à ce point déraisonnable qu’elle est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou d’être contraire à l’intérêt public, conformément aux enseignements de la Cour suprême[18].

[91]        En l’espèce, la recommandation conjointe des parties, bien que sévère, ne l’est pas à ce point, notamment en raison du nombre de manquements que l’intimé commet pendant plus de neuf ans et du nombre de clients concernés par la plainte.

[92]        En outre, une telle recommandation permet d’atteindre les objectifs de protection du public, de dissuasion et d’exemplarité.

L’article 20 du Code de déontologie des agronomes : surveillance des activités exercées par une personne non-membre

[93]        Il ressort du seul précédent soumis par le plaignant[19] qu’une période de radiation temporaire est imposée par la formation saisie d’une infraction de cette nature.

[94]        Rappelons que cette formation se prononce pour la première fois sur la sanction à imposer à un agronome ayant été déclaré coupable en vertu de l’article 20 du Code de déontologie.

[95]        Il s’agit donc du seul précédent en semblable matière.

[96]        En conséquence, le Conseil est privé de l’outil constitué par la compilation des sanctions imposées dans des cas semblables afin d’apprécier le caractère raisonnable de la recommandation conjointe des parties.

[97]        Il appert de l’analyse de décisions rapportant des comportements répréhensibles similaires à l’égard de membres d’autres ordres professionnels[20], qu’une réprimande ou des amendes de 1 000 $, 1 500 $, 2 000 $ sont imposées ou une période de radiation temporaire de quatre semaines.

[98]        Bien que le Conseil ait toute la discrétion pour décider de retenir ou d’écarter un précédent émanant d’un autre ordre professionnel, conformément aux enseignements du Tribunal des professions[21], en présence d’un seul précédent, il peut s’en inspirer pour l’aider à apprécier le caractère raisonnable de la recommandation qui lui est soumise par les parties.

[99]        En considérant la sanction imposée dans la cause Lévesque[22] ainsi qu’aux professionnels d’autres ordres, la recommandation conjointe des parties d’imposer à l’intimé une période de radiation temporaire d’un mois en sus d’une amende de 2 500 $ paraît sévère.

[100]     Toutefois, le Conseil doit respecter le pouvoir plus limité qu’il a en matière de recommandation conjointe en considérant que l’entente intervenue entre les parties est l’aboutissement de négociations sérieuses ayant été menées par deux avocats expérimentés.

[101]     En conséquence, il n’y a pas lieu d’affirmer que celle-ci est déraisonnable au point de déconsidérer l’administration de la justice ou d’être contraire à l’intérêt public.

[102]     Au surplus, une telle recommandation constitue un juste équilibre entre les attentes légitimes en matière de protection du public et l’ensemble des facteurs propres au cas de l’intimé.

L’article 22 du Code de déontologie des agronomes : disponibilité et diligence

[103]     Le Conseil juge opportun de souligner l’absence de cas d’agronome ayant été déclaré coupable en vertu de cet article du Code de déontologie.

[104]     Cependant, la recommandation conjointe des parties d’imposer à l’intimé une période de radiation temporaire d’un mois en sus d’une amende de 2 500 $ s’harmonise avec la gravité objective que représente l’omission de fournir au client les explications nécessaires à l’appréciation adéquate du service professionnel rendu comme il est reproché à l’intimé au chef d’infraction fondé sur la disposition de rattachement à l’étude.

[105]     La période de l’infraction de plus de deux ans ainsi que les différents PAEF visés par cette omission exigent l’imposition d’une sanction répondant aux attentes raisonnables d’exemplarité et de dissuasion.

[106]     En l’espèce, la recommandation conjointe des parties permet d’atteindre ces objectifs en plus d’assurer la protection du public.

L’article 28 du Code de déontologie des agronomes : indépendance et désintéressement

[107]     L’unique décision que soumet le plaignant à cet égard[23] fait état d’une amende de 1 000 $ imposée à titre de sanction.

[108]     La formation des autres causes analysées par le Conseil[24] impose une réprimande, une amende de 1 000 $ ou une période de radiation temporaire de trois mois.

[109]     En conséquence, la recommandation conjointe des parties d’imposer à l’intimé une période de radiation temporaire d’un mois en plus d’une amende de 2 500 $ constitue une sanction équivalant à celle imposée en cette matière si on considère l’impact financier que représente une période de radiation temporaire de trois mois pour un agronome.

[110]     En outre, une telle recommandation permet d’atteindre les objectifs de protection du public, de dissuasion et d’exemplarité, ce qui répond aux attentes légitimes propres au droit disciplinaire.

L’article 55 du Code de déontologie des agronomes : les actes dérogatoires

L’article 55 (5) du Code de déontologie des agronomes : l’exercice illégal de la profession

[111]     La réprimande est la sanction imposée par la formation du Conseil saisi de la plainte concernant l’agronome Veilleux[25].

[112]     Il s’agit du seul cas traitant d’un manquement d’exercice illégal de la profession par un agronome.

[113]     Les commentaires formulés à l’égard de la discrétion du Conseil de retenir ou non un précédent émanant d’un autre ordre professionnel, conformément aux enseignements du Tribunal des professions[26], sont également pertinents ici.

[114]     Cette position se justifie par la nature du comportement répréhensible à l’étude puisque l’exercice illégal d’une profession est un manquement commun à l’ensemble des professions indépendamment de la discipline exercée.

[115]     D’autres professionnels[27] se sont vus imposer une réprimande ou une amende de 1 500 $.

[116]     En conséquence, la recommandation des parties d’imposer à l’intimé une période de radiation temporaire d’un mois en plus d’une amende de 2 500 $ constitue une sanction sévère.

[117]     Toutefois, celle-ci n’est pas déraisonnable au point d’être susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou d’être contraire à l’intérêt public, étant le seul critère applicable pour justifier une intervention, conformément aux enseignements de la Cour suprême[28].

[118]     En matière de recommandation conjointe, le Conseil doit éviter de se substituer aux parties pour choisir la sanction qu’il considère la meilleure.

[119]     La sanction tel que recommandé tient compte du contexte des infractions commises par l’intimé en envoyant un message clair relativement à la prudence légitime attendue du public à l’égard des professionnels ayant recours aux nouvelles technologies pour exercer les activités inhérentes à leur discipline.

[120]     Cette sanction constitue un rappel des limites de ces technologies, celles-ci étant insuffisantes pour remplacer la supervision par l’agronome des activités déléguées à des personnes qui ne le sont pas.

[121]     En résumé, une telle sanction permet d’atteindre les objectifs de protection du public, de dissuasion et d’exemplarité.

L’article 55 (6) du Code de déontologie des agronomes : collaboration à l’exercice illégal

[122]     La formation du Conseil ayant été saisi d’une faute fondée sur cet article impose une période de radiation temporaire de deux semaines[29].

[123]     Encore une fois, en l’absence d’autres précédents en semblable matière, il est difficile pour le Conseil d’évaluer la recommandation conjointe des parties d’imposer à l’intimé une période de radiation temporaire d’un mois ainsi qu’une amende de 2 500 $ en fonction du critère applicable en cette matière.

[124]     Le Tribunal des professions apporte un éclairage additionnel relativement à la sanction raisonnable pour des comportements répréhensibles similaires. Ce même Tribunal confirme l’amende de 1 000 $ ayant été imposée par le Comité de discipline[30].

[125]     Au regard du précédent soumis par le plaignant et de la décision rendue par le Tribunal des professions, la recommandation des parties est sévère.

[126]     Cependant, une telle recommandation prend en considération le sérieux de la faute reprochée à l’intimé cette dernière minant la confiance du public qui s’attend à ce que les services professionnels lui soient fournis par des personnes qualifiées et que les membres d’un ordre professionnel dénoncent l’exercice illégal de leur profession plutôt que de collaborer avec ces personnes.

[127]     Pour cette raison, une telle recommandation n’est pas déraisonnable, susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou d’être contraire à l’intérêt public.

[128]     Enfin, elle constitue un juste équilibre entre les objectifs de protection du public, de dissuasion et d’exemplarité en tenant compte du droit de l’intimé d’exercer sa profession.

L’article 55 (10) du Code de déontologie des agronomes : l’absence de surveillance des personnes non-membres

[129]     Le précédent que dépose le plaignant devant le Conseil rapporte l’imposition d’une période de radiation temporaire d’un mois.

[130]     Lorsque les parties présentent une recommandation conjointe sur sanction, le Conseil doit l’entériner à moins qu’elle soit déraisonnable et inadéquate au point d’en être contraire à l’ordre public ou de nature à déconsidérer l’administration de la justice.

[131]     En l’espèce, la recommandation conjointe d’imposer à l’intimé une période de radiation temporaire d’un mois ainsi qu’une amende de 2 500$, bien qu’à première vue sévère, contribue à l’efficacité du système de justice disciplinaire en respectant la gravité de la faute de l’intimé.

[132]     Sur ce dernier point, il faut souligner que le public est justifié de s’attendre à ce que les personnes non-agronomes soient adéquatement supervisées par un membre de l’Ordre en raison de ses connaissances spécialisées dans le domaine.

[133]     Comme la recommandation conjointe des parties émane de procureurs expérimentés au fait de tous les éléments propres au présent dossier, le Conseil se rallie à leur position étant d’avis qu’une intervention de sa part n’est pas requise en raison du critère applicable en cette matière.

[134]     Au surplus, la sanction recommandée par les parties permet d’atteindre l’ensemble des objectifs visés par le droit disciplinaire.

DÉCISION

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, SÉANCE TENANTE ET UNANIMEMENT, LE 5 DÉCEMBRE 2017 :

[135]     A DÉCLARÉ l’intimé coupable en vertu des articles suivants par chef de la plainte modifiée :

·        Chef 1 : l’article 5 du Code de déontologie des agronomes ;

·        Chef 2 : l’article 28 du Code de déontologie des agronomes ;

·        Chef 3 : l’article 22 du Code de déontologie des agronomes ;

·        Chef 4 : l’article 55 (5) du Code de déontologie des agronomes ;

·        Chef 5 : l’article 55 (6) du Code de déontologie des agronomes ;

·        Chef 6 : l’article 20 du Code de déontologie des agronomes ;

·        Chef 7 : l’article 55 (10) du Code de déontologie des agronomes.

[136]     A ORDONNÉ la suspension conditionnelle des procédures quant aux renvois suivants par chef d’infraction de la plainte modifiée :

·        Chef 1 : l’article 16 du Code de déontologie des agronomes et l’article 59.2 du Code des professions ;

·        Chef 2 : l’article 59.2 du Code des professions ;

·        Chef 3 : l’article 10 du Code de déontologie des agronomes et l’article 59.2 du Code des professions ;

·        Chefs 4, 5 et 6 : l’article 59.2 du Code des professions ;

·        Chef 7 : l’article 66 du Code de déontologie des agronomes et l’article 59.2 du Code des professions.

ET CE JOUR :

[137]     IMPOSE à l’intimé une période de radiation temporaire d’un mois sur chacun des sept chefs d’infraction de la plainte modifiée en plus d’une amende de 2 500 $ à l’égard de chacun de ceux-ci.

[138]     ORDONNE que les périodes de radiation temporaire d’un mois sur chacun des sept chefs d’infraction de la plainte modifiée soient purgées de façon concurrente.

[139]     ORDONNE qu’un avis de la présente décision soit publié dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a son domicile professionnel, conformément à l’article 156 du Code des professions.

[140]     CONDAMNE l’intimé au paiement des déboursés en vertu de l’article 151 du Code des professions incluant les frais liés à la publication d’un avis de la présente décision, et en limitant les frais d’expertise à 9 000 $.

 

__________________________________

Me Myriam Giroux-Del Zotto

Présidente

 

 

 

__________________________________

M. Yvan Beaudin, agronome

Membre

 

 

 

__________________________________

M. Julien Guay, agronome

Membre

 

 

Me Anthony Battah

Avocat du plaignant

 

Me Claude Boucher

Avocat de l’intimé

 

Date d’audience :

5 décembre 2017

 



[2]     Jean-Guy VILLENEUVE, Nathalie DUBÉ et Tina HOBDAY, Delbie DESHARNAIS, François LEBEL et al., Précis de droit professionnel, Éditions Yvon Blais, 2007, p. 242-259.

[3]     Royer c. Chambre de la sécurité financière, J.E. 2004-1486 (C.Q.).

[4]     Arpenteurs-géomètres (Ordre professionnel des) c. Ladouceur, 2006 CanLII 80753 (QC OAGQ).

[5]     Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5.

[6]     Est au même effet : Gagné c. R., 2011 QCCA 2387.

[7]     Langlois c. Dentistes (Ordre professionnel des), paragr. [47], 2012 QCTP 52.

[8]      Sont au même effet: R. c. Douglas (2002) 162 C.C.C. 37 (C.A.Q.); Bazinet c. R., 2008 QCCA 165; Sideris c. R., 2006 QCCA 1351.

[9]      Supra, note 5.

[10]     R. c. Dumont, 2008 QCCQ 9625.

[11]    R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43.

[12]    Lemire c. Médecins, 2004 QCTP 59.

[13]    Bélanger c. Ingénieurs, 2004 QCTP 74.

[14]    2017 QCTP 3.

[15]    Agronomes (Ordre professionnel des) c. Lévesque, 2017 CanLII 66282 (QC AGQ) ; Ordre des agronomes du Québec c. Veilleux, 2013 CanLII 25215 (QC AGQ) ; Agronomes (Ordre professionnel des) c. Dallaire, 2013 CanLII 42921 (QC AGQ) ; Agronomes (Ordre professionnel des) c. Goyette, 2015 CanLII 27129 (QC AGQ).

[16]    Agronomes (Ordre professionnel des) c. Goyette, supra, note 15 ; Agronomes (Ordre professionnel des) c. Dallaire, supra, note 15 ; Ordre des agronomes du Québec c. Veilleux, supra, note 15 ; Agronomes (Ordre professionnel des) c. Lévesque, supra, note 15.

[17]    Agronomes (Ordre professionnel des) c. Robitaille, 2016 CanLII 33225 (QC AGQ) ; Ordre des agronomes du Québec c. Brochu, 2013 CanLII 25214 (QC AGQ).

[18]    R. c. Anthony-Cook, supra, note 11.

[19]    Agronomes (Ordre professionnel des) c. Lévesque, supra, note 15.

[20]    Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Maccabée, 2013 CanLII 99519 (QC CDOIQ) ; Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Gaboriault, 2014 CanLII 93613 (QC CDOIQ) ; Ingénieurs (Ordre professionnel des) c. Viens, 2009 CanLII 92569 (QC CDOIQ) ; Optométristes (Ordre professionnel des) c. Tremblay, 2012 CanLII 79581 (QC OOQ) ; Optométristes (Ordre professionnel des) c. Marchand, 2017 CanLII 20220 (QC OOQ).

[21]    Bion c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 103.

[22]    Agronomes (Ordre professionnel des) c. Lévesque, supra, note 15.

[23]    Agronomes (Ordre professionnel des) c. Goyette, supra, note 15.

[24]    Ordre des agronomes du Québec c. Cadorette, 2013 CanLII 8410 (QC AGQ) ; Agronomes (Ordre professionnel des) c. Joubert, 2015 CanLII 34864 (QC AGQ).

[25]    Ordre des agronomes du Québec c. Veilleux, supra, note 15.

[26]    Bion c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), supra, note 21.

[27]    Optométristes (Ordre professionnel des) c. Marchand, supra, note 20 ; De Broux c. Ingénieurs (Ordre professionnel des), 2016 QCTP 149.

[28]    R. c. Anthony-Cook, supra, note 11.

[29]    Ordre des agronomes du Québec c. Veilleux, supra, note 15.

[30]    Tourigny c. Ingénieurs (Ordre professionnel des), 2007 QCTP 76.

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