Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

De Varennes et Centre de santé Haute-Saint-Charles

2015 QCCLP 4352

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

7 août 2015

 

Région :

Québec

 

Dossier :

534903-31-1402

 

Dossier CSST :

141401505

 

Commissaire :

Sophie Sénéchal, juge administratif

 

Membres :

Normand Beaulieu, associations d’employeurs

 

Sydney Bilodeau, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Josée De Varennes

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Centre Santé Haute-Saint-Charles

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 21 février 2014, madame Josée De Varennes (la travailleuse) conteste à la Commission des lésions professionnelles une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) du 11 février 2014, rendue à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue initialement le 23 octobre 2013 et déclare qu’elle était justifiée de suspendre, du 1er au 21 septembre 2013, le versement de l’indemnité de remplacement du revenu puisque, durant cette période, la travailleuse a, sans raison valable, omis ou refusé d’exécuter le travail que son employeur, Centre de Santé Haute-Saint-Charles, lui a assigné temporairement conformément aux dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[3]           À l’audience tenue le 10 mars 2015 à Québec, la travailleuse et l’employeur sont présents et représentés par procureur. La CSST, dûment intervenue, est représentée par procureure.

[4]           Le dossier est mis en délibéré à compter du 10 mars 2015.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]           La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la CSST n’avait pas à suspendre le paiement de son indemnité de remplacement du revenu pour la période du 1er au 21 septembre 2013, tenant compte de son droit à l’indemnité de remplacement du revenu pour cette période.

LES FAITS

[6]           Du dossier tel que constitué et de la preuve testimoniale et documentaire reçue, le tribunal retient les éléments suivants.

[7]           La travailleuse occupe un poste d’auxiliaire en santé et services sociaux pour le compte de l’employeur.

[8]           Le 30 juin 2013, elle subit un accident du travail. Elle se blesse à l’épaule droite. On retient un diagnostic de tendinite, auquel s’ajoute celui de capsulite.

[9]           Le 2 août 2013, le médecin qui a charge de la travailleuse autorise une assignation temporaire jusqu’à la consolidation de la lésion professionnelle.

[10]        La travailleuse occupe cette assignation temporaire à compter du 9 août 2013 et ce, jusqu’au 1er septembre 2013, à raison de trois demi - journées par semaine.

[11]        À compter du 1er septembre et ce, jusqu’au 21 septembre 2013, la travailleuse est en vacances.

[12]        Le 17 septembre 2013, elle revoit son médecin qui a charge. Il maintient son autorisation pour une assignation temporaire, à raison de cinq demi-journées par semaine.

[13]        Dans le cadre de son témoignage, la travailleuse confirme qu’à son retour au travail le 21 septembre 2013, elle reprend son assignation temporaire et ce, à raison de cinq demi-journées par semaine.

[14]        L’assignation temporaire sera autorisée jusqu’au 28 avril 2014, selon la travailleuse.

[15]        En ce qui a trait à la procédure de vacances, la travailleuse produit un extrait de la convention collective locale sous la pièce T-1 :

21.01                La période située entre le 15 mai et le 15 octobre de chaque année sera considérée comme la période normale pour prendre ses vacances.

 

                        Cependant, la personne salariée pourra prendre ses vacances en dehors de cette période normale, après entente avec l’Employeur, lequel ne peut refuser sans motif valable.

 

21.02                Une personne salariée incapable de prendre ses vacances à la période établie pour raison de maladie, d’accident ou d’accident du travail survenus avant le début de sa période de vacances, peut reporter sa période de vacances à une date ultérieure.

 

                        Toutefois, elle doit en aviser son employeur avant la date fixée pour sa période de vacances, à moins d’impossibilité de le faire résultant de son incapacité physique, auquel cas ses vacances sont reportées automatiquement. Dans ce dernier cas, la personne salariée doit faire la preuve de cette impossibilité résultant de son incapacité physique dès que possible.

 

                        L’Employeur détermine la nouvelle date de vacances au retour de la personne salariée, mais en tenant compte de la préférence exprimée par celle-ci.

 

21.03                L’Employeur affiche, au plus tard le 1er mars, une liste des personnes salariées avec leur ancienneté et le quantum de congé annuel auquel elles ont droit, ainsi qu’une feuille d’inscription.

 

                        La personne salariée y inscrit sa préférence au plus tard le 15 mars.

 

                        La personne salariée qui désire prendre ses vacances en dehors de la période normale de prise de vacances doit en aviser l’Employeur avant le 15 mars et s’entendre avec son employeur quant à la remise de ses vacances en dehors de la période normale, soit du 1er octobre au 15 mai.

 

                        L’employeur ne peut refuser une telle demande sans motif valable.

 

                        Lorsque l’Employeur a accepté que les vacances soient reportées en dehors de la période normale de la prise des vacances, la personne salariée doit indiquer sa préférence au plus tard le 30 septembre.

 

                        Dans tous les cas, l’Employeur détermine la date de congé annuel en tenant compte de la préférence exprimée par les personnes salariées et de leur ancienneté, mais appliquée par titre d’emploi et par service.

 

21.04                Le congé annuel se prend de façon continue, à moins d’entente contraire entre l’Employeur et la personne salariée, auquel cas l’Employeur fournira par écrit à la personne salariée, sur demande, la ou les raisons de son refus.

 

                        La personne salariée peut choisir de prendre une semaine de congé annuel de manière fractionnée, auquel cas ces journées sont prises en dehors de la période normale de congé annuel.

 

                        Cependant, la personne salariée ayant droit à plus de vingt (20) jours ouvrables de congé annuel peut prendre les journées additionnelles de façon discontinue en dehors de la période normale de congé annuel.

 

                        Il est loisible à deux (2) personnes salariées occupant un même titre d’emploi, travaillant dans un même service et bénéficiant du même nombre de jours de vacances, d’échanger entre elles leur congé annuel avec le consentement de leur supérieur immédiat, lequel ne peut refuser sans motif valable.

                      

                       [nos soulignements]

 

 

[16]        Aux fins de déterminer sa période de vacances, la travailleuse a donc suivi cette procédure. En mars 2013, son superviseur affiche une feuille sur laquelle la travailleuse indique trois semaines de vacances (1, 8 et 15 septembre 2013). Il s’agit du formulaire déposé sous E-3.

[17]        À la suite de sa lésion professionnelle du 30 juin 2013, sa chef d’équipe communique avec elle afin de lui offrir le report de ses vacances, comme le prévoit la convention collective (E-1). La travailleuse mentionne toutefois ne pas avoir reçu le formulaire de report de vacances.

[18]        Elle précise qu’elle n’a pas reporté ses vacances prévues du 1er au 21 septembre 2013 puisqu’elle avait déjà planifié un déplacement en Abitibi au cours de cette période. À la suite de ce refus de report de vacances, elle n’a aucune autre nouvelle de la part de son employeur.

[19]        Questionnée par le procureur de l’employeur, la travailleuse précise qu’à la suite de sa lésion professionnelle du 30 juin 2013, elle reçoit une indemnité de remplacement du revenu. Cette indemnité de remplacement du revenu est suspendue à partir du moment où elle occupe une assignation temporaire et que son employeur lui verse son salaire.

[20]        Ainsi, du 9 août 2013 au 28 avril 2014, elle n’a reçu aucune indemnité de remplacement du revenu, mais plutôt son salaire régulier.

[21]        Le tribunal a entendu le témoignage de monsieur Étienne Vachon-Michaud, conseiller en ressources humaines.

[22]        Il vient confirmer la procédure de choix de vacances annuelles prévue à la convention collective et la possibilité d’un report, selon certaines conditions.

[23]        Enfin, le tribunal a entendu le témoignage de madame Marie-Josée Hammond, conseillère en gestion des ressources humaines et en gestion des invalidités.

[24]        Elle confirme la procédure de report de vacances prévue à la convention collective. De plus, elle produit, sous E-4, un document remis aux personnes se retrouvant en invalidité. Ce document informe de la marche à suivre pour la gestion de leur dossier.

[25]        Elle confirme que l’employeur a versé à la travailleuse son salaire régulier du 9 août 2013 au 28 avril 2014 et qu’au cours de la période du 1er au 21 septembre 2013, elle a reçu sa paie de vacances. Elle produit, sous E-2, des talons de chèque de paie de la travailleuse pour la période du 1er au 21 septembre 2013.

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[26]        Le procureur de la travailleuse plaide que celle-ci a droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’au moment de la consolidation de sa lésion professionnelle. Pour la période du 1er au 21 septembre 2013, la CSST n’avait pas à suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu en vertu de l’article 142 de la loi. La travailleuse a droit de recevoir cette indemnité de remplacement du revenu en raison de la cessation de l’assignation temporaire. Il ne s’agit pas d’une double rémunération[2].

[27]        Le procureur de l’employeur plaide que la travailleuse bénéficiait d’une assignation temporaire du 9 août 2013 au 28 avril 2014. Pendant cette période, elle reçoit son salaire, selon l’article 180 de la loi. Du 1er au 21 septembre 2013, l’employeur verse la paie de vacances à la travailleuse. Il n’y a pas lieu de reprendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour cette même période. La travailleuse demeure à la charge de l’employeur en vertu de l’article 180 de la loi[3].

[28]        Pour sa part, la procureure de la CSST plaide que celle-ci était justifiée de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à la travailleuse pour la période du 1er au 21 septembre 2013. La travailleuse n’était pas disponible pour occuper l’assignation temporaire autorisée et disponible, par choix personnel. Il ne s’agit pas d’une procédure rétroactive, puisque l’indemnité de remplacement du revenu n’a pas été versée à la travailleuse[4].

L’AVIS DES MEMBRES

[29]        Le membre issu des associations d’employeurs serait d’avis de rejeter la requête de la travailleuse. D’emblée, il est d’avis qu’il ne s’agit pas d’une question de suspension du paiement de l’indemnité de remplacement du revenu au sens de l’article 142 de la loi. Il estime plutôt que la CSST n’avait pas à reprendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 1er au 21 septembre 2013. L’employeur, conformément à l’article 180 de la loi, versait à la travailleuse son salaire et les avantages liés à son emploi depuis le 9 août 2013 et ce, jusqu’au 28 avril 2014, en raison d’une assignation temporaire autorisée et toujours disponible.

[30]        Le membre issu des associations syndicales serait plutôt d’avis d’accueillir la requête de la travailleuse. La CSST n’avait pas à suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 1er au 21 septembre 2013. La travailleuse avait droit d’une part, de recevoir sa paie de vacances et d’autre part, à la reprise du versement de l’indemnité de remplacement du revenu, en raison de la cessation de l’assignation temporaire. Son droit à l’indemnité de remplacement du revenu demeure jusqu’au moment de la consolidation de sa lésion professionnelle.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[31]        Le tribunal doit déterminer s’il y a lieu de reprendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 1er au 21 septembre 2013, correspondant à la période de vacances annuelles de la travailleuse, alors qu’elle bénéficie d’une assignation temporaire en vertu des articles 179 et suivants de la loi.

[32]        En ce qui concerne le droit à l’indemnité de remplacement du revenu, il importe de rappeler les dispositions suivantes :

44.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.

 

Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement.

__________

1985, c. 6, a. 44.

 

 

46.  Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée.

__________

1985, c. 6, a. 46.

 

 

57.  Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu s'éteint au premier des événements suivants :

 

1° lorsque le travailleur redevient capable d'exercer son emploi, sous réserve de l'article 48;

 

2° au décès du travailleur; ou

 

3° au soixante-huitième anniversaire de naissance du travailleur ou, si celui-ci est victime d'une lésion professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 64 ans, quatre ans après la date du début de son incapacité d'exercer son emploi.

__________

1985, c. 6, a. 57.

 

 

132.  La Commission cesse de verser une indemnité de remplacement du revenu à la première des dates suivantes :

 

1° celle où elle est informée par l'employeur ou le travailleur que ce dernier a réintégré son emploi ou un emploi équivalent;

 

2° celle où elle reçoit du médecin qui a charge du travailleur un rapport indiquant la date de consolidation de la lésion professionnelle dont a été victime le travailleur et le fait que celui-ci n'en garde aucune limitation fonctionnelle, si ce travailleur n'a pas besoin de réadaptation pour redevenir capable d'exercer son emploi.

 

Cependant, lorsque le délai pour l'exercice du droit au retour au travail du travailleur est expiré à la date de consolidation de sa lésion, la Commission cesse de verser l'indemnité de remplacement du revenu conformément à l'article 48.

__________

1985, c. 6, a. 132.

 

 

142.  La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :

 

1° si le bénéficiaire :

 

a)  fournit des renseignements inexacts;

 

b)  refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;

 

2° si le travailleur, sans raison valable :

 

a)  entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;

 

b)  pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;

 

c)  omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;

 

d)  omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;

 

e)  omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180;

 

f)  omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274.

__________

1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.

 

[nos soulignements]

 

 

[33]        Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion (article 44). Le droit à l’indemnité de remplacement du revenu est donc intimement lié à l’incapacité du travailleur, en raison de sa lésion. Tant et aussi longtemps que cette lésion professionnelle n’est pas consolidée, le travailleur est donc présumé incapable d’exercer son emploi (article 46). Son droit s’éteint toutefois lorsqu’il redevient capable d’exercer son emploi (article 57).

[34]        Bien que le travailleur ait le droit à une indemnité de remplacement du revenu, celle-ci peut être cessée (article 132) ou son paiement réduit ou suspendu (article 142). Dans le premier cas, en raison du fait que l’on est en mesure de constater sa capacité alors que dans le second cas, l’on constate plutôt un manquement, indépendamment de sa capacité, auquel on veut qu’il soit remédié.

[35]        Ceci étant, en attendant qu’un travailleur redevienne capable d’exercer son emploi (ou un emploi convenable), le législateur a prévu une procédure d’assignation temporaire :

179.  L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que :

 

1° le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;

 

2° ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et

 

3° ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.

 

Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.

__________

1985, c. 6, a. 179.

 

 

[36]        Même si la lésion professionnelle n’est pas consolidée, l'employeur peut assigner temporairement un travail à un travailleur, en attendant que ce dernier redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable.

[37]        Pour ce faire, il faut toutefois que le médecin qui a charge croit que le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail, que ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion et que ce travail est favorable à sa réadaptation.

[38]        Il appartient alors à l’employeur, de verser au travailleur, le salaire et les avantages liés à son emploi (qu’il occupait lorsque s’est manifestée la lésion professionnelle) :

180.  L'employeur verse au travailleur qui fait le travail qu'il lui assigne temporairement le salaire et les avantages liés à l'emploi que ce travailleur occupait lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle et dont il bénéficierait s'il avait continué à l'exercer.

__________

1985, c. 6, a. 180.

 

 

[39]        L’article 180 de la loi accorde au travailleur, assigné temporairement, le droit d’exiger de son employeur le salaire et les avantages qu’il toucherait s’il avait continué à exercer l’emploi qu’il occupait au moment où il a subi sa lésion professionnelle[5].

[40]        Le salaire est une prestation versée par l’employeur au travailleur en contrepartie de son travail. Tant la rémunération des heures régulières que celles des heures supplémentaires, quand il y a lieu, constituent du salaire et ces heures doivent être travaillées. Par ailleurs, les avantages liés à l’emploi, qu’on qualifie à l’occasion de salaire indirect, sont tout ce qui vient s’ajouter au salaire, notamment les régimes d’assurance et de retraite, les vacances, les primes, ou le logement[6].

[41]        Avec ce que prévoit l’article 180, le travailleur devient en quelque sorte à la charge de son employeur, comme le souligne d’ailleurs certaines décisions citées par le procureur de l’employeur[7]. Durant cette prise en charge, l’employeur doit verser au travailleur le salaire et les avantages liés à l’emploi que le travailleur occupait au moment de la lésion professionnelle, de la même manière que s’il continuait à l’exercer. Ce faisant,  si le travailleur occupe un emploi différent de celui qu’il exerce habituellement, l’article 180 exige qu’on le traite tout comme s’il continuait d’exercer son emploi avec tous les droits et privilèges reliés à celui-ci.

[42]        Un travailleur en assignation temporaire est donc traité de la même façon que les autres travailleurs de l’employeur. Il est soumis aux dispositions de la convention collective, le cas échéant, qui règlementent les conditions de travail de tous les employés syndiqués[8].

[43]        Ceci étant, l’assignation temporaire n’éteint pas le droit à l’indemnité de remplacement du revenu. Ce droit persiste. L’assignation temporaire autorisée et disponible va plutôt affecter le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu, en ce que celle-ci ne sera pas versée ou versée que partiellement, selon le cas.  

[44]        Ce raisonnement s’inspire de l’article 52 de la loi, en y faisant les adaptations nécessaires :

52.  Malgré les articles 46 à 48 et le deuxième alinéa de l'article 49, si un travailleur occupe un nouvel emploi, son indemnité de remplacement du revenu est réduite du revenu net retenu qu'il tire de son nouvel emploi.

__________

1985, c. 6, a. 52.

 

 

[45]        Le travailleur n’occupe pas un nouvel emploi au sens propre du terme, mais il occupe un emploi qu’on lui assigne temporairement et qui lui procure un salaire et des avantages liés à son emploi (qu’il occupait au moment de sa lésion professionnelle). L’indemnité de remplacement du revenu est donc réduite du revenu qu’il tire de l’assignation temporaire. Ce peut être la totalité ou plus, comme ce peut être moins. On comprend donc que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu peut être cessé complètement ou partiellement.

[46]        Si l’assignation temporaire cesse, parce qu’elle n’est plus autorisée ou qu’elle n’est plus disponible, et que le travailleur ne reçoit plus le salaire et les avantages liés à son emploi, il est alors compréhensible que l’indemnité de remplacement du revenu soit réajustée en conséquence.

[47]        Par conséquent, en période d’assignation temporaire autorisée et disponible, le droit à l’indemnité de remplacement du revenu d’un travailleur n’est pas éteint au sens de l’article 57. Le versement de cette indemnité de remplacement du revenu n’est pas non plus cessé au sens de l’article 132 ni suspendu au sens de l’article 142. Le travailleur reçoit plutôt son salaire et les avantages liés à son emploi en vertu de l’article 180, faisant en sorte que son indemnité de remplacement du revenu est réduite en conséquence.

[48]        Dans la cause sous étude, la travailleuse subit une lésion professionnelle le 30 juin 2013, à la suite de laquelle on lui reconnaît son droit à l’indemnité de remplacement du revenu.

[49]        À compter du 9 août 2013, avec l’autorisation de son médecin qui a charge, la travailleuse bénéficie d’une assignation temporaire. La preuve soumise permet de constater que l’employeur lui paie alors son salaire et les avantages liés à son emploi et que tel sera le cas jusqu’au 28 avril 2014, date de la consolidation. L’assignation temporaire est donc autorisée jusqu’à la consolidation de la lésion professionnelle.

[50]        Par ailleurs, la preuve révèle également qu’à compter du 1er septembre 2013 et ce, jusqu’au 21 septembre 2013, la travailleuse prend ses vacances annuelles.

[51]        Elle cesse donc de travailler le 1er septembre pour bénéficier de ses trois semaines de vacances. Et comme il se doit, l’employeur lui verse sa paie pour cette période de vacances.

[52]        La CSST informe la travailleuse qu’elle suspend le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu du 1er au 21 septembre 2013, en vertu de l’article 142 de la loi. En fait, elle refuse de reprendre le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu, laquelle n’est plus versée depuis le 9 août 2013.

[53]        La travailleuse réclame donc le paiement de son indemnité de remplacement du revenu pour la période du 1er au 21 septembre 2013, invoquant principalement son droit à l’indemnité de remplacement du revenu.

[54]        Des décisions de la Commission des lésions professionnelles citées par le procureur de la travailleuse, dont celle rendue dans l’affaire Fontaine et Transport Guilbault inc.[9], concluent effectivement qu’il y a lieu de verser l’indemnité de remplacement du revenu dans un tel contexte :

 

[30]      Pendant l’assignation temporaire, le droit à l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur n’est pas éteint. Il est en quelque sorte suspendu. C’est pourquoi la jurisprudence majoritaire3 considère que lorsqu’une entreprise ferme ses portes pour les vacances annuelles ou pour des congés fériés, le travailleur en assignation temporaire recouvre son droit à l’indemnité de remplacement du revenu. Aucune des causes d’extinction de ce droit n’est présente.

 

[31]      L’assignation temporaire n’étant plus disponible, le travailleur a droit à son indemnité de remplacement du revenu, et ce, même s’il touche une paie de vacances. La jurisprudence considère qu’il ne s’agit pas là d’une double indemnisation en s’appuyant sur un arrêt de la Cour d’appel, Kraft limitée et Commission des normes du travail4, qui a conclu que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu et la paie de vacances sont des indemnités versées en vertu de lois différentes, pour des raisons différentes, par des créanciers différents.

 

 

[32]      Doit-on faire une distinction entre cette situation (entreprise fermée pour la période des vacances) et la présente où le travailleur a choisi de prendre une semaine de vacances?

 

 

[…]

 

 

[35]      Certes dans le présent cas, contrairement à l’autre situation, l’assignation temporaire est toujours disponible et offerte. Cependant, le Tribunal ne voit pas en quoi cela peut influer sur le droit à l’indemnité de remplacement du revenu.

 

 

[36]      Le droit à l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur n’est pas éteint. Sa lésion professionnelle n’est pas consolidée et il est toujours présumé incapable d’exercer son emploi.

 

_____

3               Voir les décisions récentes : R.P.M. Tech inc. et Blanchette, C.L.P » 361579-04B-0810, 4 février 2009, A. Quigley; Claude Forget (1979) inc. et Millette, C.L.P. 353251-64-0807, 29 juillet 2009, D. Armand.

4              [1989] R.J.Q. 2678 (C.A.)

 

 

[nos soulignements]

 

 

[55]        Le présent tribunal souscrit au fait que le droit à l’indemnité de remplacement du revenu n’est pas éteint et qu’il est en quelque sorte « suspendu », bien qu’il s’agisse davantage d’une réduction plus que d’une suspension, et qu’on ne parle pas de double indemnisation.

[56]        Cependant, lorsque l’assignation demeure autorisée, disponible et que la travailleuse cesse de travailler pour bénéficier de sa période de vacances annuelles, il n’y a pas lieu de reprendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu. L’employeur continue de prendre en charge la travailleuse en vertu de l’article 180 de la loi et de lui verser ses avantages liés à son emploi, y incluant sa paie de vacances. À moins que la travailleuse ne démontre que cette paie de vacances est moindre que l’indemnité de remplacement du revenu qui lui serait autrement versée.

[57]        C’est d’ailleurs un raisonnement semblable qu’avait adopté la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Papa et Manufacturier de Bas Siebruck ltée[10] :

[24]      Dans le présent cas, à la lumière des informations contenues au dossier, dans la mesure où la travailleuse n’est pas mise à pied mais prend sa période de vacances, c’est à son employeur de lui verser la paye de vacances à laquelle elle a droit en vertu de son contrat de travail.  L’employeur a l’obligation de le faire en vertu de l’article 180 de la loi.  D’après les informations contenues aux notes évolutives, la travailleuse aurait reçu sa paye de vacances.

 

[25]      N’eut été de la période de vacances, la travailleuse aurait continué à faire le travail qui lui était assigné temporairement.   Cette assignation, valablement faite et non contestée par la travailleuse, continue de régir la situation des parties et ce, malgré une période de vacances.  La travailleuse n’a donc pas droit à l’indemnité de remplacement du revenu.

 

[nos soulignements]

 

 

[58]        Rappelons qu’en mars 2013, comme le prévoit la convention collective, la travailleuse est invitée à choisir sa période de vacances annuelles. Son choix s’est alors arrêté sur la période du 1er au 21 septembre 2013. Ce choix est validé par l’employeur. À la suite de sa lésion professionnelle, comme le prévoit la convention collective, l’employeur offre à la travailleuse la possibilité de reporter sa période de vacances annuelles à une autre période, en raison de sa lésion professionnelle. La travailleuse préfère ne pas reporter ses vacances, décision qui lui appartient.

[59]        Par ailleurs, depuis le 9 août 2013, une assignation temporaire est autorisée, disponible et en cours. Le 1er septembre 2013, cette assignation est toujours autorisée et disponible par contre, comme prévu aux avantages liés à son emploi, la travailleuse cesse de travailler pour bénéficier de sa période de vacances annuelles. Et pour de telles vacances, elle reçoit la paie prévue en conséquence. À la suite de son retour de vacances, l’employeur continue de lui verser son salaire régulier et tous ses avantages et ce, jusqu’au 28 avril 2014.

[60]        À compter du 9 août 2013 et ce, jusqu’au 28 avril 2014, il y a une assignation temporaire autorisée et disponible. Le 1er septembre 2013, il n’y a pas de cessation de cette assignation temporaire. À partir de cette date, la travailleuse cesse de travailler pour profiter d’un des avantages liés à son emploi, comme le lui garantit l’article 180 de la loi.

[61]        Sur cet aspect, il s’avère pertinent de référer aux propos livrés par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Renaud et Bombardier Aéronautique inc. Cette décision concerne un congé férié plutôt qu’une période de vacances annuelles, mais le principe qui s’en dégage demeure pertinent quant au fait qu’il n’y a pas, en tant que tel, cessation de l’assignation temporaire:

[87]      La Commission des lésions professionnelles comprend de cette preuve que le travailleur, en assignation temporaire avant et après le congé des fêtes, ne cesse pas d’être en assignation temporaire pendant ce congé ou durant tout autre congé férié. En effet, son médecin ne met pas fin à cette assignation. De plus, l’employeur ne prétend aucunement qu’il n’a plus de travail à confier au travailleur.

 

[88]      En fait, le travailleur, comme tous les autres employés, jouit d’un des avantages prévus à la convention collective, à savoir un congé férié payé équivalant à plus d’une semaine de travail, et l’employeur lui verse le salaire relié à cet avantage.

 

[89]      La Commission des lésions professionnelles ne peut donc conclure qu’il y a, dans ce cas précis, interruption de l’assignation temporaire. Le travailleur bénéficie plutôt, durant la période pertinente, des avantages prévus à la convention collective. Il reçoit une rémunération identique à celle qu’il aurait perçue s’il était resté au travail sans accuser aucune perte.

 

[nos soulignements]

 

 

[62]        En présence d’une assignation temporaire autorisée et disponible, lorsque la travailleuse reçoit de son employeur le salaire et les avantages liés à son emploi, y compris sa paie de vacances, le tribunal ne voit pas pour quelles raisons il y aurait reprise du versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour la même période. À moins qu’il soit mis en preuve que pendant cette période de vacances, la paie qu’on lui verse est moindre que le montant de l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle elle a droit[11]. Tel n’est pas le cas

[63]        Il ne s’agit pas d’une question de cessation du droit à l’indemnité de remplacement du revenu concernant les articles 57 ou 132 ou d’une suspension de son paiement visée à l’article 142 de la loi. Le tribunal est plutôt d’avis qu’en raison de l’assignation temporaire autorisée et toujours disponible pour la période en cause, la travailleuse demeure à la charge de l’employeur en vertu de l’article 180 de la loi. Ce dernier lui verse donc non seulement le salaire mais aussi les avantages liés à son emploi, ce qui inclut le fait de pouvoir bénéficier de sa période de vacances annuelles choisie selon les dispositions de sa convention collective et de la paie qui en découle.

[64]        Par conséquent, le tribunal conclut qu’il n’y a pas lieu de verser à la travailleuse, en plus du salaire et des avantages liés à son emploi, une indemnité de remplacement du revenu pour la période correspondant à celle de ses vacances annuelles du 1er au 21 septembre 2013.

           

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête déposée le 21 février 2014 par madame Josée De Varennes;

CONFIRME, pour d’autres motifs, la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du 11 février 2014, rendue à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE qu’il n’y a pas lieu de reprendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 1er au 21 septembre 2013.

 

 

 

__________________________________

 

SOPHIE SÉNÉCHAL

 

 

 

Me Pier-Olivier Angers

C.S.N.

Représentant de la partie requérante

 

 

 

Me Simon Kearney

CAIN LAMARRE CASGRAIN WELLS

Représentant de la partie intéressée

 

 

Me Marily Larivière

PAQUET THIBODEAU BERGERON

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           RLRQ, c. A-3.001.

[2]           Fontaine et Transport Guilbault inc., C.L.P. 371430-61-0903, 4 décembre 2009, L. Nadeau; Côté et Uniboard Canada inc. et CSST, C.L.P. 365364-01A-0812, 3 août 2009, G. Marquis; Centre Jeunesse Québec et Richard, 2014 QCCLP 4298; Westroc inc. et Beauchamp, C.L.P. 152387-62-0012, 15 mai 2001, L. Vallières; Richer et Ville de St-Hubert, C.A.L.P. 13264-62-8908, 23 janvier 1990, R. Brassard.

[3]           Vêtements Golden Brand Canada ltée et Cardenas, C.L.P. 187742-72-0207-c, 14 mars 2005, M. Denis; Renaud et Bombardier Aéronautique inc., 2013 QCCLP 916; Bridgestone Firestone Canada inc. et Perreault, C.A.L.P. 43344-63-9208, 29 août 1995, G. Robichaud; Papa et Manufacturier de bas Siebruck ltée, C.L.P. 135520-71-0004, 12 septembre 2000, Anne Vaillancourt; Langlois et Lambert Somec inc., C.L.P. 107952-72-9812, 29 juillet 1999, L. Landriault; Papiers Scott ltée et Joly, C.L.P. 198781-07-0302, 9 octobre 2003, M. Langlois; Papiers Scott ltée et Bertrand, C.L.P. 164098-07-0106, 6 mars 2002, M. Langlois; Papiers Scott, C.L.P. 146497-07-0009, 10 juillet 2001, M. Denis; Lussier et EMA Design inc., C.L.P. 292727-62A-0606, 28 août 2007, J. Landry.

[4]           Nadeau et Matériaux Blanchet inc. et CSST, C.L.P. 141422-08-0006, 4 octobre 2000, A. Suicco.

[5]           Abitibi Price inc. et Gaétan Bergeron et C.S.S.T., C.L.P. 19853-02-9006, 14 février 1992, J.-G. Roy.

[6]           Sauvé et Groupe Cascades inc., 182070-64-0204, 14 mai 2003, G. Perreault; Minéraux Noranda inc. et Arcand [1993] C.A.L.P. 232; Aliments Lesters Ltée et Boisjoli, C.L.P. 149228-61-0010, 26 juin 2001, S. Di Pasquale; Olymel Princeville et Marco Leblanc, C.L.P. 121339-04B-9907, 16 octobre 2001, L. Collin.

[7]           Voir Renaud et Bombardier Aéronautique inc., précitée note 3.

[8]           Voir Vêtement Golden Brand Canada ltée et Pendino, précitée note 3.

[9]           Précitée note 2.

[10]         Précitée note 3.

[11]         Demix/Béton Agrégats et Wilford, C.L.P. 148212-62A-0010, 2 octobre 2001, R. Hudon.

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