Lauzon c. Municipalité régionale de comté (MRC) de Deux-Montagnes |
2019 QCCS 4650 |
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COUR SUPÉRIEURE |
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(Action collective) |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-06-000998-191 |
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DATE : |
7 novembre 2019 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
Donald Bisson, J.C.S. |
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RICHARD LAUZON |
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Demandeur |
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c. |
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MUNICIPALITÉ RÉGIONALE DE COMTÉ (MRC) DE DEUX-MONTAGNES |
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VILLE DE SAINTE-MARTHE-SUR-LE-LAC |
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PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC |
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Défenderesses |
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JUGEMENT SUR DEMANDES PRÉLIMINAIRES POUR PREUVE APPROPRIÉE ET EN REJET |
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[1] Le présent jugement dispose des demandes préliminaires pour preuve appropriée présentées par les trois défenderesses et de la demande en irrecevabilité de la défenderesse Ville de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, le tout dans le cadre d’une demande d’autorisation d’exercer une action collective déposée par le demandeur M. Richard Lauzon. Ce dernier s’adresse au Tribunal pour être autorisé à exercer une action collective en dommages-intérêts compensatoires et en dommages punitifs contre les trois défenderesses pour son compte et le compte du groupe qu’il définit comme suit :
« Toute personne physique majeure et/ou émancipée et toute personne morale, propriétaire, locataire ou résidante de la municipalité régionale de comté de Deux-Montagnes (MRC) (dans ses 7 municipalités), Québec, au voisinage des berges et rives du lac des Deux-Montagnes et/ou de la rivière de l’Outaouais qui a été inondée en avril et mai 2019, soit par la rupture de la digue de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, soit par la brusque montée des eaux du lac et la crue qui en a résulté.
Les personnes concernées détiennent ou occupent un bâtiment construit légalement ou un terrain, envahi par l’eau du lac voisin des Deux-Montagnes et/ou de la rivière de l’Outaouais. »[1]
[2] Comme le prévoit la directive 230 des Directives de la Cour supérieure pour le district de Montréal en matière de demandes préliminaires présentées avant l’audition d’une demande d’exercer une action collective, les demandes préliminaires dont le présent jugement dispose n’ont pas fait l’objet d’une audition en salle d’audience, mais sont décidées sur dossier par le Tribunal.
[3] Dans sa Demande d’autorisation, le demandeur allègue qu’il est propriétaire de deux résidences situées sur le territoire de la défenderesse Ville de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, laquelle fait partie de la défenderesse Municipalité régionale de comté (MRC) de Deux-Montagnes. Selon le demandeur, il occupe lui-même l’une des résidences et il loue l’autre à un tiers. Il allègue que ces deux résidences ont été inondées en avril 2019 par une brusque montée des eaux, causant des dommages aux biens y étant contenus et aux immeubles eux-mêmes, ainsi que des dommages moraux. Il allègue que les membres du groupe ont eux aussi subi les mêmes dommages.
[4] Le demandeur tient la Ville, la MRC et la défenderesse Procureure générale du Québec (« PGQ ») responsables de ces préjudices sur les bases suivantes :
1) Au paragraphe 19 de la Demande d’autorisation : Quant à la MRC et la PGQ, il y aurait responsabilité sans faute liée aux troubles anormaux de voisinage, en vertu de l’article 976 du Code civil du Québec (le « CcQ »). S’agissant d’une question de voisinage du Lac des Deux-Montagnes et/ou de la rivière de l’Outaouais, les conséquences des inondations récurrentes dépassent les inconvénients normaux du voisinage et excèdent les limites de la tolérance que se doivent les voisins;
2) Au paragraphe 20 de la Demande d’autorisation : Quant à la Ville, il y aurait responsabilité sans faute aux termes de l’article 976 CcQ en raison du bris de la digue de protection voisine du demandeur et des membres du groupe proposé;
3) Aux paragraphes 22 et 25(h) de la Demande d’autorisation : Il y aurait violation par les trois défenderesses du droit à la vie et à la sûreté de la personne du demandeur et des membres du groupe proposé, droits garantis en vertu de l’article 1 de la Charte des droits et libertés de la personne[2] (la « Charte québécoise ») et de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés[3] (« la Charte canadienne »);
4) Aux paragraphes 21 et 25(h) de la Demande d’autorisation : Il y aurait violation par les trois défenderesses du droit à la jouissance paisible de leurs biens du demandeur et des membres du groupe proposé, droit garanti en vertu de l’article 6 de la Charte québécoise;
5) Aux paragraphes 23 et 24 de la Demande d’autorisation : Il y aurait responsabilité extracontractuelle de la part des trois défenderesses :
5.1. Quant à la MRC et à la PGQ, il y aurait négligence, omission et non-respect du principe de précaution des gardiens et propriétaires du Lac des Deux-Montagnes et/ou de la rivière de l’Outaouais, en n’ayant pas anticipé la crue récurrente ni mis en œuvre les moyens nécessaires pour mitiger les risques, en réparant la digue de Sainte-Marthe-sur-le-lac et ne mettant pas en œuvre la nécessaire protection ainsi que le contrôle et l’entretien indispensable des rives et du lit du Lac des Deux-Montagnes et/ou de la rivière de l’Outaouais;
5.2. Quant à la Ville, il y aurait négligence, omission et non-respect du principe de précaution en n’ayant pas engagé les travaux nécessaires pour éviter la catastrophe et le mauvais état de la digue de protection;
6) Paragraphe 25(j), 28, 31, 70 et 72 de la Demande d’autorisation : Le demandeur réclame des dommages punitifs en vertu de l’article 49 de la Charte québécoise, vu qu’il y aurait atteinte illicite et intentionnelle aux articles 1 et 6 de la Charte québécoise par les trois défenderesses.
[5] Les dommages réclamés par le demandeur sont des dommages compensatoires matériels et moraux (paragraphes 12 et 21 de la Demande d’autorisation), ainsi que des dommages punitifs en vertu de la Charte québécoise.
[6] Le demandeur ne soumet aucune pièce au soutien de la Demande d’autorisation.
[7] Dans sa demande en irrecevabilité, la Ville soumet que la Demande d’autorisation du demandeur est irrecevable et doit être rejetée puisque celle-ci a été déposée prématurément, en contravention aux exigences de la Loi sur les cités et villes[4] (la « LCV »), le demandeur ayant déposé sa Demande d’autorisation à l’intérieur du délai de quinze jours. Le demandeur conteste cette demande en irrecevabilité au motif que les délais prévus dans la LCV ont été respectés et que, de façon subsidiaire, un tel avis n’était pas requis dans les circonstances.
[8] Dans sa demande pour preuve appropriée à l’étape de l’autorisation d’exercer une action collective, la Ville souhaite déposer une preuve documentaire sur l’origine des inondations ayant affecté les membres du groupe. La Ville demande également l’autorisation de présenter une preuve documentaire portant sur la propriété de la digue, en lien avec les allégations de contraintes excessives de voisinage faites par le demandeur. La Ville désire enfin procéder à l’interrogatoire du demandeur afin de permettre au Tribunal d’évaluer si les critères des deuxième et quatrième paragraphes de l’article 575 du Code de procédure civile (« Cpc ») sont rencontrés.
[9] Dans sa demande pour preuve appropriée à l’étape de l’autorisation d’exercer une action collective, la MRC désire déposer en preuve deux conventions, visant à démontrer le contexte ayant entouré la décision d’ériger la digue ainsi que la mise en œuvre de sa construction et de son entretien. Selon la MRC, ces documents démontrent l’absence d’implication de la MRC non seulement à l’égard de la construction de la digue, mais également en ce qui a trait à son entretien.
[10] Dans sa demande pour preuve appropriée à l’étape de l’autorisation d’exercer une action collective, la PGQ désire mettre en preuve les éléments suivants, afin de démontrer l’absence de syllogisme juridique valide du demandeur : des documents portant sur la propriété de la digue et sur les droits et obligations l’entourant; des données relatives aux crues et inondations; les actes de vente par lesquels le demandeur est devenu propriétaire de ses deux immeubles situés dans la Ville; des cartes des zones inondables; et des documents de réclamation remplis par le demandeur. La PGQ désire enfin interroger le demandeur sur ses propriétés, sur la crue de 2019 et sur des détails relatifs au groupe proposé.
[11] En réponse aux trois demandes pour preuve appropriée, le demandeur accepte le dépôt de quelques documents mais conteste le dépôt des autres, au motif qu’ils visent le mérite du dossier. Le demandeur consent aux demandes d’interrogatoire, sauf pour un élément spécifique requis par la Ville.
[12] Le Tribunal doit donc décider des questions suivantes :
· Quel est le sort de la demande en irrecevabilité de la Ville?
· Quel est le sort des trois demandes pour preuve appropriée?
[13] Le Tribunal aborde en premier la demande en irrecevabilité, suivi des demandes pour preuve appropriée.
[14] Dans sa demande en irrecevabilité, la Ville demande le rejet de la Demande à son endroit pour les motifs suivants :
7. La Ville soumet que la Demande en autorisation est irrecevable et doit être rejetée puisque celle-ci a été déposée prématurément, en contravention aux exigences de la Loi sur les cités et villes, RLRQ c C-19 (LCV);
8. L’article 585(3) LCV prévoit qu’aucune action ne peut être intentée à l’encontre d’une municipalité avant l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la transmission d’un avis écrit à la municipalité, informant cette dernière de l’intention d’une personne d’intenter une poursuite;
9. La Demande en autorisation est fondée sur l’inondation des résidences du Demandeur en avril 2019, tel qu’il appert de deux (2) courriels envoyés par Me Gérard Samet, procureur du Demandeur, à Me Marie-Josée Russo, greffière et responsable des services juridiques de la Ville, soit le courriel envoyé le 13 mai 2019 à 23h44, communiqué au soutien des présentes comme pièce DI-1, et le courriel envoyé le 14 mai 2019 à 00h14 ainsi que ses pièces jointes, notamment des avis de réclamation transmis à la Ville, communiqués en liasse au soutien des présentes comme pièce DI-2;
10. Or, selon la partie demanderesse, la rupture de la Digue s’est produite le 27 avril 2019 autour de 19 heures et cette rupture serait la cause de l’inondation, tel qu’il appert des pièces DI-1 et DI-2;
11. En déposant sa Demande en autorisation le 10 mai 2019, le Demandeur n’a pas attendu l’expiration du délai de 15 jours prescrit par l’article 585(3) LCV;
12. En effet, même en calculant le délai de 15 jours à compter du 27 avril 2019, soit le jour de la rupture de la Digue selon les avis de réclamation transmis comme pièce DI-2, ce délai aurait expiré le 12 mai 2019, soit après la date du dépôt de la Demande en autorisation;
13. En d’autres termes, même si un avis de réclamation avait été reçu par la Ville au moment exact de la rupture de la Digue, l’action intentée par le Demandeur aurait quand même été prématurée;
14. Compte tenu de ce qui précède, le Demandeur n’avait donc pas acquis le droit d’agir contre la Ville en date du 10 mai 2019, au moment où il a déposé la Demande en autorisation;
15. Ayant agi avant que son droit d’action statutaire n’existe, le Demandeur n’avait pas d’intérêt pour agir et cette absence d’intérêt est fatale pour son recours et doit mener au rejet de la Demande en autorisation intentée à l’encontre de la Ville.
[15] Cette demande est présentée en vertu du paragraphe 3 du premier alinéa de l’article 168 Cpc portant sur le manque d’intérêt du demandeur et en vertu de l’article 585 LCV. Elle est accompagnée d’une déclaration sous serment du 10 octobre 2019 de Me Marie-Josée Russo, greffière et responsable des services juridiques de la Ville, ainsi que des deux pièces suivantes :
· Courriel envoyé par Me Gérard Samet, avocat du demandeur, à Me Marie-Josée Russo, greffière et responsable des services juridiques de la Ville, le 13 mai 2019 à 23h44 (Pièce DI-1);
· Courriel envoyé par Me Gérard Samet, avocat du demandeur, à Me Marie-Josée Russo, greffière et responsable des services juridiques de la Ville, le 14 mai 2019 à 00h14 ainsi que les pièces jointes, notamment des avis de réclamation transmis à la Ville (Pièce DI-2 en liasse).
[16] Le cadre législatif est le suivant. La Ville est un organisme public régi par la LCV[5]. Les articles 585 et suivants de la LCV prévoient les règles applicables aux recours civils contre les municipalités, notamment l’exigence de l’envoi d’un avis de réclamation à une municipalité contre qui une personne veut exercer un recours à la suite d’un accident.
[17] Cette exigence d’envoi d’un avis de réclamation est applicable en matière d’action collective, aux termes de l’article 582 Cpc qui se lit ainsi :
582. Lorsque la Loi sur les cités et villes (chapitre C-19), le Code municipal du Québec (chapitre C-27.1) ou une charte municipale prévoit l’envoi d’un avis de réclamation comme condition préalable à l’exercice d’une action, l’avis donné par un membre vaut pour tous les membres du groupe; l’insuffisance de l’avis ne peut être opposée au représentant.
[18] L’article 585 LCV se lit ainsi :
585. 1. Si une personne prétend s’être infligé, par suite d’un accident, des blessures corporelles, pour lesquelles elle se propose de réclamer de la municipalité des dommages-intérêts, elle doit, dans les 15 jours de la date de tel accident, donner ou faire donner un avis écrit au greffier de la municipalité de son intention d’intenter une poursuite, en indiquant en même temps les détails de sa réclamation et l’endroit où elle demeure, faute de quoi la municipalité n’est pas tenue à des dommages-intérêts à raison de tel accident, nonobstant toute disposition de la loi à ce contraire.
2. Dans le cas de réclamation pour dommages à la propriété mobilière ou immobilière, un avis semblable doit aussi être donné au greffier de la municipalité dans les 15 jours, faute de quoi la municipalité n’est pas tenue de payer des dommages-intérêts, nonobstant toute disposition de la loi.
3. Aucune telle action ne peut être intentée avant l’expiration de 15 jours de la date de la notification de cet avis.
4. Le défaut de donner l’avis ci-dessus ne prive pas cependant la personne victime d’un accident de son droit d’action, si elle prouve qu’elle a été empêchée de donner cet avis pour des raisons jugées suffisantes par le juge ou par le tribunal.
C’est par un moyen préliminaire et non par une contestation au fond, que doit être plaidée l’absence d’avis ou son irrégularité, parce que tardif, insuffisant ou autrement défectueux. Le défaut d’invoquer ce moyen dans les délais et suivant les règles établies par le Code de procédure civile (chapitre C‐25.01), couvre cette irrégularité.
Nulle contestation au fond ne peut être inscrite avant que jugement ne soit rendu sur ledit moyen préliminaire et ce jugement doit en disposer sans le réserver au fond.
5. Aucune action en dommages-intérêts n’est recevable à moins qu’elle ne soit intentée dans les six mois qui suivent le jour où l’accident est arrivé, ou le jour où le droit d’action a pris naissance.
6. La municipalité a un recours en garantie contre toute personne dont la faute ou la négligence a été la cause de l’accident et du préjudice qui en résulte.
7. Nonobstant toute loi générale ou spéciale, aucune municipalité ne peut être tenue responsable du préjudice résultant d’un accident dont une personne est victime, sur les trottoirs, rues, chemins ou voies piétonnières ou cyclables, en raison de la neige ou de la glace, à moins que le réclamant n’établisse que ledit accident a été causé par négligence ou faute de ladite municipalité, le tribunal devant tenir compte des conditions climatériques.
8. Aucun droit d’action n’existe contre la municipalité pour dommages causés par le refoulement d’un égout à des articles, marchandises ou effets conservés pour quelque fin que ce soit dans une cave ou un sous-sol, si le réclamant a déjà reçu une compensation de la municipalité pour des dommages semblables causés au même endroit et n’y a subséquemment installé, à au moins 30 cm du plancher et à une distance d’au moins 30 cm des murs extérieurs, un support sur lequel doivent être conservés ces articles, marchandises ou effets.
(Soulignements ajoutés)
[19] La Ville prétend que l’article 583(3) LCV s’applique ici et n’a pas été respecté par le demandeur. Le demandeur prétend l’inverse.
[20] Selon le Tribunal, le jeu des articles 585(1), 585(2) et article 585(3) LCV est le suivant :
· Toute personne qui désire poursuivre une municipalité pour dommages corporels ou dommages à la propriété doit donner à la municipalité un avis écrit de son intention de poursuivre, dans les quinze jours de l’accident;
· Aucune action contre une municipalité pour dommages corporels ou dommages à la propriété ne peut être intentée à l’encontre d’une municipalité avant l’expiration d’un délai de quinze jours suivant la transmission de l’avis écrit informant la municipalité de l’intention d’une personne d’intenter une poursuite;
· Le défaut de donner l’avis ne prive pas la personne de son droit d’action, si elle prouve qu’elle a été empêchée de donner cet avis pour des raisons jugées suffisantes par le juge ou par le Tribunal;
· C’est par un moyen préliminaire et non par une contestation au fond, que doit être plaidée l’absence d’avis ou son irrégularité, parce que tardif, insuffisant ou autrement défectueux. Nulle contestation au fond ne peut être inscrite avant que jugement ne soit rendu sur ledit moyen préliminaire et ce jugement doit en disposer sans le réserver au fond.
[21] Le Tribunal constate qu’il y a donc DEUX délais de quinze jours.
[22] Avec égards, la position de la Ville est nébuleuse, car elle mêle ces deux délais. En effet, la Ville reproche au demandeur d’avoir déposé la Demande d’autorisation le 10 mai 2019, soit dans les quinze jours de l’accident qui est ici la rupture de la digue le 27 avril 2019. Or, la LCV parle du dépôt d’une action après l’expiration d’un délai de quinze jours de l’avis, avis qui doit être transmis dans les quinze jours de l’accident.
[23] Ici, la Demande d’autorisation a été déposée et signifiée le 10 mai 2019, c’est-à-dire à l’intérieur du délai de quinze jours de la rupture de la digue du 27 avril 2019[6]. Le Tribunal est d’avis que la Demande d’autorisation constitue un avis valide aux termes de l’article 585 LCV. Ainsi, le fait que les courriels de l’avocat de la demande aient été transmis les 13 et 14 mai 2019 (Pièces DI-1 et DI-2) ne change rien; il n’y a pas d’avis tardif.
[24] De plus, même si on acceptait la thèse de la Ville selon laquelle la date la plus tôt à laquelle le demandeur pouvait déposer une action est le 12 mai 2019, le dépôt de la Demande d’autorisation le 10 mai 2019 n’était pas en contravention de l’article 585 LCV. Voici pourquoi.
[25] Il est bien établi que, tant qu’une demande d’autorisation d’exercer une action collective n’a pas franchi l’étape du processus de filtrage et de vérification, le recours n’existe pas. La demande pour autorisation d’exercer un recours collectif n’a qu’un caractère préliminaire et ne fait pas office d’une action judiciaire; cette étape vient plus tard par la demande introductive d’instance proprement dite, comme le prévoit l’article 583 Cpc. L’instance proprement dite ne débute qu’une fois le recours autorisé, et seulement lorsque le demandeur-représentant dépose ensuite sa demande introductive d'instance dans les 3 mois de l’autorisation, en vertu de l’article 583 Cpc.
[26] Cela est établi par une jurisprudence constante de la Cour d’appel et de la Cour supérieure[7]. Voici l’extrait le plus récent de la jurisprudence, provenant de la décision Daigle c. Club de golf de Rosemère[8] :
[23] D’abord, comme le rappelle le juge Michel Beaupré dans Société québécoise de gestion collective des droits de reproduction (Copibec) c. Université Laval, tant qu’elle n’a pas franchi l’étape du processus de filtrage de l’autorisation, l’action collective n’existe pas :
[28] Quant au processus d’un recours collectif, il est bien établi que tant qu’il n’a pas franchi l’étape du processus de filtrage et de vérification, le recours n’existe pas. La requête pour autorisation d’un recours collectif n’a qu’un caractère préliminaire et ne fait pas office d’une action judiciaire ; cette étape vient plus tard par l’assignation et la requête introductive d’instance proprement dit. L’instance proprement dite ne débute qu’une fois le recours autorisé, et seulement lorsque le représentant dépose ensuite sa requête introductive d'instance dans les 3 mois de l’autorisation.
(Références omises)
[24] La Cour d’appel confirme que l’instance ne débute que lorsque l’action est autorisée et introduite. Puisque l’instance n’existe pas à ce stade, Daigle ne peut se prévaloir de l’article 49 C.p.c. au soutien de sa demande.
[25] Dans le présent dossier, l’action collective n’a pas encore été autorisée et Daigle n’a pas le statut de représentant des membres du groupe. Tant que Daigle ne se voit pas conférer le rôle de représentant des actionnaires de classe A, il n’a pas l’intérêt juridique suffisant, conformément à l’article 85 C.p.c., pour solliciter, en leur nom, des ordonnances de sauvegarde visant à suspendre la réalisation de la Transaction à laquelle il s’oppose.
[26] Il pourrait peut-être prétendre à un intérêt personnel suffisant, mais il a choisi le véhicule procédural de l’action collective pour soumettre sa demande et il ne peut requérir des ordonnances de sauvegarde au nom des membres du groupe qu’il définit à sa demande et qu’il n’est pas, à ce stade, autorisé à représenter.
[27] Ainsi, par illustration, à l’étape de l’autorisation d’exercer une action collective, l’article 49 Cpc ne permet pas au Tribunal de prononcer des ordonnances de la nature de communication de documents vu qu’il n’y a pas encore d’instance avant l’autorisation. Au stade de la demande d’autorisation d’exercer une action collective, donc avant l’autorisation d’une action collective, une partie ne peut contraindre l’autre à lui communiquer des documents ou des éléments de preuve additionnels, ou explorer ou contrôler la preuve de la partie adverse avant même l’autorisation du recours collectif, ou encore obtenir de l’information et de la preuve en possession de l’autre partie afin de mieux circonscrire le débat lors de l’audition de la demande d’autorisation et de modifier, si nécessaire, le groupe proposé, ou encore les questions de faits et de droit proposées.
[28] Cela signifie donc qu’une demande d’autorisation d’exercer une action collective n’est pas une action. Ainsi, puisque l’article 585(3) LCV fait référence à une « action », il s’ensuit que la Demande d’autorisation ne constitue pas une « action » qui « ne peut être intentée avant l’expiration de 15 jours de la date de la notification de cet avis ».
[29] Il s’ensuit de façon corollaire que, si une demande d’autorisation d’exercer une action collective n’est pas une demande introductive d’instance ni une action, alors une demande d’autorisation d’exercer une action collective peut validement constituer un avis en vertu des articles 585(1) et 585(2) LCV. C’est d’ailleurs ce que le Tribunal a décidé plus haut[9].
[30] L’article 582 Cpc ne change rien à cette conclusion. L’article 582 Cpc est d’ailleurs compris dans le chapitre III du Titre III du Livre VI du Cpc sur les avis, et non pas dans le chapitre II portant sur la demande d’autorisation d’exercer une action collective.
[31] Compte tenu des délais inhérents au processus de l’autorisation d’une action collective, il est presque assuré que, dans tous les cas, la municipalité bénéficiera d’un délai supérieur à quinze jours avant qu’une demande introductive d’instance en dommages et intérêts soit instituée à son encontre, si l’autorisation était accordée. Ici, il s’est en effet écoulé plus de quinze jours depuis le 10 mai 2019.
[32] Enfin, le Tribunal ajoute ceci en obiter dictum. Il est vrai que l’article 585(5) LCV prévoit qu’une action en dommages doit être instituée dans un délai de six mois à compter de l’accident ou de la naissance du droit d’action. Cependant, aux termes de l’article 2908 CcQ, une demande d’autorisation d’exercer une action collective a pour effet de suspendre la prescription en faveur de tous les membres du groupe auquel elle profite ou, le cas échéant, en faveur du groupe que décrit le jugement qui fait droit à la demande.
[33] Le Tribunal n’a donc pas à border l’argument subsidiaire du demandeur selon lequel l’avis de la LCV n’était pas requis ici dans les circonstances.
[34] Le Tribunal décide donc que le demandeur a respecté l’article 585 LCV et rejette ainsi la demande en irrecevabilité de la Ville, avec frais de justice en faveur du demandeur.
[35] Abordons d’abord les principes applicables à la preuve appropriée à l’étape de l’autorisation d’exercer une action collective en vertu de l’article 574 Cpc.
[36] Malgré l’absence de contestation du demandeur l’égard de certains documents et de demandes d’interrogatoires, le Tribunal doit[10] quand même néanmoins déterminer le caractère approprié, en vertu de l’article 574 Cpc, de la preuve recherchée.
[37] Dans la décision Option Consommateurs c. Samsung Electronics Canada Inc.[11], la juge Suzanne Courchesne de la Cour supérieure a fait un résumé complet des principes alors applicables lorsqu’une demande d’interrogatoire et de communication de documents préautorisation est soumise :
- le juge dispose d’un pouvoir discrétionnaire afin d’autoriser une preuve pertinente et appropriée ainsi que la tenue d’un interrogatoire du représentant, dans le cadre du processus d’autorisation;
- un interrogatoire n’est approprié que s’il est pertinent et utile à la vérification des critères de l’article 575 Cpc;
- l’interrogatoire doit respecter les principes de la conduite raisonnable et de la proportionnalité posés aux articles 18 et 19 Cpc;
- la vérification de la véracité des allégations de la demande relève du fond;
- le Tribunal doit analyser la demande soumise à la lumière des enseignements récents de la Cour suprême du Canada et de la Cour d’appel sur l’autorisation des actions collectives et qui favorisent une interprétation et une application libérales des critères d’autorisation;
- à ce stade, la finalité de la demande se limite au seuil fixé par la Cour suprême du Canada, soit la démonstration d’une cause défendable. Le Tribunal doit se garder d’autoriser une preuve qui inclut davantage que ce qui est strictement nécessaire pour atteindre ce seuil;
- le Tribunal doit se demander si la preuve requise l’aidera à déterminer si les critères d’autorisation sont respectés ou si elle permettra plutôt de déterminer si le recours est fondé ; dans cette dernière hypothèse, la preuve n’est pas recevable à ce stade;
- la prudence est de mise dans l’analyse d’une demande de permission de produire une preuve appropriée ; il s’agit de choisir une voie mitoyenne entre la rigidité et la permissivité;
- il doit être démontré que l’interrogatoire demandé est approprié et pertinent dans les circonstances spécifiques et les faits propres du dossier, notamment en regard des allégations et du contenu de la demande d’autorisation;
- le fardeau de convaincre le Tribunal de l’utilité et du caractère approprié de la preuve repose sur la partie qui la demande.
[38] Dans l’arrêt Asselin c. Desjardins Cabinet de services financiers Inc.[12] la Cour d’appel a précisé davantage les critères applicables à une demande pour preuve appropriée en vertu de l’article 574 Cpc :
- Seule la preuve appropriée est permise, c’est-à-dire celle qui est reliée aux quatre conditions de l’article 575 Cpc;
- Le Tribunal ne doit pas laisser les parties produire une preuve volumineuse et ne doit en aucun cas examiner la preuve produite en profondeur comme s’il s’agissait d’évaluer le fond de l’affaire;
- Le processus d'autorisation d’une action collective n’est pas, du point de vue de la preuve, une sorte de préenquête sur le fond. C’est un mécanisme de filtrage;
- L’admission de preuve appropriée doit être faite avec modération et être réservée à l’essentiel et l’indispensable. Or, l’essentiel et l’indispensable, du côté du demandeur, devraient normalement être assez sobres vu la présomption rattachée aux allégations de fait qu’énonce sa procédure. Il devrait en aller de même du côté de la défense, dont la preuve, vu la présomption attachée aux faits allégués, devrait être limitée à ce qui permet d’en établir sans conteste l’invraisemblance ou la fausseté. C’est là un « couloir étroit »;
- Puisque le fardeau du demandeur à l’autorisation en est un de logique et non de preuve, il faut conséquemment éviter de laisser les parties passer de la logique à la preuve (prépondérante) et de faire ainsi un pré-procès, ce qui n’est pas l’objet de la démarche d’autorisation;
- Pour échapper à la perspective d’une action collective, la partie défenderesse souhaitera généralement présenter une preuve destinée à démontrer que l’action envisagée ne tient pas et, pour ce faire, elle pourrait bien forcer la note, sur le thème « abondance de biens ne nuit pas ». Le juge doit résister à cette propension, tout comme il doit se garder d’examiner sous toutes leurs coutures les éléments produits par l’une et l’autre des parties, au risque de transformer la nature d’un débat qui ne doit ni empiéter sur le fond, ni trancher celui-ci prématurément, ni porter sur les moyens de défense;
- À l’autorisation, le Tribunal doit simplement porter un regard sommaire sur la preuve, qui devrait elle-même être d’une certaine frugalité;
- Dans tous les cas, la preuve autorisée doit permettre d’évaluer les quatre critères que le juge de l’autorisation doit examiner et non le bien-fondé du dossier. Et si, par malheur, le juge de l’autorisation se retrouve devant des faits contradictoires, il doit faire prévaloir le principe général qui est de tenir pour avérés ceux de la demande d’autorisation, sauf s’ils apparaissent invraisemblables ou manifestement inexacts;
- Si l’on ne veut pas que les actions collectives accaparent une part indue des ressources judiciaires, ressources limitées, il serait donc utile, dans l’état actuel du droit, que l’on évite de faire au stade de l’autorisation ce qui, en réalité, appartient au fond.
[39] Appliquons ces principes au présent dossier.
[40] La MRC demande l’autorisation de déposer les deux documents suivants :
· Convention concernant les digues et les ouvrages de régularisation des eaux dans la région de Montréal passée le 4 octobre 1976 entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement du Québec (Pièce DM-1);
· Convention entre le ministère des Richesses naturelles et la Ville de Sainte- Marthe-sur-le-Lac concernant les ouvrages pour réduire les risques d’inondation dans les limites de la ville, intervenue le 22 septembre 1978, avenant du 8 février 1979, addenda du 16 octobre 1980, du 16 avril 1981 et du 23 mars 1983 (Pièce DM-2).
[41] La MRC ne demande pas la permission d’interroger le demandeur.
[42] Le demandeur ne conteste pas la production des Pièces DM-1 et DM-2, mais ne reconnait pas l’interprétation que la MRC entend en tirer.
[43] Que décider?
[44] Selon la MRC, le but du dépôt des Pièces DM-1 et DM-2 est de démontrer le contexte ayant entouré la décision d’ériger la digue ainsi que la mise en œuvre de sa construction et de son entretien. Selon la MRC, ces documents démontrent l’absence d’implication de la MRC non seulement à l’égard de la construction de la digue, mais également en ce qui a trait à son entretien, contredisant ainsi les allégations à la base de la prétendue responsabilité de la MRC en tant que gardienne et propriétaire de la digue érigée sur le territoire de la Ville.
[45] Autrement dit, la MRC souhaite démontrer par la production de ces documents qu’elle n’est nullement propriétaire ou gestionnaire de la digue de Sainte-Marthe-sur-le-Lac et qu’elle n’est en aucun cas responsable de son entretien, de sa réfection et de sa gestion. Elle souhaite de plus démontrer que, n’étant ni propriétaire de la digue ni propriétaire du lit du lac des Deux-Montagnes et de la rivière des Outaouais, sa responsabilité sans faute sous le régime du trouble de voisinage ne peut être retenue[13].
[46] Le demandeur indique qu’il ne s’oppose pas à la production des Pièces DM-1 et DM-2, mais indique qu’on ne peut en tirer que la MRC n’est pas responsable.
[47] Le Tribunal est d’avis ici que les Pièces DM-1 et DM-2 s’inscrivent dans le couloir étroit de l’utile et de l’indispensable afin de soupeser la démonstration du demandeur d’une cause défendable. La question de la propriété, de la gestion et de la responsabilité d’entretien et de réfection de la digue de Sainte-Marthe-sur-le-Lac ainsi que la question de la propriété du lit du lac des Deux-Montagnes et de la rivière des Outaouais sont au cœur du syllogisme du demandeur, que ce soit au niveau de la responsabilité pour troubles de voisinage ou pour la responsabilité extracontractuelle.
[48] Selon le Tribunal, de par leur nature succincte et concise, les Pièces DM-1 et DM-2 sont de la catégorie de documents qui pourraient permettre au défendeur d’établir sans conteste l’invraisemblance ou la fausseté des allégations de la demande ou leur caractère manifestement inexact.
[49] Selon le Tribunal, les Pièces DM-1 et DM-2 sont donc reliées à l’étude de l’apparence de droit et la permission de les produire doit être accordée[14]. Quant à savoir l’impact que ces deux documents auront sur l’apparence de droit du demandeur, cette étude sera faite par le Tribunal lors du débat et de la décision sur la Demande d’autorisation. Cette remarque vaut pour toutes les pièces que le Tribunal permettra de produire dans la suite du présent jugement. Autrement dit, ce n’est pas parce qu’un document déposé par la défense devient partie de la preuve à considérer à l’autorisation d’exercer une action collective que ce document devient automatiquement l’élément clé du raisonnement du Tribunal. Il faudra voir le tout lors du débat sur l’autorisation[15].
[50] Le Tribunal décide que les frais de justice de la demande de la MRC suivront le sort de la Demande d’autorisation, puisque l’étude véritable des pièces dont la production est autorisée et leur considération se feront à ce stade.
[51] La Ville demande l’autorisation de déposer cinq documents. Il s’agit tout d’abord des deux documents suivants, portant sur l’origine des inondations ayant affecté les membres du groupe :
· Courriel envoyé par Me Gérard Samet, avocat du demandeur, à Me Marie-Josée Russo, greffière et responsable des services juridiques de la Ville, le 13 mai 2019 à 23h44 (Pièce D-1);
· Courriel envoyé par Me Gérard Samet, avocat du demandeur, à Me Marie-Josée Russo, greffière et responsable des services juridiques de la Ville, le 14 mai 2019 à 00h14 ainsi que les pièces y jointes, notamment des avis de réclamation transmis à la Ville (Pièce D-2 en liasse);
[52] La Ville désire ensuite obtenir la permission de déposer les trois documents suivants, portant sur la propriété de la Digue :
· Décision Rouleau c. Ville de Ste-Marthe-sur-le-Lac, 2014 QCCS 4255, rendue par le juge Payette de la Cour supérieure (Pièce D-3);
· Convention concernant les digues et les ouvrages de régularisation des eaux dans la région de Montréal intervenue entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement du Québec en date du 4 octobre 1976 (Pièce D-4);
· Convention entre le ministère de Richesses naturelles et la Ville de Sainte- Marthe-sur-le-Lac concernant les ouvrages pour réduire les risques d’inondations dans les limites de la Ville intervenue en date du 22 septembre 1978 et de ses addenda subséquents (Pièce D-5 en liasse).
[53] Le Tribunal note que les Pièces D-4 et D-5 sont identiques aux Pièces DM-1 et DM-2, à l’exception de la page couverture de l’Addendum (3e) dans la Pièce DM-2 qui n’est pas reproduite dans la Pièce D-5. Cette page couverture n’a aucune importance.
[54] La Ville demande également la permission d’interroger le demandeur pour une durée de 30 minutes lors de l’audition de la Demande d’autorisation.
[55] Le demandeur conteste le dépôt des Pièces D-1 et D-2. Le demandeur ne conteste pas la production des Pièces D-3 à D-5, mais ne reconnait pas l’interprétation que la Ville entend en tirer. Quant à la demande de la Ville d’interrogatoire, le demandeur ne la conteste pas, sauf en ce qui concerne « la connaissance du Demandeur du fondement juridique de la Demande en autorisation » (paragraphe 31 de la Demande pour preuve appropriée de la Ville).
[56] Que décider?
[57] Quant aux Pièces D-1 et D-2 : La Ville souhaite déposer ces documents afin de démontrer la réalité factuelle sur l’origine des inondations ayant affecté les membres du groupe, puisque les allégations du demandeur à cet égard seraient inexactes, incomplètes et invraisemblables.
[58] Au paragraphe 34 de la Demande d’autorisation, le demandeur allègue que les « eaux de l’inondation proviennent de la crue du Lac des Deux-Montagnes et/ou de la rivière de l’Outaouais et, en ce qui a trait à la ville de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, a été facilitée par la rupture de la digue de protection ».
[59] Selon la Ville, cette allégation est ambiguë et donne un portrait inexact des évènements à l’origine des inondations ayant eu lieu dans différentes municipalités de la MRC. Selon la Ville, le demandeur mêle à tort deux situations factuelles distinctes, soit d’une part des inondations liées à la crue du lac des Deux-Montagnes et/ou de la rivière de l’Outaouais, et d’autre part, des inondations liées à la rupture alléguée de la digue.
[60] Selon la Ville, les Pièces D-1 et D-2 sont des correspondances de la partie demanderesse qui démontreraient qu’une rupture de la digue s’est produite le 27 avril 2019 autour de 19 heures et que cette rupture serait la cause des inondations sur le territoire de la Ville, et non pas d’autres inondations ayant eu lieu dans d’autres municipalités de la MRC.
[61] Le Tribunal a étudié les Pièces D-1 et D-2. Il s’agit de deux courriels de mise en demeure de l’avocat du demandeur et des membres du groupe envoyés à la Ville, auxquels sont joints des avis de réclamation de plusieurs membres du groupe, tous datés d’avril et de mai 2019. Il est vrai que, dans ces documents, on semble attribuer seulement la cause des inondations à la rupture de la digue. Cependant, ces mentions ne constituent aucunement un portrait exhaustif de la situation factuelle ni une opinion d’expert sur les origines et la cause des inondations ni même un quelconque aveu de quiconque. L’origine et la cause des inondations sont alléguées à la Demande d’autorisation et le Tribunal doit prendre ces faits pour avérés. De par leur nature, les Pièces D-1 et D-2 ne permettent manifestement pas au Tribunal d’évaluer la démonstration faite par le demandeur d’une cause défendable.
[62] Autrement dit, le Tribunal est d’avis que les Pièces D-1 et D-2 n’ont aucune importance et pertinence dans l’évaluation du syllogisme de la demande. Pour cette raison, elles sont inutiles à l’étape de l’autorisation d’exercer une action collective. Peut-être le seront-elles plus tard si l’autorisation est accordée.
[63] Le Tribunal refuse la permission de produire les Pièces D-1 et D-2.
[64] Quant aux Pièces D-3, D-4 et D-5 : La Ville demande l’autorisation de déposer ces documents qui portent selon elle sur la propriété de la digue, le tout en lien avec les allégations de contraintes excessives de voisinage faites par le demandeur. Selon la Ville, il apparaît de ces pièces que la Ville n’est pas propriétaire de la digue, celle-ci appartenant à l’État, d’où absence de responsabilité.
[65] L’argument de la Ville est donc ici le même que celui de la MRC quant aux Pièces DM-1 et DM-2, déjà autorisées par le Tribunal. En faits, comme indiqué ci-haut, les Pièces D-4 et D-5 sont identiques aux Pièces DM-1 et DM-2, à l’exception de la page couverture de l’Addendum (3e) dans la Pièce DM-2 qui n’est pas reproduit dans la Pièce D-5. Cette page couverture n’a aucune importance.
[66] Dans ces circonstances, pour les mêmes motifs que ceux indiqués plus haut pour les Pièces DM-1 et DM-2, le Tribunal permet la production des Pièces D-4 et D-5.
[67] Quant à la Pièce D-3, le même raisonnement s’applique. Il s’agit par contre d’une décision de la Cour supérieure, qui normalement n’a pas besoin d’être cotée comme pièce formelle. Cependant, puisque ce jugement vise spécifiquement les prétentions de la Ville, le Tribunal préfère l’admettre en preuve et la coter formellement, pour faciliter les références futures dans le dossier. Le Tribunal permet donc la production de la Pièce D-3.
[68] Quant à la demande d’interrogatoire du demandeur : La Ville désire procéder à l’interrogatoire du demandeur afin de permettre au Tribunal d’évaluer si les critères des deuxième et quatrième paragraphes de l’article 575 Cpc sont rencontrés, soit l’apparence de droit et la représentation. De façon plus précise, la Ville désire interroger le demandeur sur les éléments suivants :
1) Le lieu de résidence du demandeur;
2) L’habilité du demandeur à faire progresser le dossier auprès de ses avocats. Au paragraphe 69 de la Demande d’autorisation, le demandeur allègue qu’il « est disposé à consacrer le temps requis pour bien représenter les membres ». Or, selon la Ville, le demandeur n’allègue aucun fait pour supporter cette prétention. Il n’allègue pas en quoi son occupation et son emploi du temps lui permettront de consacrer le temps requis pour représenter adéquatement les membres du groupe. La Ville ajoute qu’au surplus, le demandeur n’allègue aucun fait au soutien de sa capacité à diriger les démarches requises pour la progression de l’action collective;
3) La compétence, l’implication et la disponibilité de demandeur à faire progresser le dossier auprès de ses conseillers juridiques; et
4) La connaissance du demandeur du fondement juridique de la Demande d’autorisation.
[69] Selon la Ville, l’interrogatoire sur ces éléments doit être permis puisque les allégations de la Demande d’autorisation sont sommaires, incomplètes ou ont un caractère vague et général.
[70] Le demandeur ne conteste pas la demande d’interrogatoire de la Ville, sauf en ce qui concerne l’élément #4, sa connaissance du fondement juridique de la Demande d’autorisation. Selon le demandeur, le représentant d’une action collective n’agit pas pour lui-même et a engagé les services de représentants légaux. Il ne peut, en l’occurrence, se prononcer sur les fondements légaux justifiant ses demandes, mais simplement sur les faits le concernant. Le Tribunal n’est pas lié par l’absence de contestation du demandeur.
[71] Que décider?
[72] Le Tribunal est d’avis que tous les sujets de questions de la Ville et toutes leurs justifications ne sont pas de la nature de l’essentiel et de l’indispensable. La Ville argumente que les allégations de la Demande d’autorisation sont soit insuffisantes ou incomplètes. Le Tribunal se demande donc alors pourquoi elle veut interroger le demandeur, ce qui donnerait une chance à ce dernier de venir bonifier ses allégations ou ajouter des éléments de preuve jusqu’alors manquants selon la Ville.
[73] Ce que veut la Ville est essentiellement de tester la version des faits du demandeur sur l’apparence de droit et d’obtenir des faits supplémentaires sur la représentation et sur le groupe proposé. De l’avis du Tribunal, la Ville n’a pas besoin de ces éléments et n’a pas droit à ces éléments, qui ne sont ni essentiels ni indispensables.
[74] Le demandeur vivra ou périra avec sa procédure telle que rédigée. Il n’appartient pas à la Ville de venir la compléter avec un interrogatoire. Si le demandeur a choisi de rédiger des allégations laconiques, ou vagues, ou incomplètes, alors il en subira les conséquences à l’autorisation.
[75] Enfin, le Tribunal ajoute que la Ville n’explique aucunement pourquoi elle veut interroger le demandeur sur son lieu de résidence.
[76] Dans ces circonstances, la demande d’interrogatoire de la Ville est refusée.
[77] En conclusion, le Tribunal permet donc à la Ville la production des Pièces D-3, D-4 et D-5 et refuse la production des Pièces D-1 et D-2. Le Tribunal refuse la demande de la Ville d’interroger le demandeur.
[78] Le Tribunal décide que les frais de justice de la demande de la Ville suivront le sort de la Demande d’autorisation, puisque l’étude véritable des pièces dont la production est autorisée et leur considération se feront à ce stade. Le refus de la demande d’interrogatoire ne change pas la décision du Tribunal sur les frais de justice.
[79] La PGQ demande l’autorisation de déposer les dix documents suivants :
· Plan d’arpentage du 10 octobre 2019 montrant l’endroit de la rupture de la digue et la position de la ligne des hautes eaux (art. 919 CcQ) en front du lot 1 465 584 et d’une partie du lot 3 001 428 du cadastre du Québec (Pièce PGQ-1);
· Convention entre le ministère des Richesses naturelles et la ville de Sainte- Marthe-sur-le-Lac les ouvrages pour réduire les risques d’inondation dans les limites de la ville, avec annexes et ses avenants (Pièce PGQ-2 en liasse);
· Plan général d’endiguement de Sainte-Marthe-sur-le-Lac daté du 15 janvier 1986 portant le numéro 5-2665-15 (Pièce PGQ-3);
· Déclaration sous serment du 11 octobre 2019 de Léonie Sévigny-Côté, ingénieure à la Direction de l’expertise hydrique et atmosphérique au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec, à laquelle sont joints les deux documents suivants (le tout étant la Pièce PGQ-4 en liasse) :
.1. Tableau des niveaux maximums annuels mesurés à la station de Pointe-Calumet (043108) ou reconstitués à partir des données de la station de Sainte-Anne-de-Bellevue (02OA013) avec identification en rouge des niveaux supérieurs ou égaux à la cote de récurrence 10 ans;
.2. Graphique de niveaux moyens journaliers mesurés ou reconstitués à la station Pointe-Calumet (043108);
· Acte de vente du 29 mars 1984 (Pièce PGQ-5);
· Acte de cession du 25 mars 1996 (Pièce PGQ-6);
· Lettre du 2 mai 1988 du ministère de l’Environnement du Québec à la Ville et plans annexés suivants (le tout étant la Pièce PGQ-7 en liasse) :
.1. Feuillet cartographique intitulé « Deux-Montagnes » et portant le numéro 31H12-100-0101;
.2. Plan R8599-1 du MENVIQ à l’échelle 1 :1000, intitulé « Projet lac des Deux-Montagnes à Ste-Marthe-sur-le-lac - Ouvrage de protection contre les inondations »;
· Atlas des zones inondables de la MRC, SAD MRC 27 mars 2019 (Pièce PGQ-8);
· Dossier d’indemnisation de Richard Lauzon pour [l’adresse 1] (Pièce PGQ-9);
· Dossier d’indemnisation de Richard Lauzon pour [l’adresse 2] (Pièce PGQ-10).
[80] Le Tribunal note que la Pièce PGQ-2 est une version plus complète de la convention qui se retrouve également aux Pièces DM-2 et D-5, puisque la Pièce PGQ-2 contient trois annexes à la convention qui ne se retrouvent pas aux Pièces DM-2 et D-5.
[81] La PGQ demande également la permission d’interroger le demandeur hors Cour pour une durée de 60 minutes, avant l’audition de la Demande d’autorisation.
[82] Le demandeur conteste le dépôt des Pièces PGQ-1, PGQ-3, PGQ-4, PGQ-5, PGQ-6, PGQ-7, PGQ-9 et PGQ-10. Le demandeur ne conteste pas la production des Pièces PGQ-2 et PGQ-8, mais ne reconnait pas l’interprétation que la PGQ entend en tirer. Quant à la demande de la PGQ d’interrogatoire, le demandeur ne la conteste pas.
[83] Que décider?
[84] Quant aux Pièces PGQ-1 et PGQ-3 : La PGQ désire déposer un plan d’arpentage et un plan de la digue afin de situer dans l’espace la digue et la résidence du demandeur, le tout ayant pour but d’attaquer la démonstration du demandeur d’une cause défendable et de préciser sa représentation potentielle du groupe.
[85] Quant au plan d’arpentage du 10 octobre 2019 (Pièce PGQ-1), la PGQ soumet les arguments suivants :
· Il s’agit d’un document authentique signé sous minute par l’arpenteur géomètre officier public selon l’article 34 de la Loi sur les arpenteurs géomètres[16];
· Il situe la digue dans son environnement, à savoir entre le parc de la Frayère, propriété de la Ville, et une partie du quartier où réside le demandeur;
· À titre de photo aérienne avec légende, il constitue un outil visuel utile permettant de situer :
.1. une partie du quartier où réside le demandeur;
.2. la ligne des hautes eaux du lit du lac des Deux-Montagnes, laquelle délimite le début de la propriété de l’État;
.3. la digue;
.4. l’endroit exact de la rupture de la digue;
· Il permet de conclure que l’endroit exact de la rupture de la digue est :
.1. situé entièrement sur un bien-fonds appartenant à la Ville;
.2. situé à 252.2 mètres de la ligne des hautes eaux où débute le lit du lac, propriété de l’État;
· Puisque le demandeur recherche la responsabilité sans faute de l’État à titre de propriétaire du lac des Deux-Montagnes, il est primordial de situer avec précision la ligne des hautes eaux où débute le lit du lac des Deux-Montagnes, propriété de l’État (article 919 CcQ).
[86] Quant au plan de la digue daté du 15 janvier 1986 (Pièce PGQ-3), la PGQ indique qu’il démontre que la construction de la digue a été faite par la Ville en exécution de la convention (Pièce PGQ-2, Pièce DM-2 ou Pièce D-5). La Pièce PGQ-3 constitue le plan d’ingénieur de la digue une fois construite. Selon la PGQ, il permet d’avoir une connaissance générale de la Ville, de la localisation de la digue, des rues sur lesquelles sont situés les propriétés du demandeur ainsi que l’emplacement des résidences de plusieurs autres membres du groupe proposé.
[87] Le demandeur conteste le dépôt des pièces PGQ-1 et PGQ-3 Selon lui, ces pièces constituent des photographies et un plan dont il ignore l’origine, la véracité et l’exactitude et la qualification des signataires. Le demandeur ajoute que ces documents ont vraisemblablement été constitués par des experts et devraient être considérés comme des expertises donnant droit à une contre-expertise, le demandeur indiquant se réserver le droit de procéder à des vérifications par des experts qualifiés de son choix dans l’éventualité où le dépôt des pièces PGQ-1 et PGQ-3 était autorisé. Le demandeur termine en précisant que, de toute façon, les Pièces PGQ-1 et PGQ-3 ne permettent pas de tirer les conclusions que la PGQ entend en tirer et ne devraient pas faire l’objet d’interprétation sans une expertise appropriée.
[88] Le Tribunal est d’avis que les Pièces PGQ-1 et PGQ-3 doivent être produites, pour les raisons suivantes :
· Elles permettent un aperçu visuel des lieux et expliquent la situation géographique des lieux et des endroits pertinents. Rappelons que le demandeur n’a produit aucun document ou plan avec la Demande d’autorisation;
· Elles pourraient permettre une compréhension globale du contexte factuel dans lequel se trouve le demandeur à titre de représentant du groupe proposé, en fonction de sa localisation géographique. La Pièce PGQ-3, qui est soit un plan de la digue une fois construite, situe la Ville, la digue, les rues sur lesquelles sont localisées les propriétés du demandeur ainsi que l’emplacement des résidences de plusieurs autres membres du groupe proposé;
· Elles touchent directement l’allégation de la responsabilité sans faute de l’État à titre de propriétaire du lac des Deux-Montagnes pour inconvénients anormaux du voisinage en vertu de l’article 976 CcQ. La détermination de la présence de troubles de voisinage semble nécessiter la considération de l’emplacement de la ligne des hautes eaux où débute le lit du lac des Deux- Montagnes, propriété de l’État (art. 919 CcQ). Ainsi, au présent stade, il semble que ces plans sont un élément important dans l’appréciation de la notion de troubles de voisinage et du syllogisme juridique que le demandeur invoque dans le cadre de sa Demande d’autorisation;
· Compte tenu de leur caractère succinct et de leurs conséquences potentiellement majeures, ces plans tombent dans l’essentiel et l’indispensable et se glissent dans le corridor étroit.
[89] Cependant, le Tribunal ne considère pas ces plans comme des expertises et ne considère pas que tous les éléments y figurant doivent être acceptés sans questionnement ou discussion. Encore ici, quant à savoir l’impact que ces deux plans auront sur l’apparence de droit du demandeur et sur la représentation, cette étude sera faite par le Tribunal lors du débat et de la décision sur la Demande d’autorisation. Le Tribunal n’a encore tiré aucune conclusion de ces plans. Le Tribunal rappelle que l’interprétation des pièces pourrait dépendre d’autres preuves qui viendront au mérite.
[90] Le Tribunal permet donc la production des Pièces PGQ-1 et PGQ-3. Le Tribunal ne permet pas au demandeur d’y répondre par le dépôt de documents, mais s’attend bien sûr à une argumentation détaillée à leur égard lors du débat sur la Demande d’autorisation.
[91] Quant à la Pièce PGQ-2 : La PGQ désire produire cette convention afin de démontrer que l’entretien de la digue ne relève pas de l’État. L’argument de la PGQ est donc ici le même que celui que la MRC et la Ville font quant aux Pièces DM-2 et D-5, déjà autorisées par le Tribunal. Le Tribunal répète que la Pièce PGQ-2 est une version plus complète de la convention qui se retrouve également aux Pièces DM-2 et D-5, puisque la Pièce PGQ-2 contient trois annexes à la convention qui ne se retrouvent pas aux Pièces DM-2 et D-5.
[92] Le demandeur ne conteste pas le dépôt de la pièce PGQ-2, mais ne reconnait pas l’interprétation que la PGQ en tire.
[93] Dans ces circonstances, pour les mêmes motifs que ceux indiqués plus haut pour les Pièces DM-2 et D-5, le Tribunal permet la production de la Pièce PGQ-2. Pour le débat sur l’autorisation, il est souhaitable que les parties réfèrent à la Pièce PGQ-2 lorsqu’elles voudront se référer à la Convention entre le ministère des Richesses naturelles et la ville de Sainte-Marthe-sur-le-Lac les ouvrages pour réduire les risques d’inondation dans les limites de la ville, à ses annexes et à ses avenants.
[94] Quant à la Pièce PGQ-4 : La PGQ désire déposer en preuve la déclaration sous serment du 11 octobre 2019 de Léonie Sévigny-Côté, ingénieure à la Direction de l’expertise hydrique et atmosphérique au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques du Québec, à laquelle sont joints les deux documents suivants (le tout étant la Pièce PGQ-4 en liasse) :
· Tableau des niveaux maximums annuels mesurés à la station de Pointe- Calumet (043108) ou reconstitués à partir des données de la station de Sainte-Anne-de-Bellevue (02OA013) avec identification en rouge des niveaux supérieurs ou égaux à la cote de récurrence 10 ans;
· Graphique de niveaux moyens journaliers mesurés ou reconstitués à la station Pointe-Calumet (043108).
[95] La PGQ présente les arguments suivants :
· Le demandeur recherche la responsabilité sans faute de l’État à titre de gardien et propriétaire du lac des Deux-Montagnes et de la rivière de l’Outaouais. Subsidiairement, il recherche la responsabilité délictuelle de l’État.
· Le syllogisme juridique du demandeur repose sur l’hypothèse que les inondations qui affectent la MRC des Deux-Montagnes sont plus fréquentes depuis les dernières années en raison notamment des changements climatiques. Elles seraient en conséquence intolérables et excessives. La PGQ réfère aux paragraphes 17, 25(e) et 46 de la Demande d’autorisation;
· Or, cette prétention est fausse, tel que le démontrent le tableau et le graphique représentant les niveaux d’eau mesurés ou reconstitués à la station Pointe- Calumet, en annexe à la déclaration assermentée de madame Léonie Sévigny-Côté;
· La Pièce PGQ-4 montre le niveau d’eau du lac des Deux-Montagnes documenté depuis près de cent ans. Les données à la base de la Pièce PGQ-4 sont neutres, publiques et facilement disponibles sur internet;
· La Pièce PGQ-4 illustre clairement qu’il y a une crue chaque printemps, plus ou moins importante dont l’ampleur est imprévisible et qu’il n’y a pas de tendance à la hausse de l’occurrence des crues de récurrence de plus de 10 ans. À l’appui, la Pièce PGQ-4 démontre que ce type de crue a eu lieu en 1928, 1936, 1943, 1947, 1951, 1974, 1976, 1998, 2017 et 2019;
· Lorsqu’une preuve vise à démontrer la fausseté ou l'inexactitude d'une allégation factuelle essentielle à une demande en autorisation, telle que la Pièce PGQ-4, le Tribunal ne devrait pas s’en priver;
· L’historique des niveaux d’eau contribue à l’analyse de la démonstration d’une cause défendable. La Pièce PGQ-4 permet de constater que l’hypothèse du demandeur ne paraît pas justifier les conclusions recherchées, que le syllogisme juridique pour engager la responsabilité de l’État est erroné et que l’action collective envisagée est vouée à l’échec.
[96] Le demandeur conteste le dépôt de la Pièce PGQ-4 en entier au motif qu’il s’agit d’une preuve d’expertise déguisée, interdite à l’étape de l’autorisation d’exercer une action collective. Le Tribunal est d’accord avec le demandeur.
[97] En effet, de l’avis du Tribunal, même si la PGQ indique que les données utilisées sont neutres, objectives et disponibles sur le site internet du ministère de l’Environnement du Québec et sur le site internet d’Environnement et Changement climatique Canada, la déclaration sous serment et les deux pièces jointes ne permettent pas de savoir exactement quelles sont ces données neutres et publiques. Quelle est la portion de « reconstitution » des données? Comment a-t-elle été faite?
[98] De plus, au paragraphe 30 de la demande pour preuve appropriée, la PGQ interprète ainsi les données des deux documents joints :
30. À sa face même, la Pièce PGQ-4 montre qu’il y a une crue à chaque printemps dont l’ampleur est imprévisible, et qu’il n’y a pas de tendance à la hausse de l’occurrence des crues de récurrence de plus de 10 ans;
[99] Or, selon le Tribunal, la présence de crue, leur ampleur, leur prévisibilité et la tendance à la hausse ou à la baisse des occurrences et des niveaux sont clairement des questions d’expertise. Elles sont également clairement des moyens de défense au mérite. À l’étape de l’autorisation d’exercer une action collective, les allégations de la Demande d’autorisation sur les occurrences et niveaux des inondations ne peuvent pas être contredites par un rapport d’expert déguisé ni faire l’objet d’un débat au fond.
[100] Pour ces motifs, le Tribunal refuse la production de la Pièce PGQ-4.
[101] Quant aux Pièces PGQ-5 et PGQ-6 : La PGQ désire mettre en preuve les actes de vente et de cession (du 29 mars 1984 (Pièce PGQ-5) et du 25 mars 1996 (Pièce PGQ-6)) par lesquels le demandeur est devenu propriétaire des immeubles inondés. Selon la PGQ, il est nécessaire afin d’établir la date de 1984 à laquelle le demandeur est devenu propriétaire des immeubles car :
· Le demandeur allègue au paragraphe 66 de la Demande d’autorisation qu’il « ne pensait pas que son terrain pouvait être inondé »;
· Or, selon la PGQ, cette allégation est invraisemblable car, lors de l’achat en 1984, le demandeur ne pouvait ignorer que son terrain se situait en zone inondable, à la lumière de la Pièce PGQ-7;
· Ceci vise à contredire une allégation manifestement fausse quant à la situation personnelle du demandeur;
· Ceci met également en évidence que la situation factuelle d’une partie des membres du groupe proposé est différente en fonction de la date d’achat de leur immeuble.
[102] Selon le demandeur, les Pièces PGQ-5 et PGQ-6 n’ont aucune pertinence sur la démonstration de sa cause défendable puisque l’acte de vente de 1984 et l’acte de cession de 1996 ne font état d’aucune déclaration à l’effet que l’immeuble était en zone inondable. Il conteste aussi la Pièce PGQ-7.
[103] Le Tribunal est d’avis ici que les Pièces PGQ-5 et PGQ-6 doivent être produites, indépendamment de leur contenu au présent stade et des arguments que la PGQ veut en tirer. Le demandeur allègue être propriétaire d’immeubles, mais il ne produit aucun document à cet effet. Le Tribunal décide que les contrats d’achat des immeubles sont pertinents, tout comme l’est par exemple un contrat entre des parties dans une action collective basée sur la responsabilité contractuelle, ou une facture pour l’achat d’un bien en matière de responsabilité du fabricant, ou tout comme l’est un relevé du Registraire des entreprises pour établir l’existence d’une personne morale. C’est en quelque sorte une carte de visite presque obligatoire.
[104] Le Tribunal permet donc la production des Pièces PGQ-5 et PGQ-6. Ceci est indépendant de la décision sur la Pièce PGQ-7.
[105] Quant à la Pièce PGQ-7 : La PGQ désire mettre en preuve la Pièce PGQ-7 qui est une lettre du 2 mai 1988 du ministère de l’Environnement du Québec à la Ville, à laquelle est jointe : 1) un feuillet cartographique intitulé « Deux-Montagnes » portant le numéro 31H12-100-0101; et 2) le plan R8599-1 du MENVIQ à l’échelle 1 :1000 intitulé « Projet lac des Deux-Montagnes à Ste-Marthe-sur-le-lac - Ouvrage de protection contre les inondations ». Selon la PGQ, ces documents doivent être admis en preuve pour les raisons suivantes :
· Le demandeur allègue au paragraphe 66 de la Demande d’autorisation qu’il « ne pensait pas que son terrain pouvait être inondé »;
· Le demandeur a acheté son immeuble en 1984, comme le démontre l’acte de vente Pièce PGQ-5;
· Or, selon la PGQ, cette allégation est invraisemblable car, lors de l’achat en 1984, le demandeur ne pouvait ignorer que son terrain se situait en zone inondable, à la lumière de la Pièce PGQ-7;
· En effet, il appert du feuillet cartographique no. 31H12-100-0101 de la Pièce PGQ-7 que les immeubles du demandeur étaient situés en zone inondable en 1978;
· En effet, ce n’est que le 2 mai 1988 que la zone protégée par la digue, dont font partie les immeubles du demandeur, fut radiée et considérée non inondable vu l’ouvrage de protection, tel qu’il appert de la lettre du ministère de l’Environnement du Québec à la Ville et des plans annexés, Pièce PGQ-7;
· Ceci vise à contredire une allégation manifestement fausse quant à la situation personnelle du demandeur;
· Ceci met également en évidence que la situation factuelle d’une partie des membres du groupe proposé est différente en fonction de la date d’achat de leur immeuble;
· Ceci est également pertinent pour la définition du groupe proposé, en ce que ces documents démontrent la multiplicité des causes d’action. En effet, le groupe proposé s’étend à plusieurs municipalités, lesquelles ont chacune leur cartographie de zones inondables mises à jour ponctuellement. Or, la Demande d’autorisation est muette à cet égard.
[106] Le demandeur conteste la production de cette pièce car, selon lui, elle ne permet pas de déterminer le moment exact où la zone était effectivement non-inondable, vu la construction de la digue.
[107] Le Tribunal est d’avis que la Pièce PGQ-7 ne doit pas être produite. Il s’agit d’un moyen de défense au mérite, qui ne peut être tranché de toute façon que sur la simple présentation d’une lettre. Une preuve documentaire complète et testimoniale quant 1) aux dates et état de construction de la digue, 2) aux dates et localisation des zones inondables et 3) à la connaissance ou non du demandeur devra être faite en détail au mérite, si le recours était autorisé. Par ailleurs, l’argument de la PGQ sur la multiplicité des causes d’action peut être présenté sans ces documents.
[108] Pour ces motifs, le Tribunal refuse la production de la Pièce PGQ-7.
[109] Quant à la Pièce PGQ-8 : La PGQ désire mettre en preuve l’Atlas des zones inondables de la MRC, numéro SAD MRC du 27 mars 2019 (Pièce PGQ-8). Selon la PGQ, ce document démontre que :
· la zone endiguée ne faisait pas partie des zones inondables identifiées sur la cartographie de la MRC lors des inondations du printemps 2019; et
· que toutes les municipalités de la MRC comportent des zones inondables où se situent les membres du groupe proposé.
[110] L’argument qu’en tire la PGQ est le suivant :
· Cette pièce est essentielle à l’évaluation le syllogisme juridique fondé sur l’article 976 CcQ, qui nécessite de déterminer la nature et la situation du fond pour évaluer le caractère excessif des inconvénients de voisinage[17];
· Cette pièce permet une évaluation éclairée de la définition du groupe proposé et du critère de la question commune en mettant en lumière que la Demande d’autorisation vise plusieurs situations foncières distinctes, lesquelles dépendant de leur localisation en zone inondable[18];
· Cette pièce démontre la multiplicité des causes d’action. En effet, le groupe proposé s’étend à plusieurs municipalités, lesquelles ont chacune leur cartographie de zones inondables mises à jour ponctuellement. Or, la Demande d’autorisation est muette à cet égard.
[111] Le demandeur ne conteste pas le dépôt de la Pièce PGQ-8 mais ne reconnaît pas l’interprétation que la PGQ entend en tirer.
[112] Le Tribunal décide que la Pièce PGQ-8 est un document pour le mérite du dossier. La détermination finale des localisations géographiques des zones inondables, de leurs dates d’établissement et de l’impact sur le cas du demandeur et des membres du groupe sont des questions qui nécessitent une preuve détaillée, par voie testimoniale, documentaire et possiblement par expertise. Le Tribunal ne peut simplement admettre un atlas en preuve et ensuite y référer sans aucun guide ou preuve permettant de l’interpréter ou même de pouvoir situer quelque chose sur une carte. Il ne s’agit pas de plans de la nature des Pièces PGQ-1 et PGQ-3.
[113] Par ailleurs, l’argument de la PGQ sur la multiplicité des causes d’action peut être présenté sans ces documents.
[114] Pour ces motifs, le Tribunal refuse la production de la Pièce PGQ-8.
[115] Quant aux Pièces PGQ-9 et PGQ-10 : La PGQ désire mettre en preuve les dossiers d’indemnisation du demandeur pour ses immeubles, soit [l’adresse 1] (Pièce PGQ-9) et [l’adresse 2] (Pièce PGQ-10).
[116] Suite à l’inondation, le gouvernement a adopté des arrêtés ministériels et des décrets[19] pour mettre en œuvre un programme général d’indemnisation et d’aide financière lors de sinistres. C’est afin de profiter de ces programmes que le demandeur a déposé ses deux réclamations :
· Le 2 mai 2019, un formulaire de réclamation — propriétaires et locataires d’une résidence principale pour [l’adresse 1] (Pièce PGQ-9); et
· le 6 mai 2019 un formulaire de réclamation — entreprise et propriétaire de bâtiment locatif pour [l’adresse 2] (Pièce PGQ-10).
[117] La PGQ souhaite déposer l’entièreté des dossiers d’aide financière du demandeur afin de ne pas les dénaturer. Seules les informations personnelles, de nature financière ou privilégiée ont été retirées. Un feuillet mentionnant la nature de l’information visée et le nombre de pages retirées a été ajouté pour chaque retrait.
[118] Selon la PGQ :
· Les Pièces PGQ-9 et PGQ-10 illustrent les éléments particuliers et les nombreuses variables individuelles de chaque membre du groupe quant à l’évaluation des dommages;
· Ces informations sont nécessaires pour que le Tribunal puisse déterminer si les questions communes proposées permettent de faire avancer le débat de façon non négligeable;
· Les Pièces PGQ-9 et PGQ-10 permettent aussi de constater les éléments particuliers relatifs à la situation de chaque membre du groupe qui nécessiteront :
.1. une preuve contradictoire;
.2. une documentation différente d’un membre du groupe à l’autre, incluant des expertises;
.3. la nécessité de témoignages différents d’un membre du groupe à l’autre;
· Les Pièces PGQ-9 et PGQ-10 permettent de constater que les dommages subis sont différents pour chacun des immeubles du demandeur et que l’admissibilité au Programme général d’indemnisation et d’aide financière lors de sinistre varie selon les circonstances. Il en est de même pour chacun des membres du groupe;
· Elles illustrent les éléments particuliers et les nombreuses variables individuelles de chaque membre du groupe quant à l’évaluation des dommages et dont le demandeur ne constitue qu’un échantillon. À titre d’exemple, certains membres ne seront pas admissibles au Programme général d’indemnisation et d’aide financière lors de sinistre alors que d’autres recevront des sommes variables, comme le demandeur, pour lesquelles l’État sera subrogé[20];
· Ces informations sont donc nécessaires pour que le Tribunal puisse déterminer si les questions communes proposées permettent de faire avancer le débat de façon non négligeable.
[119] Le demandeur conteste le dépôt des Pièces PGQ-9 et PGQ-10, ces dernières ne permettant pas au Tribunal de vérifier sommairement si les conditions de l’article 575 Cpc sont remplies. Selon le demandeur, les conclusions que la PGQ tire de ces pièces selon lesquelles chaque membre du groupe visé aura des dommages différents et une admissibilité ou non au programme d’indemnisation ne peuvent valablement être faites simplement sur la base de ces deux pièces.
[120] Le Tribunal est d’avis que les Pièces PGQ-9 et PGQ-10 ne doivent pas être admises en preuve. La PGQ veut établir que les dommages subis varient d’un membre du groupe à un autre et qu’il y aurait de nombreuses variables individuelles de chaque membre du groupe quant à l’évaluation des dommages. Dans ces circonstances, cette preuve est inutile et sans impact sur la Demande d’autorisation car il est maintenant admis que la variabilité et l’individualité des dommages subis par les membres du groupe ne sont pas un obstacle à la présence de questions identiques, similaires ou connexes en vertu de l’article 575 Cpc[21]. Les réponses aux questions communes peuvent varier d’un membre à l’autre et il peut être nécessaire de tenir des auditions individuelles dans une phase subséquente du déroulement du mérite du dossier. Cela n’est pas un obstacle à l’autorisation d’une action collective.
[121] Pour ces motifs, le Tribunal refuse la production des Pièces PGQ-9 et PGQ-10.
[122] Quant à la demande d’interrogatoire du demandeur : La PGQ désire procéder à l’interrogatoire du demandeur afin d’aider le Tribunal à déterminer si les quatre critères de l’article 575 sont remplis. La PGQ désire interroger le demandeur sur trois sujets : 1) ses propriétés, 2) la crue de 2019 et 3) des détails relatifs au groupe proposé.
[123] Le demandeur ne conteste pas la demande d’interrogatoire de la PGQ. Le Tribunal n’est pas lié par l’absence de contestation du demandeur.
[124] Que décider?
[125] Commençons premièrement par la demande d’interrogatoire de la PGQ sur les renseignements concernant les propriétés du demandeur.
[126] La PGQ attire l’attention du Tribunal sur les éléments suivants :
· Le groupe proposé par le demandeur vise « les personnes concernées qui détiennent ou occupent un bâtiment construit légalement ou un terrain, envahi par l’eau du lac voisin des Deux-Montagnes et/ou de la rivière de l’Outaouais » (paragraphe 1 de la Demande d’autorisation);
· Au paragraphe 3 de la Demande d’autorisation, le demandeur affirme être propriétaire de deux résidences à Sainte-Marthe-sur-le-Lac;
· Au paragraphe 10 de la Demande d’autorisation, le demandeur indique avoir mis « beaucoup d’énergie, de temps et d’effort pour rénover ses deux maisons qui sont désormais abimées dans les fondations même par les eaux »;
· Au paragraphe 66 de la Demande d’autorisation, le demandeur allègue qu’il «est propriétaire ou occupant de maisons et ne pensait pas que le terrain pouvait être inondé ».
[127] La PGQ demande au Tribunal l’autorisation d’interroger le demandeur sur les sujets spécifiques suivants, en lien avec ces allégations selon elle :
a) Les circonstances de l’achat des propriétés du demandeur;
b) Les circonstances de la construction, de l’entretien et de l’occupation des propriétés du demandeur;
c) Les demandes d’aide financière du demandeur pour ses propriétés.
[128] Selon la PGQ, ces informations sont nécessaires à l’évaluation des critères de l’article 575 Cpc en ce qu’elles permettront au Tribunal d’apprécier la question commune, le syllogisme juridique et le statut de représentant du demandeur, permettant au Tribunal d’apprécier de façon spécifique :
a) La connaissance du demandeur de la nature inondable de ses propriétés lors de l’achat en 1984;
b) La légalité des propriétés du demandeur et son appartenance au groupe proposé;
c) Les nombreuses variables individuelles des membres du groupe proposé et l’absence de question commune permettant de faire avancer le débat de manière non négligeable.
[129] Le Tribunal est d’avis qu’il ne peut permettre les questions portant sur circonstances de l’achat de propriétés par le demandeur et les connaissances de ce dernier de la nature inondable (ou non) de ses propriétés lors de l’achat en 1984. Ces questions visent à venir contredire directement le paragraphe 66 de la Demande d’autorisation dans lequel le demandeur indique ne pas penser que les terrains de ses immeubles pouvaient être inondés, ce que la défense ne peut faire par interrogatoire du demandeur à l’autorisation. Il s’agit également donc en quelque sorte d’une vérification de la crédibilité du demandeur et d’un test de sa situation factuelle, ce qui n’est pas permis à l’étape de la preuve appropriée. Il s’agit enfin d’un moyen de défense au fond, lequel sera étudié en détail au mérite si le recours est autorisé.
[130] Le Tribunal émet les mêmes commentaires quant aux questions proposées par la PGQ sur la légalité des propriétés du demandeur. Cette demande n’est tout d’abord pas très claire, et ensuite cela relève du mérite. Seule une étude de plusieurs documents, plans et témoignages pourra faire le tour de la question, et cela peut uniquement être au mérite. C’est au mérite que seront étudiées les circonstances de la construction, de l’entretien et de l’occupation des propriétés du demandeur.
[131] Comme on le sait, la vérification de la véracité des allégations de la Demande d’autorisation relève du fond.
[132] Quant à la demande de la PGQ de questions sur l’appartenance du demandeur au groupe proposé, le Tribunal est d’avis que ces questions sont encore un moyen indirect de tester la crédibilité du demandeur et de vérifier sa situation factuelle, ce qui n’est pas permis à l’étape de la preuve appropriée et de l’autorisation. L’appartenance du demandeur au groupe devra ici être évaluée en fonction des allégations de la Demande d’autorisation, et non pas par un test de sa version factuelle. C’est ainsi que le Tribunal refuse les questions portant sur les demandes d’aide financière du demandeur pour ses propriétés, qui n’auront aucun impact sur la démonstration de l’apparence de droit. L’évaluation détaillée des dommages du demandeur relève du mérite.
[133] Poursuivons deuxièmement avec la demande d’interrogatoire de la PGQ sur les circonstances concernant la crue et les zones inondables. Cette demande se divise en deux sous-catégories.
[134] Quant à la sous-catégorie 1, la PGQ attire l’attention du Tribunal sur le paragraphe 17 de la Demande d’autorisation :
[17] Les inondations régulières et récurrentes depuis plusieurs années, ont affecté le demandeur et les membres du groupe visé et ont entraîné un dommage tel qu'elles en deviennent intolérables et excessives : les principales inondations récentes ayant eu lieu à intervalles réguliers en 2009, 2011, 2017 et 2019;
[135] Selon la PGQ, il est invraisemblable que les propriétés du demandeur aient été l’objet d’inondations récurrentes en 2009, 2011 et 2017 alors qu’elles se situent derrière la digue de protection de Sainte-Marthe-sur-le-Lac. La PGQ demande donc la permission d’interroger le demandeur sur l’historique des inondations ayant affecté ses propriétés depuis l’achat.
[136] Le Tribunal est d’avis que ces questions doivent être permises. En effet, s’il n’y a pas eu d’inondation chez le demandeur avant 2019, alors la question du caractère récurrent des inondations, les troubles de voisinage, la faute extracontractuelle de défaut d’entretien et du principe de précaution, et les dommages punitifs allégués pourraient être affectés par cet élément. Ce sujet tombe dans le couloir étroit permis par la Cour d’appel.
[137] Cependant, le Tribunal ne peut préjuger ici des réponses du demandeur et il se peut qu’elles soient très utiles, ou aucunement, ou démontrant que le sujet relève du mérite.
[138] Quant à la sous-catégorie 2, la PGQ indique que le demandeur allègue, aux paragraphes 23 et 25(e) de la Demande d’autorisation, que l’État n’a pas anticipé la crue récurrente de 2019. Au paragraphe 46 de la Demande d’autorisation, il soutient :
[46] La crue de 2019, récurrente depuis au moins 2009, 2011 et 2017, est un phénomène qui était hautement prévisible et aurait dû être traité à titre préventif, avec des mesures de précautions nécessaires puisqu'elle est bien la cause des inconvénients et préjudices subis par le demandeur et le Groupe de membres visés dans les présentes, tel que démontré par la rupture de la digue fragilisée de Sainte-Marthe-sur-le-Lac. (Soulignements de la PGQ)
[139] Ces allégations sont reprises aux paragraphes 15 et 37 de la Demande d’autorisation.
[140] La PGQ demande l’autorisation d’interroger le demandeur sur les quatre sujets suivants, en lien avec ces allégations :
a) Les démarches entreprises par le demandeur pour s’informer de la progression de la crue de 2019;
b) L’implication du demandeur dans les travaux préparatoires en lien avec les « crues récurrentes » dont notamment celles de 2009, 2011, 2017 et 2019;
c) Les inondations récurrentes subies par le demandeur;
d) La nature excessive des inconvénients de voisinage allégués par le demandeur.
[141] Selon la PGQ, le caractère récurrent des inondations subies par le demandeur, et par les membres du groupe, est pertinent afin d’évaluer le syllogisme juridique :
a) fondé sur l’article 976 CcQ en ce que cet article implique un inconvénient excessif et répétitif selon la situation des fonds;
b) fondé sur le principe de précaution, en lien avec la connaissance du demandeur des mesures prises par les autorités municipales et gouvernementales en prévision et lors de la crue de 2019.
[142] Le Tribunal est d’avis que l’interrogatoire doit être permis sur la question des inondations récurrentes subies par le demandeur, pour les mêmes motifs que ceux indiqués précédemment quant à la sous-catégorie 1. Ces motifs sont résumés par la PGQ dans le paragraphe précédent, que le Tribunal adopte.
[143] Cependant, le Tribunal refuse les questions sur les trois autres sujets proposés, soit les démarches entreprises par le demandeur pour s’informer de la progression de la crue de 2019, son implication dans les travaux préparatoires en lien avec les « crues récurrentes » dont notamment celles de 2009, 2011, 2017 et 2019, et la nature excessive des inconvénients de voisinage allégués par le demandeur. De l’avis du Tribunal, les réponses du demandeur sur sa connaissance des crues de 2019 et son implication dans les travaux préparatoires ne changeront rien à l’apparence de droit et aux fautes et troubles allégués. Il n’est pas non plus requis de contextualiser la Demande d’autorisation, qui doit être complète en soi, au risque de se voir rejeter.
[144] Sur la nature des troubles excessifs de voisinage, il s’agit d’une question reliée aux dommages. Les réponses du demandeur ne sont pas de la nature de l’essentiel et de l’indispensable. La PGQ argumente que les allégations de la Demande d’autorisation sur cet élément sont vagues et générales. Encore ici, le Tribunal se demande donc alors pourquoi elle veut interroger le demandeur, ce qui donnerait une chance à ce dernier de venir bonifier ses allégations ou ajouter des éléments de preuve jusqu’alors manquants selon la PGQ. Le demandeur vivra ou périra avec sa procédure telle que rédigée. Il n’appartient pas à la PGQ de venir la compléter avec un interrogatoire. Si le demandeur a choisi de rédiger des allégations laconiques, ou vagues, ou incomplètes, alors il en subira les conséquences à l’autorisation.
[145] Abordons troisièmement la demande d’interrogatoire de la PGQ sur les détails relatifs au groupe proposé. La PGQ souligne que le demandeur souhaite représenter le groupe suivant (paragraphe 1 de la Demande d’autorisation) :
Toute personne physique majeure et/ou émancipée et toute personne morale, propriétaire, locataire ou résidente de la municipalité régionale de comté de Deux-Montagnes (MRC) (dans ses 7 municipalités), Québec, au voisinage des berges et rives du lac de Deux-Montagnes et/ou de la rivière de l’Outaouais qui a été inondée en avril et mai 2019, soit par la rupture de la digue de Sainte-Marthe-sur-le-Lac, soit par la brusque montée des eaux du lac et de la crue qui en a résulté.
Les personnes concernées détiennent ou occupent un bâtiment construit légalement ou un terrain, envahi par l’eau du lac voisin des Deux-Montagnes et/ou de la rivière de l’Outaouais.
[146] Selon la PGQ, la définition du groupe proposé contient deux sous-groupes, soit les inondations causées par la rupture de la digue de Sainte-Marthe-sur-le-Lac et celles causées par la brusque montée des eaux. En conséquence, sur la question du statut de représentant du demandeur et de la définition du groupe, la PGQ demande la permission d’interroger le demandeur sur les trois sujets suivants :
a) Sur les démarches entreprises afin d’identifier et de contacter d’autres membres du groupe;
b) Sur les membres du groupe dont les propriétés ne sont pas protégées par la digue de Sainte-Marthe-sur-le-Lac que le demandeur connaît, a identifié ou contacté, et le cas échéant;
c) Sur les démarches entreprises par le demandeur pour s’enquérir de la situation factuelle des membres du groupe dont les propriétés ne sont pas protégées par la digue de Sainte-Marthe-sur-le-Lac.
[147] La PGQ soumet que la Demande d’autorisation ne contient que des allégations générales concernant la capacité du demandeur d’agir comme représentant et aucun fait concernant les démarches qu’il aurait effectuées auprès des membres du groupe proposé.
[148] Le Tribunal comprend que la PGQ veut attaquer la représentation du demandeur. Cependant, ici comme précédemment pour la demande similaire de la Ville, le Tribunal est d’avis que les trois sujets de questions de la PGQ et toutes leurs justifications ne sont pas de la nature de l’essentiel et de l’indispensable. La PGQ argumente que les allégations de la Demande d’autorisation sont soit insuffisantes ou incomplètes. Le Tribunal se demande donc alors pourquoi elle veut interroger le demandeur, ce qui donnerait une chance à ce dernier de venir bonifier ses allégations ou ajouter des éléments de preuve jusqu’alors manquants selon la PGQ.
[149] Ce que veut la PGQ est essentiellement de tester la version des faits du demandeur sur l’apparence de droit et d’obtenir des faits supplémentaires sur la représentation et sur le groupe proposé. De l’avis du Tribunal, la PGQ n’a pas besoin de ces éléments et n’a pas droit à ces éléments, qui ne sont ni essentiels ni indispensables.
[150] Le demandeur vivra ou périra avec sa procédure telle que rédigée. Il n’appartient pas à PGQ de venir la compléter avec un interrogatoire. Si le demandeur a choisi de rédiger des allégations laconiques, ou vagues, ou incomplètes, alors il en subira les conséquences à l’autorisation.
[151] Dans ces circonstances, la demande d’interrogatoire de la Ville est refusée sur ce troisième groupe de sujets.
En conclusion, le Tribunal permet donc à la PGQ la production des Pièces PGQ-1, PGQ-2, PGQ-3, PGQ-5 et PGQ-6 et refuse la production des Pièces PGQ-4, PGQ-7, PGQ-8, PGQ-9 et PGQ-10. Le Tribunal permet à la PGQ d’interroger le demandeur sur l’historique des inondations ayant affecté ses propriétés depuis l’achat, dont notamment sur la question des inondations récurrentes. Ce sujet est très limité et exclut les implications personnelles du demandeur dans les travaux préparatoires en lien avec les « crues récurrentes ». Il exclut aussi les dommages subis en 2019. Il inclut cependant des questions très générales sur les dommages subis pour les inondations de 2009, 2011 et 2017. Le Tribunal indique ici qu’il n’est pas question de demander au demandeur de produire une quelconque documentation. Seules ses réponses verbales suffiront. Le Tribunal refuse toutes les autres demandes de la PGQ d’interrogatoire du demandeur.
[152] Le Tribunal décide que cet interrogatoire aura lieu hors cour avant l’audition de la Demande d’autorisation, pour une durée maximale de 25 minutes. La transcription fera automatiquement partie de la preuve à l’autorisation. Cet interrogatoire doit avoir lieu au plus tard le 13 décembre 2019.
[153] Le Tribunal décide que les frais de justice de la demande de la PGQ suivront le sort de la Demande d’autorisation, puisque l’étude véritable des pièces dont la production est autorisée et leur considération se feront à ce stade. Le refus de la majorité des demandes d’interrogatoire ne change pas la décision du Tribunal sur les frais de justice.
[154] Le Tribunal rappelle aux parties que l’audition de la Demande d’autorisation se déroulera les 14 et 15 avril 2020. Les plans d’argumentation seront communiqués aux dates maximales suivantes : en demande le 20 mars 2020 au plus tard; et en défense le 3 avril 2020 au plus tard.
Sur la demande en irrecevabilité :
[155] REJETTE la demande en irrecevabilité de la défenderesse Ville de Sainte-Marthe-sur-le-Lac;
[156] LE TOUT, avec frais de justice en faveur du demandeur;
Sur les trois demandeurs pour preuve appropriée :
[157] ACCUEILLE la demande pour preuve appropriée de la défenderesse Municipalité régionale de comté (MRC) de Deux-Montagnes et PERMET à cette partie de produire au dossier de la Cour dans les quinze jours du présent jugement les pièces suivantes :
· Convention concernant les digues et les ouvrages de régularisation des eaux dans la région de Montréal passée le 4 octobre 1976 entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement du Québec (Pièce DM-1);
· Convention entre le ministère des Richesses naturelles et la Ville de Sainte- Marthe-sur-le-Lac concernant les ouvrages pour réduire les risques d’inondation dans les limites de la ville, intervenue le 22 septembre 1978, avenant du 8 février 1979, addenda du 16 octobre 1980, du 16 avril 1981 et du 23 mars 1983 (Pièce DM-2);
[158] ACCUEILLE en partie la demande pour preuve appropriée de la défenderesse Ville de Sainte-Marthe-sur-le-Lac et PERMET à cette partie de produire au dossier de la Cour dans les quinze jours du présent jugement les pièces suivantes :
· Décision Rouleau c. Ville de Ste-Marthe-sur-le-Lac, 2014 QCCS 4255, rendue par le juge Payette de la Cour supérieure (Pièce D-3);
· Convention concernant les digues et les ouvrages de régularisation des eaux dans la région de Montréal intervenue entre le Gouvernement du Canada et le Gouvernement du Québec en date du 4 octobre 1976 (Pièce D-4);
· Convention entre le ministère de Richesses naturelles et la Ville de Sainte- Marthe-sur-le-Lac concernant les ouvrages pour réduire les risques d’inondations dans les limites de la Ville intervenue en date du 22 septembre 1978 et de ses addenda subséquents (Pièce D-5 en liasse);
[159] REFUSE à la défenderesse Ville de Sainte-Marthe-sur-le-Lac la permission de produire en preuve les Pièces D-1 et D-2 et REFUSE à cette partie la permission d’interroger le demandeur;
[160] ACCUEILLE en partie la demande pour preuve appropriée de la défenderesse Procureure générale du Québec et PERMET à cette partie de produire au dossier de la Cour dans les quinze jours du présent jugement les pièces suivantes :
· Plan d’arpentage du 10 octobre 2019 montrant l’endroit de la rupture de la digue et la position de la ligne des hautes eaux (art. 919 CcQ) en front du lot 1 465 584 et d’une partie du lot 3 001 428 du cadastre du Québec (Pièce PGQ-1);
· Convention entre le ministère des Richesses naturelles et la ville de Sainte- Marthe-sur-le-Lac les ouvrages pour réduire les risques d’inondation dans les limites de la ville, avec annexes et ses avenants (Pièce PGQ-2 en liasse);
· Plan général d’endiguement de Sainte-Marthe-sur-le-Lac daté du 15 janvier 1986 portant le numéro 5-2665-15 (Pièce PGQ-3);
· Acte de vente du 29 mars 1984 (Pièce PGQ-5);
· Acte de cession du 25 mars 1996 (Pièce PGQ-6);
[161] REFUSE à la défenderesse Procureure générale du Québec la permission de produire en preuve les Pièces PGQ-4, PGQ-7, PGQ-8, PGQ-9 et PGQ-10;
[162] AUTORISE la défenderesse Procureure générale du Québec à interroger le demandeur hors Cour, au préalable à l’audition de la demande d’autorisation d’exercer une action collective, sur l’historique des inondations ayant affecté ses propriétés depuis l’achat, dont notamment sur les questions des inondations récurrentes et des dommages subis avant les crues de 2019, étant entendu que cet interrogatoire aura une durée maximale de 25 minutes et devra avoir lieu au plus tard le 13 décembre 2019;
[163] INDIQUE que la transcription de l’interrogatoire du demandeur fera automatiquement partie de la preuve à l’autorisation d’exercer une action collective;
[164] LE TOUT, frais de justice à suivre pour les trois demandes pour preuve appropriée.
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__________________________________Donald Bisson, j.c.s. |
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Me Gérard Samet, Me Gabrielle Azran et Me Agathe Basilio |
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Azran & Associés Avocats Inc. |
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Avocats du demandeur |
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Me Jean-Pierre Baldassare et Me Frédérique St-Jean |
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Bélanger Sauvé, S.E.N.C.R.L. |
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Avocats de la défenderesse Municipalité régionale de comté (MRC) de Deux-Montagnes |
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Me Charles A. Foucreault et Me Sandrine Raquepas |
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Norton Rose Fulbright Canada, S.E.N.C.R.L., s.r.l. |
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Avocats de la défenderesse Ville de Sainte-Marthe-sur-le-Lac |
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Me Charles Turcot |
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Trivium Avocats Inc. |
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Avocats-conseils de la défenderesse Ville de Sainte-Marthe-sur-le-Lac |
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Me Stéphanie Garon, Me Maryse Loranger et Me Gabrielle Robert |
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Ministère de la justice / Bernard Roy (Justice Québec) |
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Avocats de la défenderesse Procureure générale du Québec |
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Dates d’audience (sur dossier) : |
16 et 30 octobre 2019 et 1er novembre 2019 |
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1. INTRODUCTION : CONTEXTE, POSITION DES PARTIES ET QUESTIONS EN LITIGE 1
2. ANALYSE ET DISCUSSION............................................................................................. 5
2.1 La demande en irrecevabilité de la défenderesse Ville de Sainte-Marthe-sur-le-Lac 5
2.2 Les demandes pour preuve appropriée.................................................................. 11
2.2.1 Les principes applicables à la preuve appropriée.......................................... 11
2.2.2 Demande pour preuve appropriée de la défenderesse Municipalité régionale de comté (MRC) de Deux-Montagnes............................................................................................. 14
2.2.3 Demande pour preuve appropriée de la défenderesse Ville de Sainte-Marthe-sur-le-Lac 16
2.2.4 Demande pour preuve appropriée de la défenderesse Procureure générale du Québec 19
3. CONCLUSION.................................................................................................................. 36
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :................................................................................... 36
TABLE DES MATIÈRES......................................................................................................... 40
[1] Voir par. 1 de la Demande en autorisation d’exercer une action collective en inconvénients de voisinage, en responsabilité et atteinte à des droits garantis, en dommages compensatoires et en dommages punitifs, et d’être désigné représentant et avis d’intention (la « Demande d’autorisation »), datée du 10 mai 2019, déposée le 10 mai 2019 et signifiée le 10 mai 2019.
[2] RLRQ, c. C-12.
[3] Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 (R.-U.) constituant l'annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, c. 11.
[4] RLRQ, c. C-19.
[5] Sainte-Marthe-sur-le-Lac (Ville de) c. 161979 Canada Inc., 2002 CanLII 41177 (C.A.), au par. 50.
[6] La date de la rupture de la digue apparaît dans les documents joints à la Pièce DI-2. C’est la date de l’ « accident » en vertu de la LCV.
[7] Thompson c. Masson, 1992 CanLII 3662 (C.A.), à la p. 3; Centrale des syndicats du Québec c. Allen, 2016 QCCA 1878, au par. 23; Lavallée c. Ville de Sainte-Adèle, 2018 QCCS 4992, aux par. 83 et 84; Société québécoise de gestion collective des droits de reproduction (Copibec) c. Université Laval, 2015 QCCS 1156, aux par. 28, 33 et 34; Zaim c. Procureure générale du Québec, 2018 QCCS 2561, au par 18.
[8] 2018 QCCS 5360, aux par. 23 à 26.
[9] Le Tribunal est donc en contradiction avec la décision Lessard c. Arcand, 2012 QCCS 275, aux par. 52 à 61 et 69. Le Tribunal est plutôt lié par la jurisprudence de la Cour d’appel précitée selon laquelle l’étape de l’autorisation ne constitue pas une action.
[10] Comme le souligne la Cour d’appel dans l’arrêt Allstate du Canada, compagnie d'assurances c. Agostino, 2012 QCCA 678, au par. 27.
[11] 2017 QCCS 1751, au par. 11.
[12] 2017 QCCA 1673, aux par. 37 à 45 (demande d’autorisation d’appel accordée par la Cour suprême du Canada, 27 juin 2019, no. 37898).
[13] La convention Pièce DM-2 prévoit la construction de la digue et expose les obligations de l’État et de la Ville en lien avec la construction, l’exploitation et l’entretien de la digue. On peut y lire à l’article A-17 que « la ville s’engage à assurer, à ses frais, l’entretien ordinaire et l’exploitation à perpétuité des ouvrages d’endiguement qu’elle a construits ». Le Tribunal décidera à l’autorisation des conséquences, s’il y en a, de cet élément. Rien n’est décidé ici maintenant.
[14] Le Tribunal note que, dans des actions collectives dont les faits sont similaires à la présente action, le même genre de documents a été accepté comme preuve appropriée déposée par la défense à l’étape de l’autorisation d’exercer une action collective, en vertu de l’article 574 Cpc (et de l’article 1002 de l’ancien Cpc d’avant 2016) : Dupuis c. Canada (Procureur général), 2012 QCCS 5704, aux par. 35-37 (inondations causées par les crues de la rivière Richelieu en 2011 - Convention visant la cartographie des plaines d’inondation en vue d’une réduction des dommages); Association des résidants riverains de La Lièvre c. Canada (Procureur général), 2006 QCCS 3050, aux par. 46 à 50 (action collective intentée par les riverains de la rivière du Lièvre - documents démontrant que certains défendeurs ne sont ni propriétaires, ni copropriétaires, ni gestionnaires, ni cogestionnaires du barrage des Rapides des Cèdres ou du réservoir lac du Poisson Blanc); Labranche c. Énergie éolienne des Moulins, s.e.c., 2015 QCCS 918, aux par. 21, 22, 67 et 68 (troubles de voisinage causés par un parc éolien - documents démontrant qu’un défendeur n’en est pas propriétaire).
[15] Ce raisonnement n’est pas non plus une porte d’entrée à admettre en preuve une multitude de documents de la part de la défense, « quitte à voir à l’autorisation ».
[16] RLRQ, c. A-23.
[17] Labranche c. Énergie éolienne des Moulins, s.e.c., précité, note 14, aux par. 38 à 48.
[18] Dupuis c. Canada (Procureur général), 2014 QCCS 3997, au par. 260.
[19] Arrêté ministériel numéro AM 0017-2019 de la ministre de la Sécurité publique en date du 25 avril 2019; Arrêté ministériel numéro AM 0061-2019 de la ministre de la Sécurité publique en date du 8 mai 2019; Décret 403-2019, 10 avril 2019, concernant l’établissement du Programme général d’indemnisation et d’aide financière lors de sinistres réels ou imminents.
[20] Aux termes de l’article 118 de la Loi sur la sécurité publique, RLRQ, c. S-2.3.
[21] Voir entra autres : Infineon Technologies AG c. Option consommateurs, 2013 CSC 59, aux par. 73 et 74.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.