Décision

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Berger c. Meubles Rail inc.

2016 QCCQ 5599

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

BONAVENTURE

LOCALITÉ DE

NEW CARLISLE

« Chambre civile »

N° :

105-32-001748-169

 

 

DATE :

  22 juin 2016

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

LUCE KENNEDY, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

JEANNE BERGER

Demanderesse

c.

LES MEUBLES RAIL INC.

Défenderesse

 

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JUGEMENT

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[1]           Alléguant que le matelas acheté de la défenderesse le 17 avril 2015 au prix de 2 505,31 $ taxes incluses s’avère en mauvais état et inconfortable, la demanderesse réclame un remboursement, les frais de poste et 2 470,88 $ en dommages et intérêts.

[2]           La défenderesse conteste la demande en précisant que le matelas ne comporte aucun défaut.

Les faits

[3]           Le 17 avril 2015, la demanderesse, qui est accompagnée de sa fille, se rend chez la défenderesse. Elle essaie différents matelas. Elle choisit le modèle « Suri » d’une grandeur de 60 pouces fabriqué par Simmons[1]. Il s’agit d’un matelas ferme et luxueux composé de 1 000 ressorts ensachés. Un couvre-matelas lui est donné en cadeau.

[4]           La demanderesse et sa fille affirment avoir demandé à la conseillère en vente si ce matelas pouvait être installé sans problème sur une base de lit électrique.

[5]           Cette conseillère, dans sa déclaration pour valoir témoignage, affirme plutôt avoir demandé si la cliente avait besoin d’acheter un sommier. La demanderesse aurait répondu non, car elle est « organisée ».

[6]           Le 24 avril, le matelas est livré par Philippe Poitras qui travaille pour la défenderesse depuis 26 ans. Dans sa déclaration pour valoir témoignage, celui-ci mentionne que pour se rendre à l’étage, ils ont dû, avec l’accord des propriétaires, enlever la rampe de l’escalier, car le passage était trop étroit. Le matelas est monté à l’étage dans son emballage de plastique. La demanderesse et son conjoint sont présents. Madame Berger s’allonge sur le matelas et se dit satisfaite. Au moment de la livraison, le matelas ne présente aucun défaut, aucune tâche. La rampe est replacée avant le départ.

[7]           La demanderesse soutient plutôt qu’elle n’est pas allée dans sa chambre lors de la livraison. Elle en a profité pour laver le couvre-matelas.

[8]           Ce n’est qu’en soirée qu’elle se rend dans sa chambre pour y installer le couvre-matelas. À ce moment, elle ne voit pas la tache puisque la chambre n’est pas très éclairée.

[9]           Une semaine plus tard, lorsqu’une amie se présente chez elle, elle décide de lui montrer son « beau matelas ». En enlevant le couvre-matelas, elle constate qu’il est taché et qu’il peluche à certains endroits.

[10]        En juillet, son fils qui est en vacances chez elle, couche sur le matelas et le trouve inconfortable.

[11]        Le 31 juillet, elle appelle chez la défenderesse pour demander qu’on vienne constater que son matelas creuse, est inconfortable et taché.

[12]        Le 11 août, un représentant de la défenderesse demande à Philippe Poitras et à un autre employé d’aller constater l’état du matelas. Des photographies sont prises[2]. Ces employés ne constatent aucune tache ni déformation. Le matelas est en parfait état.

[13]        Le 26 août, Frédéric Tremblay, un technicien de la compagnie Simmons, se présente sur les lieux. Il prend diverses photos[3]. Il rédige un rapport[4] dans lequel il mentionne que la demanderesse trouve que le matelas n’est pas confortable. Elle se plaint qu’il creuse.

[14]        Il n’a pas vu de tache grisâtre ou d’une autre couleur. Le matelas est conforme et ne s’affaisse pas. La cliente est insatisfaite du confort et veut un remplacement. Elle trouve que son matelas est mou. Elle prétend qu’il n’était certainement pas neuf au moment de l’achat. Compte tenu des circonstances, il recommande une fermeture du dossier.

[15]        Le 19 octobre, la demanderesse transmet une lettre à la défenderesse[5]. Elle y déclare avoir remarqué, quelques jours après la livraison, que le matelas semble avoir été nettoyé vigoureusement. Sur le dessus il présente « des marques de peluche ». Elle est déçue, car le matelas a une tache jaune.

[16]        Le 21 octobre, Nelson Rail contacte la demanderesse qui s’engage à l’informer des discussions qu’elle a avec les représentants de la compagnie Simmons.

[17]        Le 29 octobre, un représentant du service à la clientèle de Simmons écrit à la demanderesse qu’ils ne peuvent donner suite à sa requête concernant l’échange du matelas puisqu’il est conforme à leurs normes de qualité. Il ajoute que ce matelas ne démontre aucun défaut de qualité et que le confort n’est pas garanti[6].

[18]        Le 3 novembre, Nelson Rail se rend chez la demanderesse afin d’examiner le matelas en compagnie d’un employé. Il constate que le matelas est très propre et ne creuse pas. Il demande l’autorisation de pouvoir s’y allonger et s’exécute. Il ne constate aucune anomalie. Après avoir demandé à la demanderesse de lui montrer où le matelas est taché, il ne constate rien. Selon elle, il y a des taches jaunes. Selon lui, le reflet de la fenêtre peut faire varier la couleur du matelas. Dans sa déclaration pour valoir témoignage, l’employé (monsieur Gionest) mentionne ne pas avoir vu de tache lui non plus.

[19]        Monsieur Rail demande à quel endroit le matelas est usé. Il constate un petit « épluchement » sur le dessus du matelas. Avec son expérience, il est en mesure de dire que cela est occasionné par un frottement normal avec le couvre-matelas. Il constate que le matelas est déposé sur une base de lit électrique. Il y a  un matelas de mousse (Foam) d’environ 4 pouces d’épaisseur entre la base et le matelas. Tout est caché sous un « juponnage ».

[20]        Il explique à la demanderesse que le matelas n’est pas installé sur une base conforme. Il doit être installé sur un sommier. Il l’informe que selon la garantie de 10 ans offerte par Simmons, le matelas doit être utilisé avec un sommier et un cadre offrant suffisamment de soutien, sinon les défauts de fabrication ne seront pas couverts[7]. Il lui conseille de régulariser la situation.

[21]        Au cours de cette visite, Nelson Rail et monsieur Gionest vérifient à l’aide d’un niveau la présence ou non d’un affaissement. Suite à l’inspection, ils confirment qu’il n’y en a aucun et les six photos déposées le démontrent[8].

[22]        Le 16 novembre, la demanderesse remplit un formulaire de mise en demeure provenant de l’Office de la protection du consommateur et le transmet à la défenderesse[9].

[23]        Elle y mentionne que dès la livraison, elle a constaté que le matelas peluchait et avait des taches jaunes. Elle précise qu’il n’est pas confortable puisqu’il creuse au milieu. Elle demande un remboursement.

[24]        Le 7 décembre, elle transmet une autre mise en demeure dans laquelle elle mentionne qu’elle n’a pas vu tout de suite que le matelas était taché et peluchait. Quand elle a lavé son lit, elle s’en est aperçue. Dans cette lettre, il n’est plus question d’inconfort[10].

[25]        À compter du mois de décembre, la demanderesse cesse d’utiliser son matelas. Elle couche dans un lit temporaire[11] puisqu’elle a donné son ancien matelas.

[26]        La fille de la demanderesse confirme avoir vu les taches et les « mottons » sur le matelas. Elle a assisté sa mère dans ses démarches pour obtenir un remplacement ou un remboursement.

[27]        La vice-présidente de la défenderesse dépose et commente plusieurs photos[12] démontrant que le fait d’installer ce matelas sur un matelas de mousse (Foam) n’est pas conseillé. Ce n’est pas assez rigide pour ce genre de matelas. Elle mentionne que malgré leurs recommandations, la demanderesse n’a pas acheté de sommier ni de base en métal.

[28]        La demanderesse souhaite l’annulation de la vente et un remboursement. Elle réclame également une somme de 2 470,88 $ en dommages et intérêts pour les inconvénients occasionnés par cet achat. Elle a recommencé à faire des migraines et couche sur un lit temporaire depuis plusieurs mois. Elle vit une situation stressante.

ANALYSE ET DÉCISION

[29]        La demanderesse invoque la garantie d’usage et de durée raisonnable prévus aux articles 37 et 38 de la Loi sur la protection du consommateur qui se lisent comme suit :

Article 37 :       Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.

 

Article 38 :       Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

[30]        Selon la preuve soumise, le matelas ne comporte pas de défaut de fabrication. Entre le 11 août et le 3 novembre, cinq personnes se sont rendues sur les lieux pour l’examiner. Après vérifications, celles-ci affirment qu’il n’est pas taché et ne s’est pas affaissé. De plus, les photographies déposées par les parties confirment cet état de fait malgré les prétentions de la demanderesse et de sa fille.

[31]        Dans la preuve de la demanderesse, on retrouve des contradictions au niveau de la couleur (grisâtre ou jaune) et du nombre de taches (une ou plusieurs). Le moment de la constatation des vices diffère. (dès la livraison, quand elle a lavé sont lit, une semaine plus tard en le montrant à une amie.).

[32]        La demanderesse n’est pas en mesure d’expliquer pourquoi elle a attendu 3 mois avant de se plaindre de l’inconfort et du mauvais état du matelas.

[33]        La garantie conventionnelle concernant les empreintes corporelles d’un pouce et demi d’épaisseur n’écarte pas les garanties légales de la Loi sur la protection du consommateur.

[34]        Toutefois, selon la preuve prépondérante soumise, il n’y a aucun affaissement ni aucune empreinte corporelle sur le matelas. Le Tribunal ne peut retenir ce moyen puisque c’est la demanderesse qui a le fardeau de preuve en vertu des articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec qui se lisent comme suit :

Article 2803 :   Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

 

                        Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

 

Article 2804 :   La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.

[35]        Elle trouve que le matelas est mou et inconfortable. Or, cela n’en rend pas l’usage non conforme à un usage normal selon les articles 37 et 38 de la Loi sur la protection du consommateur. Elle peut certainement regretter son achat, puisque le matelas ne lui apporte pas le confort désiré. Cependant, cette insatisfaction n’est pas couverte par la garantie conventionnelle ni par la garantie légale prévue à la Loi sur la protection du consommateur.

[36]        La preuve démontre également que la demanderesse n’aurait pas fait une utilisation normale du matelas puisqu’elle a installé celui-ci sur une base de lit électrique. Le contenu des discussions entre la demanderesse et la conseillère en vente à ce sujet est contradictoire.

[37]        Au cours de l’audience, les représentants de la défenderesse ont offert de remettre gratuitement deux sommiers de 30 pouces (vu l’escalier étroit) ainsi qu’une base en métal pour y installer le matelas afin de rendre l’usage conforme à l’exigence apparaissant dans la garantie conventionnelle.

[38]        La demanderesse a refusé cette offre. Elle veut l’annulation de la vente et le remboursement du prix payé pour acquérir ce matelas qu’elle trouve inconfortable et en mauvais état.

[39]        Compte tenu que la demanderesse ne s’est pas déchargée de son fardeau de démontrer que le matelas est affecté d’un défaut de fabrication, taché ou endommagé, sa réclamation doit être rejetée.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[40]        REJETTE la demande;

[41]        avec dépens.

 

 

__________________________________

LUCE KENNEDY, J.C.Q.

 

 

 

 

 

Date d’audience :

16 juin 2016

 



[1]     Pièce P-4, facture du 17 avril 2015.

[2]     Pièces D-3, D-4 et D-5.

[3]     Pièces D-6 et D-7.

[4]     Pièce D-8.

[5]     Pièce D-9.

[6]     Pièce D-10.

[7]     Pièce P-6.

[8]     Pièces D-11, D-12, D-13, D-14, D-15 et D-16.

[9]     Pièce D-17.

[10]    Pièce D-18.

[11]    Pièce P-8, photo du 26 mars 2016.

[12]    Pièce D-24, photos en liasse.

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