Décision

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     LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE
     DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES

     QUÉBEC    MONTRÉAL, le 14 février 1995

     DISTRICT D'APPEL  DEVANT LA COMMISSAIRE:    Me Marie Lamarre
     DE MONTRÉAL

     ASSISTÉE DE L'ASSESSEUR:  Dr Pierre Nadeau, médecin
     RÉGION:
     Laval

     DOSSIER:
     42171-61-9207

     AUDIENCE TENUE LE:        8 septembre 1994
     DOSSIER CSST:
     0954 16137
     EN DÉLIBÉRÉ LE:           13 septembre 1994
     DOSSIER BR:
     6089 2546
     A:                       Montréal

     RAYMOND JEAN
     1854, rue de Miranda
     Laval (Québec)
     H7M 2B9

                               PARTIE APPELANTE

     et

     CANADIEN PACIFIQUE LTEE
     (Monsieur Bernard Morin)
     910, rue Peel, C.P. 6042, Succ. A
     Montréal (Québec)
     H3C 3E4

                               PARTIE INTÉRESSÉE

                              D É C I S I O N

     Le 20 juillet  1992, M. Raymond Jean (le  travailleur) en appelle
     d'une décision du  bureau de révision de  la région de Laval  (le
     bureau de révision) rendue le 21 mai 1992.
     

Par cette décision majoritaire, le membre représentant les travailleurs étant dissident, le bureau de révision confirme une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) le 5 novembre 1991, à l'effet que le travailleur était capable d'exercer son emploi de commis de bureau à compter du 11 novembre 1991 et que la Commission était alors bien fondée de décider qu'aucune indemnité de remplacement du revenu ne pouvait lui être versée après le 10 novembre 1991.

Par cette décision, le bureau de révision confirme également une deuxième décision de la Commission rendue le 28 février 1992 et déclare que la Commission ne pouvait continuer de verser des indemnités de remplacement du revenu au travailleur après le 11 novembre 1991, puisqu'il n'a pas connu à cette date une récidive de sa lésion initiale du 27 novembre 1986.

OBJET DE L'APPEL Le travailleur demande à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) d'infirmer la décision du bureau de révision, de déclarer que le travailleur, à compter du 18 février 1991, est incapable d'exercer le travail de commis de bureau déclaré comme étant un emploi convenable par la Commission dans sa décision du 31 janvier 1991 et de déclarer que le travailleur a récupéré son droit à l'indemnité de remplacement du revenu à compter de la date où il a dû abandonner cet emploi convenable, conformément aux dispositions de l'article 51 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles1 (la loi).

LES FAITS Le travailleur, né le 29 janvier 1940, à l'emploi de Canadien Pacifique Ltée (l'employeur) comme camionneur depuis plus de quatorze ans, est victime d'un accident du travail le 27 novembre 1986, alors que trébuchant et heurtant le mur d'un camion avec son épaule et son côté droit du cou, il s'inflige une entorse cervicale. A la suite de cette lésion professionnelle acceptée par la Commission le 29 avril 1987, les médecins traitants du travailleur évalueront les limitations fonctionnelles suivantes, soit : ne pas manipuler d'objets lourds de plus de dix livres et ne pas travailler avec les bras élevés.

Le 12 janvier 1988, l'employeur informe la Commission que le travailleur a repris à compter du 8 janvier 1988 un travail léger respectant les restrictions émises par ses médecins traitants, soit un poste de commis de bureau n'impliquant aucune manipulation de colis quel qu'il soit et où il accomplit un travail assis.

La Commission, le 26 janvier 1988, fera parvenir la lettre suivante au travailleur : «La présente fait suite à la conversation téléphonique du 18 janvier 1988 avec votre employeur, Monsieur Michel Emard, concernant votre retour au travail le 8 janvier 1988 comme «commis de bureau».

Selon la description de tâches définie dans la lettre de l'employeur datée du 12 janvier 1988, le travail respecte les limitations émises dans notre plan du 25 août 1987.

Toutefois, nous ne pouvons considérer ce poste comme étant l'emploi convenable étant donné qu'il s'agit de la création d'un poste temporaire jusqu'à la détermination de l'emploi convenable.

A ce sujet, nous prévoyons rencontrer votre employeur dans les prochaines semaines afin de discuter de votre réinsertion professionnelle.» Dans des rapports médicaux complétés les 9 et 30 mars 1988, le Dr Forget, médecin traitant du travailleur, indique qu'il présente toujours une entorse cervicale et des douleurs chroniques et 1 (L.R.Q., c. A-3.001) qu'il lui est impossible de conduire un véhicule avec la médication actuelle qu'il consomme, laquelle contrôle sa douleur, soit de l'Elavil 100 mg par jour. Le Dr Forget est d'avis que le travailleur ne peut reprendre qu'un emploi léger. Dans un autre rapport médical qu'il complète le 25 mai 1988, le Dr Forget, faisant référence à un diagnostic d'entorse cervicale et douleur chronique, indique que la douleur diminue avec la consommation de Motrin.

Après avoir été mis à pied en raison d'une réduction de personnel le 23 janvier 1988 par l'employeur, le travailleur reprendra le travail de commis de bureau à compter du 26 mai 1988. A cette date, la Commission fait parvenir au travailleur la lettre suivante : «La présente fait suite à la conversation téléphonique du 25 août 1988 avec votre employeur, M. Michel Emard, concernant votre retour au travail le 26 mai 1988 comme «commis de bureau».

Selon la description de tâches données, le travail respecte les limitations émises dans notre plan du 25 août 1987.

Il s'agit d'un poste temporaire jusqu'à la détermination de l'emploi convenable.» Le travailleur devra cependant à nouveau abandonner cet emploi temporaire en raison d'une politique de l'employeur à compter du 23 juin 1988.

Le 4 août 1988, le Dr Forget, en réponse à une demande que lui adresse la Commission, écrit ce qui suit : «Monsieur Jean présente toujours des séquelles restrictions d'entorse cervicale. Il souffre toujours de douleurs chroniques pour lesquelles il y a peu à offrir car il présente maintenant une intolérance digestive aux anti-inflammatoires non stéroïdiens. Il n'y a pas de séquelles objectivables à l'examen physique en accord avec le Dr Lemieux. Je le considère apte à un travail plus que léger cependant lors de sa dernière visite le 13 juillet 1988 il avait été mis à pied par la compagnie pour absence de travail compatible avec sa condition.» Il appert par la suite des notes évolutives au dossier du travailleur, de même que d'une lettre adressée par Mme Isabelle McMillan au travailleur le 13 septembre 1988, que dans le cadre d'un plan de réadaptation, il est admis à une formation de deux semaines à compter du 6 septembre 1988 comme commis de bureau et que si aux termes de cette formation il se qualifie pour ce poste, celui-ci deviendra alors son emploi convenable.

Cependant, le 18 octobre 1988, la Commission, faisant suite à un arbitrage médical déclarant que le travailleur n'est pas porteur d'une atteinte permanente ni de limitations fonctionnelles à la suite de la lésion professionnelle du 27 novembre 1986, avise le travailleur qu'il ne peut bénéficier de mesures de réadaptation sociale en vertu des dispositions de l'article 145 de la loi. Le travailleur occupera néanmoins le poste de commis de bureau à compter du 17 octobre 1988, tel qu'il appert d'une lettre qu'adresse l'employeur à la Commission le 14 octobre 1988.

On retrouve au dossier du travailleur un rapport médical complété par le Dr Lefrançois le 13 février 1989, dans lequel il indique que le travailleur présente toujours une cervico-brachialgie droite sans déficit neurologique et qu'il y a lieu de continuer les traitements avec Motrin pour contrôler la douleur. Le Dr Lefrançois, le 7 août 1989, prescrit au travailleur du Fiorinal C½.

A la suite d'un appel logé par le travailleur à l'encontre de la décision de la Commission faisant suite à l'arbitrage médical, la Commission d'appel, le 25 juillet 1990, déclare qu'en ce qui concerne l'accident du travail survenu le 27 novembre 1986, la Commission demeure liée par les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'existence d'une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, de même qu'à l'existence de limitations fonctionnelles.

Le 14 août 1990, le Dr André Forget indique dans un rapport médical qu'en relation avec un diagnostic de discarthrose cervicale, il y a lieu pour le travailleur de continuer un travail léger, qu'il présente toujours une douleur chronique et qu'il doit continuer de prendre du Motrin 400 mg 4 fois par jour.

Le 26 novembre 1990, le Dr Roch Banville évalue à la demande de la Commission les limitations fonctionnelles et l'atteinte permanente en relation avec la lésion professionnelle du 27 novembre 1986. Le Dr Banville note que le travailleur prend des anti-inflammatoires non stéroïdiens, des analgésiques et a reçu des traitements de physiothérapie, des traitements de Mézières et qu'il a même bénéficié d'un TENS. En relation avec un diagnostic de dérangement intervertébral mineur bas avec entorse cervicale et irritation intermittente sous forme de brachialgie droite, il évalue les limitations fonctionnelles suivantes : «- Ne doit pas effectuer un travail entraînant une quelconque tension au niveau de ses membres supérieurs, ni de gestes répétitifs.

- Ne doit pas lever des poids excédant 15 livres.

- Ne doit pas marcher sur des terrains accidentés.

- Ne doit pas monter ou descendre souvent des escaliers ou escabeaux.» Il évalue les séquelles actuelles suivantes : «Entorse cervicale avec séquelles objectives (code 203513) DAP 2% Entorse lombaire avec séquelles objectives (code 204004) DAP 2%» Le 26 novembre 1990, le Dr Forget note dans un rapport médical, que le travailleur, en relation avec l'entorse cervicale et la discarthrose cervicale, doit continuer de prendre des Motrin en raison de la douleur chronique. Un déficit anatomo-physiologique de 4.4% sera attribué au travailleur le 19 décembre 1990 par la Commission à la suite de l'évaluation du Dr Banville.

Le travailleur débute des traitements de physiothérapie à compter du 12 décembre 1990 alors que l'on fait état qu'outre une douleur sous-occipitale plus accentuée à droite qu'à gauche, s'irradiant au niveau postérieur de la tête bilatéralement, il souffre également de céphalées secondaires.

Le 18 janvier 1991, le Dr Forget prescrit au travailleur du Motrin du 400 mg 2 fois par jour et du Sulcrate 1 g 4 fois par jour.

Le 21 janvier 1991, la Commission avise le travailleur qu'il a droit de bénéficier des mesures de réadaptation prévues à l'article 145 de la loi, puisqu'il est porteur d'une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles en relation avec la lésion professionnelle du 1er décembre 1986. Cependant, compte tenu qu'il occupe un nouvel emploi, elle l'informe qu'il y aura examen avec lui de la nécessité de mettre en place des mesures de réadaptation professionnelle afin de faciliter son maintien en emploi et la pertinence que lui soit versée l'indemnité de remplacement du revenu.

Egalement à cette date, la Commission fait parvenir la décision suivante au travailleur : «Objet : Décision statuant sur l'indemnité réduite de remplacement du revenu Monsieur, Suite à notre décision statuant sur votre capacité à exercer l'emploi convenable de COMMIS DE BUREAU, nous avons estimé le revenu brut annuel de cet emploi à 27 600 $ aux fins de déterminer l'indemnité de remplacement du revenu qui sera versée après avoir déduit le revenu net retenu de cet emploi convenable.

Le calcul effectué (voir annexe), conformément aux articles 49 et 50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, démontre que le revenu net retenu de votre emploi convenable est supérieur à l'indemnité de remplacement du revenu accordée suite à votre lésion. En conséquence, vous n'avez droit à aucune indemnité réduite.

Vous n'avez plus droit à l'indemnité de remplacement du revenu depuis la date où vous occupez l'emploi convenable, soit le 91-01-21.» La Commission fait également parvenir au travailleur une autre décision datée du 31 janvier 1991 se lisant comme suit : «Suite à notre décision statuant sur votre admissibilité à la réadaptation, nous avons entrepris, avec votre collaboration, des démarches auprès de votre employeur afin d'en arriver à une solution appropriée.

L'évaluation de la situation a permis de conclure que vous êtes capable d'exercer l'emploi convenable de commis de bureau chez votre employeur.

Votre indemnité de remplacement du revenu sera réduite du revenu net retenu de cet emploi à compter de la date de votre évaluation, soit le 21 janvier 1991. Une lettre de décision sur le revenu de cet emploi et sur le calcul de cette indemnité réduite vous parviendra sous peu.

Selon l'article 52 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, nous effectuerons le calcul d'indemnité de remplacement du revenu car vous occupez un nouvel emploi depuis le 17 octobre 1988.» Dans un rapport d'étape de physiothérapie daté du 1er février 1991, on indique que la condition du travailleur est stable et qu'il présente des céphalées fréquentes.

Le 4 février 1991, le Dr Taillefer, dans un rapport médical, indique que le travailleur présente une cervico-dorsalgie myotensive avec céphalées occipitales rebelles récidivantes et il recommande des traitements de massothérapie.

Le 18 février 1991, le Dr Forget prescrit un arrêt de travail au travailleur, en indiquant qu'il souffre de discopathie cervicale, qu'il y a peu de changement et qu'il recommande des traitements de massothérapie.

Le travailleur adressera à la Commission, le 4 mars 1991, une réclamation concernant une rechute, récidive ou aggravation survenue le 18 février 1991. Il décrit en ces termes les motifs de sa réclamation : «Aggravation des maux de tête dus à l'intolérance et à l'inefficacité des médicaments.» Le 8 avril 1991, le Dr Forget note ce qui suit dans un certificat médical : «Il y a eu aggravation de la condition de M. Jean dans le sens où il ne tolère plus les médicaments qui le soulageaient auparavant.» Le travailleur est examiné à la demande de l'employeur par le Dr Hany Daoud, chirurgien-orthopédiste, le 12 avril 1991. Ce médecin, à l'historique au dossier du travailleur, écrit que ce dernier lui reconfirme que depuis environ une dizaine d'années et sur une base journalière, il prend du Motrin 400 mg quatre fois par jour avec du Sulcrate. Il indique quant aux plaintes subjectives actuelles du travailleur que ce dernier souffre de céphalées, surtout occipitales droites, de façon continue avec des variations d'intensité et qu'il ne prend pas d'analgésiques pour ses douleurs. Il se plaindrait également d'irradiation vers le membre supérieur droit, ainsi que d'engourdissements au niveau du majeur et de l'annulaire droits. Le Dr Daoud écrit que des radiographies de la colonne cervicale démontrent un très minime début de cervicarthrose à C5-C6 et il adresse les conclusions suivantes à l'employeur : «Le diagnostic chez ce patient est une céphalée sans signe objectif évident relié à la colonne cervicale.

Je ne pense pas, en comparant les mouvements de ce patient avec les examens passés antérieurement lors des différentes expertises, qu'il y ait un changement dans son état actuel.

Les traitements de physiothérapie ne sont pas nécessaires.

A mon avis, la date de consolidation est fixée à ce jour, soit le 12 avril 1991.» La rechute, récidive ou aggravation du travailleur est acceptée par la Commission et des indemnités de remplacement du revenu lui sont versées conformément aux dispositions de la loi.

Après avoir fait subir au travailleur un Ct-Scan lombaire et cervical, le Dr Lefrançois, neurochirurgien, dans un rapport médical qu'il complète le 10 mai 1991, indique que le scan cervical révèle des bombements discaux alors que le scan lombaire révèle de l'arthrose. Il est d'avis qu'il n'y a pas de traitement suggéré en neurochirurgie, donne congé au travailleur et lui prescrit des comprimés de Motrin 600 mg 2 fois par jour.

Dans un rapport final qu'il complète le 27 mai 1991, le Dr Forget indique qu'en relation avec un diagnostic de discopathie cervicale et de spondylolyse lombaire, il n'y a pas de traitement chirurgical, pas de traitement en physiothérapie, que le travailleur est encore souffrant, qu'il ne peut retourner à son ancien travail et qu'il y a lieu de le référer en réadaptation sociale. Il est d'avis que la lésion entraîne encore des limitations fonctionnelles, que ces limitations fonctionnelles ont été aggravées et que la lésion entraîne encore une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique. Il consolide la lésion professionnelle à cette date.

Considérant que le travailleur est porteur d'une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles, la Commission, le 13 juin 1991, l'informe qu'il est référé en réadaptation afin que soit évaluée sa capacité à exercer son emploi habituel.

Le 15 juillet 1991, à la suite d'une demande d'arbitrage formulée par l'employeur, le Dr Fernand Duplantis, neurologue, après avoir examiné le travailleur, dans l'historique de son dossier, note que le travailleur, à la suite de l'accident du travail du 27 novembre 1986, s'est toujours plaint des mêmes malaises, soit de douleurs cervicales et surtout de céphalées et qu'il prenait une quantité importante de médicaments. Il mentionne que le travailleur aurait eu une certaine intolérance aux médicaments, si bien qu'il consulta son omnipraticien le 18 février 1991 et que celui-ci l'aurait mis en arrêt de travail. Le travailleur ne travaillerait plus depuis cette date, se plaignant toujours de céphalées. Il note à la date de son examen que le travailleur ne reçoit aucun traitement si ce n'est du Motrin 600 mg 2 fois par jour et au besoin, comme le lui a recommandé le Dr Lefrançois en date du 10 mai 1991. A l'examen subjectif du travailleur, il écrit que celui-ci se plaint essentiellement de céphalées qui sont presque constantes, cette douleur ayant un point de départ à l'épaule droite s'irradiant à la région paravertébrale cervicale droite, pour s'irradier à tout le crâne. Le travailleur lui déclare que parfois la douleur est plus intense au niveau de l'hémicrâne droit et à la région rétro-orbitaire droite et que cette douleur se manifeste sous forme de pression augmentant sans aucun facteur provocateur, parfois accompagnée de nausée mais pas de vomissement et que la durée de la céphalée est de deux à quinze heures et surviendrait de 3 à 4 fois par semaine. Selon ce que lui indique le travailleur, cette céphalée ne serait pas modifiée par l'arrêt de travail qui lui a été accordé en février 1991 et elle serait accentuée par le stress. Le Dr Duplantis conclut quant au diagnostic que le travailleur est porteur de bombements discaux cervicaux à tous les niveaux sans signe de hernie discale, qu'il présente des céphalées non spécifiques, une arthrose sacro-iliaque bilatérale, de même qu'une arthrose lombaire avec bombement discal L4-L5 et spondylolyse. Il estime que la lésion professionnelle du 18 février 1991 est consolidée le 12 avril 1991 et qu'aucun traitement de physiothérapie ou autre traitement n'est requis.

Le 30 juillet 1991, le Dr Roch Banville évalue, à la demande de la Commission, les limitations fonctionnelles et le déficit anatomo-physiologique découlant de la rechute, récidive ou aggravation survenue le 18 février 1991. Quant aux plaintes et problèmes reliés à la lésion professionnelle, il note que le travailleur présente des céphalées occipitales quasi permanentes irradiant à l'épaule droite, une lombosciatalgie gauche, des engourdissements de la cuisse gauche accompagnés de picotements.

Il note de plus : «Monsieur Raymond Jean continue d'avoir des problèmes, même après une physiothérapie et un traitement anti- inflammatoire non stéroïdien et analgésique. A cause des effets secondaires de ces médicaments anti- inflammatoires, le patient a été obligé d'arrêter son traitement (février 1991). A ce moment-là, il ressent des céphalées très importantes au niveau occipital, irradiant à l'épaule droite, ce qui l'empêche même d'effectuer son travail de bureau.» Le Dr Banville est d'avis que le travailleur présente une aggravation de sa condition et qu'il a eu un dérangement intervertébral mineur cervical multi-étagé supérieur et inférieur avec céphalées hémicrâniennes droites permanentes. Il émet les limitations fonctionnelles suivantes : «SEQUELLES GENANT LE TRAVAILLEUR A SON TRAVAIL : A la suite des examens objectifs et subjectifs, chez ce patient, nous pouvons affirmer que celui-ci ne peut garder une position assise avec la tête penchée (donc en flexion antérieure) pour une période de plus de trente minutes sans le risque de lui apporter une céphalée occipitale. Cette céphalée l'empêche d'effectuer son travail de bureau. Etant donné ses difficultés à la flexion antérieure de la tête ainsi qu'à l'extension, ce patient est limité dans ses mouvements. Il présente également des séquelles post- entorse lombo-sacrée avec irritation radiculaire S1 gauche. Il ne peut pas maintenir de postures prolongées plus de 20 minutes debout ou assis.

Enfin, le caractère continu de la douleur et son effet sur le comportement et sur la capacité de concentration sont incompatibles avec tout travail régulier, véritablement rémunérateur.

[...] CONCLUSION : Nous sommes devant un patient âgé de 51 ans qui a travaillé comme camionneur pour la compagnie «CPX et TRANSPORT» pendant 16 ans. Il a été victime de quelques accidents de travail qui ont sollicité sa colonne cervico-dorso-lombaire déjà hypothéquée et sensibilisée par une arthrose d'origine professionnelle (il a été exposé pendant 16 ans à des vibrations de basses fréquences). Son dernier accident de travail a déclenché une céphalée occipitale qui n'a jamais disparu en dehors du traitement anti-inflammatoire et analgésique. Actuellement, à cause de ses séquelles cervicales, le travailleur est incapable d'effectuer son travail de bureau. Il présente chaque jour, après quelques heures de travail, des céphalées occipitales insupportables d'origine cervicale.

Notre examen a retrouvé un patient porteur de séquelles insupportables : - D.I.M. cervical (sup. et inf.) avec ankylose partielle du rachis cervical en C2-C3, et C5- C6-C7.

- Séquelles post-entorse lombo-sacrée, avec irritation radiculaire S1 gauche.

Ces séquelles requièrent des limitations fonctionnelles décrites plus haut : - Eviter les gestes répétitifs et tout travail exigeant une manutention au-dessus des épaules; - Eviter un travail avec une position prolongée de la tête penchée; - Eviter les vibrations de basses et très basses fréquences (camion, véhicule lourd ou véhicule de chantier); - Ne doit pas utiliser d'outils vibratoires; - Ne doit pas soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 15 à 25 kg; - Travailler en position accroupie; - Ne doit pas ramper, grimper; - Ne doit pas effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d'extension ou de torsion de la colonne lombaire.

Notre opinion est que Monsieur Jean Raymond (sic) a des séquelles cervicales qui sont consécutives à la rechute du 18 février 1991.» Le Dr Banville est également d'avis qu'il y a eu aggravation du déficit anatomo-physiologique dont est porteur le travailleur.

Il l'évalue comme suit : « SÉQUELLES ACTUELLES : Séquelles objectives post-entorse cervicale : (code 203513 DAP 2%) Déficit sensitif de 25% des racines nerveuses de C6 : (code 112354 DAP 1,5%) Déficit sensitif de 25% des racines nerveuses de C7 : (code 112363 DAP 1%) Déficit sensitif de 25% des racines nerveuses de C8 : (code 112372 DAP 1%) D.P.J.V. (5 à 5,99)0,75% _____ TOTAL : 6,25% Séquelles actuelles :6,25% Séquelles antérieures : - 2 % _____ TOTAL DES SÉQUELLES :4,25%» On retrouve au dossier du travailleur un rapport d'évaluation de son poste de travail de commis de bureau, effectué par Mme Francine Coulombe, conseillère en réadaptation à la Commission.

Au chapitre de la description des tâches, elle écrit que le travailleur doit répondre aux clients sur la localisation des colis, répondre au téléphone et effectuer des recherches sur informatique. Il doit également de façon secondaire effectuer des recherches sur des factures ou autres documents, se déplacer hors de son secteur et il peut obtenir de l'aide d'un préposé.

Elle note qu'il n'a à manipuler aucun produit ou matériaux. Elle conclut qu'il s'agit d'un travail de bureau où le travailleur peut se lever au besoin, qu'il n'y a aucune exigence au niveau de la production et qu'il existe une bonne collaboration de la part du superviseur. Elle conclut que physiquement, le travailleur peut occuper cet emploi sans qu'il n'y ait à apporter aucune correction. Quant à la validation par le travailleur, elle est d'avis que celui-ci est d'accord sur ce point, sauf qu'il dit avoir souvent des maux de tête qui l'invalident. En ce qui concerne la description détaillée des mesures de correction, elle estime qu'aucune mesure correctrice n'est à apporter d'après le travailleur, le poste étant confortable, et les maux de tête n'étant pas causés par l'aménagement du poste selon celui-ci.

Le 5 novembre 1991, la Commission fait parvenir la décision suivante au travailleur : «Suite à votre lésion professionnelle du 18 février 1991, vous demeurez avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.

Le 30 octobre 1991, nous vous avons rencontré chez votre employeur et nous avons visité votre poste de travail de commis de bureau.

Considérant que ce travail respecte vos limitations fonctionnelles énumérées sur le rapport d'évaluation médicale du 17 juillet 1991, surtout les limitations concernant le travail de bureau comme «éviter un travail avec une position assise avec la tête penchée plus de trente (30) minutes»; Considérant votre manque de collaboration lors de l'évaluation de vos capacités de travail; Considérant que les exigences du poste de travail de commis de bureau ne nous permettent pas d'entrevoir de problèmes de retour au travail; Par conséquent, vous êtes capable d'exercer votre emploi de commis de bureau à compter du 11 novembre 1991. Aucune indemnité de remplacement du revenu ne sera versée après le 10 novembre 1991.» Le 6 novembre 1991, la Commission reconnaît que le travailleur est porteur d'un déficit anatomo-physiologique faisant suite à l'aggravation survenue le 18 février 1991 totalisant 4.15%.

Le 12 novembre 1991, le Dr Poitras indique dans une attestation médicale que le travailleur souffre de cervicalgie et de lombalgie, de même que de céphalées et qu'il a effectué une tentative de retour au travail le 11 novembre 1991 mais a dû cesser de travailler à 11h30 à cette même date et qu'il sera revu par son médecin traitant.

Le 18 novembre 1991, le Dr Forget note dans un rapport médical que le travailleur souffre de discopathie cervicale, qu'il a tenté un retour au travail le 11 novembre 1991, mais qu'il est incapable de faire son travail.

Le travailleur, le 26 novembre 1991, conteste la décision rendue par la Commission le 5 novembre 1991.

Le 2 décembre 1991, le Dr Forget prescrit au travailleur des Motrin 600 mg deux fois par jour, de même que du Sulcrate 1 g quatre fois par jour. Il prévoit un arrêt de travail prolongé.

Le travailleur adressera une réclamation pour rechute, récidive ou aggravation à la Commission survenue le 11 novembre 1991, le 12 février 1992.

A la demande de la Commission, le Dr Forget complète un rapport d'évaluation complémentaire écrite le 14 février 1992, dans lequel il note que le diagnostic de la lésion professionnelle est le même, qu'il est déjà consolidé, qu'il lui a prescrit du Motrin 400 mg deux fois par jour et du Sulcrate 1 g trois fois par jour car il n'est plus capable de tolérer du Motrin 600 mg quatre fois par jour à cause des problèmes digestifs. A son avis, il y a aggravation subjective et le travailleur est incapable de fonctionner même comme commis de bureau à cause de la douleur chronique qui l'empêche de se concentrer et de travailler.

La Commission, le 28 février 1992, fait parvenir au travailleur la décision suivante : «Suite à votre réclamation du 12 février 1992 nous désirons vous informer que nous ne pouvons poursuivre vos indemnités de remplacement du revenu et votre plan de réadaptation selon l'article 51 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Nous n'avons pu établir que l'emploi convenable de commis de bureau chez votre employeur tel qu'occupé lors de notre visite de poste du 30 octobre 1991 comporte des dangers pour votre condition.» Le travailleur conteste cette décision de la Commission le 27 mars 1992.

Le 21 mai 1992, le bureau de révision, par une décision majoritaire, confirme les deux décisions de la Commission contestées par le travailleur et déclare que ce dernier est capable d'exercer l'emploi de commis de bureau à compter du 11 novembre 1991, date après laquelle aucune indemnité de remplacement du revenu ne pouvait lui être versée, et qu'il n'y a pas lieu, puisqu'il n'a pas subi de rechute, récidive ou aggravation le 11 novembre 1991, de continuer à lui verser des indemnités de remplacement du revenu. Dans la décision majoritaire du bureau de révision, les membres font référence aux notes évolutives complétées par la conseillère en réadaptation dans le dossier du travailleur à compter du 16 juillet 1991. En date du 16 juillet 1991, Mme Francine Coulombe écrit en effet ce qui suit au dossier du travailleur à la suite d'une entrevue tenue à cette date avec celui-ci : «Il est convaincu qu'il doit être invalide à cause de ses maux de tête constants qui sont aggravés lorsqu'il est au travail. Il pense que peut-être la position de son écran, le stress seraient des facteurs. Aussi il y a arthrose qui s'accentue avec le temps ce qui l'amène à changer de position constamment.» En date du 2 octobre 1991, Mme Francine Coulombe écrit qu'à la suite d'une entrevue téléphonique avec M. Yvon Alain, supérieur immédiat du travailleur, ce dernier lui explique que le travail de commis de bureau effectué par le travailleur depuis 1988 consiste essentiellement en un travail sur écran cathodique, de servir la clientèle, répondre au téléphone, faire des vérifications dans les livres, qu'il y a des pauses aux deux heures, qu'il n'y a pas d'exigences au niveau du rendement, ni au niveau de la quantité à fournir, et qu'il y a une très grande ouverture et un respect de la condition des gens. Puis, le 4 octobre 1991, la conseillère en réadaptation écrit au dossier du travailleur, après l'avoir rencontré à cette date, que pour celui-ci : «Il est clair qu'il prévoit une invalidité permanente et qu'il y a eu discussion avec les médecins à ce sujet.» Elle mentionne avoir expliqué au travailleur l'objectif de la réadaptation professionnelle, soit de trouver un emploi adapté à la condition ou aux limitations fonctionnelles et la réadaptation sociale se situant au niveau d'un support de type relaxation s'il y a besoin, à partir des limitations fonctionnelles précisées dans l'évaluation médicale complétée par le médecin traitant le 17 juillet 1991. Mme Coulombe note que lors de l'entrevue, le travailleur lui précise que selon lui, le travail avec la clientèle lui génère beaucoup de tension, qu'il y a beaucoup d'appels, qu'il y a peu de temps pour compléter les informations manquantes et que la tension provoque chez lui des maux de tête importants.

A la suite d'une rencontre tenue chez l'employeur en présence du travailleur, de même que des représentants de l'employeur et du syndicat afin de statuer sur la capacité du travailler d'effectuer le travail de commis de bureau, Mme Coulombe écrit les notes suivantes au dossier du travailleur en date du 31 octobre 1991 : «Le travailleur nous réfère au REM du 17 juillet 1991 dans lequel il est indiqué : «Le caractère continue de la douleur et son effet sur le comportement et sur la capacité de concentration sont incompatibles avec tout travail régulier véritablement rémunérateur».

Il est clairement indiqué au travailleur qu'il ne peut compter sur une invalidité totale permanente car la présomption d'invalidité (art. 53) ne peut être appliquée car il n'avait pas 60 ans au moment de l'événement et que nous ne pouvons démontrer à ce moment ci, qu'il ne peut physiquement accomplir tout travail. L'employeur et le syndicat collaborent grandement à l'identification de postes que pourrait occuper le travailleur et qui respecteraient les limitations physiques.» Puis, Mme Coulombe indique l'identification de six postes examinés lors de cette rencontre, soit la réception des appels, commissaire aux appointements, «manifesting», réception, tarification, classement de factures, postes pour lesquels il posséderait l'ancienneté requise. Elle écrit cependant ce qui suit : «Il n'aimerait occuper aucun de ces emplois, soit qu'il n'aime pas le travail ou qu'il y a trop de travail.» Par la suite, différentes personnes présentes à la rencontre visitent le poste de travail de commis de bureau occupé par le travailleur. Il importe de reproduire les commentaires suivants écrits par Mme Coulombe à la suite de la visite du poste de commis de bureau : «Poste de travail comprend un bureau et un écran qui est à sa droite. Il reçoit à tour de rôle un appel de client pour localiser la marchandise. Il vérifie à l'écran s'il ne connaît pas la réponse ou se lève de son bureau fait environ 20 pieds et accède au local où toutes les factures sont compilées par mois. Il fait la vérification et retourne donner la réponse. Si autres vérifications à faire à l'intérieur du bureau, il y a quelqu'un qui s'en charge. Il peut prendre le message sur formulaire approprié, faire les recherches et appeler à nouveau les clients. Il y a 5 personnes environ qui font ce travail. Il n'a pas d'exigence au niveau du rendement. L'horaire est de jour 8h à 4h30 et les fumeurs sortent régulièrement fumer une cigarette et M. Jean est fumeur, deux pauses de 15 minutes et 1/2 heure pour dîner. Le poste de travail est confortable et adéquat d'après le travailleur.

Sauf qu'il nous dit que peu importe le travail qu'il occupera il aura des maux de tête importants et qu'il ne peut occuper aucun travail chez l'employeur.» La conseillère en réadaptation ajoute ce qui suit : «Considérant la coopération apportée par l'employeur et le syndicat; Considérant les limitations fonctionnelles énumérées dans le REM du 17 juillet 1991; Considérant que d'après les informations obtenues auprès du Dr Germain, la flexion antérieure de la tête c'est une flexion maximale et cette flexion doit être prolongée; Considérant que le travailleur nous indique qu'il a aimé faire ce travail; Considérant que son superviseur connaît l'état du travailleur et collabore très bien; Considérant que le travail de commis de bureau est un emploi où il n'y a pas de quotas à respecter et les exigences sont minimales; Considérant qu'après 2h de discussion nous n'avons pu obtenir la collaboration du travailleur sur un emploi offert; Par conséquent nous déterminons qu'il peut occuper le travail de commis de bureau, travail qu'il occupait lors de l'événement du 18 février 1991 et que cet emploi est disponible et il peut l'occuper à compter du 11 novembre 1991, toutes les parties ont été avisées verbalement, je confirme le tout par lettre.» Le travailleur conteste la décision du bureau de révision le 20 juillet 1992, d'où le présent appel.

A l'audience devant la Commission d'appel, le travailleur déclare que lorsqu'il a repris le travail le 8 janvier 1988 comme commis de bureau, il ressentait des douleurs lombaires mais souffrait surtout de maux de tête. Il prenait alors pour se soulager des médicaments qui lui permettaient de travailler à temps complet 40 heures par semaine. Son médecin traitant, le Dr André Forget, lui prescrivait des Motrin 600 mg trois fois par jour. Outre cette médication, il ne bénéficiait d'aucun autre traitement.

Il précise que le 18 février 1991, il a consulté à nouveau son médecin traitant en raison de douleurs dans le cou, maux de tête violents et maux de coeur devenus intolérables. Il mentionne qu'il ne tolérait plus les médicaments et que lorsqu'il a revu le Dr Forget, celui-ci l'a placé en arrêt de travail et a modifié sa médication, lui prescrivant des Motrin 400 mg à raison de quatre fois par jour avec du Sulcrate. Le travailleur relate que son médecin traitant lui a dit qu'il avait consommé trop de codéine et que ces médicaments ne lui faisaient plus d'effet.

Par ailleurs, afin de diminuer les effets secondaires au niveau gastrique, il lui a prescrit de plus petites doses afin de répartir l'effet des Motrin. Finalement, le travailleur précise qu'ayant fait un infarctus par la suite au mois de mars 1991, il a dû abandonner toute médication, même les Motrin, et il ne peut plus soulager les douleurs à la région lombaire et surtout les douleurs au niveau occipital. Il consomme cependant des comprimés de Nitroglycérine.

Le travailleur mentionne que depuis le 18 février 1991, date de la rechute, récidive ou aggravation, il est incapable d'effectuer tout travail rémunéré. En effet, n'ayant aucun soulagement particulier de ses maux de tête, il est incapable de se concentrer ou de travailler dans une situation de stress. Il mentionne que les maux de tête peuvent se déclencher n'importe quand et persister pendant plusieurs heures. Il relate qu'il a essayé d'autres traitements, tels que la physiothérapie, l'acupuncture, des injections, et qu'il n'obtient plus aucun soulagement de ses céphalées. Interrogé sur les activités qu'il exerce actuellement, il mentionne qu'il prend des marches, effectue des commissions, qu'il conduit son automobile, qu'il ne fait partie d'aucune association, qu'il regarde la télévision environ deux à trois heures par soir et que pendant la journée, il lit des livres. Il déclare qu'il est abonné à une librairie à Laval et qu'il va chercher environ cinq à huit livres par mois lisant particulièrement des biographies. Il mentionne également qu'il s'occupe du souper mais qu'il ne participe pas à l'entretien de la maison, lequel est effectué par son fils ou son épouse.

Il raconte qu'il a repris son travail de commis de bureau le 11 novembre 1991 au service à la clientèle mais qu'en raison des douleurs qu'il éprouvait dans le cou et de maux de tête violents, il a cessé après quelques heures et le Dr Forget l'a replacé en arrêt de travail.

La représentante du travailleur dépose à l'audience une lettre complétée par le Dr André Forget le 6 septembre 1994 se lisant comme suit : «Malgré mes rapports et celui du Dr Banville le 30/07/91 qui concluaient que le patient était incapable d'effectuer un travail de commis de bureau en raison de céphalées occipitales insupportables d'origine cervicale, la CSST a obligé Monsieur Jean à retourner au travail le 11 novembre 1991. Le jour même, après quelques heures, il a dû cesser son travail à cause de ces mêmes douleurs.

Depuis, on semble attacher beaucoup d'importance à savoir s'il y a aggravation objective de sa condition le 11 novembre même. De fait, entre le 30 juillet et le 11 novembre, il n'y a pas eu d'amélioration de sa condition mais plutôt aggravation car il a développé une intolérance digestive aux anti-inflammatoires prescrits pour le soulager.

Quant à qualifier cette aggravation de subjective ou d'objective, je trouve la distinction non pertinente.

Les paramètres d'ankylose et d'arthrose radiologiques peuvent être demeurés les mêmes. Quant à l'intensité d'une douleur chronique, il n'y a pas de «dolorimètre» permettant de mesurer «objectivement» celle-ci. On peut présumer par contre que le fait de ne plus pouvoir lui donner autant de médication a sûrement augmenté ses douleurs à un tel niveau que la tentative de retour au travail était vouée à l'échec.» Elle dépose également une déclaration d'invalidité complétée par le Dr Forget le 9 septembre 1992 à l'attention de la compagnie SunLife du Canada, compagnie d'assurance vie du travailleur.

Dans ce document, le Dr Forget indique que le travailleur est actuellement incapable de travailler depuis le 11 novembre 1991, que le diagnostic de la maladie est discopathie cervicale et que la nature du traitement consiste en une médication de Motrin et de Sulcrate.

ARGUMENTATION La représentante du travailleur plaide que la Commission en l'espèce aurait dû appliquer les dispositions prévues à l'article 51 de la loi et rétablir le droit à l'indemnité de remplacement du revenu au travailleur, puisque selon l'avis de son médecin traitant, il n'est plus en mesure d'occuper l'emploi convenable de commis de bureau. C'est en effet ce qui ressort du rapport final complété par le médecin traitant du travailleur, le Dr Forget, le 27 mai 1991, et selon l'expertise du Dr Banville du 30 juillet 1991. Par ailleurs, la preuve prépondérante est à l'effet que le travailleur est incapable de travailler depuis le 18 février 1991, puisque les médicaments qui contrôlaient sa symptomatologie douloureuse, particulièrement ses céphalées, ne font plus effet et qu'il est incapable de prendre cette médication.

Pour sa part, le représentant de l'employeur soutient qu'au contraire, la preuve prépondérante est à l'effet que le travailleur est capable d'exercer l'emploi convenable de commis de bureau, lequel n'exige qu'un rendement minimal et respecte en tous points les limitations fonctionnelles reconnues au travailleur.

MOTIFS DE LA DÉCISION Dans la présente instance, la Commission d'appel doit déterminer si à la suite de la rechute, récidive ou aggravation survenue le 18 février 1991, le travailleur est toujours capable d'exercer l'emploi de commis de bureau à compter du 11 novembre 1991, poste qu'il occupait comme emploi convenable. De même, la Commission d'appel doit déterminer si la Commission était justifiée dans sa décision du 28 février 1992 de ne pas faire bénéficier le travailleur des dispositions prévues à l'article 51 de la loi à compter du 11 novembre 1991. L'article 51 de la loi se lit comme suit : 51. Le travailleur qui occupe à plein temps un emploi convenable et qui, dans les deux ans suivant la date où il a commencé à l'exercer, doit abandonner cet emploi selon l'avis du médecin qui en a charge récupère son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 et aux autres prestations prévues par la présente loi.

Le premier alinéa ne s'applique que si le médecin qui a charge du travailleur est d'avis que celui-ci n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper cet emploi convenable ou que cet emploi convenable comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur.

En l'espèce, la représentante du travailleur plaide que ce dernier rencontre les dispositions de l'article 51 de la loi, puisque le 11 novembre 1991, il occupait à plein temps un emploi convenable de commis de bureau depuis moins de deux ans et que selon les rapports médicaux fournis par ses médecins traitants, il n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper cet emploi convenable, lequel comporte un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique. Au soutien de son argumentation, la représentante du travailleur s'appuie sur une décision de la Commission d'appel rendue dans l'affaire Gauthier et Cie Contreplaqué Canada Québec Inc., [1988] C.A.L.P. 986 , dans laquelle le commissaire Guy Beaudoin déclarait que la compétence de la Commission pour évaluer les conditions d'application de l'article 51 ne lui permettait pas de remettre en cause le bien- fondé de l'avis du médecin qui a charge du travailleur, mais se limitait à constater l'existence de l'avis du médecin qui a charge du travailleur, selon lequel un travailleur n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper un emploi convenable.

La Commission d'appel, dans une autre affaire, Perpignan et Paris Star Knitting Mills Inc. et CSST, (CALP 05536-60-8711, 27 mars 1992, J4-10309) s'écartait de cette position et déclarait que l'avis du médecin traitant constitue une preuve prima facie pouvant être contredite par toute preuve prépondérante à l'effet contraire sur la capacité d'un travailleur d'exercer raisonnablement un emploi convenable. En l'espèce, la Commission d'appel, pour les mêmes motifs qu'exposés dans l'affaire Perpignan, précitée, estime que l'avis émis par le médecin traitant dans le cadre de l'article 51 de la loi ne constitue pas un avis sur une question d'ordre médical prévu à l'article 212 de la loi liant la Commission aux termes de l'article 224 de la loi, mais constitue plutôt une opinion portant sur une question de fait concernant la capacité d'un travailleur d'exercer raisonnablement un emploi convenable, sujet sur lequel, la Commission, aux termes de l'article 349 de la loi, a compétence exclusive pour en disposer. L'avis ou l'opinion du médecin traitant, jusqu'à preuve du contraire, ne constitue donc qu'une preuve prima facie, à l'effet que le travailleur n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper un emploi convenable et il peut être contredit par toute preuve prépondérante à l'effet contraire.

Aussi, pour ces motifs, la Commission d'appel est d'avis que la question en litige, en l'espèce, se résume donc à déterminer si le travailleur, à compter de la date de consolidation de la rechute, récidive ou aggravation survenue le 18 février 1991, est capable d'exercer l'emploi convenable de commis de bureau qu'il exerçait dans les faits depuis le 8 janvier 1988.

En l'espèce, la Commission d'appel est d'avis que la preuve prépondérante ne permet pas de conclure que le travailleur, à la suite de la rechute, récidive ou aggravation survenue le 18 février 1991, est incapable d'exercer l'emploi convenable de commis de bureau ou n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper cet emploi convenable ou que cet emploi convenable comporte un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique. Il ressort en effet essentiellement du témoignage du travailleur, de même que des rapports médicaux émis par ses médecins traitants, que ce sont les maux de tête et les céphalées importantes et presque constantes qui l'empêcheraient d'exercer l'emploi convenable de commis de bureau. Plus précisément, de l'avis du médecin traitant du travailleur, le Dr Forget, tel qu'il l'expose dans le certificat médical qu'il complète le 8 juillet 1991, l'augmentation de la douleur chez le travailleur serait attribuable à son intolérance aux médicaments qui le soulageaient auparavant. Or, tel que le mentionne le Dr Hany Daoud, chirurgien-orthopédiste qui examine le travailleur le 12 avril 1991, de même que le Dr Forget lui-même, en réponse à la Commission le 14 février 1992, seule une aggravation subjective de la condition du travailleur est notée. C'est également l'opinion de l'arbitre médical dont l'examen subjectif du travailleur révèle que le travailleur se plaint essentiellement de céphalées alors que l'examen objectif des nerfs crâniens et du rachis cervical se révélera strictement dans les limites de la normale. Par ailleurs, bien qu'un déficit anatomo-physiologique additionnel a été attribué au travailleur à la suite de la rechute, récidive ou aggravation survenue le 18 février 1991, conformément à l'évaluation effectuée par le Dr Banville le 30 juillet 1991, ce déficit anatomo-physiologique de 4.15% sera essentiellement en relation avec un déficit sensitif de 25% des racines nerveuses de C6, un déficit sensitif de 25% des racines nerveuses de C7 de même que de C8. Or, de tels déficits sensitifs ne peuvent, de l'avis de la Commission d'appel, permettre de conclure à une objectivation des céphalées non spécifiques dont se plaint le travailleur et qui irradient à l'ensemble de son crâne, soit de l'hémicrâne droit à la région rétro-orbitaire droite, de même qu'irradiant à la région paravertébrale cervicale droite. La Commission d'appel estime en effet que le déficit sensitif au niveau C6-C7 et C8 serait plutôt compatible avec des déficiences ou une symptomatologie douloureuse affectant les membres supérieurs.

Par ailleurs, tel qu'il appert des différents examens de laboratoire radiographiques, tomographie axiale ou radiographie de la colonne cervicale du travailleur, ce dernier ne présenterait qu'un très minime début de cervicarthrose en C5-C6 ne pouvant à lui seul permettre de conclure à une objectivation des céphalées et maux de tête dont se plaint le travailleur et qui essentiellement, l'empêchent de reprendre l'emploi de commis de bureau.

L'aggravation, de l'avis même du médecin traitant du travailleur, le Dr Forget, étant une aggravation subjective, il importe de déterminer en regard de l'ensemble de la preuve qui a été soumise à la Commission d'appel, si effectivement le travailleur présente des céphalées à ce point incapacitantes et intenses qu'elles le rendent incapable à toute fin pratique d'occuper tout emploi rémunérateur ou l'emploi de commis de bureau qu'il exerçait lors de la rechute, récidive ou aggravation du 18 février 1991. Or, des réponses données par le travailleur à des questions qui lui furent posées lors de l'audience devant la Commission d'appel en regard de son emploi du temps depuis l'arrêt de travail du 18 février 1991, la Commission d'appel entretient de sérieux doutes quant au niveau d'incapacité du travailleur résultant des céphalées dont il prétend souffrir. En effet, le travailleur a témoigné devant la Commission d'appel, à l'effet qu'il occupe ses journées à lire des livres, plus particulièrement entre cinq et huit livres par mois, alors que pendant la soirée, il regarde la télévision environ deux à trois heures par soir. De l'avis de la Commission d'appel, la lecture de livres demande à tout le moins un minimum de concentration et une position fixe de la tête qui apparaissent incompatibles avec l'intensité et l'ampleur des céphalées décrites à l'audience par le travailleur et rapportées par ses médecins traitants.

Par ailleurs, la Commission d'appel s'interroge sur le fait que les différents médecins déclarent que le travailleur, en raison d'une intolérance gastrique, ne peut plus soulager ses céphalées par des anti-inflammatoires ou des analgésiques, alors que dans le rapport d'invalidité adressé à la compagnie d'assurance vie et déposé à l'audience, le médecin traitant du travailleur, le Dr Forget, relate que depuis le 11 novembre 1991, le travailleur soulage sa discopathie cervicale encore par des Motrin. Quant à l'intolérance gastrique décrite par le travailleur, il appert que dès le 4 août 1988, le Dr Forget, bien avant la rechute, récidive ou aggravation du 18 février 1991, relatait que le travailleur éprouvait une intolérance gastrique à consommer des anti- inflammatoires non stéroïdiens. Aussi, bien avant l'aggravation du 18 février 1991, le travailleur éprouvait des difficultés à tolérer cette médication, situation qui n'apparaît donc pas nouvelle depuis cette dernière rechute, récidive ou aggravation.

En ce qui concerne l'évaluation des limitations fonctionnelles effectuée par le Dr Banville le 30 juillet 1991, la Commission d'appel tient à souligner que l'évaluation des limitations fonctionnelles par le médecin traitant doit se limiter à l'évaluation des limitations physiques ou psychiques d'un individu et non à la détermination de sa capacité à effectuer un emploi spécifique, sujet qui relève essentiellement de la compétence de la Commission aux termes de l'article 349 de la loi se lisant comme suit : 349. La Commission a compétence exclusive pour décider d'une affaire ou d'une question visée dans la présente loi, à moins qu'une disposition particulière ne donne compétence à une autre personne ou à un autre organisme.

Aussi, les conclusions du Dr Banville, lorsqu'il se prononce sur les séquelles gênant le travailleur à son travail et déclare que les céphalées qu'il présente l'empêchent d'effectuer son travail de bureau et que le caractère continue de la douleur et son effet sur son comportement et sur sa capacité de concentration sont incompatibles avec tout travail régulier véritablement rémunérateur, ne constituent qu'une opinion ne liant aucunement la Commission aux fins de rendre une décision.

La Commission d'appel ayant par ailleurs examiné l'ensemble de la preuve qui lui a été soumise et plus particulièrement les notes écrites au dossier du travailleur par la conseillère en réadaptation concernant les différents emplois de bureau proposés au travailleur, après avoir pris connaissance de la description de ceux-ci, de même que des exigences requises, est d'avis qu'en regard des limitations fonctionnelles retenues dans l'évaluation du Dr Banville du 30 juillet 1991, l'emploi de commis de bureau respecte ses limitations fonctionnelles, soit : d'éviter des gestes répétitifs et tout travail exigeant une manutention au- dessus des épaules, d'éviter un travail avec une position prolongée de la tête penchée, éviter les vibrations de basses et de très basses fréquences, ne pas utiliser d'outils vibratoires, ne pas soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 15 à 25 kg, ne pas travailler en position accroupie, ne pas ramper, grimper, ne pas effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes, de flexion, d'extension ou de torsion de la colonne lombaire.

Par ailleurs, pour les motifs exposés précédemment en ce qui concerne l'évaluation de l'aggravation subjective, plus particulièrement l'aggravation des céphalées dont se plaint le travailleur depuis la rechute, récidive ou aggravation du 18 février 1991, en regard des activités que le travailleur est en mesure d'exercer par ailleurs dans sa vie quotidienne, et plus particulièrement la lecture quotidienne de livres, la conduite automobile et l'écoute de la télévision, l'ensemble de ces faits amène la Commission d'appel à conclure qu'il n'y a pas en l'espèce de preuve prépondérante, à l'effet que les céphalées dont se plaint le travailleur de façon subjective, l'empêchent d'exécuter l'emploi convenable de commis de bureau qu'il exerçait le 18 février 1991 ou aux termes de l'article 51, l'empêchent d'occuper raisonnablement cet emploi convenable ou que celui-ci constitue pour lui un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES REJETTE l'appel de M. Raymond Jean; CONFIRME la décision rendue par le bureau de révision le 21 mai 1992; DÉCLARE que M. Raymond Jean est capable d'exercer l'emploi de commis de bureau à compter du 11 novembre 1991 et qu'aucune indemnité de remplacement du revenu ne doit lui être versée après le 10 novembre 1991; DÉCLARE qu'il n'y a pas lieu de poursuivre les indemnités de remplacement du revenu et le plan de réadaptation selon les dispositions de l'article 51 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, après le 11 novembre 1991.

______________________ Marie Lamarre Commissaire F.A.T.A. - Montréal (Me Annie Gagnon) 6839A, rue Drolet Montréal (Québec) H2S 2T1 Représentante de la partie appelante CANADIEN PACIFIQUE LTEE (Me Richard Larue) 910, rue Peel, C.P. 6042, Succ. A Montréal (Québec) H3C 3E4 Représentant de la partie intéressée

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