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[1] Le 4 avril 2007, madame Chun Yan Queenieanna Mak (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 27 février 2007 à la suite d’une révision administrative (la révision administrative).
[2] Par celle-ci, la CSST maintient une décision qu’elle a initialement rendue le 22 août 2006 et, en conséquence, elle détermine que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le 12 juin 2006.
[3] L’audience dans cette affaire a lieu à Montréal, le 19 novembre 2007, en présence de la travailleuse et de son conjoint.
[4] L’employeur est absent, même si un avis de convocation l’informant du lieu, de la date et de l’heure de l’audience lui a été expédié et même si la Commission des lésions professionnelles ne possède aucun retour de courrier lui permettant de conclure que ce dernier n’aurait pas reçu ce document. La Commission des lésions professionnelles a donc procédé sans lui conformément à ce qui est prévu à l’article 429.15 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[5] Par ailleurs, comme la travailleuse est non représentée, la Commission des lésions professionnelles s’assure de sa volonté de procéder seule dans son dossier et elle lui explique la nature et le rôle du tribunal ainsi que la façon dont se déroulera l’audience.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[6] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a été victime d’une lésion professionnelle le 12 juin 2006.
L’AVIS DES MEMBRES
[7] Conformément à l’article 429.50 de la loi, la soussignée recueille l’avis des membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs sur la question soulevée par le présent litige.
[8] Les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs sont tous deux d’avis qu’il y a lieu d’accueillir la requête déposée par la travailleuse, d’infirmer la décision rendue par la révision administrative et de déclarer que cette dernière a subi une lésion professionnelle le 12 juin 2006.
[9] En effet, les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs estiment que le travail accompli par la travailleuse et, plus particulièrement, les gestes requis par celui-ci et les positions du poignet et des doigts qu’il nécessite expliquent la ténosynovite du poignet droit et des extenseurs des doigts droits diagnostiquée. Une maladie professionnelle au sens des articles 2 et 30 de la loi peut donc être reconnue.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[10] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a été victime d’une lésion professionnelle le 12 juin 2006.
[11] Or, il ressort des documents au dossier et du témoignage de celle-ci que la travailleuse est commis aux comptes payables chez l’employeur.
[12] Elle travaille cinq jours par semaine et elle accomplit un nombre considérable d’heures de travail depuis son embauche. En effet, elle travaille d’abord, de novembre 2004 à juin 2005, de 8h30 à 20-21h00. Par la suite, son horaire passe de 9h00 à 18h00 pour finalement, trois mois avant la présente réclamation, se limiter à 7 heures et demie, quotidiennement.
[13] Son travail consiste à manipuler des documents, à débrocher de grosses liasses de rapports afin d’en retirer ceux qui sont pertinents et à les brocher de nouveau après cette opération, à faire des entrées de données au clavier et à manipuler, successivement, la souris et le clavier numérique.
[14] La travailleuse indique que ce travail occupe la majeure partie de sa journée. Il implique le membre supérieur droit qui est sollicité à tous les stades de celui-ci. La travailleuse précise, de plus, que les descriptions de tâches retrouvées au dossier ne sont pas exactes et ne reflètent pas le réel contenu de ses fonctions chez l’employeur.
[15] La travailleuse n’éprouve aucun problème avec son membre supérieur droit au moment de son embauche chez l’employeur.
[16] Cependant, le 12 juin 2006, elle allègue être victime d’une lésion professionnelle dans des circonstances qu’elle décrit ainsi dans le formulaire remis à la CSST :
Data entry and general duties of accounts payable, I feel my wrist was extremely painful while I am doing my job, like stapling, data entry and writing on the right hand.
[17] Le 8 juillet 2006, elle consulte le docteur Pépin qui diagnostique une ténosynovite au poignet droit. Par la suite, le docteur D’Allaire reprend ce diagnostic et il y ajoute celui de ténosynovite des extenseurs des doigts. Le 3 août 2006, il produit un rapport final où il consolide la lésion à cette date, sans atteinte permanente ou limitations fonctionnelles.
[18] Le 22 août 2006, se basant sur les informations fournies par l’employeur relativement au travail accompli par la travailleuse et sur des photographies de son poste de travail, la CSST détermine que cette dernière n’a pas subi de lésion professionnelle le 12 juin 2006 et, le 27 février 2007, la révision administrative maintient cette décision d’où le présent litige.
[19] À l’audience, la travailleuse réitère que son travail est responsable de ses problèmes au poignet et aux doigts droits. Elle mime les gestes requis par celui-ci.
[20] La Commission des lésions professionnelles constate qu’ils impliquent des mouvements de pince avec force des doigts de la main droite, combinés à des efforts des extenseurs du poignet droit, lors des opérations avec le dégrafeur et la brocheuse. La Commission des lésions professionnelles observe également des mouvements ou des positions statiques, en extension, du poignet droit et des doigts de la main droite, lors de l’entrée de données et de l’utilisation de la souris et du clavier numérique.
[21] Or, le diagnostic de ténosynovite du poignet et des doigts de la main droite ne peut permettre à la travailleuse de bénéficier de la présomption de lésion professionnelle prévue à l’article 28 de la loi puisqu’il ne s’agit pas d’une blessure au sens de cet article.
[22] De plus, la travailleuse ne décrit aucun événement imprévu et soudain le 12 juin 2006. Un accident du travail en vertu de l’article 2 de la loi ne peut donc être accepté par la Commission des lésions professionnelles.
[23] En outre, la présomption de maladie professionnelle édictée à l’article 29 de la loi est inapplicable en l’espèce puisque, bien que la ténosynovite soit une des maladies décrites à l’annexe I de la loi, le travail accompli par la travailleuse n’est pas suffisamment répétitif pour donner ouverture à l’application de cette présomption.
[24] Cependant, les articles 2 et 30 de la loi énoncent qu’une maladie contractée par le fait du travail et reliée directement aux risques particuliers de celui-ci peut être reconnue à titre de maladie professionnelle et permettre l’octroi des prestations prévues à la loi.
[25] Dans ce dossier, la travailleuse n’éprouve aucun problème avec son membre supérieur droit au moment de son embauche même si, comme il est noté à plusieurs reprises dans ce dossier, elle a une formation de massothérapeute et même si, comme elle le confie au tribunal à l’audience, elle prodigue des massages depuis l’âge de 12 ans. En outre, les massages sont effectués des deux mains et la travailleuse ne présente des problèmes que du côté droit. Il est donc peu probable que cette activité soit à l’origine de la ténosynovite diagnostiquée.
[26] Toutefois, la travailleuse mime un travail qui sollicite, parfois avec force, les extenseurs du poignet droit et des doigts de la main droite. Cette sollicitation, durant de longues heures, à un poste de travail qui est, à l’évidence, mal aménagé, vu les extensions du poignet droit et des doigts droits qu’il exige, est de nature à expliquer la ténosynovite diagnostiquée.
[27] La Commission des lésions professionnelles retient, à cet égard, le témoignage de la travailleuse lorsqu’elle soutient que, d’une part, la description des tâches considérée par la CSST est erronée et que, d’autre part, les photographies de son poste de travail, évaluées par cet organisme, sont prises après une correction apportée à ce poste et n’illustrent pas la situation vécue par celle-ci depuis son embauche.
[28] La Commission des lésions professionnelles estime que l’analyse de la CSST est donc basée sur des données inexactes ou incomplètes et, dès lors, la décision rendue par celle-ci ne peut être maintenue.
[29] La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que la travailleuse a été victime d’une lésion professionnelle le 12 juin 2006, à savoir une maladie professionnelle au sens des articles 2 et 30 de la loi et, en conséquence, elle a droit aux prestations prévues à la loi.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête déposée par la travailleuse, madame Chun Yan Queenieanna Mak;
INFIRME la décision rendue par la CSST le 27 février 2007 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse a été victime d’une lésion professionnelle, à savoir une maladie professionnelle au sens des articles 2 et 30 de la loi, le 12 juin 2006;
DÉCLARE que la travailleuse a droit aux prestations prévues à la loi.
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Carmen Racine, avocate |
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Commissaire |
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AVIS :
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