Décision

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                           COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE

                        LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

QUÉBEC                     MONTRÉAL, le 16 mai 1995

 

 

 

DISTRICT D'APPEL           DEVANT LE COMMISSAIRE :   Réal Brassard

DE MONTRÉAL

 

 

RÉGION:  ESTRIE            ASSISTÉ DE L'ASSESSEUR:    Pierre Nadeau,

DOSSIER: 50509-05-9304                               médecin

 

 

DOSSIER CSST:088377189     AUDITION TENUE LE     :   28 mars 1995

DOSSIER BRP:  61022739

 

 

                           À                     :                              Sherbrooke

 

                                                                             

 

 

                           INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE MÉGANTIC

                           6184, rue Notre-Dame

                           Lac Mégantic (Québec)

                           G6B 3B5

                          

 

                                    PARTIE APPELANTE

 

 

                           et

 

 

                           MONSIEUR MICHEL ROY

                           Route rurale no 1

                           Nantes (Québec)

                           G0Y 1G0

                          

 

                                    PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

                           COMMISSION DE LA SANTÉ ET

                           DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL

                           1650, rue King Ouest

                           Sherbrooke (Québec)

                           J1J 2C3

 

 

                                                      PARTIE INTERVENANTE


                  D É C I S I O N

 

Le 16 avril 1993, Industrie manufacturière Mégantic (l'employeur) dépose une déclaration d'appel de la décision unanime rendue le 7 avril 1993 par le bureau de révision de la région de l'Estrie.

 

Par cette décision, le bureau de révision confirme la décision rendue le 11 février 1992 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission), décision par laquelle celle - ci refuse d'imputer en partie ou en totalité les coûts résultant de la lésion professionnelle subie par monsieur Michel Roy (le travailleur) le 1er février 1985.

 

OBJET DE L'APPEL

 

L'employeur demande à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) d'infirmer la décision du bureau de révision, de déclarer mal fondée la décision rendue par la Commission, de déclarer que l'article 327 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) doit recevoir application en l'espèce et d'ordonner à la Commission d'imputer aux employeurs de toutes les unités de classification le coût des prestations reçues par le travailleur reliées à l'algodystrophie résultant de l'intervention chirurgicale reliée à la lésion professionnelle.

 

LES FAITS

 

Le 1er février 1985, le travailleur s'inflige au travail une entorse à la cheville gauche.  La lésion est reconnue par la Commission qui indemnise le travailleur jusqu'au 23 avril 1985, date à laquelle la lésion est déclarée consolidée.

 

Le 13 février 1986, alors qu'il est âgé de 29 ans, le travailleur voit le docteur Chartier qui diagnostique une rupture de l'appareil ligamentaire interne du pied gauche.  Le 13 mars 1986, le travailleur subit une intervention chirurgicale pour réparer cette lésion.

 

Le docteur Cloutier expliquera dans un rapport d'évaluation médicale sommaire que lors de la lésion initiale, on avait négligé la laxité ligamentaire importante qui existait au niveau du compartiment interne de la cheville gauche.

 

Le 14 mars 1986, le travailleur produit donc une nouvelle demande d'indemnisation pour aggravation. Cette demande d'indemnisation est acceptée par la Commission le 28 avril 1986.

 

À la suite de l'intervention chirurgicale, le travailleur ne récupère pas normalement et, le 16 septembre 1986, le docteur André Ghibely informe la Commission qu'un examen radiologique montre une ostéoporose importante de la cheville et des os du tarse.

 

Dans un rapport d'expertise daté du 30 septembre 1986, le docteur Gilles Lamoureux, orthopédiste, diagnostique un «état sévère d'algodystrophie pied et cheville gauche ayant compliqué réparation de ligament face interne cheville gauche».  Le docteur Lamoureux mentionne alors «qu'il y aurait intérêt à procéder à une immobilisation dans un plâtre plantigrade de marche membre inférieur gauche afin de favoriser la mise en charge le plus rapidement possible et la recalcification».  Il ajoute qu'il ne faut pas prévoir de retour au travail avant trois mois et que le travailleur va demeurer avec des limitations fonctionnelles et une atteinte permanente.

 

Le 22 juillet 1987, le docteur Réjean-Yves Lévesque, radiologiste, conclut à une ostéodystrophie réflexe sympathique probable au niveau du pied et de la cheville gauche du travailleur.

 

Le 20 septembre 1990, la Commission reconnaît au travailleur une atteinte permanente de 8,05%.

 

Le 15 juillet 1991, en se référant à l'article 329 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, l'employeur adresse à la Commission une demande de partage du coût des prestations résultant de la lésion professionnelle du travailleur. Il demande un ratio de 90% aux employeurs de toutes les unités et de 10% à son dossier financier.

 

Le 11 février 1992, la Commission refuse, dans les termes suivants, la demande de l'employeur:

 

«La présente fait suite à votre demande d'imputation formulée en vertu de l'article 329 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

Après analyse des faits et des éléments de preuve, nous sommes venus à la conclusion que vous n'avez pas fait la preuve qu'une déficience était présente avant l'accident et que cette déficience ait pu avoir une relation avec l'événement.

 

En conséquence, après analyse en reconsidération, la décision de vous imputer la totalité des coûts demeure inchangée dans ce dossier.»

 

 

 

Le 18 février 1992, l'employeur conteste cette décision devant le bureau de révision.

 

Devant cette instance, l'employeur dépose un extrait du chapitre 31 de l'ouvrage de Dupuis-Leclaire, pathologie médicale de l'appareil locomoteur.  Ce chapitre traite des algodystrophies réflexes sympathiques (A.D.R.S.) et on peut notamment y lire:

 

«Les A.D.R.S. s'observent chez les adultes des deux sexes.  Elles ont été décrites aussi chez l'enfant.  Les localisations aux membres supérieurs sont définitivement prédominantes chez la femme.  Chez l'homme, elles s'observent plus souvent aux membres inférieurs.  L'impossibilité actuelle d'identifier un facteur déclenchant dans un certain nombre d'A.D.R.S. (30%) oblige à parler de deux types d'atteinte: les formes secondaires (70%) et les formes primitives sans cause décelable.  Les traumatismes représentent dans la majorité des cas (70%), la cause déclenchante, en particulier aux membres inférieurs.  Très souvent, le traumatisme initial est bénin: entorse, contusion simple, brûlure, voire simple piqûre.  Une intervention chirurgicale (pas nécessairement sur le membre atteint) et l'immobilisation plâtré prolongée ou incorrecte constituent deux autres causes ou facteurs favorisants. (...)

 


CONDITIONS ASSOCIÉES ET TERRAIN PRÉDISPOSANT

 

(...)

 

L'âge de prédilection se situe entre 30 et 50 ans chez l'homme et à l'âge climatérique chez la femme.  L'affection est souvent présente chez le sujet anxieux, contracté, avec des stigmates neurovégétatifs.  Ce terrain favorable au développement des A.D.R.S. est un terrain neurodystonique, comportant une particulière susceptibilité du système sympathique.  C'est ce terrain spécial d'ordre purement psychiatrique ou d'ordre neurochimique ou métabolique constitutionnel, qui fait souvent dire: «Ne fait pas une A.D.R.S. qui veut».  Le dérèglement soudain de la microcirculation locale (surtout son intensité et sa durée) serait-il d'abord en relation avec un syndrome d'inadaptation locale, aggravé par une réponse excessive du système nerveux central à des mécanismes neuro-hormonaux tels qu'une susceptibilité anormale des récepteurs aux catécholamines?  On évoque alors non seulement des réponses neuro-vasculaires anormales à des stimuli donnés, mais encore des anomalies fonctionnelles, constitutionnelles ou acquises, du système nerveux central à la période prénatale (capacités d'adaptation déficientes?).»

 

 

 

Le 7 avril 1993, le bureau de révision rend une décision unanime rejetant la demande de révision de l'employeur.  Dans cette décision, le bureau de révision en arrive à la conclusion, à l'analyse de la preuve, que l'employeur ne lui a pas démontré que le travailleur était déjà handicapé lorsqu'est survenue sa lésion professionnelle puisqu'il n'a pas fait la preuve que le travailleur était limité dans ses activités courantes avant son accident du travail.  De plus, il conclut que l'ostéoporose et l'algodystrophie ne résultent pas des soins qu'il a reçus pour la lésion professionnelle mais que ces affections découlent de l'accident du travail.  Le bureau de révision déduit que, dans les circonstances, l'employeur n'a pas droit au partage avec les autres employeurs des coûts de la lésion professionnelle.

 

C'est cette décision qui est portée en appel en l'instance par l'employeur le 16 avril 1993.

 

La Commission d'appel a entendu le témoignage du docteur Maurice Crépeau, orthopédiste.  Celui-ci explique que l'algodystrophie ou dystrophie réflexe est un syndrome douloureux diffus d'étiologie indéterminée, s'accompagnant de changements cutanés et neuro-moteur.  Il mentionne que 70% des cas surviennent à la suite de traumatismes, y compris la chirurgie, et que ce traumatisme peut même être bénin. Ce n'est pas une affection très fréquente: il en voit 2 à 3 cas par an dans sa pratique médicale.

 


Il conclut que dans le cas présent, cette affection dont a souffert le travailleur résulte de la chirurgie qu'il a subie pour sa lésion professionnelle.  Cette affection survient généralement 6 à 20 semaines après le traumatisme.  En l'espèce, dit-il, l'ostéoporose a vraisemblablement débuté au début du mois de mai, mais elle n'était pas encore assez importante à ce moment pour être diagnostiquée, compte tenu du fait qu'il est normal de constater de l'ostéoporose après une immobilisation plâtrée.

 

Il n'y a aucun doute dans l'esprit du docteur Crépeau que l'algodystrophie du travailleur est une complication de l'intervention chirurgicale qu'il a subie pour sa lésion professionnelle.

 

En argumentation, le représentant de l'employeur soutient que, dans la présente affaire, l'algodystrophie dont a souffert le travailleur est une lésion subie à l'occasion ou par le fait de soins reçus pour la lésion professionnelle, qu'il s'agit donc d'une lésion professionnelle au sens de l'article 31 de la loi.  Il n'y pas eu de décision de la Commission à cet effet mais, soutient-il, il y décision implicite compte tenu que le travailleur a été indemnisé pour cette lésion.

 

Sur le mérite, le représentant de l'employeur soumet qu'il est évident, en l'espèce, que l'algodystrophie est une affection qui a prolongé la période de guérison de l'entorse du travailleur.  La seule question litigieuse, dit-il, est celle de déterminer la cause de l'algodystrophie.

 

Il soumet que la preuve démontre que cette affection résulte de la chirurgie subie par le travailleur. L'intervention chirurgicale étant un traitement, il faut conclure, selon lui, que l'algodystrophie est une lésion résultant des soins reçus pour la lésion professionnelle et qu'il s'agit d'une lésion professionnelle en vertu de l'article 31 de la loi.

 

Dans les circonstances, soutient le représentant de l'employeur, le paragraphe 1E de l'article 327 doit recevoir application et les coûts de la lésion professionnelle diagnostiquée le 13 février 1986 doivent être imputés aux employeurs de toutes les unités.

 


La représentante de la Commission soumet ce qui suit:

 

Selon elle, avant de conclure à l'application de l'article 327, il faut qu'il y ait application de l'article 31.  En l'espèce, il n'y a pas eu de décision rendue par la Commission en application de l'article 31.  Elle souligne qu'en vertu de l'article 354, une décision de la Commission doit être écrite et motivée et qu'on ne peut donc plaider la décision implicite.

 

Par ailleurs, soumet-elle, pour appliquer l'article 31, il faut un événement distinct de l'intervention chirurgicale elle-même.  Dans la présente affaire, dit-elle, l'algodystrophie est effectivement secondaire à la chirurgie mais elle survient dans la continuité de la chirurgie et non à la suite d'un nouvel événement dans le cadre des soins reçus. 

 

En l'espèce, soutient-elle, la preuve ne démontre pas le lien de cause à effet entre l'algodystrophie et la chirurgie.

 


MOTIFS DE LA DÉCISION

 

Dans la présente affaire, la Commission d'appel doit déterminer si l'employeur a droit à un partage des coûts de la lésion professionnelle du travailleur, en partie ou en totalité avec l'ensemble des autres employeurs.  Dans l'affirmative, il faut déterminer si le partage doit se faire en totalité ou en partie et, dans ce dernier cas, dans quelle proportion.

 

En matière d'imputation, la règle générale est prévue à l'article 326:

 

326.  La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail et le porte au compte de l'établissement aux fins duquel le travailleur occupait son emploi au moment de l'accident.

 

Elle peut imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.

 

 

 

La règle générale est donc que l'employeur doit supporter les coûts d'une lésion professionnelle survenue dans son établissement.  Le deuxième alinéa, cependant, prévoit une mesure d'équité permettant d'imputer aux autres employeurs de l'unité ou de l'ensemble des autres unités de classification le coût des prestations si l'imputation à l'employeur seul lui ferait supporter injustement le coût des prestations.

 

Le principe est donc de faire supporter à l'employeur le coût des prestations dues à une lésion professionnelle survenant dans l'un de ses établissement tout en s'assurant, par ailleurs, que l'imputation ne soit pas injuste mais équitable.

 

Les articles 327 et 329, notamment, prévoient des cas concrets où l'imputation pourrait avoir des effets injustes pour l'employeur. Ces articles se lisent comme suit:

 

327.  La Commission impute aux employeurs de toutes les unités le coût des prestations:

 

1Edues en raison d'une lésion professionnelle visée dans l'article 31;

 

2Ed'assistance médicale dues en raison d'une lésion professionnelle qui ne rend pas le travailleur incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion.

 

 

 

329.  Dans le cas d'un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.

 

 

 

En l'instance, l'employeur soutient que le paragraphe 1E de l'article 327 supra doit recevoir application.

 

L'article 31 se lit comme suit:

 

31.  Est considérée une lésion professionnelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion:

 

1Edes soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins;

 

2Ed'une activité prescrite au travailleur dans le cadre des traitements médicaux qu'il reçoit pour une lésion professionnelle ou dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.

 

Cependant, le premier alinéa ne s'applique pas si la blessure ou la maladie donne lieu à une indemnisation en vertu de la Loi sur l'assurance automobile (chapitre A-25), de la Loi visant à favoriser le civisme (chapitre C-20) ou de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels (chapitre I-6).

 

 

 

Plus précisément, il s'agit de déterminer si, en l'espèce, il s'agit d'un cas d'application du paragraphe 1E de l'article 31 supra.

 

En l'instance, il y a eu un débat concernant le fait que la Commission n'a pas rendu de décision explicite en application de l'article 31.  La Commission d'appel considère qu'en matière d'imputation, l'absence de décision explicite en application de l'article 31 n'est pas fatale aux fins d'application de l'article 327.

 

En effet, l'article 31 existe pour permettre à un travailleur de faire une réclamation pour lésion professionnelle dans le cas particulier d'une lésion subie par le fait ou à l'occasion de soins.  Dans la mesure où le travailleur est effectivement indemnisé pour ladite lésion, sous l'aspect d'une aggravation, par exemple, comme en l'espèce, le travailleur n'aura pas besoin de recourir à l'article 31 pour bénéficier de la loi et il n'a pas intérêt non plus à présenter nécessairement une réclamation en vertu de l'article 31.

 

Le droit de l'employeur à une imputation juste et équitable, comme le prévoient les articles 326, 327 et 329, ne peut être assujetti à l'action ou à l'inaction d'un tiers.  L'application de l'article 31, rappelons-le, ne recevra application que dans la mesure où le travailleur produira une réclamation en vertu de cet article.  S'il ne le fait pas, à tort ou à raison, et si la Commission ne rend pas de décision en vertu de l'article 31 (et l'employeur, il va sans dire, n'est pas habilité à faire une réclamation en vertu de l'article 31), l'employeur perdrait son droit à une imputation juste et équitable en raison de l'inaction d'une tierce partie sur laquelle il n'a aucun contrôle.  Il serait tout à fait injuste et inéquitable et contraire à la philosophie d'équité en matière d'imputation d'assujettir l'application de l'article 327 à l'existence d'une décision explicitement rendue en vertu de l'article 31.

 

D'autre part, l'article 351 édicte, renforçant la philosophie d'équité qui doit guider toute décision, que la Commission doit rendre ses décisions suivant l'équité, d'après le mérite réel et la justice du cas:

 

351.  La Commission rend ses décisions suivant l'équité, d'après le mérite réel et la justice du cas.

 

Elle n'est pas tenue de suivre les règles ordinaires de la preuve en matière civile. Elle peut, par tous les moyens légaux qu'elle juge les meilleurs, s'enquérir des matières qui lui sont attribuées.

 

 

 


Ainsi donc, l'absence de décision explicite en application de l'article 31 n'est pas un obstacle à l'application du paragraphe 1E de l'article 327.  Même s'il n'y a pas de décision rendue en vertu de l'article 31, en matière d'imputation, il faut se demander à l'analyse des faits et de la preuve s'il s'agit d'une lésion professionnelle visée par l'article 31.

 

En l'espèce, l'algodystrophie qui a affecté le travailleur à la suite de l'intervention chirurgicale, est-elle une lésion visée par l'article 31?

 

La preuve révèle que cette affection relève d'une condition personnelle préexistante qui se manifeste, pour 70% des cas, lors d'un traumatisme même mineur et notamment lors d'une chirurgie.  Ce n'est pas la chirurgie qui en est le facteur causal mais elle est le facteur qui déclenche l'affection.

 

Le paragraphe 1E de l'article 31 parle d'une blessure ou d'une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion des soins que reçoit un travailleur pour une lésion professionnelle ou l'omission de tels soins.  Le libellé de cet article est assez large et couvre non seulement la blessure ou la maladie causée par les soins ou l'omission de soins mais aussi la blessure ou la maladie qui survient à l'occasion de tels soins, ce qui implique nécessairement la blessure ou la maladie qui, si elle n'est pas causée par les soins, est au moins déclenchée par ces soins.

 

En l'espèce, il est clair et non contesté que l'algodystrophie du travailleur a été déclenchée par les soins chirurgicaux qu'il a reçus pour sa lésion professionnelle.  Il s'agit définitivement d'un cas d'application du paragraphe 1E de l'article 31.

 

Le paragraphe 1E de l'article 327 doit donc recevoir application et la Commission doit imputer aux employeurs de toutes les unités le coût des prestations reliées à l'algodystrophie qui a affecté le travailleur.  L'appel de l'employeur doit donc être accueilli.

 

Compte tenu de la preuve à l'effet que l'algodystrophie a dû apparaître au début du mois de mai 1986, l'imputation du coût des prestations à l'ensemble des employeurs doit se faire à compter de cette date, l'employeur devant assumer les coûts de la lésion professionnelle jusqu'au 1er mai 1986.

 

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

ACCUEILLE l'appel de l'employeur, Industrie manufacturière Mégantic;

 

INFIRME la décision unanime rendue le 7 avril 1993 par le bureau de révision de la région de l'Estrie;

 

DÉCLARE que le paragraphe 1E de l'article 327 doit recevoir application;

 

ORDONNE à la Commission de la santé et de la sécurité du travail d'imputer aux employeurs de toutes les unités le coût des prestations de la lésion professionnelle subie par monsieur Michel Roy le 13 février 1986 à compter du 1er mai 1986.

 

 

 

 

                                               

                           Réal Brassard

                           Commissaire

 

 

GROUPE A.S.T. INC.

(M. Sylvain Pelletier)

3875, rue St-Urbain

Bureau 300

Montréal (Québec)

H2W 1V1

 

Représentant de la partie appelante

 

 

 

PANNETON, LESSARD

(Me Reine Lafond)

Place Jacques-Cartier

1650, rue King Ouest

Bureau 300

Sherbrooke (Québec)

J1J 2C3

 

Représentante de la partie intervenante

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