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RECTIFICATION D’UNE DÉCISION
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[1] La Commission des lésions professionnelles a rendu, le 22 décembre 2010, une décision dans le présent dossier;
[2] Cette décision contient une erreur matérielle qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 429.55 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001;
[3] Aux paragraphes 16 et 17, nous lisons :
[16] Le membre issu des associations d'employeurs est d'avis que la requête doit être rejetée.
[17] La membre issue des associations syndicales est d'avis que la requête doit être accueillie. Elle estime que le fait que la lésion professionnelle soit survenue alors que monsieur Turcotte était en période de probation constitue une circonstance particulière, au sens de l'article 76 de la loi, ce qui justifie de retenir le salaire horaire de 14,75 $ qu'il aurait gagné à la fin de cette période, aux fins de l'établissement de l'indemnité de remplacement du revenu.
[4] Alors que nous aurions dû lire à ces paragraphes :
[16] Le membre issu des associations d'employeurs est d'avis que la requête doit être accueillie. Il estime que le fait que la lésion professionnelle soit survenue alors que monsieur Turcotte était en période de probation constitue une circonstance particulière, au sens de l'article 76 de la loi, ce qui justifie de retenir le salaire horaire de 14,75 $ qu'il aurait gagné à la fin de cette période, aux fins de l'établissement de l'indemnité de remplacement du revenu.
[17] La membre issue des associations syndicales est d'avis également, pour la même raison, que la requête doit être accueillie.
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Claude-André Ducharme |
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Me Charles Magnan |
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Représentant de la partie requérante |
Turcotte et Aliments Lesters ltée |
2010 QCCLP 9203 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Montréal |
22 décembre 2010 |
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Région : |
Laval |
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Dossier : |
412896-61-1006 |
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Dossier CSST : |
130900939 |
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Commissaire : |
Claude-André Ducharme, juge administratif |
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Membres : |
Paul Duchesne, associations d’employeurs |
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Françoise Morin, associations syndicales |
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Luc Turcotte |
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Partie requérante |
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et |
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Les Aliments Lesters ltée |
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Partie intéressée |
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[1] Le 15 juin 2010, monsieur Luc Turcotte (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 4 juin 2010 à la suite d'une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision qu'elle a initialement rendue le 3 mai 2010. Elle déclare que monsieur Turcotte n'a pas droit, en vertu de l'article 76 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), à la modification du revenu brut annuel retenu aux fins de la détermination de l'indemnité de remplacement du revenu à laquelle il a droit à la suite de sa lésion professionnelle du 1er décembre 2006.
[3] Monsieur Turcotte et son représentant sont présents à l'audience tenue à Laval le 3 novembre 2010. L'employeur, Les Aliments Lesters ltée, n'est pas représenté.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Monsieur Turcotte demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le revenu brut annuel qui a été retenu aux fins de la détermination de l'indemnité de remplacement du revenu à laquelle il a droit à la suite de sa lésion professionnelle du 1er décembre 2006, doit être modifié pour tenir compte d'un salaire horaire de 14,75 $ plutôt que de 9,90 $.
[5] Il fonde sa demande sur l'article 76 de la loi et subsidiairement, sur l'article 75 de la loi.
LES FAITS
[6] Le 1er décembre 2006, alors qu'il est âgé de 20 ans, monsieur Turcotte subit une lésion professionnelle consistant en l'amputation par arrachement de son membre supérieur gauche lorsque celui-ci s'est pris dans la vis sans fin d'un mélangeur qu'il est en train de laver. La lésion est consolidée le 2 mai 2008. Elle entraîne une atteinte permanente à l'intégrité physique de 154,10 % et des limitations fonctionnelles.
[7] Un stress post-traumatique diagnostiqué à la suite de cet événement est consolidé le 23 juillet 2008 sans atteinte permanente à l'intégrité physique ni limitations fonctionnelles.
[8] Le 14 septembre 2009, la CSST décide que monsieur Turcotte est capable d'exercer l'emploi convenable de préposé aux animaux domestiques, domaine d'emploi qui avait été suggéré par monsieur Turcotte et dans lequel il travaille toujours. Elle décide de plus qu'il a droit à une indemnité de remplacement du revenu réduite de 634,34 $ par année.
[9] Le 7 janvier 2010, monsieur Turcotte subit une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du 1er décembre 2006. La CSST accepte sa réclamation pour le diagnostic de dérangement intervertébral mineur dorsolombaire. La lésion est consolidée le 1er mars 2010 sans atteinte permanente à l'intégrité physique ni limitations fonctionnelles.
[10] Au moment de la survenance de son accident du travail du 1er décembre 2006, monsieur Turcotte occupait un poste de préposé à l'assainissement (laveur) depuis trois jours au revenu annuel brut de 21 528 $, ce qui correspondait au salaire horaire de 9,90 $ plus une prime de nuit de 0,45 $, selon les explications qu'il donne à l'audience.
[11] Le 16 février 2010, son représentant fait parvenir une lettre à la CSST afin que le revenu brut annuel de monsieur Turcotte soit augmenté conformément à l'article 76 de la loi parce que, n'eût été de son accident, il aurait touché un salaire plus élevé. La CSST refuse cette demande le 3 mai 2010 et elle confirme sa décision le 4 juin suivant, d'où l'appel à la Commission des lésions professionnelles.
[12] Lors de son témoignage, monsieur Turcotte explique qu'il a occupé le poste de préposé à l'assainissement chez l'employeur du mois d'octobre 2004 au mois de février 2005 au même salaire horaire qu'en 2006. Il a travaillé 58 jours. Quatre employés étaient entraînés pour ce poste. L'employeur en a gardé un seul et il a fait partie des autres employés mis à pied.
[13] Il occupe ensuite différents emplois pour des périodes allant de 2 mois à 10 mois et à des salaires variant de 10 $ à 16 $ de l'heure. En novembre 2006, il est embauché à nouveau par l'employeur. Au cours des trois premières semaines, il est affecté à l'emballage des saucisses. Par la suite, l'employeur lui a proposé de travailler au poste de préposé à l'assainissement, au quart de nuit, parce qu'une personne partait à la retraite.
[14] Il a accepté cette proposition parce qu'il était certain « d'avoir la job à vie », selon son expression, puisqu'aucune autre personne n'avait été pressentie pour ce poste ou n'avait manifesté d'intérêt à l'occuper.
[15] Monsieur Turcotte explique qu'au moment de la survenance de son accident du travail, il était en probation pour une période de probation de 60 jours et qu'à la fin de celle-ci, il serait devenu un salarié sur la liste de disponibilité, ce qui lui aurait conféré pour le travail d'assainissement qu'il effectuait un salaire horaire de 14,75 $ plutôt que de 9,90 $. Il dépose les dispositions pertinentes de la convention collective, notamment les articles suivants de la lettre d'entente #7 :
1- Toute nouvelle personne qui veut devenir salarié(e) sur la liste de disponibilité est soumise à une période de probation de soixante (60) jours travaillés à l'intérieur d'une période de douze (12) mois de la date d'embauche. Les jours travaillés durant la période de saisonniers sont exclus dans le calcul des jours travaillés.
2- À la fin de cette période de probation, le salarié devient salarié sur la liste de disponibilité.
L’AVIS DES MEMBRES
[16] Le membre issu des associations d'employeurs est d'avis que la requête doit être rejetée.
[17] La membre issue des associations syndicales est d'avis que la requête doit être accueillie. Elle estime que le fait que la lésion professionnelle soit survenue alors que monsieur Turcotte était en période de probation constitue une circonstance particulière, au sens de l'article 76 de la loi, ce qui justifie de retenir le salaire horaire de 14,75 $ qu'il aurait gagné à la fin de cette période, aux fins de l'établissement de l'indemnité de remplacement du revenu.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[18] La Commission des lésions professionnelles doit décider s'il y a lieu de modifier le revenu brut annuel de monsieur Turcotte qui a été retenu par la CSST aux fins de la détermination de l'indemnité de remplacement du revenu à laquelle il a droit à la suite de sa lésion professionnelle du 1er décembre 2006 et ce, pour tenir compte d'un salaire horaire de 14,75 $ plutôt que de 9,90 $.
[19] Son représentant plaide que la période de probation à laquelle il était soumis lors de la survenance de sa lésion professionnelle constitue une circonstance particulière au sens de l'article 76 de la loi, ce qui justifie de retenir le salaire horaire de 14,75 $ qu'il aurait gagné à la fin de cette période.
[20] Il soumet que cet article vise à protéger la capacité de gains acquise du travailleur au moment de la survenance de son accident du travail, ce qui est différent d'une augmentation de salaire postérieure à l'accident, et qu'il est probable que monsieur Turcotte serait devenu un salarié sur la liste de disponibilité à la fin de sa période de probation. Il dépose trois décisions de la jurisprudence[2].
[21] L'article 76 de la loi sur lequel s'appuie la demande de monsieur Turcotte se lit comme suit :
76. Lorsqu'un travailleur est incapable, en raison d'une lésion professionnelle, d'exercer son emploi pendant plus de deux ans, la Commission détermine un revenu brut plus élevé que celui que prévoit la présente sous-section si ce travailleur lui démontre qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée sa lésion, n'eût été de circonstances particulières.
Ce nouveau revenu brut sert de base au calcul de l'indemnité de remplacement du revenu due au travailleur à compter du début de son incapacité.
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1985, c. 6, a. 76.
[22] Dans la décision Sukovic et Scores Sherbrooke[3], la Commission des lésions professionnelles dresse le portrait suivant de l'interprétation jurisprudentielle donnée à l'expression « circonstances particulières » :
[30] Le sens donné à l’expression « circonstances particulières » a été élaboré dans plusieurs décisions du tribunal. Notamment, il est clairement établi que cette expression ne vise pas la situation d’un travailleur privé d’un revenu plus rémunérateur en raison de son incapacité à exercer son emploi à la suite de sa lésion professionnelle. Dans l’affaire Laroche et Entreprises Nortec inc.3, la commissaire Marquis résumait ainsi la jurisprudence pertinente sur cette question :
[51] Quant à l'application de l'article 76 de la loi, elle n'est assujettie à aucun délai si ce n'est que le travailleur doit être demeuré incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle pendant au moins deux ans avant sa demande. Cet article stipule ce qui suit :
76. Lorsqu'un travailleur est incapable, en raison d'une lésion professionnelle, d'exercer son emploi pendant plus de deux ans, la Commission détermine un revenu brut plus élevé que celui que prévoit la présente sous-section si ce travailleur lui démontre qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée sa lésion, n'eût été de circonstances particulières.
Ce nouveau revenu brut sert de base au calcul de l'indemnité de remplacement du revenu due au travailleur à compter du début de son incapacité.
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1985, c. 6, a. 76.
[52] Comme le précise la jurisprudence en la matière4, l'article 76 de la loi vise à protéger la capacité de gain sur laquelle le travailleur peut compter au moment même de la survenance de sa lésion professionnelle compte tenu de l'emploi qu'il aurait alors pu occuper et dont il a toutefois été privé en raison de circonstances particulières.
[53] Cette disposition ne vise cependant pas la situation d'un travailleur qui est privé d'un revenu plus rémunérateur en raison de l'incapacité qui résulte de sa lésion professionnelle. Le législateur n'a pas voulu inclure dans la notion de «circonstances particulières» le fait que le travailleur soit incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle. Dès lors, la démonstration de la progression salariale qu'aurait été susceptible de connaître le travailleur s'il avait poursuivi l'exercice de son emploi d'aide-foreur ou même s'il avait accédé au poste de foreur après la survenance de sa lésion professionnelle n'est pas pertinente à l'application de l'article 76 de la loi.
[54] Le législateur a prévu d'autres mécanismes spécifiques, bien que limités, qui permettent au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'être indemnisé en tenant compte du revenu qu'il tirait au moment de sa lésion professionnelle et aussi, dans une certaine mesure, de la perte de capacité de gain qui résulte de cette lésion. Il s'agit, dans tous les cas, de la revalorisation annuelle de la base salariale servant au calcul de l'indemnité de remplacement du revenu. De plus, si le travailleur demeure incapable de refaire l'emploi prélésionnel, la loi prévoit des mesures de réadaptation en vue de le rendre apte à exercer un emploi convenable et le versement d'une indemnité réduite de remplacement du revenu jusqu'à ce que le travailleur tire de l'emploi convenable ou d'un autre emploi qu'il occupe, un revenu annuel égal ou supérieur à celui qu'il avait au moment de la lésion professionnelle.
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4 Létourneau et Automobile transport inc., C.L.P. 126297-61-9911, 01-02-26, G. Morin.
(Nos soulignements)
[31] Dans une affaire similaire, où le travailleur alléguait que n’eût été de sa lésion professionnelle, il aurait obtenu un poste permanent avec majoration de son salaire horaire, la Commission des lésions professionnelles s’exprime ainsi5 :
[38] La Commission des lésions professionnelles ne peut retenir aux fins de la présente la prétention voulant que n’eut été de la lésion professionnelle, il aurait obtenu un poste permanent avec une majoration de son salaire horaire depuis. À cet effet, la Commission des lésions professionnelles souligne que l’article 76 de la loi ne vise pas la situation du travailleur qui est privé d’un revenu plus rémunérateur dans le futur en raison de l’incapacité qui résulte de sa lésion professionnelle5. Il faut distinguer les conséquences découlant de son incapacité d’exercer son emploi en raison de la lésion professionnelle, de la notion de circonstances particulières qui empêche le travailleur d’occuper un emploi plus rémunérateur lorsque survient la lésion professionnelle que l’on retrouve à cette disposition.
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5 Létourneau et Automobile Transport inc., C.L.P. 126297-61-9911, 26 février 2001, G. Morin; Racine et Les Couvertures Confort 2000 enr., C.L.P. 153826-64-0101, 15 juin 2001, R. Daniel.
[32] Toujours selon la jurisprudence du tribunal, il s’en dégage que la preuve doit démontrer que le travailleur aurait pu occuper un autre emploi plus rémunérateur au moment de la survenance de la lésion professionnelle et que cette condition prévalait à ce moment précis6.
[33] D’autres décisions indiquent également que l’article 76 ne peut s’appliquer dans les cas où c’est en fait la survenance de la lésion professionnelle qui empêche le travailleur d’occuper un emploi plus rémunérateur comme par exemple lorsqu’il y a progression salariale en emploi7, possibilité d’occuper un poste permanent8, applications des dispositions d’une convention collective majorant les salaires9, emploi qui devient avec le cours du temps plus rémunérateur10, emploi disponible à la fin d’une formation11 ou une nomination à un emploi plus rémunérateur12.
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4. Précitée, note 3. (C.L.P. 168439-03B-0109, 19 mars 2002, G. Marquis)
5 Leblanc et J.G. Boudreau Grande-Rivière inc. et CSST, C.L.P. 90251-01B-9708, 28 février 2003, H. Thériault.
6. Voir les décisions suivantes : Rivest et Voyages au Nordet inc. et CSST, C.L.P. 134493-63-0003, 30 novembre 2000, D. Beauregard; Soulières et Tawell Équipements inc. et CSST, C.L.P. 141331-63-0006, 2 avril 2001, D. Beauregard; Bériault et Transport Jean-Louis Allaire et Fils inc., C.L.P. 144182-08-0008, 17 janvier 2002, M. Lamarre; Chagnon et Aventure Électronique (Faillite) et CSST, précitée note 3; Léonard et Vitrerie Bellefeuille enr. (faillite) et CSST, 255544-64-0502 et 261169-64-0504 et 267769-64-0507 et 279166-64-0601, 13 octobre 2006, R. Daniel.
7. Laroche et Entreprises Nortec inc., précitée note 3.
8. Leblanc et J.G. Boudreau Grande-Rivière inc. et CSST, précitée note 5.
9. Roy et Molson Canada (Québec), C.L.P. 164091-64-0106, 7 février 2006, J.-F. Martel.
10. Létourneau et Automobile Transport inc., C.L.P. 126297-61-9911, 26 février 2001, G. Morin.
11. Boudreault et Établissements de détention Québec, C.L.P. 152376-02-0012, 8 mai 2001, C. Bérubé.
12. Bédard et Hôpital Général de Québec, C.L.P. 264020-31-0506, 30 novembre 2005, J.-L. Rivard.
[23] Les décisions déposées par le représentant de monsieur Turcotte reprennent et appliquent les mêmes principes, sauf la décision Nowak qui semble faire bande à part.
[24] Dans la présente affaire, le tribunal estime que l'article 76 de la loi ne peut pas recevoir application pour les raisons suivantes.
[25] La preuve n'établit pas qu'une circonstance exceptionnelle a privé monsieur Turcotte d'un emploi plus rémunérateur au moment de la survenance de sa lésion professionnelle. En effet, n'eût été de cet événement, le 1er décembre 2006, il n'aurait pas occupé un poste de préposé à l'assainissement au salaire de 14,75 $, en raison du statut de salarié sur la liste de disponibilité, puisqu'il était en période de probation à ce moment-là et que ce n'est qu'ultérieurement, à la fin de cette période, qu'il pouvait acquérir un tel statut.
[26] Le tribunal ne peut retenir l'argument de son représentant voulant que le salaire horaire de 14,75 $ fasse partie de la capacité de gain « acquise » de monsieur Turcotte au 1er décembre 2006. Il était en période de probation et même s'il était le seul candidat approché par l'employeur à cette date, il demeurait toujours possible que celui-ci ne retienne pas ses services, comme cela avait été le cas en 2004 alors que monsieur Turcotte avait été mis à pied quelques jours avant la fin de la période de probation. Des événements de nature personnelle auraient pu également faire en sorte qu'il ne termine pas sa période de probation.
[27] Mises à part ces hypothèses, la seule raison qui a privé monsieur Turcotte d'avoir accès au statut de salarié sur la liste de disponibilité et en conséquence, au salaire de 14,75 $ correspondant à ce statut, c'est l'incapacité qui résulte de sa lésion professionnelle. Dans cette perspective, sa situation est similaire à celle de tous les travailleurs qui sont privés d'une augmentation salariale postérieure à la survenance de leur lésion professionnelle, situation à laquelle la jurisprudence refuse d'appliquer l'article 76 de la loi.
[28] Pour ces raisons, il n'y a donc pas lieu de modifier, par application de cet article, le revenu brut annuel de monsieur Turcotte ayant servi à la détermination de l'indemnité de remplacement du revenu à laquelle il a droit, pour tenir compte d'un salaire horaire de 14,75 $.
[29] Subsidiairement, son représentant demande de procéder à la modification souhaitée du revenu annuel brut par application de l'article 75 de la loi, lequel se lit comme suit :
75. Le revenu brut d'un travailleur peut être déterminé d'une manière autre que celle que prévoient les articles 67 à 74, si cela peut être plus équitable en raison de la nature particulière du travail de ce travailleur.
Cependant, le revenu brut ainsi déterminé ne peut servir de base au calcul de l'indemnité de remplacement du revenu s'il est inférieur à celui qui résulte de l'application de ces articles.
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1985, c. 6, a. 75.
[30] Le revenu brut annuel de monsieur Turcotte a été décidé par la CSST lors de l'émission du premier avis de paiement de l'indemnité de remplacement du revenu en décembre 2006. Pour aller dans la voie subsidiaire plaidée par le représentant de monsieur Turcotte, on doit donc considérer que la lettre que celui-ci a transmise à la CSST le 16 février 2010 comporte une demande de révision de cette décision de 2006.
[31] Cette demande de révision est cependant déposée quatre ans après l'expiration du délai de contestation de 30 jours prévu par l'article 359 de la loi et pour cette raison, elle est irrecevable.
[32] Pour contrer cette conclusion, le représentant de monsieur Turcotte prétend que la demande de révision est faite dans le contexte de la récidive, rechute ou aggravation du 7 janvier 2010 de telle sorte qu'elle n'est pas déposée hors délai.
[33] Cet argument ne tient pas la route. Ce qui est recherché par monsieur Turcotte, ce n'est pas la modification du revenu brut retenu par la CSST à la suite de cette récidive, rechute ou aggravation, mais essentiellement, celui retenu à la suite de sa lésion professionnelle initiale du 1er décembre 2006. Toute la preuve et l'argumentation présentées concernent la situation de monsieur Turcotte au moment de la survenance de cet événement.
[34] Par ailleurs, aucune preuve de motif raisonnable justifiant de le relever des conséquences du retard de sa contestation conformément à l'article 352 de la loi n'a été soumise de telle sorte que monsieur Turcotte ne peut être relevé de son défaut d'avoir respecté le délai de contestation. La demande de révision demeure donc irrecevable.
[35] Après considération de la preuve au dossier, de l'argumentation présentée et de la jurisprudence soumise, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion qu'il n'y a pas lieu de modifier le revenu brut annuel de monsieur Turcotte retenu aux fins de la détermination de l'indemnité de remplacement du revenu à laquelle il a droit à la suite de sa lésion professionnelle du 1er décembre 2006.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Luc Turcotte;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 4 juin 2010 à la suite d'une révision administrative;
DÉCLARE qu'il n'y a pas lieu de modifier le revenu brut annuel de monsieur Turcotte retenu aux fins de la détermination de l'indemnité de remplacement du revenu à laquelle il a droit à la suite de sa lésion professionnelle du 1er décembre 2006.
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Claude-André Ducharme |
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Me Charles Magnan |
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Représentant de la partie requérante |
[1] L.R.Q. c. A-3.001
[2] Roy et Molson Canada (Québec), C.L.P. 164091-64-0106, 7 février 2006, J.-F. Martel; Léonard et Vitrerie Bellefeuille enr. (faillite) et Denis Bouthillier inc., syndic, C.L.P. 255544-64-0502, 13 octobre 2006, R. Daniel; Nowak et Island Bar (fermé), C.L.P. 368020-62A-0901, 10 février 2010, C. Burdett.
[3] C.L.P. 328892-05-0709, 22 janvier 2008, L. Boudreault. Dans le même sens : Bouley et R. Lessard & Fils enr. (fermé), C.L.P. 287592-03B-0604, 25 février 2008, R. Deraiche; Posluns et Holiday Inn Pointe-Claire, C.L.P. 349756-71-0805, 15 décembre 2008, C.Racine; Mailhot et 29572773 Québec inc. (fermée), C.L.P. 335905-63-0712, 17 décembre 2008, L. Morissette; Tokessy et Polymed Chirurgical inc. et CSST, C.L.P. 350337-62C-0809, 31 mars 2010, I. Therrien.
AVIS :
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