Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Talpis c. Chambre des notaires

2018 QCCQ 4283

COUR DU QUÉBEC

(Division administrative et d'appel)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

LOCALITÉ DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-80-035444-174

 

(CAI : 1010217-J)

 

DATE :

 8 juin 2018

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

MADELEINE AUBÉ, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

JEFFREY A. TALPIS, au 200-759, rue du Square-Victoria, Montréal (Québec) H2Y 2J7

Appelant

c.

CHAMBRE DES NOTAIRES, ayant un établissement au 600-1801, avenue McGill College, Montréal (Québec) H3A 0A7

Intimée

c.

COMMISSION D'ACCÈS À L'INFORMATION, ayant un établissement au 200-500, boulevard René-Lévesque Ouest, Montréal (Québec) H2Z 1W7

Mise en cause

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

OBJET DE L'APPEL

[1]           Invoquant que la décision du 10 mai 2017 de la Commission d’accès à l’information[1] (ci-après « la CAI ») comporte plusieurs erreurs de droit, l’Appelant (ci-après « Me T. ») en appelle de cette décision qui rejette sa demande d’examen de mésentente.

[2]           Cette demande fait suite au refus de la Chambre des notaires (ci-après « la Chambre ») de lui communiquer une plainte écrite le concernant.

CONTEXTE

[3]           De 2008 à 2014, Me Laurent Fréchette est membre du comité de la formation continue de la Chambre. De 2011 à 2014, il en est le président et le vice-président de 2008 à 2011[2].

[4]           Le 9 juin 2014, il adresse une lettre au directeur général de la Chambre concernant la conduite de Me T[3].

[5]           Le 25 septembre 2014, après avoir appris du président de la Chambre alors en poste que Me Fréchette a acheminé une lettre le concernant au directeur de la Chambre, Me T. en demande la communication[4].

[6]           Le 30 septembre 2014, la responsable de l’accès de la Chambre accuse réception de cette demande et s’engage à y répondre dans les trente jours, soit avant le 25 octobre 2014[5].

[7]           Le 24 octobre 2014, la Chambre refuse de communiquer le document. La responsable de l’accès de la Chambre invoque les articles 39 et 40 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé[6] (ci-après « la Loi dans le secteur privé ») et l’article 108.4 du Code des professions[7], ainsi que l’absence de consentement de Me Fréchette à sa divulgation[8].

[8]           Le 18 novembre 2014, Me T. dépose à la CAI une demande d’examen de mésentente[9]. La lettre de Me Fréchette, du 9 juin 2014, est déposée à l’audience tenue par la CAI, sous pli confidentiel.

[9]           Le 10 mai 2016, la CAI rejette la demande d'examen de mésentente et maintient le refus de la Chambre fondé sur les articles 39(2) et 40 de la Loi dans le secteur privé et l’article 108.4 du Code des professions.

ANALYSE ET MOTIFS

L’appel en vertu de la Loi dans le secteur privé

[10]        Le droit d’appel d’une décision de la CAI est édicté aux articles suivants de la Loi dans le secteur privé :

59. Une décision de la Commission sur une question de fait de sa compétence est finale et sans appel.

61. Une personne directement intéressée peut interjeter appel d’une décision finale de la Commission devant un juge de la Cour du Québec, sur toute question de droit ou de compétence ou, sur permission d’un juge de cette Cour, d’une décision interlocutoire à laquelle la décision finale ne pourra remédier.

[11]        Selon ces dispositions, le droit d’appel devant la Cour du Québec est limité aux questions de droit et de compétence. Ainsi, les décisions découlant des faits relèvent de la compétence exclusive de la CAI et sont donc finales est sans appel.

[12]        La jurisprudence[10] rend applicable à l’appel devant la Cour du Québec, siégeant en appel de tribunaux administratifs, l’analyse de la norme de contrôle comme pour les demandes de révision judiciaire et non à l’appel.

[13]        Dans son ouvrage portant sur le contrôle judiciaire de l'action gouvernementale, Denis Lemieux écrit[11] :

Lorsque l'appel est limité aux questions de droit et de compétence, ce qui comprend les questions mixtes de faits et de droit, la Cour ne pourra alors contrôler que la légalité de la décision et non son bien-fondé. Son rôle sera alors davantage celui de surveillance et de contrôle. Cependant, l'appel demeure préférable aux recours de surveillance, car ses cas d'ouverture sont quelque peu plus larges et il comporte moins de limites procédurales.

[Soulignements du Tribunal]

[14]        Le présent appel doit être analysé à la lumière de ces enseignements.

LES QUESTIONS EN APPEL

[15]        Me T. soutient que la CAI aurait erré sur les points suivants :

1.            dans son application de la notion de « contrôle de l’exercice de la profession » au sens de l’article 108.1 du Code des professions;

2.            dans son interprétation de l’article 39(2) de la Loi dans le secteur privé;

3.            dans son interprétation de l’article 40 de la Loi dans le secteur privé et de l'article 108.4 du Code des professions[12].

1.         L’application de la norme de contrôle

[16]        Le choix de la norme de contrôle applicable dépend principalement de la nature des questions soulevées. Il existe une présomption d’application de la norme de la décision raisonnable lorsque l’organisme interprète sa loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat[13].

1.1         La norme applicable aux questions 2 et 3

[17]        Les parties s’entendent sur l’application de la norme de la décision raisonnable pour l’analyse des questions 2 et 3.

[18]        Le Tribunal n’est pas lié par cette reconnaissance. Toutefois, la Cour suprême[14] statue qu'« il convient de présumer que l'interprétation par un tribunal administratif de “sa propre loi constitutive ou [d'] une loi étroitement liée” […] est une question d'interprétation législative commandant la déférence en cas de contrôle judiciaire ».

[19]        La Cour d’appel, dans l’arrêt Gyulai[15], réitère le principe de la déférence dont doit faire preuve la Cour du Québec par rapport aux décisions de la CAI dans l’interprétation de sa loi constitutive et statue que la norme de contrôle applicable à ce type de décision est celle de la décision raisonnable.

[20]        Selon l’article 122.1 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels[16] (ci-après la Loi sur l’accès), la CAI a non seulement pour fonction de surveiller l’application de cette loi, mais aussi la Loi dans le secteur privé. Elle est l’organisme désigné à qui peut s’adresser toute personne intéressée pour soumettre une demande de mésentente relative à l’application d’une disposition législative portant sur l’accès ou la rectification d’un renseignement personnel détenu par une entreprise[17].

[21]        En l’espèce, la CAI interprète les articles 39 et 40 de la Loi dans le secteur privé et applique ces dispositions aux faits mis en preuve. Les questions 2 et 3 visent donc essentiellement l'interprétation et l'application de ces dispositions de la Loi dans le secteur privé, qui est une loi étroitement liée au mandat de la CAI.

[22]        Ainsi, la Cour du Québec, siégeant en appel de la décision de la CAI, doit faire preuve de déférence à l’égard de son expertise. La norme de la décision raisonnable sera ainsi prise en compte pour ces deux questions.

1.2       La norme applicable à la question 1

[23]        Quant à la première question, elle vise l’interprétation et l’application de la notion de contrôle de l’exercice de la profession, au sens de l’article 108.1 du Code des professions.

[24]        Pour une meilleure compréhension de la norme applicable, il convient d’exposer succinctement le régime d’accès aux documents et de protection des renseignements personnels applicable aux ordres professionnels, en vertu du Code des professions.

Le régime hybride applicable aux ordres professionnels

[25]        En 2006, le législateur adopte un régime complet d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels applicable aux ordres professionnels[18].

[26]        Cette loi impose aux ordres professionnels un régime hybride d’accès à l’information et de protection de renseignements personnels. Le régime de la Loi sur l’accès s’applique aux documents administratifs et aux renseignements personnels détenus par un ordre professionnel dans le cadre du contrôle de l’exercice de la profession. Les autres activités des ordres professionnels sont assujetties au régime de la Loi dans le secteur privé[19].

[27]        Dans sa décision, la CAI détermine si la lettre concernant Me T. est détenue par la Chambre dans le cadre du contrôle de l’exercice de la profession afin de décider laquelle des deux lois s’applique.

[28]        Me T. soutient que la norme de la décision correcte s’applique à la question de savoir si une situation relève ou non du contrôle de l’exercice de la profession, puisque ce sujet n’est aucunement un sujet d’expertise ou de connaissance de la CAI.

[29]        Bien que, dans son mémoire, la Chambre convienne que la norme de la décision correcte s’applique à cette question, elle soutient à l’audience que la norme de la décision raisonnable devrait guider l'analyse en appel, puisque la CAI a interprété sa loi constitutive et deux lois qui sont étroitement liées à son mandat. De plus, il ne s’agit pas d’une question qui revêt une importance capitale pour le système de justice.

[30]        La présomption d’application de la norme de la décision raisonnable peut être réfutée lorsque l’analyse contextuelle indique que le législateur n’a pas voulu protéger cette compétence, lorsque la compétence sur le même point de droit s’exerce de façon concurrente ou lorsqu’une question générale d’importance pour le système juridique est soulevée.

[31]        En 2011, la Cour suprême indique d’ailleurs que, depuis l’arrêt Dunsmuir[20] en 2008, elle n’a relevé aucune véritable question de compétence ou qu’aucune ne s’est présentée[21].

[32]        En 2016, la Cour suprême indique que les questions touchant la véritable compétence[22] et les questions générales d’importance pour le système juridique[23] demeurent rares.

[33]        La détermination de ce qu’un ordre professionnel détient dans le cadre du contrôle de l’exercice de la profession n’est pas une question de compétence. Cette catégorie de questions doit s’entendre « au sens strict de la faculté du tribunal administratif de connaître de la question »[24]. Il est clair que la CAI est compétente pour entendre la demande tant en vertu de la Loi sur l’accès qu'en vertu de la Loi dans le secteur privé, selon que le document vise le contrôle de l’exercice de la profession ou non.

[34]        Selon l’article 1.1 de Loi sur l’accès, cette loi s’applique aussi aux documents détenus par un ordre professionnel dans la mesure prévue au Code des professions. Depuis les amendements législatifs de 2006, l’interprétation et l’application de l’article 108.1 du Code des professions sont étroitement liées au mandat de la CAI.

[35]        Lors d’une demande d’accès à un document détenu par un ordre professionnel, la CAI doit analyser la portée des articles 108.1 et suivants de la section V.1 du Code des professions intitulée « accès aux documents et protection des renseignements personnels ». D’ailleurs, l’article 108.11, qui est le dernier de cette section, édicte que la CAI « est chargée de surveiller l’application de la présente section ».

[36]        La question de déterminer si un document est détenu par un ordre professionnel dans le cadre du contrôle de l’exercice de la profession fait donc partie de l’expertise de la CAI.

[37]        Il ne s’agit pas non plus d’une question d’une importance capitale pour le système de justice. La norme de la décision raisonnable sera ainsi également prise en compte pour la première question.

2.         Les erreurs invoquées

2.1       La notion de contrôle de l’exercice de la profession, au sens de l’article 108.1 du Code des professions

[38]        La Chambre a traité la demande d’accès de la plainte concernant Me T. en vertu de la Loi dans le secteur privé.

[39]        Me T. soutient, devant la CAI, que le régime applicable à sa demande est celui prescrit par la Loi sur l’accès, puisqu’elle s’inscrit dans le cadre du contrôle de l’exercice de la profession de notaire, en vertu de l’article 108.1 du Code des professions qui édicte :

108.1.   Les dispositions de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1), à l’exception des articles 8, 28, 29, 32, 37 à 39, 57, 76 et 86.1 de cette loi, s’appliquent aux documents détenus par un ordre professionnel dans le cadre du contrôle de l’exercice de la profession comme à ceux détenus par un organisme public.

Elles s’appliquent notamment aux documents qui concernent la formation professionnelle, l’admission, la délivrance de permis, de certificat de spécialiste ou d’autorisation spéciale, la discipline, la conciliation et l’arbitrage de comptes, la surveillance de l’exercice de la profession et de l’utilisation d’un titre, l’inspection professionnelle et l’indemnisation ainsi qu’aux documents concernant l’adoption des normes relatives à ces objets.

[40]        Selon cet article, les dispositions de la Loi sur l’accès[25] s’appliquent aux documents détenus par un ordre professionnel dans le cadre du contrôle de l’exercice de la profession comme à ceux détenus par un organisme public.

[41]        En revanche, selon l’article 108.2 du Code des professions, c’est la Loi dans le secteur privé qui s’applique « aux renseignements personnels détenus par un ordre professionnel, autres que ceux détenus dans le cadre de l’exercice de la profession, comme à ceux détenus par une personne qui exploite une entreprise ».

[42]        Ni le Code des professions ni la Loi sur l’accès ne définissent l’expression « contrôle de l’exercice de la profession ».

[43]        Pour conclure que la Loi dans le secteur privé s’applique aux renseignements personnels contenus dans la plainte concernant Me T. détenue par la Chambre[26], la CAI écrit[27] :

[64]       Ces témoignages démontrent que l’Ordre, dont les représentants ont discuté avec Me Fréchette et Me [T.] au sujet de la plainte, a considéré que celle-ci ne portait pas sur des faits qui se situent dans le cadre du contrôle de l’exercice de la profession de notaire et qu’il y avait lieu de la traiter administrativement, en vertu de la « Politique en matière de civilité et harcèlement en milieu de travail » (E-3, en liasse)[28].

[65]       L’ordre a aussi, et avec raison, distingué les documents qui concernent la formation professionnelle, lesquels sont détenus dans le cadre du contrôle de l’exercice de la profession, des documents qui dénoncent le comportement de Me [T]. durant les cours de perfectionnement aux notaires et à l’endroit de Me Fréchette parce que ce comportement ne se situe pas dans ce cadre.

[44]        La décision de la CAI est essentiellement basée sur le fait que la Chambre a traité administrativement la lettre du 9 juin 2014, en vertu de la « Politique en matière de civilité et harcèlement en milieu de travail » (ci-après « la Politique »). Est-ce le cas?

[45]        Une lecture de la Politique indique qu’elle s’applique « à tout le personnel de la Chambre […] »[29].

[46]        Or, ni l’auteur de la lettre, à titre de président de la formation continue, ni Me T., la personne visée par la plainte, ne sont membres du personnel de la Chambre, ce qu'admettent les parties.

[47]        Certes, la Politique prévoit, dans le cadre d’une démarche informelle, le recours à la médiation[30].

[48]        La plainte est datée du 9 juin 2014[31]. Me T., après avoir été informé de son existence par le directeur général de la Chambre, a formulé sa demande d’accès le 25 septembre 2014[32].

[49]        Au paragraphe 23 de sa décision[33], la CAI mentionne que, le 19 février 2016, Me Fréchette a consenti à ce que Me T. puisse seulement lire la lettre du 9 juin 2014, à la condition qu’il signe au préalable une renonciation à tout recours contre lui, la Chambre et contre toute personne mentionnée dans cette lettre[34] que Me T. n’a pas signée[35].

[50]        Au printemps 2016, lorsque Me Fréchette et Me T. se rencontrent dans le cadre d’une médiation avec le président de l’Ordre pour trouver une solution à leur différend, il ne s’agit pas du traitement de la plainte elle-même.

[51]        C’est plutôt le traitement de la demande d’accès à la lettre qui a fait l’objet de la médiation que la plainte elle-même. En effet, comme l’écrit la CAI[36], lors de la médiation, Me Fréchette ne consent toujours pas à la divulgation de la lettre.

[52]        D’ailleurs, à l’audience en appel, la Chambre concède que la preuve ne démontre pas comment elle a effectivement traité la lettre du 9 juin 2014. La preuve énoncée par la CAI démontre simplement qu’une médiation est intervenue entre les parties, et ce, après la demande d'accès en 2016.

[53]        Le Code de déontologie des notaires[37] édicte qu’est dérogatoire à la dignité de la profession, le fait pour le notaire de poursuivre en justice un confrère relativement à un sujet relié à l’exercice de la profession sans avoir au préalable référé le différend au président de l’Ordre pour médiation[38].

[54]        La décision de la CAI[39] sur l’interprétation de la notion de contrôle de l’exercice de la profession l’amenant à appliquer la Loi dans le secteur privé et non la Loi sur l’accès se base essentiellement sur la prémisse que la lettre du 9 juin 2014 a été traitée selon la Politique. Or, cette prémisse est erronée.

[55]        Quoi qu'il en soit, le processus choisi par la Chambre pour traiter la plainte ne saurait être déterminant pour qualifier la nature du document, ni l'endroit où il est détenu par la Chambre, ici le directeur général plutôt que, par exemple, le Syndic de l'ordre. Autrement, un ordre professionnel pourrait soustraire un document en choisissant sa détention ou son traitement à sa guise.

[56]        La CAI indique que Me Fréchette « écrit la lettre qui est en litige à titre de président du comité de la formation continue »[40] et précise que cette plainte est relative au comportement inapproprié de Me T.[41] et que « Me Fréchette a maintenu la pertinence ou la justesse de sa plainte de harcèlement ainsi que le caractère sérieux de celle-ci parce qu'il considérait avoir été victime d'intimidation de la part de Me [T] »[42].

[57]        Il est difficile de concevoir qu’une plainte formulée par le président du comité de la formation continue ne s’inscrit pas dans la fonction de contrôle de l'exercice de la profession, puisqu’elle concerne la conduite d’un membre en tant que professionnel.

[58]        Mais il y a plus. Le deuxième alinéa de l’article 108.1 du Code des professions précise que les dispositions de la Loi sur l’accès s’appliquent « notamment aux documents qui concernent la formation professionnelle, l’admission, la délivrance de permis, de certificat de spécialiste ou d’autorisation spéciale, la discipline, la conciliation et l’arbitrage de comptes, la surveillance de l’exercice de la profession et de l’utilisation d’un titre, l’inspection professionnelle et l’indemnisation ainsi qu’aux documents concernant l’adoption des normes relatives à ces objets [nos caractères gras] ».

[59]        Lorsque la CAI, au paragraphe 65 de sa décision[43] indique que « l’Ordre a aussi, et avec raison, distingué les documents qui concernent la formation professionnelle, lesquels sont détenus dans le cadre du contrôle de l’exercice de la profession, des documents qui dénoncent le comportement de Me [T]. durant les cours de perfectionnement aux notaires et à l’endroit de Me Fréchette parce que ce comportement ne se situe pas dans ce cadre », elle n’explique aucunement cette distinction. La décision ne laisse aucunement entrevoir le raisonnement à la base de cette distinction.

[60]        Pourtant, la plainte émane du président du comité de la formation continue de la Chambre. La CAI mentionne qu’elle vise le comportement d’un membre à l'occasion des cours de perfectionnement et aussi à l’égard du président.

[61]        Dans ce contexte, la conclusion de la CAI apparaît déraisonnable.

[62]        Il importe d’ajouter que l’on ne saurait déduire que Me T. admet l’application de la Loi dans le secteur privé du fait qu’il ait déposé une demande d’examen de mésentente devant la CAI. D’entrée de jeu, il y a soulevé la question de l’application de la Loi sur l’accès. La CAI a la compétence pour décider de la question[44].

[63]        La décision de la CAI sur la notion de contrôle de l’exercice de la profession l’a amenée à analyser les restrictions à l’accès soulevée par la Chambre en vertu de la Loi dans le secteur privé, et non en fonction des restrictions à la Loi sur l’accès.

[64]        Avec toute la déférence requise en vertu de la norme de contrôle applicable, la décision de la CAI sur l’application de la notion de contrôle de l’exercice de la profession et la distinction quant à la formation professionnelle ne comporte pas les attributs du caractère raisonnable d’une décision. Il y a lieu de retourner le dossier à la CAI pour permettre l'analyse du dossier selon les restrictions que la Chambre peut invoquer en vertu de la Loi sur l'accès.

2. 2      L’interprétation de l’article 39(2) de la Loi dans le secteur privé; et

2.3       L’interprétation de l’article 40 de la Loi dans le secteur privé et de l'article 108.4 du Code des professions

[65]        L'analyse de la CAI sur ces questions est teintée par la fausse prémisse que la Chambre a traité la lettre du 9 juin 2014 selon la Politique.

[66]        Vu la conclusion précédente et en vertu du principe de la retenue judiciaire, il n’y pas lieu d’analyser la décision de la CAI portant sur l’application et l’interprétation des articles 39 et 40 de la Loi dans le secteur privé et 108.4 du Code des professions.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[67]        ACCUEILLE l’appel;

[68]        RETOURNE le dossier à la Commission d’accès à l'information pour qu’il soit traité selon la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels;

[69]        LE TOUT, avec les frais de justice.

 

 

__________________________________

MADELEINE AUBÉ, J.C.Q.

 

Me Doug Mitchell

IMK s.e.n.c.r.l./IMK l.l.p.

Procureur de l'Appelant

 

Me Claude G. Leduc

Mercier Leduc s.e.n.c.r.l.

Procureur de l'Intimée

 

Me Alexie Lafond-Veilleux (absente)

Desmeules & Associés

Procureure de la Mise en cause

 

Date d’audience :

24 avril 2018

 



[1]     Pièce 1.

[2]     Pièce 1, par. 13.

[3]     Pièce confidentielle.

[4]     Pièce 2.

[5]     Pièce 3.

[6]     RLRQ, c. P-39.1.

[7]     RLRQ, c. C-26.

[8]     Pièce 4.

[9]     Pièce 5.

[10]    Montréal (Ville de) c. Gyulai, 2011 QCCA 238, par. 37; Frères Maristes (Iberville) c. Laval (Ville de), 2014 QCCA 1176, par. 5; Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), 2015 CSC 16, par. 29.

[11]    Denis Lemieux, Le contrôle judiciaire de l'action gouvernementale, édition sur feuilles mobiles, Farnham, Publications CCH/FM Ltée, septembre 2010, par. 20-020, p. 1,415. Ce passage de l'ouvrage a reçu l'aval de la Cour d'appel dans la cause Montréal (Ville de) c. Gyulai, préc., note 10, par. 37.

[12]    Cet article 108.4 est ajouté par Me T. à l'audience en soulignant une certaine similitude entre ces deux dispositions, sans opposition de la Chambre.

[13]    Barreau du Québec c. Québec (Procureure générale), 2017 CSC 56, par. 15.

[14]    Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers'Association, 2011 CSC 61, par. 34.

[15]    Montréal (Ville de) c. Gyulai, préc., note 10.

[16]    RLRQ, c. A-2.1.

[17]    Article 42 de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé.

[18]    Projet de loi no 86 (2006, chapitre 22) : Loi modifiant la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et d’autres dispositions législatives, articles 148 et 155, sanctionnés le 14 juin 2006 et entrés en vigueur le 14 septembre 2007.

[19]    Raymond Doray avec la collab. de Loïc Berdnikoff, Accès à l’information : loi annotée : jurisprudence, analyse et commentaires, vol. 2, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2001, feuilles mobiles, à jour au 13 décembre 2017.

[20]    Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9.

[21]    Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers'Association, 2011 CSC 61, par. 33 et 34.

[22]    Edmonton (Ville) c. Edmonton East (Capilano) Shopping Centres Ltd., 2016 CSC 47, par. 26.

[23]    Mouvement laïque québécois c. Saguenay (Ville), préc. note 10, par. 48.

[24]    Québec (Procureure générale) c. Guérin, 2017 CSC 42, par. 32.

[25]    À l’exception des articles 8, 28, 29, 32, 37 à 39, 57, 76 et 86.1 de cette loi.

[26]    Pièce 1, par. 66.

[27]    Pièce 1.

[28]    Pièce 9 dans le présent dossier.

[29]    Pièce 9, article 3.

[30]    Pièce 9, article 7.2.1.

[31]    Pièce confidentielle.

[32]    Pièce 2.

[33]    Pièce 1.

[34]    Pièce 7 dans le présent dossier.

[35]    Pièce 8 dans le présent dossier.

[36]    Pièce 1, par. 19.

[37]    RLRQ, c. N-3, r. 2.

[38]    Article 56, par. 11 du Code de déontologie des notaires.

[39]    Pièce 1.

[40]    Pièce 1, par. 20.

[41]    Pièce 1, par. 63.

[42]    Pièce 1, par. 76.

[43]    Pièce 1.

[44]    Article 108.11 du Code des professions.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.