SPSS — CHUM (FIQ) et CH Université de Montréal |
2008 QCCLP 5323 |
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[1] Le 20 juin 2007, le Syndicat des professionnelles et professionnels en soins de santé du CHUM, SPSS -CHUM (FIQ) (le syndicat) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 18 juin 2007 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 10 avril 2007 et déclare que le coût des prestations reliées à l’accident du travail subi par monsieur Michel Daoust (le travailleur) le 24 janvier 2007 doit être imputé au dossier du syndicat désigné comme employeur dans le présent dossier.
[3] À l’audience tenue le 9 septembre 2008, le syndicat est représenté par Me Josée Lavallée et le Centre Hospitalier Université de Montréal (CHUM), est représenté par Me Anne-Marie Bertrand.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le syndicat demande de reconnaître que les frais inhérents à la lésion professionnelle subie par monsieur Michel Daoust le 24 janvier 2007 doivent être imputés au CHUM, car il doit être désigné comme employeur dans le présent dossier.
[5]
En contrepartie, le CHUM demande de reconnaître que le syndicat est
l’employeur de monsieur Daoust en date du 24 janvier 2007, et subsidiairement,
si le CHUM devait être reconnu comme étant son employeur, de transférer le coût
des prestations à l’ensemble des unités, conformément aux dispositions de
l’article
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le syndicat ou le CHUM doit être reconnu employeur de monsieur Michel Daoust en date du 24 janvier 2007 afin que le coût des prestations de cet accident soit imputé au dossier financier approprié.
[7] Les articles de la loi pertinents au présent litige sont les suivants :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[8]
Les notions d’employeur et de travailleur sont définies à l’article
« employeur » : une personne qui, en vertu d'un contrat de louage de services personnels ou d'un contrat d'apprentissage, utilise les services d'un travailleur aux fins de son établissement ;
« travailleur » : une personne physique qui exécute un travail pour un employeur, moyennant rémunération, en vertu d'un contrat de louage de services personnels ou d'apprentissage, à l'exclusion :
1 du domestique ;
2 de la personne physique engagée par un particulier pour garder un enfant, un malade, une personne handicapée ou une personne âgée, et qui ne réside pas dans le logement de ce particulier ;
3 de la personne qui pratique le sport qui constitue sa principale source de revenus ;
[9] Relativement à la notion de louage de services personnels, on retrouve les définitions suivantes :
[...]
«Entente selon laquelle une personne s’engage à travailler pendant un certain temps pour une autre sous sa direction et moyennant rémunération (Robert P. GAGNON, Louis LEBEL, Pierre VERGE, Droit du travail, 1987, P.U.L., p. 121).
Contrat par lequel un travailleur s’engage à exécuter un certain travail pour un employeur moyennant rémunération et dans des conditions de travail déterminées. [Gérard DION, Dictionnaire canadien des relations du travail, 2e édition, 1986, P.U.L., p. 128).
[...]
[10] Sur le plan factuel, faisant suite au témoignage crédible de madame Renaud, infirmière pour le CHUM et trésorière pour le syndicat, complété par la preuve documentaire et les documents déposés à l’audience, les faits sont simples et non contestés.
[11] Le travailleur agit à titre d’infirmier sur une équipe volante pour le CHUM lorsqu’il subit un accident du travail le 24 janvier 2007; celui-ci est un agent syndical élu par les membres et est en libération syndicale conformément aux dispositions de l’article 6.07 de la convention collective (S-1) :
6.07 Après épuisement du nombre de jours de libération pour activités syndicales internes fixé sur la base du nombre de salariées visées conformément au paragraphe 6.02, les salariées identifiées sont libérées avec solde, sous réserve du remboursement par le Syndicat du salaire et des bénéfices marginaux.
[12] Cette libération syndicale, d’une durée de deux ans à partir du 21 juin 2006 dans le présent cas, est obtenue par la demande de libération syndicale formulée par le syndicat 10 jours à l’avance (S-2) et peut être refusée par le CHUM; le CHUM pourrait aussi demander au travailleur de revenir occuper son poste pendant sa libération, ce qui ne s’est pas produit dans le cas présent, hormis un travail effectué par le travailleur en janvier 2008 à sa propre demande.
[13] Quant à l’événement du 24 janvier 2007, le formulaire de « Déclaration d’un événement accidentel » révèle que le travailleur a subi son accident du travail dans le local réservé au syndicat alors qu’il effectue du travail pour son syndicat, tel que décrit précédemment.
[14] Pendant cette période de 24 mois, le travailleur continue à percevoir son salaire et ses bénéfices marginaux du CHUM, lesquels montants sont remboursés par le syndicat, tel qu’en fait foi l’article 6.07 de la convention collective. De plus, le travailleur continue d’accumuler son ancienneté alors que ses vacances et journées de maladie sont payées par l’employeur.
[15] En contrepartie, le CHUM n’exerce aucun contrôle sur les activités du travailleur et ne peut rien faire contre un écart de conduite, ses retards, ne sait pas si le travailleur effectue son travail, n’exerce aucun suivi sur celui-ci et ne peut opérer aucune mesure préventive dans les conditions de travail puisque ce travail se déroule dans le local du syndicat. De plus, les tâches du travailleur sont désignées par les statuts du syndicat et le temps supplémentaire effectué est payé par le syndicat; le suivi est effectué par le comité exécutif du syndicat et en cas de maladie, le travailleur doit en aviser son syndicat.
[16] Finalement, le syndicat est enregistré comme employeur auprès de la CSST et doit produire une déclaration des salaires (S-3).
[17] À la lumière de cet exposé factuel, qui du syndicat ou du CHUM doit être désigné l’employeur du travailleur en date du 24 janvier 2007?
[18] Conscient que la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles s’avère divisée sur le présent sujet, le soussigné procède à l’analyse du présent dossier à la lumière des articles de loi régissant le litige identifié.
[19] Avec respect pour le courant jurisprudentiel contraire, le CHUM ne peut être désigné l’employeur du travailleur; à cet effet, les faits découlant du présent dossier ne permettent pas d’en arriver à une telle conclusion car ils ne sont pas en concordance avec les définitions d’employeur et de travailleur au sens de la loi, ainsi que celle de louage de services personnels retrouvée dans la doctrine.
[20] En effet, que les parties s’entendent à l’intérieur d’une convention collective pour que le CHUM continue à payer le salaire et les bénéfices marginaux pour des raisons qui leur appartiennent, soit, mais un fait demeure, en remboursant le CHUM, c’est le syndicat qui paie le travailleur pour l’utilisation de ses services.
[21] Le travailleur n’exécute aucun travail pour le CHUM durant sa libération syndicale, contrairement à la définition du travailleur dans la loi, et agit exclusivement pour le syndicat dans un local qui lui est réservé; le CHUM n’exerce aucun contrôle sur le travailleur pendant sa période de libération et aucun lien de subordination ne peut subsister. À cet effet, les tâches du travailleur sont dévolues par les statuts du syndicat et l’ensemble du suivi du travailleur est effectué par le comité exécutif du syndicat.
[22] Selon les définitions de la notion de louage de services personnels émise par la doctrine, une entente est conclue entre le travailleur et son syndicat par laquelle il s’engage à travailler pour lui pour une période de 24 mois, moyennant rémunération, et dont les conditions de travail s’avèrent déterminées par les statuts du syndicat.
[23] À la lumière de ces définitions, il appert manifeste que le CHUM est totalement exclu de toute activité exercée par le travailleur pendant une période de 24 mois et ne peut en aucun temps présenter des mesures de prévention dans l’accomplissement de son travail.
[24] Quant à la déclaration des salaires du syndicat (S-3), le tribunal n’a aucune intention de s’immiscer dans le contenu de ce document, ce qui constitue une pratique comptable interne du syndicat et n’influence pas vraiment l’issue du présent litige.
[25] À la lumière de l’ensemble de ces considérations, le tribunal conclut que le syndicat est l’employeur de monsieur Daoust en date du 24 janvier 2007.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête du SPSS -CHUM (FIQ);
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 18 juin 2007 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie par monsieur Michel Daoust le 24 janvier 2007 doit être imputé en totalité au SPSS-CHUM (FIQ).
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Michel Denis |
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Commissaire |
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Me Josée Lavallée |
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MELANÇON, MARCEAU, GRENIER ET ASS |
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Représentante de la partie requérante |
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Me Anne-Marie Bertrand |
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MONETTE, BARAKETT ASS. |
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Représentante de la partie intéressée |
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