Montréal (Ville de) |
2012 QCCLP 2220 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 26 avril 2011, Ville de Montréal (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il demande la révision d’une décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 17 mars 2011.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette la requête de l’employeur à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 22 avril 2010 à la suite d’une révision administrative; confirme cette décision du 22 avril 2010 et déclare qu’il n’y a pas lieu d’effectuer un transfert d’imputation du coût des prestations en raison de la lésion professionnelle subie par madame Nicole Facchini le 22 avril 2009.
[3] L’audience portant sur la requête en révision ou révocation a lieu à Montréal le 8 mars 2012. L’employeur est représenté par une procureure. L’affaire est mise en délibéré à la date de l’audience du 8 mars 2012.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] Par sa requête, l’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision du 17 mars 2011 et de déclarer qu’il a droit au transfert d’imputation du coût des prestations dues en raison de la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 22 avril 2009.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[5] Le présent tribunal doit déterminer s’il y a lieu de réviser la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 17 mars 2011.
[6] Soulignons que la Commission des lésions professionnelles ne peut réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue que pour l’un des motifs prévus à l’article 429.56 de la loi. Les dispositions sont les suivantes :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[7] Ainsi, pour pouvoir bénéficier de la révision ou de la révocation d’une décision de la Commission des lésions professionnelles, une partie doit démontrer, par une preuve prépondérante dont le fardeau lui incombe, l’un des motifs prévus par le législateur à la disposition précitée, sans quoi, sa requête doit être rejetée.
[8] Comme l’énonce la jurisprudence constante de la Commission des lésions professionnelles[1], le pouvoir de révision ou de révocation prévu à l’article 429.56 de la loi doit être considéré comme une procédure d’exception ayant une portée restreinte.
[9] La jurisprudence rappelle invariablement que le recours en révision ne peut constituer un appel déguisé compte tenu du caractère final d’une décision de la Commission des lésions professionnelles énoncé au troisième alinéa de l’article 429.49 de la loi :
429.49.
[…]
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[10] En l’espèce, l’employeur invoque le vice de fond de nature à invalider la décision en application du troisième paragraphe du premier alinéa de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [2] (la loi), soumettant que le premier juge administratif a omis de tenir compte de certains éléments de preuve importants et qu’il n’a pas motivé sa décision pour justifier de les écarter.
[11] Comme le rappelait la Cour d’appel en 2005 dans les affaires Fontaine et Touloumi[3], une décision attaquée pour motif de vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision. La Cour d’appel insiste sur la primauté à accorder à la première décision et sur la finalité de la justice administrative, invitant et incitant la Commission des lésions professionnelles à faire preuve d’une très grande retenue lorsqu’elle est saisie d’un recours en révision. La première décision rendue par la Commission des lésions professionnelles fait autorité et ce n’est qu’exceptionnellement qu’elle pourra être révisée[4].
[12] Le tribunal constate que le premier juge administratif était saisi d’une question d’imputation. Il devait décider si l’employeur avait droit à un transfert du coût des prestations dues en raison de la lésion professionnelle en application du deuxième alinéa de l’article 326 de la loi. L’employeur plaidait que l’accident dont a été victime la travailleuse était attribuable à un tiers et que l’imputation était injuste.
[13] L’employeur reproche essentiellement au premier juge administratif d’avoir omis d’analyser le caractère exceptionnel, inusité et rare des circonstances de l’accident du fait que ces circonstances étaient de nature à justifier un transfert de coût en application des principes dégagés par la jurisprudence. La procureure de l’employeur soutient que la preuve établit que lors de la survenance de l’accident, la travailleuse, une brigadière scolaire, n’était pas sur la rue mais plutôt sur un trottoir. Elle ne faisait pas traverser les enfants, mais discutait avec une amie. Elle avait le dos tourné et le véhicule l’a heurtée par l’arrière. Le conducteur s’est endormi au volant, et ce, bien que l’accident soit survenu en plein jour vers 14 h 30. Elle soutient que le premier juge n’a décrit que partiellement ces circonstances et il ne les a pas analysées.
[14] Qu’en est-il?
[15] Le premier juge administratif rapporte les faits comme suit :
[5] Le 22 avril 2009, la travailleuse, alors qu’elle est à son travail à titre de brigadière scolaire, subit un accident du travail grave. En effet, la travailleuse est debout sur la partie centrale de la rue, lorsqu’un véhicule grimpe sur le trottoir et frappe cette dernière par l’arrière. La travailleuse est gravement blessée et la réclamation sera acceptée par la CSST.
[6] L’employeur, à l’appui de sa demande, fait témoigner le commandant Alain Gagnon. Celui-ci, membre du service de police depuis août 1989, est venu expliquer, avec beaucoup de précisions, les résultats de l’enquête sur l’accident subi par la travailleuse.
[7] Le commandant a également expliqué que le Service de police de Montréal a 650 brigadiers scolaires à sa charge et que 521 traverses scolaires sont surveillées. Les traverses sont catégorisées selon des indices de risques. La traverse où travaillait la travailleuse est considérée comme une traverse relativement sécuritaire. Le commandant a expliqué, de façon complète, la formation et l’équipement qui sont fournis aux brigadiers. La travailleuse était permanente depuis 2003 et était affectée à cette traverse, coin Logan et Papineau, depuis 6 ans.
[8] L’accident est survenu le 22 avril 2009 à l’intersection de ces rues. Un automobiliste s’est endormi au volant de sa voiture. L’enquête n’a révélé aucune preuve de vitesse excessive.
[9] Le commandant a souligné le fait que sur le total des accidents survenus aux brigadiers scolaires de 2006 à 2010, il n’y a eu que quatre accidents causés par des voitures sur un total de 59. En fait, la quantité la plus importante d’accidents est causée par des chutes.
[10] À sa connaissance, il n’y avait jamais eu d’accidents à cette intersection et encore moins de brigadier scolaire frappé par une voiture. Selon le commandant, les circonstances de cet accident sont exceptionnelles.
(La soussignée souligne)
[16] La soussignée remarque que cette description concorde avec les éléments de preuve au dossier, mais elle est incomplète. Le premier juge administratif omet de mentionner que la travailleuse est à discuter avec une amie et non pas à faire traverser les enfants, comme le montrent les rapports des témoins de l’accident; qu’étant brigadière, la travailleuse porte un dossard très voyant, comme le montrent les photos déposées lors de la première audience; que l’accident est survenu vers 14 h 30, en plein jour, sur une rue passante de Montréal, la rue Papineau aux abords du pont Jacques-Cartier, alors que la chaussée est sèche et qu’il n’y a pas de précipitations, et surtout que la travailleuse a été heurtée par le véhicule à 9,3 mètres de la marque des pneus frappant la chaîne de trottoir, sans qu’il y ait de marque de freins, selon ce qui ressort du rapport de reconstruction de l’accident; et que l’examen post-accident du véhicule ne montre pas de problèmes de freins ou autres qui auraient pu expliquer mécaniquement l’accident, laissant entendre que la cause de celui-ci est essentiellement humaine, selon un autre rapport au dossier.
[17] Le premier juge administratif rejette la demande de transfert d’imputation de l’employeur. L’employeur plaide qu’il n’a pas analysé de façon particularisée les circonstances de l’accident et que cela est déterminant sur l’issue du litige. Après avoir cité l’article 326 de la loi, le premier juge administratif motive sa décision comme suit :
[13] La Commission des lésions professionnelles doit donc décider si l’employeur a fait la preuve que la travailleuse a été victime d’un accident du travail et que cet accident est attribuable à un tiers et si, dans les circonstances, il serait injuste de lui faire supporter l’entièreté des coûts reliés à cette réclamation.
[14] Dans l’affaire Ministère des Transports et CSST2 :
[…]
[338] L’équité du système instauré par la loi réside dans l’équilibre qu’il faut maintenir entre le risque assuré et la cotisation de chacun des employeurs. Avantager indûment un employeur, c’est par le fait même désavantager tous les autres. […]
[339] Il ressort de ce qui précède qu’en application de l’article 326 de la loi, plusieurs facteurs peuvent être considérés en vue de déterminer si l’imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail attribuable à un tiers, soit :
- les risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur, les premiers s’appréciant en regard du risque assuré alors que les secondes doivent être considérées, entre autres, à la lumière de la description de l’unité de classification à laquelle il appartient;
- les circonstances ayant joué un rôle déterminant dans la survenance du fait accidentel, en fonction de leur caractère extraordinaire, inusité, rare et/ou exceptionnel, comme par exemple les cas de guet-apens, de piège, d’acte criminel ou autre contravention à une règle législative, règlementaire ou de l’art;
- les probabilités qu’un semblable accident survienne, compte tenu du contexte particulier circonscrit par les tâches du travailleur et les conditions d’exercice de l’emploi.
[15] Ainsi, pour apprécier les risques inhérents à une activité, le tribunal doit tenir compte de plusieurs éléments tels la nature des activités exercées par l’employeur, la description de l’unité de classification, les tâches accomplies par le travailleur, les circonstances de l’accident attribué à un tiers et le caractère soudain et imprévu ou le degré de prévisibilité de cet accident.
[16] De l’ensemble de la preuve, un fait ressort parmi tous les autres, c’est celui que sur une période de quatre ans, seulement quatre accidents impliquant des brigadiers ont été causés par des voitures sur un total de 59.
[17] Il est surprenant de constater que le nombre d’accidents de travail causés par des voitures et impliquant des brigadiers scolaires est relativement limité. Malgré cela, il n’en reste pas moins qu’il est probable qu’un tel accident se produise puisque les brigadiers scolaires sont appelés à se déplacer soit sur la voie publique ou le long de ces voies afin d’accomplir leurs tâches.
[18] Le travail d’un brigadier scolaire est de s’assurer de l’arrêt de véhicules sur les rues, les routes ou les voies publiques afin de faire traverser les enfants et le fait d’être heurté par une de ces voitures est concevable et appartient aux risques inhérents aux activités de cet employeur et des tâches qui sont requises des brigadiers scolaires. Le risque inhérent est omniprésent et il n’est donc pas injuste de faire supporter à l’employeur dans ce cas le coût des prestations reliées à l’accident de la travailleuse survenue le 22 avril 2009.
[19] Dans les circonstances et compte tenu des principes retenus par la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles celle-ci conclut qu’il n’y a pas lieu de transférer l’ensemble des coûts reliés à cette réclamation et que la requête de l’employeur devrait donc être rejetée.
2 C.L.P. 288809-03B-0605, le 28 mars 2008, J.-F. Clément, D. Lajoie, J.-F. Martel.
(La soussignée souligne)
[18] La soussignée constate que le premier juge administratif cite les critères développés par la décision Ministère des Transports (paragraphes 338 et 339 de cette décision) pour établir le caractère injuste de l’imputation, à savoir les risques inhérents, les circonstances de l’accident et les probabilités que survienne un tel accident. Il aurait pu citer également le paragraphe 340 qui précise qu’un seul ou plusieurs de critères peuvent être applicables selon les faits particuliers de chaque cas.
[340] Selon l’espèce, un seul ou plusieurs d’entre eux seront applicables. Les faits particuliers à chaque cas détermineront la pertinence ainsi que l’importance relative de chacun.
[19] En l’espèce, le premier juge administratif n’analyse que les risques inhérents et les probabilités, demeurant muet sur le troisième critère, soit les circonstances de l’accident. Il aurait certes pu écarter l’un ou l’autre des trois critères, cependant, et c’est là le reproche qui lui est adressé, il n’explique pas pourquoi il écarte le critère des circonstances ou le considère non pertinent en l’espèce. Ce faisant, il ne particularise pas l’événement aux circonstances précises de celui-ci. Il ne discute pas du fait que la travailleuse est une brigadière et qu’elle porte un dossard très voyant, qu’elle n’était pas sur la rue, mais sur un trottoir, que le conducteur était endormi en plein jour sur une rue passante, que le véhicule a heurté la travailleuse après avoir frappé la chaine de trottoir et après avoir continué sa course 9,3 mètres plus loin sans qu’il ait appliqué les freins sans qu’il n’y ait de défaut mécanique. Il ne mentionne pas non plus l’état des routes. Le premier juge administratif n’a donc pas analysé le caractère exceptionnel ou inusité de ces circonstances. Nulle part dans les motifs de la décision, on peut lire les raisons pour lesquelles il n’analyse pas le critère des circonstances qui, à sa face même, est pertinent pour comprendre comment est survenu l’accident et déterminer s’il s’agit de circonstances exceptionnelles ou non afin d’établir si l’imputation du coût au dossier de l’employeur serait injuste.
[20] On constate que c’est ce qu’il fait, mais on ne sait pas quel raisonnement il a suivi pour en arriver à cette conclusion.
[21] Le présent tribunal rappelle que l’absence de motivation, sur l’un ou l’autre des éléments essentiels du litige lui-même, non seulement contrevient à l'obligation légale de motiver, prévue à l’article 429.50 de la loi, mais constitue également une erreur de droit dans l'exercice de la compétence du tribunal qui n'aurait pas vidé une question[5].
[22] Cependant, il suffit qu'une décision soit suffisamment détaillée pour que le justiciable comprenne les raisons qui ont motivé les conclusions. Il faut aussi prendre en compte les motifs implicites d'une décision et les déductions qu'on doit tirer de l'examen du libellé[6]. Il faut donc appliquer ce que la jurisprudence appelle le test de l’intelligibilité[7], à savoir que les motifs sont intelligibles et permettent de comprendre les fondements d'une décision[8]. La jurisprudence énonce également qu’il faut distinguer entre une absence totale de motivation et une motivation succincte ou abrégée, pourvu cependant que les motifs sont intelligibles et permettent de comprendre les fondements de la décision[9].
[23] En l’espèce, tel que vu précédemment, le premier juge administratif est muet sur certaines circonstances importantes de l’accident, ce qui constitue une erreur dans l’interprétation des faits, mais il y a plus. La soussignée considère que le premier juge administratif n’a pas expliqué pourquoi il n’a pas fait l’analyse des circonstances particulières de l’accident afin de déterminer leur caractère exceptionnel inhabituel ou inusité. Certes, il énonce certaines des circonstances, à savoir que l’accident se produit alors que la travailleuse est debout sur la partie centrale de la rue, lorsqu’un véhicule grimpe sur le trottoir et frappe cette dernière par l’arrière, que le conducteur du véhicule est endormi et que la vitesse n’est pas excessive, mais il ne procède pas à leur analyse.
[24] Le lecteur ne peut donc savoir s’il considère les circonstances de l’accident comme étant exceptionnelles ou non et pourquoi. Il énonce que les accidents impliquant des véhicules sont étonnamment peu fréquents et qu’ils font partie des risques inhérents de l’employeur et conclut qu’il n’est pas injuste que l’employeur supporte le coût des prestations d’un tel accident. Son analyse est incomplète puisqu’elle ne porte que sur deux des trois critères qu’il cite lui-même par le biais des extraits de la décision Ministère des transports. Encore une fois, il n’explique pas les motifs pour lesquels il ne fait pas l’analyse du critère portant sur le caractère exceptionnel des circonstances de l’accident.
[25] Tel que vu précédemment, l’absence de motivation concernant les éléments nécessaires pour trancher le litige constitue, selon les principes énoncés par la jurisprudence[10], un vice de fond de nature à invalider la décision au sens de l’article 429.56 de la loi.
[26] Par conséquent, le tribunal accueille la requête en révision de l’employeur.
[27] Procédant à la révision, la soussignée estime que l’employeur a droit au transfert du coût de la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 20 avril 2009 pour les motifs qui suivent.
[28] En effet, la preuve établit que l’accident est entièrement attribuable au conducteur fautif qui est un tiers par rapport à l’employeur.
[29] De plus, la soussignée estime que les accidents causés par un véhicule automobile font partie des risques inhérents au travail de brigadière que doit assumer l’employeur. En effet, comme l’énonçait la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Ministère des transports, où un travailleur, assigné à des travaux de réfection de route sur la voie publique est heurté par une automobile, il est possible qu’un accident impliquant un véhicule automobile se produise dans le cadre de l’exécution des tâches de l'employé. Cela fait partie des risques inhérents à l’ensemble des activités de l’employeur. Les travailleurs qui se retrouvent sur la voie publique sont exposés à des risques d’accidents automobiles.
[30] En l’espèce, le tribunal estime qu’un accident de voiture, dont la victime est une brigadière scolaire, résulte d’un risque particulier se rattachant à la nature de l’ensemble des activités exercées par l’employeur, une municipalité qui offre ce service. La brigadière doit en effet effectuer son travail sur la voie publique ou aux abords de celle-ci et elle est alors exposée aux risques d’accidents avec les véhicules routiers. Il est donc probable qu’un accident impliquant un véhicule routier survienne.
[31] Eu égard à ces éléments, l’employeur devrait donc supporter le coût de cet accident, et ce, même s’il n’exerce pas de contrôle sur tous les aléas de la route et ne peut, comme tel, prévenir des accidents comme celui dont a été victime la travailleuse.
[32] Toutefois, une nuance s’impose lorsque l’accident s’inscrit comme faisant partie des risques inhérents aux activités de l’employeur, mais qu’il s’agit d’une situation exceptionnelle.
[33] En effet, la décision Ministère des transports énonce avec justesse qu’un risque lié d’une manière étroite et nécessaire aux activités de l’employeur ne doit pas comprendre tous les risques susceptibles de se matérialiser au travail sans quoi, le deuxième alinéa de l’article 326 ne trouverait plus application. Elle autorise un transfert des coûts lorsque les circonstances de l’accident attribuable à un tiers, bien que faisant partie des risques inhérents à ses activités, sont inusitées, extraordinaires, rares et/ou exceptionnelles.
[34] En l’espèce, le tribunal est d’avis que les circonstances particulières de l’accident, additionnées l’une à l’autre, deviennent exceptionnelles et inusitées. En effet, le conducteur du véhicule s’est endormi en plein jour sur une rue passante, soit la rue Papineau à Montréal aux abords du pont Jacques-Cartier; il a monté sur le trottoir et a poursuivi sa course sans tenter de freiner sur une distance de 9,3 mètres avant de frapper la travailleuse, une brigadière portant un dossard très voyant, ce qui la rend incontestablement visible sur la voie publique; la travailleuse était sur le trottoir et non pas sur la rue; et la chaussée était sèche et la météo clémente.
[35] Par conséquent, puisque les circonstances de l’accident attribuable à un tiers sont exceptionnelles et inusitées, le tribunal conclut qu’il serait injuste que l’employeur voie son dossier financier imputé du coût des prestations dues en raison de cet accident du travail, bien que l’accident fasse partie des risques inhérents à ses activités. L’employeur a donc droit à un transfert de ce coût.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête en révision de Ville de Montréal;
RÉVISE la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 17 mars 2011;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 22 avril 2010 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que Ville de Montréal a droit au transfert du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie par madame Nicole Facchini le 22 avril 2009.
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Me Monique Martin |
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Ville de Montréal - Section Litiges |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] Voir entre autres Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 .
[2] L.R.Q., c. A-3.001.
[3] CSST c. Fontaine, [2005] C.L.P. 626 (C.A.); CSST c. Touloumi, [2005] C.L.P. 921 (C.A).
[4] Louis-Seize et CLSC-CHSLD de la Petite-Nation, C.L.P. 214190-07-0308, 20 décembre 2005,
L. Nadeau, (05LP-220).
[5] Cité de la santé de Laval et Heynemand, C.L.P. 69547-64-9505, 26 octobre 1999, Anne Vaillancourt, (99LP-160).
[6] Boulanger c. Commission des affaires sociales, C.S. Québec, 200-05-002317-902, 11 octobre 1990, j. Moisan (C.S.); Durand et Couvoir Scott ltée, C.L.P. 94101-03B-9802, 9 mars 1999, M. Beaudoin.
[7] Brasserie Molson O'Keefe ltée c. Boucher, C.S. Montréal, 500-05-009440-932, 29 septembre 1993, j. Gomery, D.T.E. 93T-1279 .
[8] Cité de la santé de Laval et Heynemand, précitée note 5; Beaudin et Automobile J.P.L. Fortier inc., [1999] C.L.P. 1065 , requête en révision judiciaire rejetée, [2000] C.L.P. 700 (C.S.); Manufacture Lingerie Château inc. c. C.L.P., C.S. Montréal, 500-05-065039-016, 1er octobre 2001, j. Poulin, (01LP-92).
[9] Manufacture Lingerie Château inc. c. Commission des lésions professionnelles, précitée note 8.
[10] Sylviculture Tramfor inc. et Girard, C.L.P. 308516-02-0701, 21 novembre 2008, Anne Vaillancourt.
AVIS :
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