Décision

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Gabarit EDJ

Letendre c. Camp musical d'Asbestos

2012 QCCQ 4083

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

SAINT-FRANÇOIS

LOCALITÉ DE

SHERBROOKE

« Chambre civile »

N° :

450-32-015169-113

 

 

 

DATE :

7 mai 2012

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

PAUL DUNNIGAN, J.C.Q.

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BRUNO LETENDRE

             Partie demanderesse

c.

 

CAMP MUSICAL D'ASBESTOS

Partie défenderesse

 

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JUGEMENT

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[1]           Bruno Letendre réclame 5 223,61 $ à Camp Musical d'Asbestos parce que le service offert par cet organisme à l'occasion de son mariage était « pourri ».

[2]           Letendre précise que « la viande était beaucoup trop cuite [et que] la présentation était très ordinaire ».

[3]           Camp Musical conteste alléguant que c'est Letendre qui a fourni la viande « sous-vide et non coupée » et que les comédiens dont le repas devait être fourni par les mariés ne l'ont pas reçu;  « vu cet imprévu », les convives assis à la table d'honneur se sont fait servir par erreur, les plats « moins soignés et avec de moins beaux morceaux » qui étaient destinés aux comédiens.

[4]           La lettre de Camp Musical à laquelle réfère la contestation mentionne en outre que si Letendre voulait que son mariage soit « digne des restaurants 4 diamants, [il ne s'est] pas adressé à la bonne porte » et qu'on ne va « pas au McDonald's pour manger du foie gras de canard ».

LES FAITS PERTINENTS

[5]           Au printemps 2010, Letendre et sa conjointe Chantal Guillemette ont une rencontre avec des représentants de Camp Musical afin de convenir d'une réservation pour le souper de leurs invités à cet endroit le 31 juillet 2010, jour de leur mariage.

[6]           Des suggestions de menus[1] sont examinées;  parce qu'il est président du conseil d'administration d'un abattoir, Letendre demande s'il peut lui-même fournir la viande.

[7]           Son interlocuteur de Camp Musical hésite, mais ultimement accepte tout en précisant que Letendre devra voir à la coordination de cet aspect avec la cuisinière.

[8]           Il est également convenu que c'est l'équipe d'animation dont les services ont été retenus par Letendre et Guillemette qui sera responsable du déroulement de la soirée, un document précisant les détails à cet égard devant être transmis à Camp Musical au préalable.

[9]           Les parties s'entendent en outre sur le fait que les animateurs ne doivent pas être comptés comme des convives et que les nouveaux mariés s'occuperont de leur « lunch ».

[10]        Louise Paquette, qui était en charge aux cuisines, affirme qu'à l'occasion d'une première rencontre, Letendre lui a confirmé qu'il apporterait la viande « toute prête » et qu'il a alors été informé qu'il n'y aurait qu'une seule cuisson, soit « medium ».

[11]        Le 30 juillet 2010, Letendre prend possession du filet mignon pour ses invités pour lequel il débourse 678,86 $[2] et l'apporte à Paquette.

[12]        Paquette indique que lorsqu'elle a ouvert la boîte apportée par Letendre, elle a constaté que le filet mignon n'avait pas été coupé ni paré contrairement à ce qui avait été convenu.

[13]        Le jour du mariage, vers la fin de l'après-midi, un livreur de pizza apporte le souper des animateurs à la demande de Letendre, mais doit repartir sans avoir pu les rejoindre, les portes de la salle étant verrouillées.

[14]        Paquette précise que tout était cuit « medium » pour l'heure où ce devait l'être, mais qu'il a fallu attendre que les « artistes » aient fini leur prestation.

[15]        Elle ajoute qu'elle a dû « fournir les artistes qui n'avaient pas eu leur lunch », ce qu'elle a fait en leur donnant les « bouts » plus petits;  les animateurs ont cependant refusé pour que la table d'honneur soit d'abord servie.

[16]        Pascal Lapointe était affecté par Camp Musical au service des repas le soir du mariage;  il affirme que c'est l'équipe d'animation qui a déterminé l'horaire et que lorsqu'est venu le temps de servir le repas, les artistes lui ont indique qu'il devait attendre qu'ils « finissent le sketch ».

[17]        Lapointe est d'avis que sa tâche et celle de ses collègues ont été compliquées par le « mouvement » des animateurs.

[18]        Letendre et Guillemette déclarent avoir été extrêmement déçus du repas le jour de leur mariage;  la salade était « détrempée » et la viande était tellement trop cuite que « personne ne pouvait se rendre compte que c'était du filet mignon ».  Letendre parle d'une « catastrophe » à cet égard.

[19]        Guillemette ajoute qu'on ne devrait pas avoir à dire à un traiteur d'expérience qu'« on veut de la belle vaisselle », ce qui laissait également à désirer.

[20]        Elle conclut son témoignage en mentionnant qu'elle rageait encore de la situation pendant leur voyage de noces.

[21]        Pour ces raisons, Letendre réclame le remboursement intégral du prix payé à Camp Musical pour les repas, soit 2 544,75 $[3], le prix qu'il a payé pour la viande et 2 000 $ pour « dommage moral et déception ».

ANALYSE

[22]        Letendre devait établir le bien-fondé de sa réclamation tel que l'indique le premier alinéa de l'article 2803 du Code civil du Québec :

Art. 2803.  Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

[23]        Les articles 1478 , 2098 et 2100 C.c.Q. sont également pertinents à la détermination du sort de sa réclamation :

Art. 1478. Lorsque le préjudice est causé par plusieurs personnes, la responsabilité se partage entre elles en proportion de la gravité de leur faute respective.

 

La faute de la victime, commune dans ses effets avec celle de l'auteur, entraîne également un tel partage.


Art. 2098. Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.

 

Art. 2100. L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.

 

Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.

[24]        La déception de Letendre est légitime;  la prestation à laquelle il pouvait raisonnablement s'attendre dans les circonstances n'a pas été rendue.  Il faut ici trancher la question de savoir si Camp Musical en est responsable totalement ou en partie et, le cas échéant, quels sont les dommages-intérêts qui en résultent de façon immédiate et directe.

[25]        La mauvaise coordination du déroulement de la soirée a été prouvée de même que ses conséquences qui en étaient une suite prévisible.  Le Tribunal attribue cette situation à la gestion déficiente du temps par l'équipe d'animation mandatée par Letendre et par le fait qu'il n'a pas été pourvu à leur repas, ce dont Camp Musical n'était pas responsable.

[26]        Les préposés de cet organisme n'ont cependant pas agi avec prudence et diligence conformément aux usages et règles de leur art en acceptant sans réserve les consignes d'animateurs qui n'étaient sans doute pas conscients des conséquences de retarder le moment où les convives devaient être servis.

[27]        La responsabilité du préjudice doit en conséquence être partagée.

[28]        Le Tribunal ne peut ici qu'arbitrer le montant correspondant à une indemnisation adéquate, laquelle est fixée à 2 000 $ et dont la responsabilité doit être attribuée à Camp Musical dans une proportion de 50 %.

Pour ces motifs, le tribunal :

ACCUEILLE partiellement la demande de la partie demanderesse;

CONDAMNE la partie défenderesse à payer à la partie demanderesse la somme de 1 000 $, plus intérêts au taux légal de 5 % l'an et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, à compter du 25 octobre 2010, date de la mise en demeure;

LE TOUT, avec dépens.

 

 

 

 

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PAUL DUNNIGAN, J.C.Q.

 

 



[1]     Pièce D-2.

[2]     Pièce P-2;  le représentant de l'abattoir précité a signé une déclaration pour valoir témoignage conformément à l'article 980 C.p.c. attestant de « morceaux de très haute qualité » choisis pour M. Letendre.

[3]     Pièce D-3.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.