Décision

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Dandurand et Division Béton Salaberry

2011 QCCLP 7614

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Salaberry-de-Valleyfield

24 novembre 2011

 

Région :

Richelieu-Salaberry

 

Dossier :

433704-62C-1103

 

Dossier CSST :

121047435

 

Commissaire :

Richard Hudon, juge administratif

 

Membres :

Raymond Thériault, associations d’employeurs

 

Sonia Éthier, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Léo Dandurand

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Division Béton Salaberry

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 21 mars 2011, monsieur Léo Dandurand (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 16 mars 2011, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST modifie sa décision initiale du 27 août 2010, déclare qu’elle était justifiée de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur et déclare que cette suspension devait débuter le 27 août 2010.

[3]           Une audience devait se tenir le 17 novembre 2011, à Salaberry-de-Valleyfield; le 16 novembre 2011, le représentant du travailleur annonce qu’il sera absent à l’audience et produit une argumentation écrite; le 17 novembre 2011, la CSST produit également une argumentation écrite et n’est pas représentée à l’audience; finalement, la Commission des lésions professionnelles a été avisée, verbalement, que Division Béton Salaberry (l’employeur) ne serait pas représenté à l’audience. La présente décision est donc rendue sur dossier en vertu de l’article 429.14 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). Le dossier est mis en délibéré à la date de réception des derniers commentaires écrits, soit le 22 novembre 2011.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que, pour un motif valable, il n’a pas transmis les renseignements demandés par la CSST qui ne pouvait donc suspendre le versement de son indemnité de remplacement du revenu.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           La membre issue des associations syndicales et le membre issu des associations d'employeurs sont d'avis de rejeter la requête du travailleur. Ce dernier a négligé de transmettre, en temps utile, les informations demandées par la CSST et n’a pas fourni une raison valable pour expliquer sa négligence. La CSST pouvait donc suspendre le versement de son indemnité de remplacement du revenu à compter du 27 août 2010.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST pouvait, à compter du 27 août 2010, suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur.

[7]           Le travailleur subit une lésion professionnelle le 13 août 2001. Initialement, la CSST accepte une lésion d’entorse du genou droit puis, de déchirure du ménisque interne du genou droit. La lésion du 13 août 2001 a entraîné une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique et des limitations fonctionnelles qui ont rendu le travailleur incapable de reprendre son emploi prélésionnel.

[8]           Dans une transaction, le travailleur et la CSST reconnaissent que le travailleur est capable d’exercer un emploi convenable de préposé à l’assistance routière à compter du 1er mai 2005. Le travailleur a reçu une pleine indemnité de remplacement du revenu, conformément à l’article 49 de la loi, puis une indemnité de remplacement du revenu réduite, à compter du 1er mai 2006.

[9]           Le 26 mars 2007, la CSST demande au travailleur de fournir les renseignements nécessaires pour l’application de l’article 54 de la loi, qui prévoit ce qui suit :

54.  Deux ans après la date où un travailleur est devenu capable d'exercer à plein temps un emploi convenable, la Commission révise son indemnité de remplacement du revenu si elle constate que le revenu brut annuel que le travailleur tire de l'emploi qu'il occupe est supérieur à celui, revalorisé, qu'elle a évalué en vertu du premier alinéa de l'article 50 .

 

Lorsqu'elle effectue cette révision, la Commission réduit l'indemnité de remplacement du revenu du travailleur à un montant égal à la différence entre l'indemnité de remplacement du revenu à laquelle il aurait droit s'il n'était pas devenu capable d'exercer à plein temps un emploi convenable et le revenu net retenu qu'il tire de l'emploi qu'il occupe.

__________

1985, c. 6, a. 54.

 

 

[10]        Le travailleur ne fournit pas, en temps utile, les renseignements demandés par la CSST. Son indemnité de remplacement du revenu est donc suspendue à compter du 1er mai 2007, selon la décision rendue le 17 mai 2007, laquelle n’a pas été contestée. La date de reprise du versement de l’indemnité de remplacement du revenu n’est pas précisée, mais elle se situe quelque part en juillet 2007, lorsque le travailleur fournit les renseignements demandés.

[11]        Une deuxième révision de l’indemnité de remplacement du revenu réduite est prévue pour le 1er mai 2010, comme le mentionne l’article 55 de la loi :

55.  Trois ans après la date de cette révision et à tous les cinq ans par la suite, la Commission révise, à la même condition et de la même façon, l'indemnité de remplacement du revenu d'un travailleur jusqu'à ce que ce travailleur tire de l'emploi qu'il occupe un revenu brut annuel égal ou supérieur à celui qui sert de base, à la date de la révision, au calcul de son indemnité de remplacement du revenu ou jusqu'à son soixante-cinquième anniversaire de naissance, selon la première échéance.

__________

1985, c. 6, a. 55.

 

 

[12]        La CSST demande au travailleur, le 22 mars 2010, de lui faire parvenir les renseignements nécessaires pour procéder, si nécessaire, à la révision de l’indemnité de remplacement du revenu réduite versée au travailleur, ce dernier ayant jusqu’au 17 avril 2010 pour fournir les renseignements demandés.

[13]        N’ayant pas reçu les renseignements demandés, un agent de la CSST contacte le travailleur, le 2 juin 2010, qui dit ne pas avoir reçu le formulaire expédié par la CSST en raison de son déménagement. Le travailleur est avisé qu’un nouveau formulaire lui sera expédié et l’agent de la CSST demande de le retourner avec une copie de son rapport d’impôt et de son avis de cotisation.

[14]        Le 27 juillet 2010, le formulaire et les avis de paiement de mars et avril 2010 sont retournés à la CSST avec la mention que le travailleur est déménagé. Un nouvel envoi est fait au travailleur, à sa nouvelle adresse. Rien n’indique que le travailleur n’a pas reçu le formulaire de demande de renseignements.

[15]        Le 27 août 2010, n’ayant toujours pas reçu les renseignements demandés, la CSST avise le travailleur que son dossier sera fermé si les renseignements ne sont pas fournis dans un délai de 20 jours. Le travailleur est aussi avisé que son indemnité de remplacement du revenu réduite est suspendue depuis le 3 juin 2010.

[16]        Le 21 septembre 2010, la CSST avise à nouveau le travailleur que le dossier sera fermé si, à l’expiration d’un délai de 10 jours, elle n’a pas reçu les renseignements demandés.

[17]        Une demande de révision de la décision rendue le 27 août 2010 est faite par le représentant du travailleur, le 28 septembre 2010. Les renseignements demandés ne sont toujours pas fournis.

[18]        Le 16 mars 2011, à la suite d’une révision administrative, la CSST décide qu’elle était justifiée de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu en vertu de l’article 142 de la loi. Elle déclare cependant que la suspension ne pouvait être rétroactive et qu’elle devait être effective qu’à compter du 27 août 2010. Le travailleur conteste cette décision à la Commission des lésions professionnelles, le 21 mars 2011.

[19]        Le premier paragraphe de l’article 142 de la loi prévoit :

142.  La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :

 

1° si le bénéficiaire :

 

a)  fournit des renseignements inexacts;

 

b)  refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;

 

[…]

__________

1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.

 

[20]        Le représentant du travailleur soumet cet argument pour expliquer le retard du travailleur :

[…]

 

Dans les faits, notre client soumet respectueusement que sa mère, […], était en traitement de chimiothérapie et que c’est lui qui l’accompagnait très régulièrement pour se déplacer et, ce faisant, n’avait pas la concentration de prendre le temps de produire les documents qu’il a produit en février suivant.[sic]

 

 

[21]        La Commission des lésions professionnelles souligne, dans un premier temps, que cet argument soumis par le représentant du travailleur n’est pas en preuve. Il n’est pas mentionné au dossier de la CSST et il ne s’agit pas d’une déclaration faite par le travailleur, que ce soit dans le cadre d’un témoignage ou d’une déclaration écrite, assermentée ou non.

[22]        Quoi qu’il en soit, et sans s’attarder sur ce détail technique, la Commission des lésions professionnelles retient qu’il ne s’agit pas d’une raison valable ni d’un motif raisonnable pour expliquer la négligence du travailleur à fournir les renseignements demandés par la CSST.

[23]        À quelques reprises, le travailleur est informé, verbalement ou par écrit, qu’il doit soumettre les renseignements nécessaires pour que la CSST décide si elle doit réviser l’indemnité de remplacement du revenu réduite, conformément à l’article 55 de la loi. Même en admettant que la mère du travailleur devait recevoir des traitements de chimiothérapie et que le travailleur devait l’accompagner, la Commission des lésions professionnelles ne voit pas en quoi le travailleur n’aurait pu prendre quelques instants pour répondre à la demande de la CSST. Il réagit seulement lorsqu’il est avisé que le versement de son indemnité de remplacement du revenu est suspendu et décide alors de consulter un avocat. Pour la Commission des lésions professionnelles, il s’agit d’une pure négligence.

[24]        Le représentant du travailleur soumet aussi que l’indemnité de remplacement du revenu aurait dû être reprise rétroactivement au 27 août 2010, car le travailleur a fourni les renseignements demandés et que la cause de suspension n’existe plus. Il ajoute :

[…]

 

Nous rappelons au Tribunal, que la production même du document devrait faire en sorte que ce qui a effectué tardivement, par le travailleur, ne peut le pénaliser davantage que le fait d’avoir subi une suspension pendant tout ce temps, des IRR réduites qui lui revenaient, puisqu’en somme, cette pénalité de recevoir un montant dû beaucoup plus tard dans le temps est une pénalité qui établi le droit sur le plan des dispositions législatives, sans pénaliser en double le travailleur qui subirait, ni plus ni moins, deux effets pénales administratifs soit celui d’avoir été retardé dans le versement qui lui est dû et celui, en plus, de ne pas le recevoir pour toute cette période rétroactive. [sic]

[25]        L’application de l’article 143 de la loi est donc demandée, article qui énonce :

143.  La Commission peut verser une indemnité rétroactivement à la date où elle a réduit ou suspendu le paiement lorsque le motif qui a justifié sa décision n'existe plus.

__________

1985, c. 6, a. 143.

 

 

[26]        La CSST, selon la preuve, reprend le versement de l’indemnité de remplacement du revenu le 2 février 2011, les renseignements étant fournis par le travailleur. Ainsi, la CSST a décidé de ne pas verser rétroactivement l’indemnité au travailleur, ce qu’elle pouvait faire en vertu du pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 143 de la loi.

[27]        La Commission des lésions professionnelles n’entend pas remettre en question cette discrétion exercée par la CSST, mais souligne que, si un tel versement rétroactif avait été fait, la CSST n’aurait que cautionné la négligence du travailleur à fournir, en temps utile, les renseignements nécessaires à l’application de la loi.

[28]        La Commission des lésions professionnelles conclut donc que la CSST était justifiée de suspendre, à compter du 27 août 2010, le versement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête déposée le 21 mars 2011 par monsieur Léo Dandurand;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 16 mars 2011, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail pouvait, à compter du 27 août 2010, suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu de monsieur Dandurand.

 

__________________________________

 

Richard Hudon

 

Me Sylvain Gingras

Gingras, avocats

Représentant de la partie requérante

 

Me Kevin Horth

Vigneault Thibodeau Bergeron, avocats

Représentant de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

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