Décision

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LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE

DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

QUÉBEC                     MONTRÉAL, le 26 mai 1993

 

 

 

DISTRICT D'APPEL           DEVANT LA COMMISSAIRE:    Pepita Giuseppina CAPRIOLO

DE MONTRÉAL

 

 

RÉGION:MONTÉRÉGIE          AUDITION TENUE LE:        4 mai 1993

DOSSIER:34714-62A-9112

 

 

DOSSIER CSST:0998 6853     A:                        Montréal

 

                                                  

 

 

 

 

 

MADAME GINETTE SAVOIE

149, rue Langlois est

Chateauguay  (Québec)

J6J  1Z9

 

                          PARTIE APPELANTE

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

HYDRO-QUÉBEC

1145, boul. St-Joseph

Case postale 100

Saint-Jean-sur-Richelieu  (Québec)

J3B  6Z1

 

                         PARTIE INTÉRESSÉE


 

 

                   D É C I S I O N

 

 

Le 5 décembre 1991, la travailleuse, madame Ginette Savoie, dépose auprès de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) une déclaration d'appel à l'encontre d'une décision majoritaire du bureau de révision paritaire datée du 31 octobre 1991 et expédiée le 15 novembre 1991.

 

 

Cette décision maintient la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) le 21 novembre 1990 à l'effet que la travailleuse n'a plus besoin d'aide personnelle à partir du 21 novembre 1990.

 

 

La travailleuse et son représentant sont présents à l'audition.  La Commission est aussi représentée.  L'employeur, Hydro-Québec, quoique dûment convoqué, ne s'est pas présenté à l'audition.


OBJET DE L'APPEL

 

La travailleuse demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision du bureau de révision paritaire et de déclarer qu'elle a encore besoin d'aide personnelle.

 

 

LES FAITS

 

La travailleuse subit un accident du travail le 3 mai 1988 alors que sa main reste coincée entre la poignée de la porte et le mur.  Elle ressent une torsion de l'épaule jusqu'aux doigts du bras gauche.  Le premier diagnostic était «élongation musculaire du bras gauche et entorse poignet et index».

 

La Commission accepte la réclamation dès le 14 novembre 1988.  Le docteur Lincoln pose un diagnostic de «luxation radio-cubitale distale et dystrophie sympathétique du bras gauche».  Dans une évaluation des besoins d'aide personnelle de la travailleuse du 15 février 1989, on lui accorde un premier montant de 324 $ par mois et on ajoute le texte suivant:

 

«Son mari est aussi en accident de travail depuis le 31 - 1-88.  A fait 2 phlébites et 2 embolies pulmonaires à la suite d'un plâtre à la cheville;  est incapable de toutes activités.  Peut conduire sa voiture lorsqu'il se sent bien.  Mme ne peut conduire.»  (sic)

 

 

 

Dans l'évaluation, on remarque aussi qu'on prévoit des frais additionnels pour le grand ménage du printemps jusqu'à un maximum de 1 500 $ par année, s'il y a une atteinte permanente grave qui sera évaluée en mai 1989.

 

Le 17 février 1989, la Commission accorde une aide personnelle à domicile jusqu'au 30 mai 1989.

 

Le 10 mai 1989, le docteur Fernand Duplantis écrit à la Commission que la travailleuse avait été victime d'un accident d'automobile le 3 novembre 1987 et avait subi un traumatisme crânien.

 

Le 26 juillet 1989, madame Michèle Caron, ergothérapeute, écrit à la conseillère en réadaptation de la Commission pour recommander l'achat de certaines aides techniques pour aider la travailleuse à faire des travaux à la maison.  Elle finit par suggérer un court suivi pour adapter la cliente à ces nouvelles aides techniques et s'assurer de la compréhension et assimilation des nouvelles techniques.

 

Le 1er novembre 1990, le docteur Gilles Tremblay fait une évaluation du déficit anatomo-physiologique de la travailleuse:

 

«(...)

 

SEQUELLES ACTUELLES

 

102 383 :Atteinte des tissus mous du membre supérieur avec séquelle fonctionnelle, séquelle actuelle gauche                             2%

 

106 183 :Perte de 30 degrés de dorsi-flexion du poignet, séquelle actuelle gauche

                                               1%

 

106 236 :Perte de 30 degrés de flexion palmaire du poignet, séquelle actuelle gauche           2%

 

106 254 :Absence complète de l'inclinaison cubitale, séquelle actuelle gauche

                                               1%»

 

 

 

Le 12 novembre 1990, l'ergothérapeute écrit:

 

«(...)

 

Pour se laver, se coiffer, se raser, se maquiller, madame est autonome, même si elle éprouve des difficultés ou doit employer des techniques particulières.  Elle est autonome pour se vêtir et se dévêtir, sauf qu'elle a de la difficulté à mettre des vêtements extérieurs et des bas-culottes.  Elle peut faire l'entretien général de son domicile s'il s'agit de tâches légères telles:  faire le lit, laver la vaisselle, épousseter.  Elle est partiellement autonome quant à la préparation des repas.  L'ergothérapeute suggère l'achat de quelques aides techniques.  Selon elle, cependant, la travailleuse considère que tout ceci lui sera utile lorsqu'elle sera seule.  Elle délaisse l'utilisation de certaines adaptations et certaines techniques et cherche l'aide auprès de sa famille.

 

Il existe actuellement des activités qu'elle ne peut accomplir elle-même, par exemple sortir une casserole lourde et encombrante du four, récurer une poêle.  Elle peut manger seule même si elle préfère ne pas utiliser l'aide technique pour couper la viande et demander de l'aide.  La travailleuse a encore besoin d'aide pour l'entretien ménager plus lourd:  l'utilisation de la vadrouille, passer l'aspirateur central, laver les planchers, le réfrigérateur et la cuisinière.»

 

 

 

Elle ajoute:

 

«(...)

 

Nous lui avions suggéré quelques techniques, par exemple, l'utilisation d'une brosse à long manche, tenue par le membre supérieur droit, pour nettoyer le bain;  ou encore de tenir le boyau de son aspirateur central par une main, la droite, et de diviser cette activité en plusieurs courtes périodes.  Elle considère que ces tâches sont mieux exécutées par une autre personne qui a l'usage de ses deux mains.

 

Pour le lavage elle peut utiliser les appareils électro-ménagers.  Elle ne peut tordre convenablement le linge laver à la main, ni suspendre le linge à sécher.  Elle peut le plier à son rythme.  Elle repasse peu et utilise maintenant le défroisseur à vapeur.

 

Elle se considère incapable de faire de la couture, quoique nous sommes d'avis qu'elle peut enfiler une aiguille (elle a l'adaptation) et coudre un bouton.

 

Elle peut faire l'épicerie, mais transporte ses paquets de la main droite ou reçoit de l'aide.  L'utilisation d'un petit chariot à roulettes qu'elle tirerait avec le membre supérieur droit peut lui être utile.

 

Mme Bergeron utilise en majorité les adaptations fournies, mais la fréquence est variable.  Quelques-uns lui sont peu utiles (enfileur d'aiguille, ouvre bouteille), elle utilise rarement (brosse pour laver les verres).  Enfin, elle tend à délaisser l'utilisation de certaines adaptations, puisqu'il lui est plus facile de demander de l'aide.  Elle trouve souvent long et complexe l'emploi de certaines adaptations et se dit épuiser, moralement et physiquement, de devoir fournir tant d'efforts pour essayer de s'adapter à sa condition.

 

Nous croyons que, tant qu'elle profitera de l'assistance des membres de sa famille, elle ne trouvera pas indispensables ces adaptations et les autres qui lui ont été suggérées.»

 

 

 

Elle conclut:

 

«Toutefois, à ce jour, Mme Bergeron est plus autonome dans ses activités, et son degré de prise en charge a augmenté comparativement à notre première évaluation en juin 1989.

 

Elle est droitière et il lui reste son membre supérieur droit.  Ceci est favorable à sa réadaptation.

 

Par contre, il existera toujours des activités, en partie bilatérales, qu'elle ne pourra exécuter.  C'est pourquoi nous suggérons, le cas où l'époux de Mme serait hospitalisé (il souffre d'une condition médicale précaire), ou que ses filles seraient dans l'impossibilité de l'aider, de réévaluer son niveau d'autonomie.»

 

 

 

Le 21 novembre 1990, la Commission rend la décision suivante:

 

«L'évaluation finale de vos capacités par la firme AAPP, ergothérapeutes consultants, démontre que vous pouvez maintenant subvenir à vos besoins.

 

En effet, les aménagements et fournitures d'une multitude d'appareils visant l'aide à l'autonomie qui vous ont été accordés complètent le mandat d'aide à l'autonomie entrepris par le service de réadaptation.  Les dernières factures ont récemment été autorisées.

 

Le versement mensuel d'aide personnelle ne sera donc pas renouvelé.»

 

 

 

Le 28 novembre 1990, à la suite de l'évaluation médicale du docteur Tremblay, la Commission lui accorde une atteinte permanente de 6.9 %.

 

Le docteur Chartrand a dit, le 10 décembre 1990, qu'il est totalement opposé au rapport de l'ergothérapeute, que madame a des limitations sévères du bras gauche et qu'elle doit avoir de l'aide.

 

Le 10 décembre 1990, la travailleuse subit une aggravation dont le pourcentage d'atteinte permanente est établi à 39,40 %, dans une décision du 20 avril 1991.

 

«A la suite de l'évaluation médicale des dommages corporels que vous avez subis lors de l'aggravation survenue le 10 DECEMBRE 1990, votre pourcentage d'atteinte permanente a été établi à 39,40 % et se décompose comme suit:

 

-Déficit anatomo-physiologique comprenant un pourcentage pour bilatéralité (s'il y a lieu                        29,50 %

-Déficit anatomo-physiologique additionnel pour une lésion bilatérale    0,00 %

-Douleurs et perte de jouissance de la vie pour le déficit anatomo-physiologique

 9,90 %

-Préjudice esthétique    0,00 %

-Douleurs et perte de jouissance de la vie pour le préjudice esthétique  0,00 %

 

Ce pourcentage sert à déterminer un montant forfaitaire de 18 089,72 auquel vous avez droit et qui vous sera versé à la fin des délais de contestation, si ni vous ni votre employeur ne décidez d'en appeler de cette décision.  Le montant de l'indemnité a été calculé en tenant compte de votre âge au moment de l'événement.

 

A ce montant seront ajoutés les intérêts courus depuis la date de réception de votre réclamation pour lésion professionnelle.»

 

 

 

L'employeur demande l'arbitrage médical quant à l'évaluation du déficit anatomo-physiologique.

 

Le 31 octobre 1991, le bureau de révision paritaire maintient la décision de la Commission du 21 novembre 1990, avec la dissidence du membre représentant les travailleurs.

 

À l'audition, la Commission dépose une copie du texte de l'arbitrage médical rédigé par le docteur Hany Daoud qui conclut qu'il n'y a pas de séquelles de dystrophie musculaire et que l'atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique de la travailleuse est de 0 % puisque la rechute qu'elle a subie le 10 décembre 1990 est en relation avec un état personnel et non pas avec son accident du travail.

 

La travailleuse dépose le rapport d'évaluation du déficit anatomo-physiologique fait par le docteur Bernard Chartrand.

 

La travailleuse témoigne à l'audition.  Elle a des problèmes seulement depuis son accident du 3 mai 1988.  Elle ne peut plus se servir de son bras gauche et, donc, elle ne peut faire les activités suivantes:  l'entretien de ses cheveux:  elle a de la difficulté à les laver même sous la douche;  elle ne peut faire sa teinture ni sa mise en pli.  Elle a de la difficulté à faire à manger:  elle ne peut éplucher, couper et piler des pommes de terre.  Elle a de la difficulté à changer et laver les draps parce qu'elle ne peut enlever les draps-contour des lits ou les installer ou même les transporter parce qu'ils sont trop lourds.  Elle ne peut décrocher et laver les stores verticaux, laver les vitres, nettoyer les lustres, passer l'aspirateur proche du plafond.  Elle ne peut pas transporter des charges lourdes et se fatigue en passant l'aspirateur d'une seule main, même si elle a maintenant un aspirateur central.  Elle trouve ça très épuisant et ça lui prend beaucoup de temps.  Elle a de la difficulté à laver les planchers, nettoyer la cuisinière et le réfrigérateur, et faire le grand nettoyage des garde-robes lors des changements de saison.  Aussi, elle a de la difficulté à nettoyer le fond des armoires et à se pencher et se retenir par terre pour laver la cuvette du bol de toilette et la baignoire.  Elle se plaint qu'elle a de la difficulté à se maquiller, ne peut plus faire son manucure de la main droite.  Elle a dû changer même son style d'habillement afin d'éviter les boutons.  Elle ne peut pas laver du linge à la main puisqu'elle ne peut pas le tordre d'une seule main

 

La travailleuse se plaint qu'elle a rencontré l'ergothérapeute seulement deux fois à la maison, et ensuite seulement dans des magasins et qu'elle n'a pas pu avoir suffisamment d'aide pour apprendre les techniques conseillées.

 

Présentement, elle a de l'aide une fois par semaine pour à peu près trois ou quatre heures pour préparer les légumes pour tous les repas.  Une fois par semaine aussi, pour le même nombre d'heures, il y a une femme de ménage qui vient passer l'aspirateur, épousseter, laver les salles de bain, plier le lavage plus lourd et faire le lavage des draps.  Une fois au deux semaines environ, un jeune homme vient faire les travaux plus lourds dans la maison, tels laver les vitres, les ventilateurs, les planchers, balayer les balcons, etc.  Elle affirme qu'avant son accident, elle s'occupait toute seule de toutes ces activités.

 

De plus, elle ajoute qu'elle a besoin de soins d'esthétique pour se faire laver les cheveux et faire une mise en pli une fois par semaine, et une fois par mois pour faire faire une teinture.

 

Lors du contre-interrogatoire par le représentant de la Commission, elle affirme avoir des enfants, une fille de vingt ans et une de quatorze ans.  Elle considère utile l'ouvre-boîte à une main qu'elle a obtenu, mais elle a de la difficulté avec la planche à clous qui n'est pas très pratique parce, selon elle, on peut facilement se blesser en l'utilisant.  Les appareils à succion ne marchent pas pour retenir les casseroles et le tranchoir à viande est utile mais pas tous les jours.

 

Elle affirme ne pas pouvoir prendre même un verre d'eau et le porter à sa bouche avec sa main gauche et elle dit que son mari ne peut pas l'aider dans la maison puisqu'il est vraiment trop malade.  Elle ajoute que son mari n'a pas demandé d'aide personnelle à domicile puisqu'il ne s'est jamais occupé de ces tâches qui lui revenaient.

 

Elle explique aussi que le docteur Daoud, lors de l'examen médical qui a donné lieu à l'arbitrage médical, a forcé la mobilisation de ses bras plus loin qu'elle ne pouvait le faire elle-même, même si elle a ressenti de la douleur.

 

 

ARGUMENTATION DES PARTIES

 

La travailleuse soutient que, depuis l'accident du 3 mai 1988, les docteurs Duplantis, Germain, Chartrand et Tremblay ont tous trouvé une symptomatologie de «dystrophie sympathétique réflexe» à son bras gauche.

 

Depuis janvier 1989, elle a reçu un montant de 324 $ par mois qui a été octroyé comme aide personnelle à domicile, qui a été augmenté le 30 novembre 1989 à 441 $ par mois et qui a été arrêté le 21 novembre 1990.  Selon l'article 162, cette aide à domicile doit être arrêtée si la bénéficiaire redevient capable d'effectuer sans aide ses tâches domestiques.  Or, la travailleuse n'est pas redevenue capable de faire ainsi et, selon le docteur Chartrand, est totalement incapable d'utiliser son membre supérieur gauche.  Elle ne peut passer la vadrouille et l'aspirateur central (c'est fatiguant quand elle travaille seulement d'une seule main), ne peut tordre le linge ou enlever les fenêtres.  Elle est seulement partiellement autonome et a droit à la continuation de ses versements.

 

Le docteur Chartrand a clairement dit, le 10 décembre 1990, qu'il est totalement opposé au rapport de l'ergothérapeute, que madame a des limitations sévères du bras gauche et qu'elle doit avoir de l'aide.

 

La Commission, pour sa part, soutient que, légalement, elle a le droit de réévaluer et de mettre fin aux indemnités selon l'article 175 de la Loi.

 

La question est de savoir si elle a besoin d'aide pour retourner à la maison, selon le libellé de l'article 158.  Or, la travailleuse a deux enfants de vingt et quatorze ans à la maison et un mari qui ne peut plus travailler.  La Commission comprend qu'il puisse être nécessaire de payer les factures d'entretien plus lourd de la maison, mais, quant au maintien à domicile, il ne lui semble pas nécessaire en l'instance.

 

Selon l'arbitre, la travailleuse aurait un syndrome de non-usage qui a probablement empiré son problème parce la travailleuse n'utilise pas son membre supérieur gauche suffisamment.  Le fait que la travailleuse se dise incapable de prendre un verre d'eau est tout à fait irréconciliable avec les trouvailles du docteur Daoud.  En lisant le rapport de l'ergothérapeute, on remarque aussi que la travailleuse n'utilise pas suffisamment les aides techniques qui lui sont disponibles.

 

Le représentant de la Commission comprend très bien l'importance des soins esthétiques pour madame, mais ceux-ci ne sont pas nécessaires au maintien à domicile, tel que l'exige l'article 158 de la Loi.  L'article 158 ne comprend pas les exigences du ménage plus lourd qui serait plutôt attribué à l'article 165.  Quant à éplucher les légumes ou se laver les cheveux, les membres de la famille pourraient l'aider.  Quant au ménage régulier de la maison, elle pourrait le faire en prenant son temps et en utilisant les aides techniques que la Commission lui a achetées.

 

Le procureur de la travailleuse répond que, depuis 1989, lorsque la Commission a accordé l'aide personnelle à domicile, rien n'a changé dans la situation de la travailleuse, si ce n'est que l'aggravation du 10 décembre 1990.

 

La décision de la Commission à la suite de l'arbitrage médical fait présentement l'objet d'une demande de révision au bureau de révision paritaire.

 

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

La Commission d'appel doit décider si la travailleuse a droit à l'aide personnelle à domicile en vertu de l'article 158 de la Loi.  Cet article se lit ainsi:

 

158.  L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.

 

 

Il doit se lire conjointement à l'article 159:

 

159.  L'aide personnelle à domicile comprend les frais d'engagement d'une personne pour aider le travailleur à prendre soin de lui-même et pour effectuer les tâches domestiques que le travailleur effectuait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion.

 

Cette personne peut être le conjoint du travailleur.

 

 

 

La travailleuse reçoit des versements d'aide personnelle à domicile depuis janvier 1989.  Ces montants ont été augmentés en novembre 1989 et toute aide a été cessée en novembre 1990, à la suite d'un rapport de l'ergothérapeute.  Si on reprend le texte de ce rapport, on trouve que, selon l'ergothérapeute, la travailleuse est seulement partiellement autonome pour la préparation des repas car, plus particulièrement, elle éprouve de la difficulté à éplucher et couper beaucoup de légumes et ne peut sortir des casseroles lourdes et encombrantes du four ou récurer une poêle.  Elle a besoin d'aide pour l'entretien ménager plus lourd, tel l'utilisation de la vadrouille, passer l'aspirateur central, laver les planchers, le réfrigérateur et la cuisinière.  Certaines de ces difficultés peuvent être palliées par l'utilisation de quelques moyens techniques, tel par exemple une brosse à long manche pour nettoyer le bain.  Cependant elle demeure quand même avec une difficulté importante au niveau de son bras gauche sur lequel elle ne peut s'appuyer pour s'aider à faire ses travaux.  De l'avis de l'ergothérapeute, elle ne peut tordre convenablement le linge lavé à la main et le suspendre pour le sécher.

 

L'ergothérapeute conclut que la travailleuse est plus autonome dans ses activités maintenant qu'elle ne l'était lors de l'évaluation de juin 1989.  Mais, elle ajoute:

 

«Par contre, il existera toujours des activités, en partie bilatérales qu'elle ne pourra exécuter.  C'est pourquoi nous suggérons, qu'advenant le cas où l'époux de madame serait hospitalisé (il souffre d'une condition médicale précaire), ou que ses filles seraient dans l'impossibilité de l'aider, de réévaluer son niveau d'autonomie.»

 

 

 

À l'audition, la travailleuse a expliqué longuement quelles étaient ses difficultés.  La Commission d'appel retient principalement les difficultés pertinentes à tout ce qui est ménage un peu plus lourd, soit le lavage de planchers, le lavage des stores, des vitres, des fenêtres, des ventilateurs, de l'intérieur du réfrigérateur et de la cuisinière, et des surfaces plus difficiles à rejoindre telles l'intérieur d'une baignoire et d'une cuvette de bol de toilette;  en effet, tout ce qui requiert que la travailleuse s'appuie ou utilise en partie son bras gauche.  De plus, le fait de couper et préparer des légumes en grande quantité pour la cuisine de la semaine est difficile pour madame.

 

L'article 158 pose comme critère d'application que le travailleur soit «incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.»

 

La travailleuse a affirmé qu'avant l'accident du 3 mai 1988, elle effectuait elle-même toutes les tâches domestiques citées plus haut.  Aujourd'hui, elle s'en dit incapable et, comme on l'a vu, cette position est en partie celle adoptée par l'ergothérapeute.

 

La Loi ne semble pas prendre en considération de façon explicite le rôle de la famille du travailleur dans un cas semblable.  En effet, la seule mention de l'aide qu'une personne est sensée recevoir de sa famille se retrouve au deuxième alinéa de l'article 159 où on permet que des frais d'engagement pour l'aide personnelle à domicile soient payés au conjoint du travailleur.  On peut en déduire que la Loi ne présume pas que le conjoint ou le reste de la famille du travailleur blessé dans un accident du travail soit sensé prendre la relève de toutes les tâches domestiques que faisait le travailleur auparavant, sans rémunération.  Par ailleurs, une certaine adaptation du train de vie familial est normale et peut être présumée.

 

En l'instance présente, cependant, le cas du conjoint de la travailleuse est assez difficile puisqu'il s'agit d'un accidenté du travail qui est en très mauvaise santé présentement et incapable de faire de grands efforts.  Ce fait a été pris en considération par la Commission lors de la décision d'accorder l'aide personnelle à domicile.

 

L'article 162 de la Loi se lit ainsi:

 

162.  Le montant de l'aide personnelle à domicile cesse d'être versé lorsque le travailleur:

 

1Eredevient capable de prendre soin de lui-même ou d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il ne pouvait effectuer en raison de sa lésion professionnelle; ou

 

2Eest hébergé dans un centre d'accueil au sens de la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-5) ou hospitalisé.

 

 

 

Est-ce que la travailleuse est devenue, après le 21 novembre 1990, capable de prendre soin d'elle-même ou d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'elle ne pouvait effectuer en raison de sa lésion professionnelle?  De son témoignage, ainsi que des rapports médicaux au dossier, sa condition n'a pas beaucoup changé depuis son accident, si ce n'est que de l'opinion de son médecin traitant, le docteur Chartrand, que pour s'aggraver.  Si elle n'était donc pas capable de prendre soin d'elle-même ou d'effectuer sans aide des tâches domestiques en janvier 1989, elle ne l'est pas non plus en mai 1993.

 

La Commission d'appel considère que la preuve qui était présentée, soit par le témoignage de la travailleuse ou à travers le dossier médical et le rapport de l'ergothérapeute, met en évidence un

 

 

 

certain besoin d'aide personnelle à domicile.  Celui-ci n'est pas de l'ampleur désirée par la travailleuse.  En effet, la Commission d'appel considère que la travailleuse peut faire une bonne partie de son ménage régulier, qu'elle peut exiger au moins de ses filles un certain support si elle doit faire la cuisine pour toute la famille;  et si ce n'est pas le cas, avec une aide-technique, elle devrait être capable d'éplucher une ou deux pommes de terre pour elle et son mari.  Elle a cependant besoin d'aide pour faire le ménage plus lourd, pour changer et laver les draps, laver la salle de bain, nettoyer l'intérieur de la cuisinière et du réfrigérateur et faire le grand ménage de changement de saison.

 

 

En conclusion, la Commission d'appel suggère que le dossier soit retourné à la Commission afin qu'elle réévalue le montant d'aide personnelle à domicile dont a besoin la travailleuse selon les indications mentionnées plus haut.

 

 

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

ACCUEILLE en partie l'appel de la travailleuse, madame Ginette Savoie;

 

 

INFIRME la décision du bureau de révision paritaire du 31 octobre 1991;

 

DÉCLARE qu'elle a droit à un montant d'aide personnelle à domicile;

 

 

RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail afin que celle-ci réévalue le montant d'aide personnelle à domicile qu'elle doit lui verser, en tenant compte du fait que la travailleuse peut s'occuper d'un ménage léger de sa maison et de la cuisine pour elle-même et son mari.

 

 

 

 

 

 

 

 

                   _________________________________

                   Pepita Giuseppina CAPRIOLO

                   commissaire

 

 

 

 

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES

 

 

 

 

S.C.F.P. LOCAL 2000

Me Michel Clément

1010, rue Liège et, 2e étage

Montréal  (Québec)

H2P  1L2

Représentant du travailleur

 

 

 

LEGAULT, HEURTEL

Me Manon Labelle

75, boul. René-Lévesque ouest

4e étage

Montréal  (Québec)

Représentant de l'employeur

 

 

 

CHAYER, PANNETON & ASS.

Me Claude Lanctot

145, boul. St-Joseph

Case postale 100

Saint-Jean-sur-Richelieu  (Québec)

Représentant la CSST comme intervenant

AVIS :
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